Article
Dr Lharbi Kechat : "L'islam ne fait aucune distinction entre la foi et la politique"
- en
- fr
- Hierarchies
-
Côte d'Ivoire
- Articles de journaux (1648 items)
- Agence Ivoirienne de Presse
- Fraternité Hebdo (74 items)
- Fraternité Matin (623 items)
- Ivoire Dimanche
- L'Alternative
- L'Intelligent d'Abidjan
- La Voie (185 items)
- Le Jour (16 items)
- Le Jour Plus
- Le Nouvel Horizon (4 items)
- Le Patriote (291 items)
- Notre Temps (5 items)
- Notre Voie (450 items)
- Publications islamiques (880 items)
- AJMCI Infos (4 items)
- Al Minbar (12 items)
- Al Muwassat Info (2 items)
- Al-Azan (13 items)
- Alif (69 items)
- Allahou Akbar (1 item)
- Bulletin d'information du CNI (1 item)
- Islam Info (695 items)
- Les Échos de l'AEEMCI (1 item)
- Plume Libre (82 items)
- Photographies (Côte d’Ivoire) (4 items)
- Références (Côte d'Ivoire) (239 items)
- Articles de journaux (1648 items)
- Title
- Dr Lharbi Kechat : "L'islam ne fait aucune distinction entre la foi et la politique"
- Creator
- Dembélé Al Séni
- Seydou Koné
- Publisher
- Plume Libre
- Date
- June 1992
- issue
- 9
- Page(s)
- 6
- 7
- number of pages
- 2
- Is Part Of
- Plume Libre #09
- Subject
- Intégrisme
- Language
- Français
- content
-
Dr LHARBI KECHAT:
“L'ISLAM NE FAIT AUCUNE DISTINCTION ENTRE
LA FOI ET LA POLITIQUE"
L'Imam Lharbi KECHAT, Directeur du Centre Socio-Culturel de la Mosquée DAHWA de Paris a séjourné récemment dans notre pays. Docteur en Sociologie et en linguistique, il est l'animateur de l'émission télévisée "Connaître l'Islam" sur antenne 2 (2e chaîne française). Pendant son séjour le Dr KECHAT a animé une conférence le 1er Mai à l'hôtel du Golf, puis une autre, Le 3 Mai à la mosquée d'Aghien. "Plume Libre" l'a rencontré pour vous quelques heures avant son départ. C'était le jeudi 6 Mai à l'hôtel Sofitel, il était 18h.
Dr Lharbi Kechat: "L'Islam est une religion ouverte qui rejette toute idée raciste"
Plume Libre: Nous vous remercions d'avoir bien voulu nous recevoir, Assa-lam Aleikoum. Il plairait à nos lecteurs de savoir comment se porte le monde musulman en France aujourd'hui.
Lharbi KECHAT: Wa aleïkoum salam. Ce qui manque à l'occident, c'est une connaissance juste de l'Islam. Je suis sûr que les occidentaux finiraient par l'accepter, car sans orgueil nous pouvons affirmer que face à la faillite de la civilisation moderne, l'Islam apporte une solution insuffler à l'humanité un souffle vivifiant qui prépare en quelque sorte le terrain afin que chacun puisse vivre sa vie d'homme à la lumière de sa servitude voulue à Dieu.
P.L: Qu'est-ce que la communauté musulmane fait pour briser le mur qui existe entre la France et l'Islam?
L.K: Je pense que le problème vient des mass-média: l'image qu'elles présentent ne reflète pas la réalité. Dans ce contexte ambigu, les musulmans sont appelés à montrer l'Islam à travers leurs comportements quotidiens afin de permettre aux gens d'en avoir une idée claire. Certains musulmans sont citoyens français, nous invitons donc les autorités à respecter le principe de la démocratie c'est à dire de donner la possibilité aux différentes composantes de la société de s'exprimer dans un cadre tout à fait légitime.
P. L.: Kofi Yamgname, secrétaire d'Etat français aux Affaires Sociales et à l'Intégration, avait dit que s'ils veulent être acceptés par la France, les musulmans doivent s'assimiler. Comment votre communauté a-t-elle pris la chose?
L. K.: Si l'Autorité française désire sincèrement créer une ambiance de cohésion sociale, elle n'a qu'à réunir les conditions permettant aux musulmans de vivre leur Islam en tant que foi et mode de vie.
P.L.: Certaines personnes pensent que les musulmans veulent phagocyter la société française au lieu de la prendre en compte dans leurs actes, n'est-ce pas là l'origine de la peur ou de la phobie des français ?
L.K.: Ce que je peux dire c'est que les musulmans ne remettent pas en cause les exploits de la civilisation moderne, ils se proposent plutôt d'apporter une réponse aux problèmes engendrés par la civilisation occidentale. Car l'occident qui a réalisé beaucoup de choses dans le domaine de la technique et de la technologie n'arrive plus à proposer un projet de société. Il y'a des blocages et il faut que les musulmans puissent s'exprimer en tant que citoyens. Car nous ne sommes pas des concurrents. Ce que nous souhaitons voir, c'est la réalisation d'une société humaine à visage humain. D'autre part, notre communauté en France est encore embryonnaire et elle rencontre deux types de problèmes. Le premier type nous incombe: il exige qu'on s'élève au niveau de l'Islam afin de dépasser les futilités. Le second concerne l'Occident qui doit cesser de monologuer pour déclencher le dialogue, c'est-à-dire accepter l'autre en tant qu'interlocuteur possédant un savoir, une façon à lui de voir les choses.
P.L.: L'Islam peut poser les jalons de ce dialogue...
L.K.: L'Islam n'a rien à se reprocher à ce sujet, c'est une religion ouverte qui rejette toute idée raciste. L'Islam est une culture en ce sens qu'elle détermine les rapports entre l'homme en tant que serviteur de Dieu et la nature, l'environnement, et entre l'homme et ses semblables, c'est la parole divine qui guide les pas de l'humanité. Dès qu'un être humain embrasse de son propre chef l'Islam, il s'intégre automatiquement dans l'ensemble de la communauté. L'Islam lutte contre l'individualisme sauvage, conséquence diabolique d'une culture stérilisante, la culture Occidentale, qui a arraché l'homme à son terreau naturel. Le monde d'aujourd'hui vit l'effondrement de toutes les illusions. L'Occident est arrivé à l'impasse. L'Islam se propose de guider les humains vers une finalité heureuse pour nous tous.
P.L.: Beaucoup d'événements se sont produits ces derniers temps en Algérie, par exemple, l'arrestation des têtes pensantes du FIS. Quelle est votre opinion sur la question?
L.K. D'abord la violence ne résoud aucun problème. Elle ne fait qu'augmenter les difficultés. Et l'appel que nous adressons fraternellement et humainement à ceux qui détiennent le pouvoir en Algérie, c'est celui du respect total du processus démocratique. Le peuple a choisi, il faut respecter le choix du peuple. Le FIS se propose pour résoudre la crise qui frappe l'Algérie. Il faut lui donner un délai, un délai légitime afin qu'il puisse réaliser son projet. Et le peuple algérien aura la possibilité et le devoir de le juger comme n'importe quel autre parti, non selon ce qu'il aura dit mais sur ce qu'il aura fait.
P.L.: Le FIS pose la question "Islam et politique..."
L. K.: L'Islam ne fait aucune distinction entre la foi et la politique. L'Islam est un tout: une foi qui siège dans le cœur et une loi qui réglemente les rapports sociaux. Pourquoi ceux qui détiennent le pouvoir en Occident comme dans le tiers-monde ont-ils peur de s'ouvrir à l'Islam ou de l'observer en tant que proposition de solution aux problèmes de l'humanité?
P. L.: La presse française et celles qui lui servent d'écho ont tendance à montrer Abassi Madani et le FIS comme des "intégristes". Qu'en pensez-vous ?
L. K. D'abord, la notion d'intégrisme n'est pas islamique, c'est un pur produit de la culture occidentale. La presse occidentale par ignorance ou par mauvaise foi ne voit que le modèle de l'expérience occidentale. Il est temps qu'elle jette un regard hors de sa sphère politico-culturelle.
P. L.: Après l'effondrement du communisme, on a l'impression qu'il y a maintenant le monde capitaliste et le monde musulman face à face.
Dans quel sens évolueront, selon vous, les rapports entre ces deux mondes?
L. K.: Les gens se trompent quand ils pensent que c'est le communisme seulement qui s'est effondré. Non! il faut se rappeler que le communisme était une proposition faite aux lendemains des premières atrocités commises par le capitalisme. Malheureusement en Occident on croit que l'effondrement du communisme est la preuve de la réussite du capitalisme. Ce qui se passe ces derniers temps aux Etats-Unis (colère des noirs de Los-Angelès, NDLR) est la preuve éclatante de l'échec du capitalisme en tant que projet de société. Comment comprendre qu'une force qui domine le monde entier avec son armement, soit incapable de faire coexister ses propres citoyens? C'est scandaleux de voir le spectacle quotidien qui consiste à traiter le
--- Page 2 ---
noir parce qu'il est noir comme un être inférieur. Je suis content malgré tout, parce qu'il faut que le système descende jusqu'à l'abîme pour qu'il y ait un nouvel ordre mondial basé non sur la force, mais sur la culture qui permet à l'homme un épanouissement spirituel et plus de solidarité.
P. L. : Comment s'organiser pour faire face à l'ordre actuel qui semble dirigé contre le monde musulman qu'on cherche à soumettre à tout prix ? On a vu ce qui est arrivé à l'Irak, aujourd'hui c'est la Lybie...
L. K. : Les musulmans sont appelés à vivre concrètement la fraternité islamique non dans le but de dominer qui que ce soit, mais afin de se doter de moyens nous permettant d'exprimer notre attachement concret à l'Islam. Ensuite, nous soulignons que l'Islam s'oppose à toute agression. L'Islam ne légitime la force que dans le cadre de la légitime-défense.
P. L. : On parle beaucoup de guerre sainte ces temps-ci : Saddam Hussein, Khadafi...
L. K. : La guerre sainte est une notion étrangère à l'Islam.
Dans sa terminologie, l'Islam nous parle de la guerre qui est le mot "harb", et du "jihad". Le jihad est réduit en Occident à une seule dimension : le recours aux armes. Non ! le jihad sur le champ de bataille n'est qu'un aspect de l'effort que le musulman déploie afin de rester homme parmi les machines.
P. L. : Il arrive quand même que les musulmans prennent les armes. En Afghanistan par exemple.
L. K. : D'abord décrire les Afghans comme des terroristes est un grand mensonge. Ce ne sont pas les Afghans qui se sont déplacés pour aller envahir l'URSS, c'est plutôt elle qui a envahi l'Afghanistan pour imposer une idéologie. Dans toutes les Constitutions, le recours à la force pour se défendre est légitime. Interrogeons l'histoire pour découvrir que le monde musulman n'a fait que réagir face à des agressions : les Palestiniens sont obligés de se défendre et de défendre leurs biens et leurs terres, les Afghans ont heureusement cimenté leur unité autour de l'Islam qui ainsi leur a garanti la victoire. Dans tous les cas, ce qu'il faut souligner, c'est que l'écart est effrayant entre l'Islam en tant que proposition et l'Islam dans sa pratique. L'Islam en tant que proposition est à l'abri de toute critique. Cependant, nous souhaitons voir nos frères musulmans à travers le monde s'élever au niveau de cet idéal islamique qui n'est que bienfait pour l'humanité entière, sans distinction de race, de religion ou d'appartenance sociale.
P. L. : Les futures relations internationales semblent toujours conditionnées par les mouvements qui secouent le monde n'expriment que l'aspiration des peuples à plus de justice et de liberté. Il faut avoir la foi et regarder l'être humain comme une créature sacrée. C'est à partir de cette idée-force que le monde musulman arrivera à rappeler le monde à l'ordre, parce que c'est un monde aveugle qui ne compte que sur la force physique ou la puissance matérielle. Les musulmans doivent rappeler à l'humanité qu'il y a une autre manière de vivre.
P. L. : Aujourd'hui, vu tout ce qui se passe notamment dans les pays musulmans, ne peut-on pas dire qu'il y a divorce entre les élites dirigeantes et le peuple ?
L. K. : Dans un Etat, les dirigeants ne peuvent continuer à diriger s'ils persistent à ignorer les aspirations de leurs peuples. On ne peut diriger un peuple contre sa volonté.
L'Imam Kechat entre nos collaborateurs K.S. et D.A.S.
les rapports entre le monde musulman et Israël. On ne comprend pas que le monde entier à travers l'ONU impose des sanctions à des pays musulmans pour des fautes moins graves que celles commises (impunément) par Israël.
L. K. : L'ONU n'est qu'un sigle sans importance, la guerre du Golfe nous l'a montré. Les rapports entre musulmans et non-musulmans ne seront normaux que quand l'humanité dans sa totalité s'engagera sur le chemin de la justice. Tous les dirigeants en réalité ne sont que des gens au service de leurs peuples. Nous demandons à ces dirigeants de respecter la démocratie dont ils se réclament.
P. L. : Un homme d'Etat a dit que les Arabes ne sont d'accord que sur leur désaccord. Qu'en dites-vous ?
L. K. : Les Arabes ne valent rien du tout ! S'ils veulent récupérer leur place, ils n'ont qu'à revenir sincèrement et massivement à l'Islam. L'Islam, c'est la "Oumma", et cette "Oumma" est appelée à faire preuve de fraternité. Fraternité qui s'exprime par deux moyens : l'affinité spirituelle et la concrétisation de cette fraternité par la création d'un marché commun. Et le monde musulman foisonne de richesses. C'est à nous donc de tenir compte des enseignements islamiques qui nous interpellent, afin d'en profiter.
P. L. : Comment voyez-vous, de la France où vous vivez l'expansion de l'Islam en Afrique ?
L. K. : L'Islam ne fait que gagner du terrain quotidiennement, et cela, grâce aux réponses qu'il apporte aux aspirations des humains.
P. L. : De grandes manœuvres sont en cours : il a été dit par exemple que la construction de la basilique ici devait servir à freiner l'avancée de l'Islam en Afrique de l'Ouest. Quel sentiment éprouvez-vous à ce sujet ?
L. K. : L'Islam nous enseigne à respecter l'autre. Et nous demandons à nos amis de tenir compte des sentiments des musulmans. L'Islam ne se présente pas en tant que concurrent, il se présente en tant que solution concrète à des problèmes concrets. L'Islam ne voit pas d'inconvénient à dialoguer avec les autres traditions afin de libérer l'homme.
P. L. : De grands penseurs occidentaux tels Roger Garaudy et Vincent Monteil se sont penchés sur l'Islam. Pensez-vous qu'ils peuvent aider leur monde à mieux comprendre cette religion ?
L. K. : En tant que musulmans, nous aimons tous les êtres humains, par conséquent, dès qu'un être humain s'engage dans le droit chemin, cela nous réjouit. L'Islam n'a pas besoin des hommes, ce sont plutôt les êtres humains qui ont besoin de l'Islam, et le meilleur d'entre nous est celui qui se met au service de l'humanité en se laissant guider par les vérités islamiques.
P. L. : Un dernier mot ?
L. K. : Que Dieu nous accorde la faveur de conformer notre vie de chaque instant aux principes de l'Islam, et que Dieu fasse de nous des témoins véridiques. J'ai le cœur débordant de joie à discuter avec vous, parce que vous représentez la génération à venir qui assumera sa responsabilité de façon meilleure que notre génération. Que Dieu vous protège. Et transmettez mes salutations fraternelles à tous mes frères et sœurs lecteurs et lectrices de "Plume Libre" Assalam Aléïkoum
Une interview réalisée par Dembélé Al Séni et Koné Seydou
La suite de l'article "Les religions et le rôle de la femme" paraîtra dans un prochain numéro Inch' Allah
Linked resources
Plume Libre #09
Issue