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Rubino (sous-préfecture) : qui commandite les meurtres?
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- Title
- Rubino (sous-préfecture) : qui commandite les meurtres?
- Creator
- Zouzou T. Bi
- Publisher
- La Voie
- Date
- December 15, 1992
- Page(s)
- 4
- number of pages
- 1
- Language
- Français
- Contributor
- Frédérick Madore
- Identifier
- iwac-article-0007550
- content
-
RUBINO (SOUS-PRÉFECTURE)
Qui commandite les meurtres ?
La communauté musulmane de Côte d'Ivoire est durement éprouvée, ces derniers temps. Sa décision de ne plus servir, à l'aveuglette, le parti au pouvoir lui vaut beaucoup de tracasseries. Désormais, les musulmans vivront divisés et serviront de cible à tous les autres groupes ethno-religieux. Qu'ont-ils fait ? Et que leur veut-on ? La réponse à toutes ces questions réside dans les événements qui ont secoué la région d'Agboville, le mois dernier.
Le vendredi 13 novembre a été un vendredi très sombre pour la communauté musulmane de Rubino, sous-préfecture d'Agboville. Les rancœurs qui couvaient depuis plusieurs semaines se sont transformées, coup sur coup, en haine, puis en règlement de compte. De quoi s'agit-il ? Amadou Diakité, d'origine malienne, aurait comme feu son père, été adopté par la communauté abbey. Cependant, l'homme s'est fait étiqueter comme un vil escroc redoutable. Craint par tous, il savait se servir de ses nombreuses relations, tant administratives que politiques.
En effet, cet homme était seul habilité à intervenir auprès des autorités pour n'importe quel problème concernant les musulmans dans la région. Redouté, il l'était également pour être propriétaire de deux pythons géants. D'où son surnom de "l'homme aux serpents". Hélas, avec le multipartisme, les activités de l'escroc et sa réputation n'effraieront plus personne. Pour une éventuelle réhabilitation de son autorité, Amadou Diakité sollicitera les services d'un puissant marabout, venu tout droit de son Mali natal. Celui-ci aura pour mission de supprimer la vie à tous ses adversaires présumés. Le député-maire Athé germain Raoul aurait été sa première victime.
L'imam El Hadj Bah connaîtra également une mort brutale, au moment de ses ablutions. Le président du comité malien, Abdoulaye Cissé, va mourir tout aussi mystérieusement. Ces crimes sur commande, dont Amadou Diakité se vantera, n'ébranleront pas la population. Une nouvelle liste sera constituée. Sur cette dernière, figurent les noms de personnages importants : Athin Ora (colonel), Diomandé Dro (sous-préfet de Rubino) ainsi que plusieurs autres dignitaires de la région, y compris le préfet. L'ingrat, comme on le surnomme également, sera trahi par sa mauvaise foi. Débiteur du marabout-tanneur, il fera la promesse d'un remboursement intégral de son dû, une fois à Rubino. En plus, il lui empruntera 75 000 F CFA et son épouse à 170 000. À Rubino, dans l'incapacité d'honorer ses engagements, Amadou Diakité renverra bruyamment son marabout devenu subitement très exigeant. Devant une telle attitude, le marabout s'en ira informer le sous-préfet, M. Dro Diomandé, des forfaits précédents. La communauté villageoise informée réagira automatiquement. Amadou aurait reconnu publiquement son forfait. Son habitation et ses biens seront saccagés. Ses serpents abattus. Il ne lui restait qu'à fuir, avec la complicité d'un ressortissant nigérian répondant au nom de Mousandé. Ce dernier, reconnu également comme malfrat, subira les effets de son acte : deux voitures brûlées, ainsi que deux mobylettes. Le bâtiment abritant sa famille a été entièrement saccagé et incendié. Sa famille et lui n'ont dû leur salut qu'en fuyant la ville pour trouver refuge à Agboville à 25 km plus loin. L'ardeur vengeresse des villageois a été calmée par le ministre de l'Intérieur M. Emile Constant Bombey. Celui-ci promit de ramener à Rubino Amadou Diakité et ses comparses en vue de répondre de leurs actes criminels.
Par ailleurs, il faut signaler que la communauté musulmane de Rubino est confrontée à des problèmes internes. Tout est parti d'une querelle entre les communautés musulmanes autochtones et allogènes. Raison pour laquelle la mosquée dite des allogènes a été fermée par la population, juste après les incidents. Mais le parti au pouvoir soutient la communauté étrangère. D'où la désinvolture qu'il affiche dans cette affaire. À Rubino, l'on tient à détruire cette mosquée des allogènes si le ministre de l'Intérieur ne tient pas sa promesse. Dans le milieu musulman, on est persuadé d'une machination du pouvoir pour semer la discorde. Sinon, ajoute-t-on : "La gendarmerie présente sur les lieux, au moment des événements, n'avait pas laissé s'échapper les malfaiteurs et leurs complices".
Une enquête de
Bi Zouzou T.
Menace contre les musulmans
Ce qui arrive aux musulmans de Côte d'Ivoire ne relève pas du hasard. Ils ont simplement eu tort de dire désormais non. Non à l'arbitraire. Non au suivisme et à leur utilisation abusive par le parti au pouvoir. Partant, ils ont décidé, à travers toutes leurs associations, de se réorganiser et ne s'intéresser uniquement qu'à la propagation des fondements sacrés de la religion musulmane. Afficher, de la sorte, une politique de neutralité n'a pas été du goût du PDCI pour qui la communauté musulmane demeure sa propriété.
Dans les milieux du pouvoir, on a reproché aux musulmans une certaine ingratitude. Alors on leur fera payer le tribut de ce sacrilège. Ainsi, la machine de la répression et de l'oppression est mise en marche contre eux. Et de manière mesquine et désinvolte. Les musulmans ne sont donc pas surpris de ce qui arrive aujourd'hui à leur communauté. Pour eux, les incidents de Rubino ont été commandités. Par qui ? La question reste posée. Toujours est-il qu'ils sont persuadés que des temps sombres se préparent. Sinon, pourquoi l'intervention musclée des forces de l'ordre à la grande mosquée d'Adjamé, le 28 novembre 1992 ? Ils n'ont pu tenir l'assemblée générale du conseil national islamique. Peut-être, ils ne la tiendront jamais. L'on sait désormais, dans la communauté musulmane de Côte d'Ivoire, que la guerre est déclarée par le pouvoir. Comme le disait le vieux Moussa K., à Agboville, on se sert de leurs frères musulmans des pays voisins pour semer le désordre dans leurs rangs. D'où l'explication des événements de Rubino, partis d'un différend entre musulmans ivoiriens et musulmans étrangers dirigés et montés par Amadou Diakité, avec l'appui d'autres personnes. Il s'agit là, dit-on, du début d'une longue épreuve. Dans peu de temps, cela va s'étendre à toutes les populations autochtones qui abritent les communautés musulmanes. Ceux-là, à travers les campagnes d'intoxication du pouvoir qui fusent déjà, n'hésiteront plus à s'élever contre leurs frères, et amis et coreligionnaires avec qui ils ont cohabité en toute harmonie. Le cas de Rubino en est une illustration vivante.
B.Z.
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