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Le président à Gagnoa
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- Title
- Le président à Gagnoa
- Creator
- Koffi Atta
- Publisher
- Fraternité Hebdo
- Date
- July 18, 1985
- Page(s)
- 4
- 5
- 6
- 7
- 8
- 9
- 10
- 11
- 12
- number of pages
- 9
- Subject
- Yacouba Sylla
- Félix Houphouët-Boigny
- Bouaké
- Yamoussoukro
- Gagnoa
- Élection présidentielle ivoirienne de 1985
- Language
- Français
- Contributor
- Frédérick Madore
- Identifier
- iwac-article-0007765
- content
-
LE PRÉSIDENT A GAGNOA
LE CHEF DE L'ÉTAT AU STADE BIAKA BODA:
Entretenons toujours l'amour et la fraternité
Nous publions ci-dessous la réponse que le Chef de l'Etat a faite aux différents porte-paroles des cadres et de toute la population de Gagnoa. Ce texte important résume l'esprit de cette visite mémorable et ouvre judicieusement le reportage qui lui est consacré et que l'on lira à partir de la page 10
Chers frères et chères sœurs,
C'EST avec une joie très profonde que je tiens la promesse que je vous ai faite le 27 janvier de venir parmi vous confirmer à quel point vous êtes proches de mon cœur et de mes pensées.
Je n'ai jamais douté un seul instant de votre amitié, de votre dévouement, de votre sens du sacrifice au service de la patrie ivoirienne depuis les dures journées de combat que nous avons connues ensemble pour l'avènement de nos libertés.
Me voici aujourd'hui à Gagnoa, chez moi; tant il est vrai que tout Ivoirien digne de ce nom, doit se sentir chez soi partout en terre ivoirienne. On ne le soulignera jamais assez: la Côte d'Ivoire est une et indivisible.
Qu'exprimer devant ce flot humain, ce grand concours de population venue de toute la région de Gagnoa, des régions voisines et des quatre coins du pays ?
Que dire devant ces applaudissements frénétiques, ces danses, ces chants mélodieux auxquels nous ont habitué nos frères et sœurs Bété, ces sourires, cette joie communicative de tout un peuple?
Oui, chers frères et chères sœurs, mes très chers enfants, l'enthousiasme de votre accueil m'est un cadeau royal, plus riche qu'or et diamant, et les mots sont faibles pour vous exprimer toute ma reconnaissance devant cette manifestation de loyalisme et de dévouement à la cause commune.
Le Chef de l'Etat s'adresse à la population de Gagnoa au stade Biaka Boda: «... Je peux encore vous répéter ce que je considère comme essentiel, vital: ne pas laisser dépérir le vaste plan d'amour et de fraternité qui nous porte les uns vers les autres, mais bien au contraire l'entretenir, l'attiser...»
La région de Gagnoa résume dans son histoire, les difficultés de tous ordres que nous avons rencontrées, de la création du Syndicat des planteurs à la reconnaissance de notre indépendance.
Sa fière population n'a jamais accepté l'esclavage et s'est engagée dès la première heure dans notre lutte contre l'injustice et la confiscation de nos libertés.
C'est dans ces périodes dures et fertiles en dangers que se révèlent les âmes fortes.
Aujourd'hui, dans son terroir, je veux rendre une fois encore un hommage tout particulier à un des premiers grands militants, figure de proue de la résistance à l'oppression coloniale: Biaka Boda, fidèle parmi les fidèles, mon frère de lutte qui partagea nos peines et nos espoirs, trop tôt disparu, pour voir fleurir l'arbre de la liberté.
J'associe à sa mémoire, à son souvenir lumineux, tous nos chers disparus tombés pour une juste cause, « entre les plus beaux noms, leur nom est le plus beau » a dit le poète.
Gardons-les précieusement dans notre cœur comme un recours permanent contre les hésitations, les doutes, les dénigrements.
Les décevoir serait plus qu'une faute, un crime.
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LE PRÉSIDENT A GAGNOA
Par bonheur, leur grand exemple se retrouve parmi les vivants qui ont trouvé, ici, soit par la naissance, soit par alliance, soit par les hasards de la vie, un lien de travail et de réussite à la mesure de leurs qualités et de leur militantisme, je citerai entre autres, l'illustre fils adoptif de la région, le fidèle Yacouba Sylla, le tranquille, mais combien efficace, Henri Kouacou, le dynamique et écouté chef de province N'Gues-san Kouassi, nos députés Domoraud, Dacoury, Yalé, Yoro, le conseiller économique Gbizié,
MON MESSAGE:
C'est un lien de plus entre Gagnoa et Yamoussoukro, dont vous célébrerez bientôt le jumelage.
En effet, l'avenue Houphouet-Boigny qui tombe directement sur la route de Yamoussoukro-Sinfra-Gagnoa dont les travaux de bitumage du dernier tronçon Sinfra-Gagnoa commenceront dans trois mois, permettra de relier les centres des deux communes distants de 145 kms.
Il y aura 25 ans, le 7 août prochain, que la Côte d'Ivoire entrait dans l'histoire en tant qu'entité nationale.
Nous ferons au cours du congrès le bilan de notre jeune histoire, sans dissimuler les erreurs ou les fautes qui ont pu être commises.
Mais sans verser dans le triomphalisme nous pouvons affirmer que la Côte d'Ivoire a progressé dans maints domaines.
Reconnaissons néanmoins qu'il nous reste encore beaucoup à faire.
Dans l'immédiat, en ce jour béni de nos retrouvailles personnelles, je veux encore vous répéter ce que je considère comme essentiel, vital: ne pas laisser dépérir le vaste plan d'amour et de fraternité qui nous porte les uns vers les autres, mais bien au contraire l'entretenir, l'attiser pour en faire un feu ardent inextinguible.
Dans les années à venir, le pays exigera de nous, toujours, certes plus d'effort, de sacrifice, mais aussi et surtout de solidarité, de tolérance, de communion des cœurs.
Je voudrais faire partager à tous nos compatriotes, la conviction qui m'anime dans la prière fervente que j'adresse quotidiennement au Tout-Puissant pour qu'aucune goutte de sang ne soit versée ni par moi, ni à cause de moi, en Côte d'Ivoire ou ailleurs dans le monde, pour que les différends qui pourraient éventuellement surgir entre les frères ivoiriens, entre le peuple ivoirien et d'autres peuples, quelles qu'en soient l'origine et la nature, soient réglés de façon pacifique, par le dialogue, à l'exclusion de tout recours à la force, pour que chaque jour qui naît, voit se renforcer chez tous les hommes, mes frères, l'amour du prochain, de la paix et de la justice.
nos préfets et sous-préfets, nos enseignants, nos médecins, nos ingénieurs, nos pharmaciens, nos secrétaires généraux de section dont la contribution est décisive, pour la construction nationale; à tous, connus ou inconnus, je dis ma profonde estime et ma reconnaissance.
Je voudrais adresser un remerciement particulier à Monsieur le député maire Dacoury et au conseil municipal de Gagnoa, pour avoir donné mon nom à une des plus belles rues de leur cité.
PAIX, UNITE
Je ne voudrais pas vous infliger un long discours: ce que la bouche ne peut exprimer, le cœur le dit mieux et nos cœurs se comprennent.
Je serais heureux dans quelques instants de m'entretenir avec les représentants des différentes délégations de la vaillante population de la région de Gagnoa: cadres, chefs notables et paysans, jeunesse, espoir et certitude d'une Côte d'Ivoire, modèle et moderne.
Nous examinerons avec la plus grande compréhension, comme cela se doit entre des frères, les problèmes qui nous seront exposés.
Vous pouvez nous faire confiance!
Nous, nous vous faisons entièrement confiance!
Le message que vous attendez de moi, vous l'avez devant vous inscrit sur les pagnes:
PAIX
UNITÉ
Puissent la volonté de Paix et d'Unité inspirer nos actes quotidiens pour le plus grand bien de notre Patrie bien-aimée, je le souhaite de tout mon cœur.
Vive Gagnoa!
Vive la Côte d'Ivoire tout entière rassemblée dans le même idéal de paix, d'unité, de solidarité, de fraternité!
Les danses et les chants mélodieux de la région Bété au rendez-vous de cet accueil inoubliable.
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LE PRÉSIDENT A GAGNOA
LE CHEF DE L'ÉTAT AUX CADRES:
La succession d'Houphouet
c'est l'unité, la paix et l'esprit d'équipe
En 1944, quand je me suis rendu dans la région de Tabou, cette belle région comptait très peu d'écoles donc très très peu de cadres. Et j'ai dit à ceux qui étaient venus m'accueillir, avec des vivats comme aujourd'hui encore à Gagnoa, que je voudrais plusieurs Houphouet. C'est ce que je vous répète en 1985. Et les Houphouet sont là.
Car vous venez de nous tenir un langage responsable, comme je l'ai souligné aux élus. Nous sommes de moins en moins embarrassés. Bien sûr, quand un pays se développe, il pose aux responsables beaucoup plus de problèmes que ceux qui ne se développent pas. Un exemple entre mille du gage même de notre développement: j'ai fait mention des cadres. Si nous parvenons à 98% de scolarisation, les familles dans lesquelles il y aura 2% de non-scolarisés diront que nous n'avons rien fait. Et elles auront raison. Aujourd'hui, vous êtes des responsables. Vous reconnaissez le peu que nous avons fait. Et vous reconnaissez la force de la chaîne des générations. Avec beaucoup d'humilité, votre porte-parole disait qu'ils ne transmettront pas à leurs cadets à eux davantage qu'ils n'ont reçu de nous. C'est une humilité qui l'honore, mais ce n'est pas la réalité. Nous vous préparons pour transmettre davantage à vos successeurs.
UNE BELLE REGION
Vous nous présentez un cahier de doléances. Nous allons l'étudier avec vous. Il faut que vous participiez, il s'agit de la participation maintenant. Bien sûr, pardonnez-moi cet exemple du médecin que je demeure, la technique très poussée aujourd'hui, peut se passer des déclarations du malade. Mais l'homme reste toujours l'homme. Il faut que le malade arrive à corriger quelquefois la technique, en disant: « docteur, je souffre ici davantage; c'est ici que j'ai davantage mal ». C'est ce que vous allez faire, à Gagnoa, comme partout. Il faut des pôles de développement. Il faut que les cadres de chaque région, qui sont les piliers, servent l'ensemble de la communauté ivoirienne. Il n'y a pas de dualité, au contraire! Il faut que chaque cadre, qui connaît le mieux les réalités de sa région, les vrais besoins de ladite région, propose. Proposez ! Ne vous découragez pas! Agissant ainsi, vous ne nous troublez pas. Au contraire, proposez des solutions. Vous avez énuméré vos problèmes, point par point.
D'abord, les routes, facteur essentiel. Tout est relatif, mais disons que, par rapport à d'autres régions, votre région est la mieux desservie. Et nous devons poursuivre. Il ne vous reste plus, parmi les grands axes, que Gagnoa-Issia. Je vous ai annoncé aujourd'hui le bitumage de Gagnoa-Sinfra. Vous savez bien, puisque vous êtes de Gagnoa-ville, que nous avons deux artères qui permettent une communication permanente entre Yamoussoukro et Gagnoa. Que vous partiez de Gagnoa, Oumé, Kokoumbo, vous n'arrivez plus à Toumodi, vous gagnez 35 kilomètres, et vous rentrez au cœur
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LE PRÉSIDENT A GAGNOA
Un instantané de la séance de travail avec les cadres du département.
même de Yamoussoukro. Aujourd'hui, je viens de vous annoncer le début des travaux de bitumage, d'ici à trois mois, de l'axe Gagnoa-Sinfra. C'est exactement la même situation. Mais cela ne suffit pas. Si vous allez vers Yamoussoukro, vous ne devez pas tourner le dos à Ouragahio. Donc il faut que nous envisagions des routes vers Guibéroua et d'autres sous-préfectures puisque vous en demandez encore trois. Cela est la plus facile des choses; vous me les désignerez et je vous les donnerai.
Il faut rapprocher l'Administration des administrés, judicieuse revendication, donc. Pour le reste, c'est un problème de moyens. Et je veux que vous envisagiez le problème avec tout le sérieux que la situation exige. Qu'est-ce à dire?
Nous sommes fiers de dire que nous sommes les premiers producteurs de cacao en Afrique, les premiers producteurs de café en Afrique, de banane, d'ananas. Mais dans quinze ans, vos enfants n'accepteront pas de prendre la machette, de continuer à prendre la machette et la daba pour le café et le cacao. Il faut envisager une adaptation particulière, compte tenu de l'évolution. Les pays les plus développés n'ont pas de cacao ni de café. Mais leur agriculture est très florissante. Donc, nous aussi, nous pouvons réaliser la même chose. Votre porte-parole, Vincent Lokrou, est lui-même de l'agriculture. Il sait que, jusqu'ici, nous parlons de tonnage: 500 mille tonnes de cacao, 300 mille tonnes de café. Nous n'avons jamais pensé au tonnage à l'hectare. Si vous voulez que les jeunes qui demain, vont assurer la relève de leurs aînés dans le développement agricole le fassent, il faut que les aînés, dès maintenant se penchent sur la question de la productivité. On gagne autant d'argent avec le maïs, l'igname, la banane, qu'avec le café et le cacao, mais à condition qu'il ne soit plus récolté deux tonnes de maïs à l'hectare, mais cinq, sept comme cela se voit, se pratique aux États-Unis par exemple. L'igname noire qui est partie de chez nous, qui a fait avec l'esclavage un petit séjour au Brésil, donne aujourd'hui cinq tonnes à l'hectare chez nous, 10 tonnes à l'hectare au Brésil, pousse bien en Floride où on l'appelle « Florido » et y est produite de 35 à 40 tonnes à l'hectare. C'est dans cette direction que vous allez agir désormais, pour préparer la relève.
DÉVELOPPONS L'ESPRIT D'ÉQUIPE
Bien sûr, il ne faut pas nous faire des illusions. Nous lutterons de toutes nos forces pour conserver le plus de forêts possible - Mais avec l'accroissement de la population et le développement de l'agriculture il y aura des forêts que nous perdrons, mais au bénéfice d'une agriculture adaptée, rentable. En examinant les besoins agricoles de la région, cela est valable pour vous comme pour toutes les autres régions, vous envisagerez quoi? Produire en grande quantité, conserver en attendant mieux: c'est-à-dire transformer. Voilà, vous avez une œuvre d'éducation à mener en direction de toute la jeunesse. Ceux qui seront heureux demain au volant de tracteurs et non pas avec la machette et la daba, mais au volant de tracteurs pour mettre en valeur leurs terres, et leurs frères qui seront dans les usines pour transformer toute cette production. Voilà la direction dans laquelle vous devez d'ores et déjà vous engager. Et c'est pour cela que votre travail doit être fait de façon minutieuse à ce niveau en attendant.
Nous ne sommes plus au creux de la vague. Nous en sommes sortis. La côte nous apparaît maintenant; il faut aller vite. Et c'est pourquoi, je vous dis que la Côte d'Ivoire a besoin de rassembler tous ses cadres, qui sont
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LE PRÉSIDENT A GAGNOA
La rencontre
avec
les cadres
notre fierté. La raison pour laquelle je n'ai pas répondu à Vincent LOKROU réside en ceci : il ne sert à rien de parler des égarés. C'est triste ! Répondons-leur en les écrasant de notre mépris, jusqu'à ce que ceux-là se relèvent.
Nous attendons tous ceux qui sont partis. Ils vont revenir. Il y a de la place pour toutes les bonnes volontés. Nous ne leur tenons pas rigueur de leur égarement. Serrons les rangs, et développons l'esprit d'équipe. Il est malheureux de constater et je vous le dis ici que des journaux réduisent la préoccupation majeure de la Côte d'Ivoire à la succession d'Houphouet. Ce n'est pas là le problème. La succession d'Houphouet, c'est l'Unité, la Paix, l'esprit d'équipe. Dès lors tout homme qui sera désigné ou choisi poursuivra l'œuvre de construction nationale dans les meilleures conditions possibles.
Si je vous dis cela ce n'est pas pour me dérober à mes devoirs... C'est vous dire que nous y réfléchissons. Et nous associerons le pays au choix du successeur...
« JE VOUS FAIS CONFIANCE »
Comme nous le disions auparavant, nous devons vous associer dans la recherche des meilleurs moyens visant à créer à Gagnoa un pôle de développement, par la participation active des cadres. Demain, sur toute l'étendue du pays, on multipliera les séminaires : dans un premier temps, des séminaires d'enseignants, de médecins, d'ingénieurs, d'architectes, etc. Puis, dans un second temps, puisque notre société n'est pas compartimentée, tous ces corps seront réunis ensemble, de manière solidaire comme le sont mes ministres dans les décisions gouvernementales.
Vous nous proposerez les solutions qui correspondent le mieux aux intérêts de la région. Notre engagement à nous vis-à-vis de vous sera tenu dans la limite des ressources du pays. nous irons aussi loin que possible si les moyens nous le permettent. Je vous le disais ce matin : « faites-nous confiance ». Croyez-vous que ce n'est pas un plaisir pour nous, responsables, de pouvoir donner satisfaction à des frères qui ne demandent qu'à apporter leur contribution, leur pierre si petite soit-elle à la construction nationale ? Vous êtes en train de nous faciliter la tâche, bien que cette tâche aujourd'hui soit plus complexe. Mais le poids de la charge n'écrase pas l'homme porté par son peuple et par la grâce de Dieu.
Ainsi, bien que la tâche soit devenue plus lourde, c'est donc avec beaucoup de réconfort que j'envisage des solutions, assuré de votre concours. Grâce à vous, les cadres, nous pouvons trouver pour chaque région les solutions les plus appropriées pour la satisfaction des besoins. Vous êtes venus de tous les quatre coins du pays. C'est beau, mais retrouvez-vous après ma visite pour penser aux solutions à nos problèmes. Tuez la jalousie qui paralyse.
J'ai rendu hommage au vieux Yacouba Sylla. Ce sont des hommes de prières. Ils ne nuisent pas. Car le grand danger, ce sont ces faux serviteurs de Dieu qui vous dressent les uns contre les autres. Si vous ne vous gardez pas de les consulter, ils ne vous faciliteront pas la tâche d'unité.
Il faut que vous résistiez à leur action. Parce que ce qui m'inquiète le plus, c'est en effet le manque de confiance les uns dans les autres. Cet arbitrage par des faux croyants, par des faux serviteurs est condamnable. Quand on sert Dieu, on n'emprunte pas le chemin du mal, mais celui du bien. Or, ceux-là vous diront : « un tel veut votre place, tel autre veut vous tuer. » Vous avez ainsi un ennemi qu'on vous désigne. Tout ce que nous entreprenons sera détruit, s'il n'y a pas de confiance à la base.
Je suis obligé à mon âge de ne pas vous cacher la vérité : si nous voulons triompher, il faut que nous ayons confiance les uns dans les autres ; il faut que nous écartions, comme un ennemi de notre famille et du pays, tous ceux qui veulent nous diviser. Il faut dépasser la jalousie. Je vous fais confiance.
Pour les Universités nous n'en voulons pas plusieurs. Ce que nous voulons c'est une décentralisation. Une telle action est beaucoup plus rentable. Nous n'allons pas nous limiter aux trois seules Universités (dont deux sont en projet) : Abidjan, Bouaké et Korhogo. Car il n'y a pas une seule discipline, il y en a plusieurs. Mais, au fur et à mesure, que nos moyens le permettront, nous les décentraliserons davantage au bénéfice des régions comme la vôtre, Daloa et Man. Et cela je le répète, sera plus rentable pour le pays.
Pour conclure, permettez que je vous dise mon extrême satisfaction. Ce rassemblement massif aujourd'hui à Gagnoa va faire taire tous ceux qui croyaient à la division du pays.
Je vous l'ai dit, je le répète : je suis ici chez moi. Il faut que vous aussi vous puissiez faire en sorte que vous vous sentiez partout chez vous.
Je vous remercie ».
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LE PRÉSIDENT A GAGNOA
LE PORTE-PAROLE DES CADRES :
Un sentiment de fidélité
et de reconnaissance au Père de la Nation
« M. le Président de la République, Président du Parti,
« … En vérité l’occasion que vous nous offrez ici est belle, M. le Président, pour exprimer tout haut afin que la Nation l’entende nos sentiments les plus profonds de satisfaction et de fierté pour l’attention toute particulière dont vous avez toujours honoré notre région, ses ressortissants, ses cadres. Nous tenons par conséquent, à nous inscrire en faux, publiquement, contre certaines allégations pernicieuses de ceux passés maîtres dans les actes les plus infâmes de mystifications, ces sans-conscience qui s’acharnent par leurs comportements irresponsables à jeter l’opprobre et le discrédit sur les cadres vrais de Gagnoa.
Nous voulons tout simplement que vous soyez assuré, M. le Président de notre sens profond de loyauté qui ne saurait jamais s’émousser parce qu’aiguisé par un profond sentiment de reconnaissance envers la Nation.
Nous ressentons fierté à participer pleinement et en toute conviction à l’édification, au sein de notre génération, de ce sublime sentiment de militantisme engagé dans les sillages féconds de nos aînés dont vous êtes, M. le Président, le plus illustre symbole. Ce militantisme pour une cause dont la noblesse ne flétrira jamais puisqu’il s’était agi hier de rendre dignité à un peuple humilié, exploité, économiquement marginalisé, ce militantisme pour une cause d’une infinie noblesse puisqu’il s’agit aujourd’hui d’assurer à ce peuple, notre peuple, les conditions de sa véritable émancipation économique, ce militantisme, M. le Président nous fascine, dans le plus noble sens du terme, et nous inspire un profond sentiment de gratitude envers vous, nos aînés, qui avez souffert, parfois même payé de votre vie, pour nous préserver des dures contraintes du dénuement, de la misère, de l’ignorance.
Vincent Lokrou, porte-parole des jeunes et des cadres de la région.
LES ERREMENTS DES MARGINAUX
Devant une œuvre d’une telle dimension, d’une si grande portée, les cadres de cette région solidaires de la Nation ne peuvent que s’incliner respectueusement. Ils tiennent à vous en rendre un hommage filial, sincère. Ils ont pleine conscience de leur dette envers la Nation et envers vous M. le Président. En particulier ils n’oublieront jamais votre action en faveur de la formation des cadres de ce pays, action dont ils ont tous bénéficié à quelque niveau que ce soit. En effet, est-il besoin de rappeler que parmi les premiers étudiants que vous avez envoyés en France dès 1946, certains étaient originaires de ce terroir. De même, les vagues successives de boursiers qui ont eu
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LE PRÉSIDENT A GAGNOA
Une rencontre intense et chaleureuse
Au cours de la visite qu'il a faite chez eux, le Chef de l'Etat a reçu les doléances des cadres de Gagnoa. L'occasion était trop bonne, elle a été saisie. Ce n'est pas tous les jours, en effet, que l'on peut accueillir en hôte le Pouvoir en personne! Donc, les cadres, par la voix de leur porte-parole, ont souhaité la création ou l'aménagement de pistes villageoises, pour désenclaver les villages; le bitumage du tronçon routier Gagnoa-Sinfra, la création de puits villageois, la construction de bâtiments administratifs, l'ouverture de nouvelles sous-préfectures; surtout des initiatives qui feraient à terme de Gagnoa un pôle de développement économique, etc.
Séance presque tenante, le Chef de l'Etat a promis que beaucoup de ces doléances seront réalisées: ainsi du bitumage Gagnoa-Sinfra qui démarrera dans trois mois.
(suite en page 12)
Les cadres
l'immense privilège de jouir des faveurs de l'Etat depuis cette époque pour des études sur place comme à l'extérieur ont inclus en nombre toujours croissant, des fils et filles de cette région.
C'est pourquoi nous sommes écœurés par l'attitude de quelques-uns qui se laissent aller à une démagogie indigne du sens du réalisme et de l'honnêteté de cœur et d'esprit qui caractérise les hommes de cette région. Nous réprouvons du plus profond de nous-même les errements de ces marginaux et tenons à vous réaffirmer que jamais nous ne nous laisserons distraire par leurs propos irresponsables, et ne laisserons place à Gagnoa à quelque agitation destructive d'où qu'elle vienne; plus jamais!
Les braves populations paysannes et commerçantes de cette région ne demandent qu'à vivre le plus intensément du monde cet idéal de fraternité et de concorde qui est la racine pivotante de votre action politique.
Nous les cadres avons dans cette optique l'exaltante responsabilité de faire germer et s'éclore la graine de l'union en nous faisant les échos fidèles, et les traducteurs honnêtes des mots d'ordre du Parti auprès de nos parents, de nos frères des villages. Force nous est de reconnaître que nous avons parfois déçu les espérances de nos parents en restant souvent trop souvent timorés, refrenant en nous, sous divers prétextes, la préoccupation qui doit être en permanence la nôtre de nous intégrer plus harmonieusement à notre terroir par des actes positifs de participation.
Mais votre visite, M. le Président, et l'historique rassemblement de Yamoussoukro du 27 janvier auront ravivé en nous, pour ne plus jamais qu'elle s'éteigne, la flamme de la vigilance militante, de la foi renouvelée en la destinée prodigieuse de notre cher pays et de notre région, et de la confiance en nous-même pour notre contribution encore plus effective à l'effort de construction nationale.
En méditant cette pensée de vous on ne peut plus édifiante et qui dit «Dans cette Côte d'Ivoire où est si vive la conscience de la responsabilités de génération en génération, la fierté veut que riche ou pauvre — tout est relatif — chacun de nous laisse à la génération future davantage qu'il n'a reçu», en méditant cette pensée dis-je nous réalisons avec humilité à quel point il sera difficile à notre génération et à toute autre à suivre d'égaler, à plus forte raison de donner mieux que ce que vous nous avez assuré et qui s'énonce avant tout: liberté, sécurité, paix. Ce que nous pouvons tout au mieux tâcher d'accomplir c'est de veiller avec scrupule à préserver ce legs inestimable.
Les jeunes et les cadres de cette région, en parfaite harmonie de cœur avec tous les jeunes et cadres de Côte d'Ivoire, voudraient solennellement par ma modeste voix, vous faire le serment de leur fervent engagement sur cette voie de la haute conscience nationale.
Dieu vous garde, M. le Président, afin que prospère pour toujours une Côte d'Ivoire de Concorde et de Fraternité! »
--- Page 8 ---
LE PRÉSIDENT A GAGNOA
Le Président de la République chez le patriarche Yacouba Sylla.
Toutes les notabilités étaient au rendez-vous du stade Biaka Boda.
--- Page 9 ---
LE PRÉSIDENT A GAGNOA
Une rencontre intense
(suite de la page 10)
Toutes les autres seront examinées avec une attention bienveillante, et «notre engagement vis-à-vis de vous ne peut être limité que par nos contraintes financières» a ajouté le Président.
Mais ce chapitre des doléances a été loin d'être aux yeux des Bétés de toute la région, l'essentiel; l'essentiel était ailleurs, dans la visite elle-même, dont le succès, l'ampleur a comblé tout le monde.
Le sentiment qui animait toute cette population, a été excellemment exprimé par le porte-parole des cadres lorsque dans son allocution au stade Biaka Boda, il a dit:
LA CONTINUITE
«En vérité, l'occasion que vous nous offrez ici est belle, M. le Président, pour exprimer tout haut afin que la Nation l'entende, nos sentiments les plus profonds de satisfaction et de fierté pour l'attention toute particulière dont vous avez toujours honoré notre région, ses ressortissants, ses cadres. Nous tenons par conséquent, à nous inscrire en faux publiquement, contre certaines allégations pernicieuses de ceux, passés en maître dans les actes les plus infâmes de mystifications, ces sans conscience qui s'acharnent par leurs comportements irresponsables à jeter l'opprobre et le discrédit sur les cadres vrais de Gagnoa».
Quelques heures plus tard, dans l'adresse dense et pleine d'enseignement qu'il a faite à l'intention de la population, le Chef de l'Etat, se souvenant de ce passage dira: «Je vous dis que la Côte d'Ivoire a besoin de rassembler tous ses cadres qui sont notre fierté... Nous attendons tous ceux qui sont partis. Ils vont revenir. Il y a de la place pour toutes les bonnes volontés. Nous ne leur tenons pas rigueur de leur égarement.»
Et le Président se trouvait sur un terrain qui, on le conçoit, jouxte facilement avec celui des jeux politiciens qu'il a toujours dénoncés et méprisés. Car, dans l'égarement de ceux que le porte-parole des cadres a appelés des «sans-conscience» n'y a-t-il pas l'inclination immodérée aux spéculations politiciennes? Le Président en parle donc:
«Il est malheureux de constater et je vous le dis ici, que des journaux réduisent la préoccupation de la Côte d'Ivoire à la succession d'Houphouet. Ce n'est pas là le problème. La succession d'Houphouet, c'est l'Unité, la Paix, l'esprit d'équipe. Dès lors tout homme qui sera désigné ou choisi poursuivra l'œuvre de construction nationale dans les meilleures conditions possibles.
«Si je vous dis cela, ce n'est pas pour me dérober à mes devoirs.... C'est vous dire que nous réfléchissons. Et nous associerons le pays au choix du successeur.»
Après avoir reçu les cadres, écouté leurs doléances, il restait au Président un devoir qu'il ne pouvait pas étant à Gagnoa, négliger: rendre visite à Yacouba Sylla. Le patriarche presque centenaire a été un militant de la toute première heure. Pendant la lutte, son soutien au leader du PDCI-RDA avait été constant et sans faille. En rendant visite à cet homme extraordinaire, le Chef de l'Etat a fait un véritable retour aux sources. Les mots sont incapables de traduire l'intensité de cette rencontre.
ATTA KOFFI