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Organisation du Hadj 96 par l'État : coup d'essai, coup de maître
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-
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- Title
- Organisation du Hadj 96 par l'État : coup d'essai, coup de maître
- Creator
- Issouf Zabsonré
- Publisher
- Sidwaya
- Date
- May 14, 1996
- Abstract
-
A l'instar des précédentes années, la Oumma islamique du monde entier a célébré le samedi 27 avril la fête du sacrifice jour d'Arafat) communément appelé la Tabaski ou fête du mouton.
Ils étaient donc, aux dires du ministère saoudien du pèlerinage, un million six cent mille fidèles musulmans parmi lesquels 1700 Burkinabè à avoir accompli dans la quiétude, la prière et le recueillement aux flancs du mont Arafat, dans la périphérie de La Mecque. C'est cet acte qu'on appelle, pèlerinage ou Hadj, le cinquième pilier de l'islam.
A l'opposé des années antérieures, l'organisation de cette année a été diligentée par le gouvernement burkinabè à travers une commission nationale ; malgré quelques défaillances d'ordre humain intervenues sur les lieux saints, tout s'est bien déroulé dans l'ensemble. En somme, pour un coup d'essai, ce fut un coup de maître. - Subject
- Ablassé Ouédraogo
- Aïd al-Adha (Tabaski)
- Commission Nationale d'Organisation du Pèlerinage à La Mecque
- Hadj
- Yéro Boly
- Language
- Français
- Contributor
- Frédérick Madore
- Identifier
- iwac-article-0003013
- content
-
A l'instar des précédentes années, la Oumma islamique du monde entier a célébré le samedi 27 avril la fête du sacrifice jour d'Arafat) communément appelé la Tabaski ou fête du mouton.
Ils étaient donc, aux dires du ministère saoudien du pèlerinage, un million six cent mille fidèles musulmans parmi lesquels 1700 Burkinabè à avoir accompli dans la quiétude, la prière et le recueillement aux flancs du mont Arafat, dans la périphérie de La Mecque. C'est cet acte qu'on appelle, pèlerinage ou Hadj, le cinquième pilier de l'islam.
A l'opposé des années antérieures, l'organisation de cette année a été diligentée par le gouvernement burkinabè à travers une commission nationale ; malgré quelques défaillances d'ordre humain intervenues sur les lieux saints, tout s'est bien déroulé dans l'ensemble. En somme, pour un coup d'essai, ce fut un coup de maître.
C'est le 19 décembre 1995 que le gouvernement burkinabè a mis en place la commission d'organisation du pèlerinage à La Mecque ; Piloté par les ministres de l'Administration territoriale et des Affaires étrangères respectivement MM Yéro Boly (président) et Ablassé Ouédraogo (vice-président). Cette commission nationale a vu le jour suite à un rapport très accablant de notre ambassade en Arabie Saoudite qui retraçait les conditions précaires, la misère, la galère, l'escroquerie, bref le vol et l'humiliation dont étaient victimes les pelérins burkinabè une fois arrivés sur les lieux saints de l'Islam aux fins d'accomplir leur Hadj.
C'est ainsi donc que les ministères de l'Administration territoriale et des Affaires étrangères ont été mandatés par le gouvernement pour organiser convenablement le pèlerinage dont l'unique objectif est de soulager les fidèles musulmans burkinabè des déboires et des différents maux ci-dessus cités.
La commission nationale mise sur pied s'est alors structurée en trois sous-commissions que sont :
- la sous-commission finances et transport ;
- la sous- commission sécurité, formalités et santé ;
- la sous-commission information et encadrement.
Ainsi donc, pendant quatre bons mois (de décembre 95 à mars 96) une campagne médiatique intense fut menée à travers les trente provinces du Burkina où des commissions provinciales d'organisation du Hadj avaient été mises sur pied pour la noble cause
Le record des annuités : 1700 pélérins
Cette campagne d'information et de sensibilisation aura convaincu plus d'un candidat au Hadj et dont la conséquence fut l'inscription de près de deux mille candidats.
En effet certains démarcheurs malhonnêtes avaient été mis aux aguets tandis que d'autres traqués tentaient de se reconvertir, la volonté des membres de la commission s'affichait de belle manière puisqu'elle clamait une transparence réelle dans la conduite des opérations de ce pèlerinage. C'est dire donc que de nombreux pèlerins ont été convaincus par le discours sincère des membres de la commission si bien que dans chaque confin du Burkina, on a enregistré pour la première fois des candidats au Hadj. "Depuis la Haute-Volta jusqu'au Burkina Faso, on n'a enregistré un tel record de participation au Hadj” m'a lâché Tasséré Kouanda, un des vieux routiers du pèlerinage. Un travail de fourmi a été réalisé par la commission nationale à Ouagadougou et c'est la raison pour laquelle, il eût une véritable ruée des candidats au Hadj vers ladite commission, ; aussi, sans désemparé et sans relâche les trois sous-commissions n'ont menagé aucun effort puisqu'au dernier jour du départ pour le Hadj des demandeurs continuaient de pleuvoir" ; et contre toute attente, tout semblait être mis en œuvre pour satisfaire les retardataires.
Au dernier vol de Ouagadougou, le 9 avril dernier, le président de la commission nationale, le ministre de l'Administration territoriale et de la Sécurité M. Yéro Boly était au départ pour l'embarquement de 15h à 20h ; le ministre Boly apparaissait débordé et très fatigué “Le gouvernement tient fermement au succès de cette opération et il n'est plus guestion de laisser ternir l'image de notre pays et d'humilier nos compatriotes”.
De Djeddah à Médine : point de départ des tracasseries
En quittant le 9 avril dans le second vol (après le 5 avril pour Bobo-Dioulasso et le 8 avril pour Ouagadougou) à bord d'un Boeing 747 du Qatar Air Ways affrêté par Air Afrique, nous eûmes parcouru l'axe Ouaga Djeddah de 11 500 mètres. Au décollage de Ouaga à 20h30 l'appareil avait à son bord 493 pélérins ; Etaient là à l'accueil, l'ambassadeur Oumar Diawara et son staff.
Immédiatement dans le salon d'attente et peu avant l'accomplissement des formalités de santé, de police et de douane chaque membre de la délégation est sommé d'avaler deux comprimés anti-méningite, nous dit-on ; pourtant tous les pèlérins et accompagnants avaient sur eux leurs carnets dans lesquels sont consignés les cachets de vaccination contre les choléra la fièvre jaune, la méningite et même l'antitétanique.
Aussi, sitôt ces formalités finies, il a fallu attendre à l'aéroport plus de seize heures soit une attente de 2h du matin à 18h du soir heure locale. Raison principale : les autorités aéroportuaires reprochent à la mission de convoyer un surnombre de délégués, ils étaient environ une centaine alors que ces personnes sont exemptes de payer les taxes d'aéroport. Malgré sa ténacité l'ambassadeur et les responsables n'auront guère réussi à convaincre les autorités aéroportuaires de Djeddah ; il faut donc débourser c'est-à-dire payer cash ; d'un casse-tête à un autre quelques instants avant d'embarquer pour Médine, des passeports de certains membres de la mission sont confisqués contre toute attente. Il fallait encore batailler dur pour pouvoir les retirer.
Médine : la belle et paisible cité sainte de l'Islam
Une fois, cette équation à demi résolue, la mission s'est ébranlée vers Médine où elle est arrivée à 24 h heure locale d'Arabie Saoudite. En effet c'est à Médine que repose pour l'éternité le corps du Prophète Mohammed (PSL) ; c'est aussi cette ville qui a servi de base stratégique ayant permis au messager de Dieu de vaincre par la Jihad (guerre sainte) les mécréants qui l'ont combattu depuis La Mecque. Cette cité Médine abrite également des sites historiques non moindres tels que la mosquée de Kouba où le Prophète reçut le message divin selon lequel tous les fidèles musulmans doivent s'orienter vers la Kaaba pour faire leurs prières. C'est là-bas également que se trouve le cimétière où reposent aussi les épouses du Prophète ses califes et autres compagnons des champs de batailles...
Voilà brièvement quelques explications du pourquoi tout pèlerin doit y séjourner pendant au moins huit (8) jours afin d'y accomplir dans la mosquée du Prophète quarante (40) prières à raison de cinq par jour.
A l'opposé de La Mecque, dans la cité de Médine, les pèlérins burkinabè ont été disséminés à travers sept immeubles distincts mais non loin les uns des autres, cela aux alentours de la mosquée du Prophète où doivent s'accomplir les quarante prières. Les étudiants burkinabè résidant à Médine ont été des plus indispensables. Car ce sont eux qui servaient de guides pratiques spirituels et d'interprètes.
Mieux, ce sont eux qui se chargeaient de retrouver les pélérins égarés; tout au long du séjour, ils ont fait montre de patriotisme et de bonne volonté doublée d'une disponibilité permanente. Désormais la commission nationale devra les considérer comme des membres à part entière et les stimuler au même titre que les autres. Grâce donc à ces étudiants, les huit jours passés à Médine se sont révélés les meilleurs car tout baignait dans une parfaite harmonie religieuse inoubliable.
La Mecque : l'étape pénible, point de départ du Hadj
Après cette formalité surérogatoire des 40 prières à Médine, les pélerins quittent cette ville pour La Mecque distant de près 400 km Mais avant de fouler du pied le sol de cette capitale religieuse du Royaume d'Arabie Saoudite, La Mecque le berceau du Prophète Mohammed (PSL), la ville où ce dernier reçut la première révélation divine, les pèlérins sont tenus au sortir de Médine d'accomplir la Oumra, c'est-à-dire le petit pèlerinage. Elle, la Oumra, s'effectue de la façon suivante. Le pélerin prend une douche, s'habille en tenue blanche appelée Irham et prie deux Rakaas ; à partir de cet instant, il est dit sacralisé et sitôt.
Arrivé à La Mecque il effectue les sept tours (tawafs) de la kaaba et la marche aller et retour sur les monticules de safa et marwa (say). Une fois, ce rite terminé, il retourne dans sa résidence et se désacralise en attendant le hadj ou le grand pélérinage. Cette épreuve se révèle comme un avant goût (amer) du hadj car après son accomplissement, le pelérin est complètement abattu et ne peut fournir le moindre effort. Conséquence, on s'égare facilement pour plusieurs raisons : une foule dense et bigarrée, une circulation intense, un paysage où les gratte-ciels et les collines se rivalisent de hauteur ; bref La Mecque du fait qu'elle abrite la Sainte Mosquée où se trouve la kaaba honorée, la station d'Ibrahim, le puits de Zam-zam et les monticules de safa et Marwa, attire plus d'un pélérin venu des quatre coins du monde. Aussi l'accomplissement de chaque rite se déroule comme dans une jungle où les faibles sont écrasés et où les voleurs réalisent des butins énormes. C'est un monde cosmopolite où généralement les affaires prennent le dessus sur la religion, la foi musulmane ; quelques faits : dans sa tentative de toucher la pierre noire, notre reporter a été dépouillé de tous ses biens se composant de 350 000 F CFA, son alliance en or, sa pièce d'identité burkinabè et sa carte professionnelle de journaliste. Pire des situations, le pèlerin Koné Bié de la province de la Comoé de retour de la kaaba trouva la mort à la suite d'un accident de circulation. Un automobiliste l'aurait écrasé et il a succombé à l'hôpital alors qu'on était sans nouvelles.
Avant donc le jour du hadj la psychose, la peur, la crainte de se perdre avait envahi chaque pélérin. On a même poussé un ouf de soulagement et intensifié le recueillement envers Dieu, lorsque la télévision saoudienne a annoncé le démantèlement d'un réseau de terrosistes libanais transportant plus de 30 kg d'explosifs destinés à faire sauter la kaaba.
Celui qui rate ARAFA rate son Hadj
Le vendredi 26 avril, au petit matin, les pèlerins quittent La Mecque pour Mina, une bourgade essentiellement bâtie à l'aide des tentes ; tous drapés en tenue de sacralisation (ihram), les pèlerins y passent la nuit après avoir accompli les cinq prières (Zuhr, Asr, Magrib, Icha et Fajr) raccourcies. Le 9 du 12e mois de l'Hégire c'est-à-dire le 27 avril, les pèlerins se rendent à ARAFA après le lever du soleil. Ce jour-là aucun candidat au hadj ne doit rater le déplacement de Arafa ; les malades même dans un état comateux y sont conduits. “Aux flancs du Mont ARAFA, les deux millions de pèlerins y passent la journée en se consacrant à invoquer et implorer Allah uniquement. C'est également le lieu et le jour indiqués pour demander à Dieu ce que l'on désire (paradis terrestre ou richesses, paradis au ciel, pardon des péchés, bref tous les vœux ardents). A la tombée du soleil, les pèlerins déménagent vers une autre petite localité appelée Mozdalifa pour y passer la nuit après avoir prié Magrib et Icha reunies et raccourcies à l'heure de Icha. Le lendemain, juste après la prière de Fajr, à Mina pour accomplir les derniers rites qui se composent comme suit ;
- Le lancement du socle de satan avec sept cailloux
- L'immolation du mouton, du bœuf ou du chameau ;
- Se raser les cheveux de la tête qui constitue une désacralisation partielle ;
ensuite les pèlerins repartent à la Mecque pour accomplir ce qu'on appelle le Tawaf-ul-lfadah (circumambulance) c'est-à-dire les sept tours de la kaaba ; le say ou la marche entre safa et marwa consitute le dernier acte de désacralisation totale ; on retourne définitivement à Mina pour y passer trois jours et trois nuits francs ; chaque jour, chaque pelérin va avec en poche 21 cailloux servant à lapider les trois symboles . Au bout des trois jours, le pèlerin doit lapider satan avec 63 cailloux ; c'est donc à l'issue de tous ces rites obligatoires que l'on devient hadj ; le retour définitif à La Mecque intervient à l'issue de ces rites et c'est la raison pour laquelle celui qui rate ARAFA a raté son Hadj. Durant donc ces six jours (du 26 avril 1er mai) d'intenses communions avec Allah, les actes suivants sont interdits; ce sont : _ chasser ; se parfumer ; se coiffer la tête, se tailler les ongles ; commettre l'acte charnel ; se vêtir d'un habit cousu ; se raser ou se couper les cheveux ; procéder aux préleminaires du rapport sexuel et contracter un mariage ou en formuler la demande. Par contre, il est permis aux femmes de se coiffer la tête et de se vêtir d'un habit cousu.
Toute inobservation d'un de ces interdits entraine immanquablement la nullité du hadj.
Enfin avant de regagner le bercail, les pelérins doivent accomplir un dernier rite obligatoire : effectuer la procession d'adieu autour de la Kaaba en sept tours. C'est le “tawaf-ul-wadah”.
L'organisation pratique : Le Burkina et la Gambie honorés
Au-delà de nombreuses défaillances d'ordre mineur, de querelles bizantines de personnes et d'une insuffisance dans l'encadrement des pèlerins, il faut reconnaître que l'organisation pratique de ce hadj par le gouvernement a été un succès. De ravis de l'ambassadeur du Burkina en Arabie Saoudite, à celui des vieux routiers du Hadj en passant par les pèlerins eux-mêmes et les autorités saoudiennes, cette édition 1996 a été unanimement saluée. Mieux, le Burkina Faso et la Gambie ont été les seuls pays africains à recevoir une invitation au diner du Roi Fahd d'Arabie Saoudite, un diner au cours duquel les deux pays ont reçu en plus des cadeaux, des félicitations dignes d'intérêt. La satisfaction morale est immense quand bien même beaucoup d'enseignements sont à tirer pour la prochaine campagne de 1997. Et comme leçons, il faut d'abord élaborer des critères de participation au hadj. En effet, de nombreux pèlerins et pèlerines très âgés causent énormément des problèmes à l'encadrement ; -ce sont des personnes généralement très incapables d'accomplir le moindre rite à savoir les sept tours de la kaaba. Généralement venues de milieux ruraux, ces personnes se retrouvent déboussolées, désorientées et dépassées par un paysage qui leur est totalement étrange. Par conséquent, les techniques élementaires d'hygiène leur sont méconnues. Pire des situations ce sont ces vieilles personnes qui tombent fréquemment malades. A Médine et à la Mecque, l'équipe médicale consultait au minimum 80 malades par jour alors qu'elle est composée d'un médecin, de quatre infirmiers dont deux femmes. En somme, cinq personnes de santé pour soigner 1700 autres personnes puisqu'après l'accomplissement du hadj presque tout le monde avait contracté une maladie ; la toux ou le rhume. Comme seconde leçon, il faudra étoffer l'équipe médicale qui pourrait exiger à chaque candidat au hadj un certificat médical d'aptitude au hadj.
Troisième leçon, il faudra désormais sérier la composition des encadreurs et définir leurs tâches exactes.
En effet, comme disait un confrère, nous avons vu beaucoup d'encadreurs et de guides qui avaient eux-mêmes besoin d'être encadrés et guidés. D'autres ont sombré dans la fainéantise totale oubliant leurs rôles d'encadreurs. Il revient à la commission nationale d'opérer un travail de détective pour y déceler l'ivraie de la bonne graine.
En ce qui concerne l'hébergement, nos pelérins ont été logés dans un grand immeuble nouvellement construit ; cet immeuble s'est révélé comme un “château” avec des installations (douches, toilettes, W.C) très huppées. La beauté et le gigantisme de l'immeuble ont attiré plus d'un Burkinabè résidant à la Mecque, ce qui a permis l'infiltration de plus de près 150 clandestins logeant gratuitement. A ce niveau, un travail reste aussi à faire tout comme au niveau de la restauration où des cuisinières certainement sans foi rançonnaient les pelérins avec des mets, coûteux mais dont la qualité laisse à désirer. Ce côté a connu une pagaille jamais observée. A Mina par exemple, une rixe entre cuisinières burkinabè et sénégalaises pour l'occupation des cuisines a abouti à un incendie que les sapeurs pompiers saoudiens ont réussi à neutraliser très tôt. Sinon les dégâts seraient inestimables.
Telles sont les facettes négatives et quand bien même aucune organisation humaine n'est parfaite, nous osons croire que celles-ci pourraient connaître une nette amélioration.
El Hadj Issouf ZABSONRE
Envoyé spécial
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