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Compréhension du Coran : une nouvelle lecture
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- Title
- Compréhension du Coran : une nouvelle lecture
- Creator
- Victorien Sawadogo
- Publisher
- Sidwaya
- Date
- August 16, 2000
- Abstract
- «On fait souvent un amalgame entre les valeurs culturelles arabes et les principes islamiques»... L'homme qui parle ainsi est Cheick à Tansalga, un village de la province du Lorum dans le nord du pays. Cheick Abdoul Azize Ouédraogo qui préside aux destinés de plusieurs milliers de fidèles musulmans a été pendant longtemps grand Imam de la mosquée du secteur 8 à Bobo-Dioulasso. Devenu Cheick à la mort de son père, il vit entre Tansalga et Bobo-Dioulasso. Partisan d'un islam moderne et tolérant, il lutte pour une cohabitation pacifique et cordiale entre toutes les religions au Burkina. A partir de l'Union fraternelle et de solidarité islamique qu'il dirige, il prêche pour une nouvelle compréhension du St Coran et des relations sociales. Nous l'avons rencontré à sa résidence de Pissy. Il séjourne de temps en temps à Ouagadougou. Il évoque ici sa mission et développe sa vision de l'islam dans notre pays. Lisez plutôt. Il commence par dire ce que c'est qu'un Cheick.
- Language
- Français
- Contributor
- Frédérick Madore
- Identifier
- iwac-article-0002940
- content
-
«On fait souvent un amalgame entre les valeurs culturelles arabes et les principes islamiques»... L'homme qui parle ainsi est Cheick à Tansalga, un village de la province du Lorum dans le nord du pays. Cheick Abdoul Azize Ouédraogo qui préside aux destinés de plusieurs milliers de fidèles musulmans a été pendant longtemps grand Imam de la mosquée du secteur 8 à Bobo-Dioulasso. Devenu Cheick à la mort de son père, il vit entre Tansalga et Bobo-Dioulasso. Partisan d'un islam moderne et tolérant, il lutte pour une cohabitation pacifique et cordiale entre toutes les religions au Burkina. A partir de l'Union fraternelle et de solidarité islamique qu'il dirige, il prêche pour une nouvelle compréhension du St Coran et des relations sociales. Nous l'avons rencontré à sa résidence de Pissy. Il séjourne de temps en temps à Ouagadougou. Il évoque ici sa mission et développe sa vision de l'islam dans notre pays. Lisez plutôt. Il commence par dire ce que c'est qu'un Cheick.
Cheick Abdoul Azize Ouédraogo (C. AA. O): Un Cheick est un chef religieux. Il s'occupe du développement et de la bonne marche de l'islam dans une région donnée. Pour moi, ma zone de compétence est le Lorum. il conseille et soutient les imams dans leurs activités. C'est une fonction qui s'acquiert à l'issue d'une formation islamique auprès de maîtres de la religion. J'ai fait mes études de Cheick au Mali. Elles ont duré trois ans. Il faut savoir que le Cheick est un père pour les fidèles. Il est toujours accessible et sa porte ouverte à tous ceux qui ont besoin de lui quel que soit le moment.
Sidwaya (S. ): Pourquoi avoir mis en place l'Union fraternelle et de solidarité Islamique?
A. A. O: Avec l'existence de plusieurs tendances islamiques dans notre pays, on assiste de plus en plus à des dénigrements de certains courants religieux. Or, Dieu est un pour tous et point besoin de forcer les gens à adhérer à votre façon de l'adorer. Il suffit d'avoir un comportement exemplaire et une dévotion entière à lui pour attirer les autres. C'est pourquoi, nous avons mis en place l'Union fraternelle et de solidarité islamique pour rappeler à tous les adeptes de l'islam qu'ils constituent une même famille et que les autres religions monothéistes méritent toute la considération qui sied. L'Union ne prône pas que la tolérance religieuse. Elle dispense des enseignements islamiques et pratiques aux enfants. Elle dispose à cet effet d'écoles coraniques où elle apprend surtout aux apprenants à se prendre en charge dès la fin de leur formation.
C'est ainsi que dans les écoles franco-arabes de l'union, on enseigne des métiers tels que la menuiserie, la mécanique et la maçonnerie.
L'union compte présentement une vingtaine d'écoles réparties dans les provinces du Yatenga et du Houet. Cette approche permet de rendre les écoles arabes plus utiles en offrant plus de possibilités aux élèves. Avant, ils ne pouvaient que se tourner vers l'enseignement. Le taux d'absorption dans la vie active était faible et seulement une minorité parvenait soit à continuer leurs études soit à trouver un emploi. Au départ, ces écoles dépendaient beaucoup de la coopération arabe qui visait à former une élite islamique dans nos pays. Cet objectif est largement dépassé de nos jours car, il faut former des hommes et des femmes capables de contribuer de façon substantielle au développement de leurs communautés.
S. Comment votre message de tolérance est reçu dans la communauté islamique burkinabè?
C. A. A. O.: Gloire à Dieu, notre message est bien accueilli par les fidèles. En toute chose, il faut savoir intéresser les gens. Le Coran a été écrit il y a de cela plusieurs siècles. Rien n'a été modifié dans son contenu. Cependant, il regorge de beaucoup de subtilités que tous ne perçoivent pas de prime abord. En tant que Cheick, je les aide à pénétrer l'enseignement divin. Ce n'est pas que je sois meilleur que les autres prédicateurs. Mais, j'y mets tout mon cœur et j'use de beaucoup de patience dans mon travail. Ce qui fait que les fidèles sont réceptifs à mes messages. Avec la communauté musulmane, (c'est la mère de tous les musulmans), il n'y a pas de problème également. Nous sommes en bon terme car nous sommes respectueux de tous et de la hiérarchie. Quant aux prédicateurs qui s'emploient souvent à dénigrer les autres croyances, nous pensons que c'est la méconnaissance du travail qui explique leur comportement. Nous essayons de dialoguer avec eux car c'est en communiquant que nous parviendrons à l'unité tant souhaitée. Quelqu'un a dit que celui qui cultive le mil rouge ira en Enfer tout comme la vendeuse et le consommateur de dolo. Il fait en réalité une mauvaise lecture du Coran. Il ne faut pas pour autant lui en vouloir car un même verset peut avoir plusieurs significations. Il faut arriver à lui faire comprendre que Dieu qui a fait toutes choses donnent à chacun la liberté d'action. Une bonne compréhension des enseignements divins ne peut que rapprocher les croyants. Par la grâce de Dieu, il n'y a pas de conflit ethnique ou religieux dans notre pays. A nous de savoir respecter sa volonté et ne pas confondre culture islamique et préceptes religieux.
La Charia, loi islamique tire son fondement du Coran mais elle ne pourrait s'appliquer au Burkina car nous avons aussi nos valeurs culturelles et notre constitution. L'adultère est puni de mort dans les Etats Islamiques. C'est beaucoup plus une valeur culturelle que religieuse. En effet, Dieu dit de ne pas attenter à la vie d'autrui. Il enseigne de s'éloigner du mal pour le salut de nos âmes.
Par ailleurs, le commerce de dolo est autorisé par les lois de ce pays. Des gens gagnent honnêtement leur vie par cette activité. Notre prédicateur n'a donc pas raison de s'attaquer à eux. Il peut tout au plus s'adresser à ceux qui suivent la même voie que lui. Mieux, il doit savoir que le Coran contient aussi des valeurs culturelles arabes qui ne sauraient être transposées textuellement chez nous. On fait souvent la confusion entre les enseignements religieux et les valeurs culturelles islamiques. Ce qui n'est pas de nature à consolider notre jeune communauté religieuse. Un musulman au Burkina ne doit pas rejeter son frère parce qu'il est animiste ou chrétien. Il doit le comprendre et respecter son choix car en dehors de l'animisme, toutes les religions viennent d'arriver dans notre pays.
Nous tenons d'ailleurs encore à nos traditions. En témoigne le respect que nous avons pour une institution comme la chefferie traditionnelle. Ce qui signifie que nous avons intérêt à nous respecter mutuellement car nous sommes un seul peuple.
S; Quelle analyse faites-vous de révolution sociale au Burkina?
C. A. A. O, Je trouve que les parents ne s'occupent pas assez de l'éducation de leurs enfants. Pourtant, il leur est fait obligation de pourvoir à une bonne éducation de leur progéniture.
Ensuite, les familles polygames ne vivent pas selon les préceptes en la matière. Il y a une discrimination, entre les femmes et les enfants. Certes, Dieu a permis de prendre jusqu'à 4 femmes quand on est musulman mais il précise que celui qui ne peut pas être juste envers les 4 femmes se limite à une seule femme.
Ici aussi, les gens sont plus enclins à prendre plusieurs femmes qu'à respecter leur devoir. Conséquence, on rencontre des familles qui s'entre-déchirent. La plupart du temps, la responsabilité incombe au mari et aux femmes qui font preuve d'égoïsme.
Les jeunes de maintenant ne respectent pas beaucoup les aînés. Ils s'y méprennent car ils vieilliront eux aussi. Ce qu'on ne veut pas qu'on vous fasse, il ne faut pas le faire à autrui. Le sexe est également peu respecté par les jeunes qui prennent surtout du beau temps avec les filles. Les divorces sont de plus en plus nombreux, la jeunesse doit se ressaisir car elle est l'avenir de ce pays.
La vie de débauche n'engendre que la ruine et la désolation. J'invite enfin les jeunes à plus de ferveur religieuse car il y a beaucoup à gagner.
S.: On accuse les leaders musulmans de s'adonner à la politique. Qu'en est-il exactement?
C. A. A. O.: Personnellement, je ne fais pas de la politique. Mes activités religieuses me prennent, du reste, beaucoup de temps. Je ne pense pas qu'on puisse concilier les deux activités car se mettre au service de Dieu n'est pas chose facile.
Par ailleurs, les leaders religieux font partie de la société civile et sont appelés parfois à jouer le rôle de conciliateurs. S'ils sont juges et parties, comment pourront-ils se proposer en médiateur.
S.; Les grands musulmans sont censés posséder des pouvoirs bénéfiques et maléfiques. Est-ce vrai?
C. A. A. O.: Dieu a dit qu'il aime ceux qui construisent et font le bien. Il ne conseille donc pas de faire du mal. Il y a des brebis galeuses partout. Il n'est pas juste d'attribuer des pouvoirs maléfiques aux grands hommes de Dieu même s'ils sont des musulmans car nul n'est à l'abri de la tentation de Satan.
Je veux dire que seuls ceux qui s'écartent de la voie de Dieu songent à faire lé mal. Pour terminer, je demande à Dieu de bénir notre pays et qu'il le préserve du mal.
Entretien rélisé par Victorien SAWADOGO