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La Charia entre caricatures et réalités (suite et fin)
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- Title
- La Charia entre caricatures et réalités (suite et fin)
- Creator
- Bouka Tchienfola
- Publisher
- Plume Libre
- Date
- May 1992
- issue
- 8
- Page(s)
- 7
- 8
- number of pages
- 2
- Is Part Of
- Plume Libre #08
- Subject
- Intégrisme
- Language
- Français
- content
-
LA CHARIA ENTRE CARICATURES
ET RÉALITÉS (suite et fin)
Par Bouka Tchienfola
Le voile, on le sait, constitue un point d'achoppement entre l'Islam et le monde occidental. Cependant, comme le soulignent si bien Cheikh Mohamed Saghir et Kouhmane Sultan dans l'Islam, la femme et l'intégrisme « ce n'est pas pour mépriser la femme et la dénigrer que l'Islam lui prescrit de cacher les charmes de son corps en dehors de son foyer conjugal ou familial mais c'est pour la protéger contre l'assaut des caprices, de la concupiscence, des mauvaises langues, des privautés et des regards malsains. En protégeant la pudeur de la femme, c'est l'unité de la famille qu'on protège, c'est l'avenir moral et spirituel des enfants qu'on garantit, c'est la société tout entière qu'on bâtit sur des bases solides. Si l'Islam interdit l'adultère il ne peut par la même occasion permettre à la racine du mal de se développer. Car on le sait aujourd'hui plus que jamais, l'origine de ce mal demeure l'atmosphère de "super excitation sexuelle" de la gent masculine créée par la présentation indécente des femmes. On ne peut demander à un chien de retenir ses ardeurs carnivores à la vision fréquente de viande fraîche sans propriétaire apparent, surtout qu'il n'a jamais été dompté auparavant dans le sens de ne dévorer que de la chaire achetée et offerte par son maître.
Les interdits en Islam (adultère, alcool...) ne souffrent en réalité d'aucune contestation d'ordre théorique. On s'entend tous sur la gravité du problème que constitue l'adultère. Un mari, fusse-t-il du Groënland, du Kazakhstan, de la Suisse, ou de la Côte d'Ivoire aurait la même réaction de haine meurtrière devant l'amant de sa femme, et vice versa. Tout père ou toute mère de famille digne ne laisserait volontiers sa fille être la proie facile d'irresponsables individus. Quant à l'alcool, point n'est besoin d'épiloguer là-dessus eu égard aux campagnes de sensibilisation menées ça et là à travers tous les pays pour lutter contre les conséquences désastreuses de l'alcoolisme, du tabagisme et de la drogue.
Le réel problème entre l'Islam et l'occident (en temps que courant de civilisation) est la rigueur avec laquelle cette religion aborde ses interdictions. En effet en occident, l'on préfère planter les germes du mal en espérant tout simplement calmer ses retombées, ce qui est une erreur manifeste. Demander à quelqu'un de boire juste un verre d'alcool et de ne pas en rajouter relève de la méconnaissance de l'âme humaine qui est sujette à tous les excès possibles. Faire confiance simplement à la force morale des individus pour éviter des comportements sexuels excessifs, c'est oublier la contexture même de la société car comme le dit l'Imam Mohamed Saghir dans le livre précité (P 18) « Le monde n'est pas peuplé que d'individus normaux. Il y a des malades forcenés, des névrosés, des obsédés, des paranoïaques, des vieux vicieux, des abrutis, des violeurs en puissance, des sadiques invétérés, des pervers, comme il y a des orphelins, des veufs, des veuves, des adolescents frustrés, des travestis, des profiteurs, des proxénètes à la recherche de nouvelles proies... »
Hélas ! aujourd'hui la population anormale telle que décrite semble être la plus nombreuse. Ce laxisme est malheureusement encouragé par certaines "religions" qui s'accommodent si bien avec ces nouveaux styles de vie de libertinage. On préfère celles-ci à l'Islam trop rigoureux ou "intégriste". Mais on oublie que la rigueur morale est un signe distinctif de la vraie religion. Dieu qui est transcendant et omniscient ne peut à la fois interdire un mal et autoriser ce qui peut créer ce mal. On sait aussi que ce laxisme s'explique par les retombées financières que les firmes produisant de l'alcool et leur cortège de bars ou autres provoquent notamment au niveau du fisc. Mais échanger l'équilibre moral, physique et psychique d'une société contre des devises, est-ce là la solution ? surtout quant on sait qu'en aval, l'on dépense encore plusieurs milliards pour la construction de centres de santé (hôpitaux, centres spécialisés pour alcooliques....) pour la lutte contre certaines maladies dont le SIDA... Faire fi des sommes collectées au titre des impôts sur l'alcool, c'est investir pour la lutte contre la destruction de la société. L'exemple de la lutte contre la drogue est pourtant édifiant en la matière. La drogue génère des devises importantes et pourtant à travers le monde entier, l'on a dit d'une seule voix, Non.
Telle est la vision de la Charia islamique. Ne pas installer de débit de boisson alcoolique pour ne par créer des êtres à la conscience intermittente dans la société. Créer les conditions d'une spiritualité qui vaccine la société contre les faux appétits de la chair en couvrant la femme de vêtements décents qui inspirent le respect et découragent les diables. Ainsi l'on prévient le mal pour ne pas chercher à le guérir après.
QUE DIRE ALORS DE L'INTRUSION DE L'ISLAM DANS LA POLITIQUE ?
S'il est un concept aujourd'hui le plus utilisé dans les différentes législations à travers le monde, c'est bien celui de la laïcité c'est-à-dire la non implication de la religion dans les affaires de l'Etat. L'histoire de la laïcité est bien connue. Elle découle du déclin du monarchisme absolu entre le 17ème et le 18ème siècle en Europe. Le compromis qu'il y a eu entre les révolutionnaires et le clergé à cette époque a concerné une religion, la chrétienté. pendant ce temps dans une grande partie de l'orient, l'Islam était vécu en partie ou en totalité économiquement, socialement, politiquement. Aucune révolution interne à ces pays n'a demandé le départ de l'Islam de la scène politique. Si nombre de ces pays ont par la suite adopté des législations inspirées d'ailleurs, cela s'est fait manu militari par la colonisation occidentale. Aujourd'hui cependant, force est de reconnaître que nulle part dans le monde, les législations ne font référence à une quelconque religion, à part l'Islam. L'Iran et l'Arabie Saoudite se réfèrent expressément au Coran comme base de leur législation. Bientôt en Afghanistan et dans les républiques Islamiques de la CEI, l'Islam sera la religion d'Etat. En Algérie, n'eût été le "hold up démocratique" opéré par ceux qui voguent à contre courant de l'histoire, l'Islam serait à la base de la vie politique. Dans de nombreux autres pays à population à majorité musulmane en orient, en Afrique noire comme au Maghreb, même si cela n'est pas écrit expressément, les législations se réfèrent pour l'essentiel aux valeurs islamiques en attendant la consécration politique. La position de l'islam à propos de la politique est donc claire et ne saurait souffrir d'aucune ambiguïté. Le champ d'investigation de la politique est l'homme à travers sa vie sociale. La religion ne s'intéresse pas à un personnage autre que l'homme aussi à travers sa vie sociale. Les deux champs s'entremêlant, politique et religion ne peuvent former qu'un seul bloc. En Islam il n'y a pas de scission entre religieux et laïcs, tout le monde est assujetti aux mêmes devoirs religieux. Un simple commerçant peut-être nommé Imam (chef religieux) s'il remplit les conditions suffisantes de connaissance et de foi. Il peut conserver son activité de commerçant et vaquer à ses occupations habituelles hormis les moments où il doit
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diriger les prières quotidiennes.
L'ISLAM PEUT-IL GOUVERNER ?
L'Islam a gouverné et continue de le faire. Contrairement aux autres prophètes de Dieu, le prophète Mohamed (PSL) a dirigé un État. Moïse (PSL) n'a pas atteint la terre promise. Le Christ (PSL) a été relevé vers Dieu à l'âge de 33 ans sans avoir été le chef d'une véritable communauté réunie au sein d'un État.
Le prophète Mohamed (PSL) a eu une jeunesse, a mené une vie de chef de famille et a été un chef d'État au vrai sens du terme. Ainsi sa vie toute pleine peut servir et servira pour toujours d'exemple à l'humanité toute entière. Tout au long de son apostolat, il a établi les bases d'une société Islamique, intégrant à la fois les dimensions culturelles, sociales, économiques, et politiques. L'originalité est qu'aucun de ces aspects n'est détachable de l'autre. C'est l'occasion de dire que l'Islam possède un vrai projet de société qui tient compte des réalités humaines et se distingue ainsi des visions de ces pseudo-religieux qui ont voulu bâtir à une époque de l'histoire des modèles qui relevaient plutôt de l'ordre du métaphysique. Ce projet est contenu dans ses fondements dans le Coran, dans sa pratique dans les enseignements du prophète Mohamed (PSL) et de ses vertueux compagnons ainsi que dans la jurisprudence (Fiqh). Qu'on ne s'inquiète pas. Dans un État Islamique, les droits des minorités religieuses sont garantis. « Pas de contrainte en religion » proclame le Coran à la sourate 2. Verset 256.
Durant tout l'apostolat du prophète Mohamed (PSL) ainsi que sous le règne des khalifes, les minorités Juives et chrétiennes ont été protégées et leurs droits préservés tant qu'ils ne menaçaient pas la foi et l'intérêt des musulmans. Jamais ils n'ont été assujettis aux mêmes devoirs civiques que les musulmans (exemple paiement de la zakat). Les litiges les opposant entre eux étaient tranchés selon leur législation. Y a-t-il plus grande tolérance ? Pendant que les Juifs étaient persécutés de partout en occident, ceux-ci trouvaient refuge dans les territoires musulmans. Si l'État d'Israël existe aujourd'hui, c'est bien d'abord grâce à l'hospitalité des Arabes qui leur ont offert les premières terres en Palestine pendant qu'ils étaient renvoyés d'Allemagne et d'ailleurs. On connaît la suite de l'histoire. L'ingratitude des Juifs a été la monnaie de cette marque de fraternité.
QUELLE POSITION ALORS POUR LES MUSULMANS DANS UN ÉTAT NON ISLAMIQUE ?
C'est le cas des musulmans en Europe aux États-Unis, dans les pays africains et singulièrement en Côte d'Ivoire. La laïcité qui a été érigée en principe constitutionnel dans ces pays ne peut et ne doit signifier que la stricte égalité entre les religions. Cette laïcité ne peut non plus vider la religion de toute son essence. Car cette même constitution garantit la liberté de culte en faisant référence à la déclaration universelle des droits de l'homme. Interdire la polygamie n'est-elle pas une violation de ce principe quand on sait qu'il y a en Côte d'Ivoire des millions de musulmans qui souhaiteraient se placer sous ce système matrimonial ?
Des combattants mudjahudines. Brentot l'Afghanistan République islamique.
Où est la laïcité, quand on constate sans moyens de défense que toute la vie politique nationale est régentée par une religion ?
Y a-t-il une religion d'État en Côte d'Ivoire ?
Si oui, alors cette religion devrait être celle de la majorité.
Dans ce cas alors, consultons les statistiques. Elles ne sont pas pourtant cachées...
CHARIA ET DROIT PÉNAL
S'il est enfin une critique acerbe lancée contre l'islam, c'est bien en son droit pénal. La charia est tout simplement assimilée au droit pénal. Lorsqu'on évoque en effet le terme de charia ou tout simplement du Coran dans certains milieux notamment occidentaux, c'est la vision immédiate de la main coupée du voleur, de la peine de mort. Certains chefs d'État aussi (Galfar El Nimeïry au Soudan) plus soucieux de préserver leur pouvoir que de faire la promotion de l'Islam ont commencé par appliquer ces peines en déclarant vouloir faire de leur pays des États Islamiques. Corroborant ainsi les dires des détracteurs de l'Islam.
Est-ce là la charia Islamique ?
Le Coran comporte 6236 versets. 228 seulement sont consacrés à des prescriptions juridiques, parmi lesquels 70 le code civil des biens et des personnes, 13 la juridiction et la procédure, 10 le droit constitutionnel, 10 l'ordre économique et financier, 25 les relations internationales, 30 le code pénal.
Au total, 4% du Coran pour le droit et 0,7%(*) pour le pénal. En somme la quasi-totalité du Coran traite de la foi et de la morale, de la « voie droite », c'est-à-dire des fins à poursuivre pour accomplir la volonté de Dieu.
Vouloir donc appliquer la sanction pénale en dehors de tout le contexte coranique qui lui désigne une vision globale de la vie de notre comportement, ce serait commencer par la fin. C'est-à-dire exiger des sanctions avant que ne soit réalisée la justice sociale, objectif d'abord recherché par Dieu à travers le saint Coran.
La charia n'est pas un code mais un mode de vie. C'est une loi exigeante, commandant tous les aspects intérieurs et extérieurs de la vie : Il est possible de tromper un partenaire dans une transaction, un pacte ou un contrat ; il est possible de tricher dans son travail ou ses relations avec autrui ; il est possible à un chef politique de mentir à un peuple ; mais il n'est pas possible d'être trompeur si l'on a conscience d'agir, en toute chose sous le regard de Dieu, « celui qui entend et qui sait tout ». (Coran S2. V127).
Le code pénal s'inscrit dans le contexte d'une justice sociale telle que les infractions qu'il sanctionne (vol, adultère...) n'auraient plus de place et par conséquent la sanction plus d'objet. Cela est si vrai que l'un des plus proches compagnons du prophète, Omar, lorsqu'il devint Khalife, suspendit la punition de la main coupée du voleur en période de famine, où il n'était pas possible au pouvoir de faire régner la justice sociale.
QUELLES RÉALITÉS SUR LE TERRAIN ?
Prenons un exemple bien simple : l'Arabie Saoudite où la charia est applicable et un quelconque pays européen ou américain à législation « laïque ».
Le premier pays c'est-à-dire l'Arabie Saoudite aurait une législation « barbare » selon les détracteurs parce qu'il couperait la main au voleur. Le deuxième pays serait « civilisé » parce qu'il aurait une législation beaucoup plus souple se contentant de mettre en prison le voleur.
Cependant dans le premier cas, l'Islam étant appliqué dans sa globalité, l'injustice sociale disparaît et avec elle toute forme de vol et de banditisme. Aujourd'hui en Arabie Saoudite l'on peut circuler en toute sécurité. Les cas de vol, meurtre, adultère... sont rarissimes. Les peines sont donc quasi inappliquées. La « barbarie » reste dans les textes et la paix s'installe dans la vie publique.
Dans le second cas le texte demeure « civilisé » mais la barbarie s'installe dans la vie sociale (grand banditisme, meurtres, enlèvements, viols...). Cet exemple doit servir ceux qui ont la charge de notre sécurité. Le droit seul ne peut résoudre le problème de l'insécurité. Il faut commencer par établir une harmonie entre les différentes couches sociales. Que conclure ? Que la raison retrouve son trône. Il est grand temps que l'on se débarrasse des apriorismes et des idées préconçues. L'Islam n'est pas une religion dogmatique. Il repose avant tout sur la raison. « Le Coran a été révélé pour les gens doués d'intelligence » nous apprend le saint Coran.
(*) Sélection de chiffres réalisée par Roger Garaudy
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