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Ils se sentent brimés, humiliés, marginalisés… la colère des musulmans
- Title
- Ils se sentent brimés, humiliés, marginalisés… la colère des musulmans
- Publisher
- Notre Temps
- Date
- December 16, 1992
- Abstract
- Le 28 novembre dernier, les forces de l'ordre ont dispersé devant la grande mosquée d'Adjamé, imams et délégués venus des quatre coins de la Côte d'lvoire pour l'Assemblée générale constitutive du Conseil national supérieur islamique. Pour certains musulmans, cette dernière « provocation des pouvoirs publics » constitue la dernière goutte qui va faire déborder le vase de plusieurs années de brimades, de manipulations, d'humiliations et de frustrations. Notre enquête.
- Page(s)
- 1
- 8
- 9
- 10
- number of pages
- 4
- Subject
- Moustapha Diaby
- Conseil Supérieur Islamique
- Bakary Chérif
- Ligue Islamique des Prédicateurs de Côte d'Ivoire
- Hadj
- Cercle d’études et de recherches islamiques en Côte d'Ivoire
- Gaoussou Diabaté
- Association musulmane pour l'organisation du pèlerinage à la Mecque
- Association des Élèves et Étudiants Musulmans de Côte d'Ivoire
- Intégrisme
- Communauté Musulmane de la Riviera
- Conseil National Islamique
- Aboubacar Fofana
- Spatial Coverage
- Gambie
- Abidjan
- Algérie
- Arabie saoudite
- Côte d'Ivoire
- Koweït
- Sénégal
- Bondoukou
- Adzopé
- Yamoussoukro
- Yopougon
- Adjamé
- Mont Arafat
- Dakar
- Language
- Français
- Contributor
- Frédérick Madore
- Identifier
- iwac-article-0007479
- content
-
Le 28 novembre dernier, les forces de l'ordre ont dispersé devant la grande mosquée d'Adjamé, imams et délégués venus des quatre coins de la Côte d'lvoire pour l'Assemblée générale constitutive du Conseil national supérieur islamique.
Pour certains musulmans, cette dernière « provocation des pouvoirs publics » constitue la dernière goutte qui va faire déborder le vase de plusieurs années de brimades, de manipulations, d'humiliations et de frustrations.
Notre enquête.
QUE VEUT LE POUVOIR ? Voilà la question qui court sur les lèvres de certains intellectuels musulmans. La Plume libre (n° 1 H. S. 92), organe proche de l’AEMCI (Association des élèves et étudiants musulmans de Côte d'Ivoire) y répond de façon cinglante : -Maintenir la communauté musulmane sous bonne garde afin de la manipuler à sa guise. Il veut mettre à sa tête des hommes de paille, des dirigeants fantoches (…) d'où cette obsession à vouloir placer notre communauté sous la coupe d'un prétendu conseil supérieur islamique, monté, récupéré et confié à des guignols avec, à leur tête, un homme sans foi ni loi, le sieur Diaby Moustapha, alias Diaby Koweit.
C'est un casus belli. Et la communauté musulmane étend effectivement déterrer la hache de guerre, si l'on en croit les analyses de la Plume libre :
"Nous estimons que cette action est la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Jusque-là, les musulmans ont été pacifiques et le PDCI leur doit beaucoup : que quand un peuple se sent frustré, il cependant, que nos dirigeants sachent réagit violemment : c'est le cas de la communauté musulmane actuellement ».
Un pactole de 600 millions
Diaby Moustapha, l'homme par qui le scandale est arrivé, est considéré par certains de ses coreligionnaires comme un bouffon qui ne comprend ni français ni anglais ni arabe et un batelier qui mange à tous les rateliers ». Il est apparu sur la scène, à l'occasion du dernier sommet de l'OCI (Organisation de la conférence islamique) à Dakar où il était parti accompagner M. Lazéni Coulibaly, président de la Cour suprême et messager personnel du président de la République auprès de son homologue du Sénégal. Et, voilà que, contre toute attente, Diaby Moustapha est présenté à Dakar aux délégations des pays arabes comme le représentant de la Communauté musulmane de Côte d'Ivoire. Vu de loin, cela peut paraître comme une peccadille. Mais, en se faisant passer pour le leader » de la communauté musulmane, Diaby Moustapha sait ce qu'il cherche : il veut mettre le grappin sur la subvention de 600 millions de FCFA octroyée, depuis dix ans, aux musulmans de Côte d'Ivoire par la BID (Banque islamique de développement). Cette somme destinée à aider les pays non membres de I'OCI devait servir, en Côte d'Ivoire, à la construction d'un Institut des musulmans du Sud à Dabou. Elle n'a pas pu être débloquée parce que, jusqu'à présent, la BID avait posé comme condition essentielle du décaissement que les fonds soient gérés par une organisation unique représentative des intérêts de tous les musulmans de Cote d'Ivoire et reconnue par le gouvernement.
Le jeu en vaut vraiment la chandelle. Donc, de retour au pays, Diaby Koweit va mettre son plan satanique à exécution. Il prend contact avec Gaoussou Diabaté d'Anyama, président en exercice du CSI (Conseil supérieur islamique, à ne pas confondre avec le Conseil supérieur des imams). Ce dernier, vieux et analphabète, se laisse facilement berner par les paroles mielleuses de Diaby Moustapha qui lui promet de l'argent contre son fauteuil. Effectivement, le vieux d'Anyama cède son fauteuil contrairement aux dispositions des statuts du CSI qui prévoient qu'en cas de défection du président, il est automatiquement remplacé par le premier vice-président qui achève son mandat. Premier vice.
En outre, après avoir récupéré la présidence du CSI, Diaby Koweit modifie d'autres dispositions des statuts : il crée notamment l'article 6 qui stipule que toutes les associations existantes et à naître sont d'office membres du CSI. Hérésie et deuxième vice. Enfin et troisième vice, le CSI n'est pas, comme groupe on le prétend, l'émanation de toutes les organisations musulmanes. Il est né vers la fin des années 70 de la fusion de l'AMOP (Association musulmane pour l'organisation du pèlerinage) dirigée, à l'époque, par Moussa Comara, ancien préfet de Bondoukou et de la Confédération islamique, présidée par Vaméké Méité. Ce dernier, pour obtenir la reconnaissance officielle de sa Confédération, a dû accepter de céder la présidence du CSI à Moussa Comara qui en est donc le premier président. Après lui viendra Chérif Bakari, remplacé par Diabaté Gaoussou, victime du coup d'Etat de Diaby Koweit.
Coup d'Etat
Ainsi, avant le CSI, existaient l'AMOP, I'UCM (Union culturelle musulmane, organisation née bien avant l'indépendance). Mais, de l'avis des responsables de la CMR (Communauté musulmane de la Riviera) « ces organisations n'existaient que de noms. Elles n'étaient pas présentes sur le terrain ». En revanche, l'AEMCI (Association des élèves et étudiants de Côte d'Ivoire) créée en 1974 et officiellement reconnue en 1978 est, aujourd'hui considérée comme une des associations les "plus dynamiques » du Groupe de la Riviera du Golf. Dans ce groupe, on compte aussi la LIPCI (Ligue islamique des prédicateurs en Côte d'Ivoire, organe religieux par excellence formé de tous les prédicateurs (professionnels) ayant fait leurs études en Arabie Saoudite et dans d'autres pays arabes. A côté de cette ligue qui s'occupe principalement de l'enseignement et du prosélytisme, existent la CMR (Communauté musulmane de la Riviera), cadre informel de réflexion et d'action ; le CERICI (Cercles d'études et recherches islamiques en Côte d'Ivoire) et le CIRA (Cercle islamique de réflexion et d'action).
En dehors des associations du groupe de la Riviera, on remarque aussi l'existence d'autres organisations telles que l'Association des femmes musulmanes et l'AJMCI (Association de la Jeunesse musulmane), l'Association musulmane orthodoxe et le Conseil supérieur des Imams.
Le groupe de la Riviera
Et, le hic – parce qu'il y a un grand hic – c'est qu'aucun de ces organisations et cercles de réflexion ne reconnaît la légitimité du Conseil supérieur islamique ». Cependant, beaucoup de musulmans avouent que leur fragilité provient de leur « inorganisation ou de représentent ». C'est pourquoi, il s'attèlent, aujourd'hui, à la mise en place du Conseil national islamique qui sera coiffé par le Conseil supérieur des imams et représentera les intérêts de tous les musulmans de Côte d'Ivoire.
C'est ce conseil national islamique qui devait voir le jour le 28 novembre dernier à la grande mosquée d'Adjamé. Mais, les imams et toutes les délégations venues des quatre coins de la Côte d'Ivoire ont été dispersées par les forces de l'ordre, sous prétexte que l'Assemblée générale constitutive n'avait pas été autorisée par le ministre de l'Intérieur. A ce propos, voici qu'écrit La Plume libre : « En optant pour la confrontation, le ministre et ses alliés ont choisi une option dangereuse. Le 28 novembre a démontré aux yeux de tous, que seule la lutte paie. Il ne s'agira plus jamais de crier, de se lamenter et de pleurnicher (…) Beaucoup de participants n'ont pas manqué de montrer que si certains partis ont réussi à avoir droit de cité, c'est parce qu'ils ont engagé la lutte frontale avec les autorités.
Il appartient donc à la communauté musulmane et à sa jeunesse militante de tirer toutes leçons de ce coup de pied de Bombet, de se mobiliser e d'engager la lutte sur tous les plans » Voilà ce qu'on appelle un message clair.
En effet, la communauté musulmane se dit « brimée, marginalisé et frustrée » du fait que l'organisation de « l'Etat laïc de Côte d'Ivoire accorde tous les privilèges et prérogatives aux religions chrétiennes, surtout à la religion catholique ». Déjà, en 1985, dans une interview accordée à la revue française Autrement, El Hadj Fofana Bakari disait sans ambages : « Le pays qui nous semble actuellement le plus représentatif d'une cohabitation difficile entre les communautés catholique et musulmane est la Côte d'Ivoire. Le risque d'une confrontation réelle est loin d'être négligeable, dans la mesure où la politique du président Houphouët-Boigny en matière religieuse, favorisant ostensiblement les catholiques est de plus en plus mal vécue par les musulmans qui constituent la majorité de la population.
Le risque d'une réelle confrontation
D'après le recensement de 1988, les musulmans représentent 40 % de la population. Mais, les estimations de la communauté musulmane de la Riviera situe le taux aux alentours de 60 %. En tout cas, les musulmans sont majoritaires. Mais, ils se sentent « brimés, manipulés et frustrés » par les pouvoirs publics. Ils reprochent, principalement, au ministère de l'Intérieur de vouloir les materner en s'immisçant dans leurs affaires intérieures. L'exemple le plus frappant et le plus récent est donné par l'imposition de Moustapha Diaby à la direction du CSI. Pourquoi le ministre de l'Intérieur a-t-il cautionné son-coup d'Etat contre Gaousou Diaby ? Pourquoi Diaby Koweit et le CSI veulent-ils avoir, sous leur coupe, les autres organisations et les empêcher de travailler. Et suprême offense-les tractations du ministre Emile Bombet et des membres de son cabinet ont empêché, cette année, les pèlerins de faire la station du mont Arafat (principal rite du pèlerinage). C'est, dit un responsable de la LIPCI « une atteinte grave à un des piliers de l'Islam ».
Selon certains cadres musulmans, les explications des multiples indélicatesses du ministère de l'Intérieur sont données peu l'histoire (voir encadré) : « Depuis la période coloniale, l'Islam a été marginalisé parce que les dirigeants locaux (imams et marabouts) étaient considérés comme des analphabètes (dans l'acception occidentale) ».
Issa, un envoyé de Dieu
Toujours, au titre des récriminations contre les pouvoirs publics, certains musulmans relèvent que c'est seulement, il y a deux ans, que les médersas (écoles coraniques) ont quitté la tutelle du ministère de l'Intérieur pour celle de l'Education nationale ». D'une façon générale, les musulmans reprochent au système éducatif ivoirien de mettre trop en exergue les valeurs occidentales (judéo-chrétiennes) ». A propos, par exemple, des langues secondaires (anglais, allemand, espagnol) enseignées dans les lycées et collèges, ils se demandent pourquoi l'éventail de choix ne s'étend pas aussi à l’arabe.
Les musulmans déplorent également que la majorité des jours chômées et fériées soient décrétées, en fonction des fêtes du calendrier grégorien. Par exemple, tout comme ils reconnaissent Issa (Jésus) comme un envoyé de Dieu et se sentent concernés par la fête de Noël, anniversaire de sa naissance, ils voudraient que le pouvoir central décrète, au moins, jour férié et chômé, le lendemain de la fête du Maoulou (Korité), jour anniversaire de la naissance du prophète Muhammad. Ce jour-là, après avoir veillé en prières toute la nuit, les musulmans sont obligés de rendre au bureau, tôt le matin.
La pomme de discorde entre les musulmans et les pouvoirs publics portent aussi sur la répartition des lieux de culte. Il semble qu'il existait cinq réserves destinées aux lieux de culte dans la commune de Cocody ; elles auraient été attribuées, toutes, à l'Eglise catholique. Ensuite, depuis très longtemps, les musulmans du Plateau cherchent un emplacement pour la construction de leur mosquée. Enfin, la construction de la nouvelle mosquée d'Aghien vient d'être arrêtée, sous prétexte qu'elle donne sur le boulevard Latrille. Les responsables de la CMR s'insurgent contre cet argument en rétorquant : « Le boulevard Latrille ne commence pas à Aghien mais à l'Hôtel Ivoire. Sur le parcours, on peut compter de nombreux lieux de culte. A notre connaissance, il en existe déjà deux ».
La trilogie : Islam-Dioulas- Etrangers
Mais, la plus grande frustration que les musulmans ne sont pas prêts de pardonner aux pouvoirs publics se trouvent dans ce qu'ils appellent la trilogie : « Islam-Dioulas-Etrangers ». Plus clairement exprimé, ils pensent qu'en Côte d'Ivoire « L'opinion et les pouvoirs publics assimilent l'Islam aux gens du Nord qui seraient, tous, Dioulas et étrangers ». C'est ce qui aurait créé la légende de la fameuse chartre du Nord qui, selon des membres du CMR, est un tract qui-divertit et donne inutilement dans la provocation ». C'est ce qui expliquerait aussi pourquoi les agents chargés du contrôle des cartes de séjour viennent principalement « devant les mosquées ou voire à l'intérieur ».
Toutefois, d'après les représentants de la LIPCI, du Conseil supérieur des Imams et de la CMR : « Il n'est pas historiquement attesté que les gens du Nord soient les derniers arrivés en Côte d'Ivoire. En tout cas, les signes de leur antériorité sur certains peuples sont donnés par les mosquées qui, datent pour certaines, du XIV ou du XVIIIe siècles ».
En dépit des multiples brimades, humiliations, frustrations et manipulations » les musulmans de Côte d'Ivoire, ont, semble-t-il, toujours continué de porter pacifiquement leur croix (au propre comme au figuré). Car, dit le prophète : « Le bon croyant doit avoir l'amour de son pays. Ensuite, parce que, soulignent certains musulmans, « En cas de troubles, de destruction de biens et de perte en vies humaines, nous serons les plus touchés parce que nous sommes les plus nombreux (40 %) et nous comptons parmi les plus nantis économiquement ». Pendant combien de temps, ces propos sages et réalistes continueront-ils d'éclairer la démarche et d'influencer le comportement des musulmans de Côte d'Ivoire ?
En tout cas, des mutations profondes s'opèrent lentement mais sûrement à l'intérieur de leur communauté depuis 1982 avec la création de la communauté musulmane de la Riviera. C'était la première fois que des musulmans décidaient d'avoir pignon sur rue dans un quartier huppé de la ville d'Abidjan, en l'occurrence à Cocody où l'on ne comptait, à l'époque, aucune mosquée.
Entre temps, a été construite la mosquée de la Riviera. A propos de celle-ci, voici ce que dit El Hadj Fofana Bakary (toujours dans la revue Autrement) : « La présidence a donné un plus de 180 millions pour aider à la bâtir. On a même dit que cet édifice était construit à la mémoire de Bintou, l'ex-femme du président. Le projet coûtera 300 millions. A côté des 30 milliards qui ont été dépensés pour la construction de la Cathédrale d'Abidjan et ceux consacrés au sanctuaire marial (…) C'est peu de choses ! Surtout si l'on ajoute les sommes énormes prévues pour la Basilique de Yamoussoukro… II ne faut pas oublier que la cotisation qui avait été faite au début des années 70, concernait aussi les musulmans. Étant majoritaires, ils avaient cotisé plus que les autres ».
Pour revenir à la Communauté islamique de la Riviera, notons qu'après dix ans d'existence, elle est devenue l'une des organisations les plus dynamiques qui dispose d'un siège, équipé d'un système P.A.O (Publication assistée par ordinateur) au-dessus de la petite mosquée de la Riviera ; édite deux revues Al Djouma (le bulletin de liaison) et Allahou Akbar (revue d'informations islamiques), organise, chaque année, le SIFRAM (Séminaire international de formation des responsables d'associations musulmans) et a contribué à la construction de la mosquée de la léproserie d'Adzopé.
Une mosquée de 300 millions
En fait, d'après les responsables de la CMR, les principales préoccupations des musulmans de Côte d'Ivoire portent sur l'éducation religieuse de leurs enfants, la construction d'équipements socio-sanitaires, la lutte contre la drogue, la prostitution et l'avortement et, enfin, la mise en place d'un cadre juridique unique de coordination et de concertation.
Certainement, ce ne sont là que quelques arbustes qui cachent l'immense forêt encore vierge-des souhaits et désirs de la communauté musulmane en Côte d'Ivoire, eu égard la détermination et la volonté farouche des membres du CMR de « redorer le blason longtemps terni de l'islam en Côte d'Ivoire et de le rétablir dans ses droits longtemps bafoués ».
Naturellement, ces propos doivent être pris très au sérieux si l'on veut éviter plus tard, à la Côte d'Ivoire, la tragédie de la Bosnie-Herzégovine ou le drame algérien. Concernant le dernier cas, un membre de la LIPCI rassure « Le cas algérien n'est pas transposable en Côte d'Ivoire. Car, la victoire du FNL (Front national de libération) sur le pouvoir colonial français contenait déjà des germes de ce qui arrive en Algérie. Au moment de la révolution, les nationalistes algériens se sont surtout appuyés sur l'Islam pour revendiquer l'authenticité algérienne. C'est ce même islam que l'on veut rejeter, aujourd'hui ».
Le droit des minorités
Pour être direct, pour ce qui concerne la Côte d'Ivoire, la question est de savoir si, à terme, les musulmans conscients de leur « majorité et de leurs frustrations » ne vont pas exiger la constitution d'un Etat islamique et entretenir une atmosphère d'intégrisme. A propos d'intégrisme, les membres du CMR rétorquent que ce terme a été d'abord accolé à « la religion chrétienne qui a, au moyen-âge, créé les autodafés et les tribunaux d'inquisition ». En clair, « l'intégrisme n'est pas une création de l'Islam ». Concernant, la création éventuelle d'un « Etat islamique », les représentants de la LIPCI, de la CMR et du Conseil supérieur de imams répondent unanimement « Pourquoi pas ? Si l'Islam peut permettre de restaurer la justice sociale et de garantir le droit des minorités. Si l'Islam peut permettre d'améliorer les valeurs morales de la société. Il faut servir l'Islam et non se servir de lui pour la réalisation d'ambitions politiciennes ». En tout cas, si « l'intégrisme, disent-ils encore, devait naître en Côte d'Ivoire ; il serait fruit des frustrations que les pouvoirs publics font subir à la communauté musulmane ». Pour prévenir l'orage, les représentants de la LIPCI, de la CMR, du Conseil supérieur des imams proposent :
1) L'arrêt de la croisade médiatique anti-islamique
2) L'instauration de l'égalité des droits entre toutes les communautés religieuses
3) L'évacuation de la trilogie : Islam-Dioula-Etrangers.
4) L'éradication de la peur de l'Islam parce que les musulmans ont longtemps démontré qu'ils sont pacifiques.
5) La prise en compte des valeurs l’Islam dans le système éducatif ivoirien.
D. B.
Des pratiques d'une époque révolue
RECONNU OFFICIELLEMENT DEPUIS UNE DIZAINE D'ANNÉES, le Conseil Supérieur Islamique dont les musulmans n'ont encore aucun acte positif prétend rassembler toutes les associations islamiques de Côte d'Ivoire. Il s'attribue lui-même le rôle de « coordonner et superviser » nos actions surtout avec l'extérieur. Le Conseil Supérieur Islamique, en fait, n'invente rien ; ce genre d'« associations musulmanes » était légion au temps colonial, mais au service de l'Administration. Les membres-fondateurs du CSI sont-ils des nostalgiques de cette période noire de notre histoire qu'est la colonisation ? Se laissent-ils manipuler par des « spécialistes des Affaires musulmanes » en vue de « contrôler » notre communauté ?
Pourquoi ce soudain intérêt de l'Administration pour ressusciter un organe qui est quasiment inconnu et absent des activités islamiques ?
Le Conseil Supérieur Islamique n'est que la copie d'instruments dont l'Administration Coloniale se servait pour « contenir » l'Islam. Sa véritable mission est de surveiller les leaders musulmans, paralyser les communautés qui travaillent dans la voie de l'Islam. Ces hommes ont-ils aujourd'hui les moyens de bâillonner l'Islam en Côte d'lvoire ou alors sont-ils là seulement pour divertir les musulmans voire les provoquer ?
Sinon comment peuvent-ils prétendre à cette ère de pluralisme, regrouper de gré ou de force les associations islamiques existantes ou à naître » ? Ignorent-ils que nous avons, nous aussi musulmans de Côte d'Ivoire, comme nos autres concitoyens, droit à la liberté d'association dans ce pays ?
Nous nous demandons pourquoi des décennies après l'indépendance, les musulmans semblent dépendre d'une Administration spéciale ? Hier le problème se posait au niveau de notre représentation à la commission d'enquête sur les tristes événements de Yopougon. Aujourd'hui, c'est un individu inconnu dans les milieux islamiques qui se dit porte-parole « officiel » et « représentant unique de tous les musulmans de Côte d'Ivoire ». Passons sur les problèmes de pèlerinage.
Quand il s'est agi l'année dernière de représenter la Communauté Musulmane à la Commission d'enquête sur les douloureux événements de Yopougon, la Direction Générale de l'Administration du Territoire et des Affaires Politiques, avait malgré ou contre le choix des Imams désigné celui qu'elle jugea le meilleur représentant de notre communauté. Face à cette intrusion, les musulmans comme toujours sont restés calmes. C'était hélas un essai qui avait semblé porter.
Maintenant, le pas décisif doit être franchi ; on peut imposer n'importe qui aux musulmans pourvu que ça soit une personne acquise à la cause de l'Administration, même si elle est inconnue dans les milieux musulmans. Qu'importe ! C'est ainsi que ce prétendu chef du CSI, dès sa nomination fictive – il n'a été élu par aucun organe représentatif musulman – s'illustra par des déclarations intempestives. Il semble que ses commanditaires aient mis à sa disposition les médias d'Etat dont il use abusivement. Un journaliste lui accorde gentiment des interviews dans un quotidien de la place. Muni de puissants moyens, il parle de tout sauf de ce qui intéresse les musulmans. Ses discours sont vides, inintelligibles malheureusement pour l'image de l'Islam.
L'homme qui accepte de jouer ce rôle ne peut être qu'un inconscient, il est surtout téméraire. Cet homme s'appelle Mustapha Diaby.
Dans toute organisation humaine, les leaders et dirigeants dignes de ce nom sont généralement issus d'un processus ; soit de reconnaissance, soit de progression naturelle.
Mustapha Diaby a-t-il le profil du leader musulman ? Mais qui est cet homme ? C'est quelqu'un qui a découvert la Côte d'Ivoire il y a quelques années seulement. Très tôt, il eut des relations avec certaines personnalités politiques ivoiriennes. Il a même réussi à prendre le secrétariat général de la sous-section PDCI de Samatiguila. Il se serait aussi intéressé à la mairie de cette localité. Il fut chargé de mission au ministère de la Justice quand M. Lazéni Namogo Poto Coulibaly était Garde des Sceaux. Ce qui est sûr, il eut des responsabilités dans ce département. Il semble qu'il occupe actuellement ce même poste à la Cour suprême. Il aurait même accompagné un illustre invité ivoirien à la dernière réunion de l'Organisation de la Conférence Islamique à Dakar. Il y eut certainement des contacts et c'est à son retour de la capitale sénégalaise qu'on lui fit cadeau de cet instrument qu'est le Conseil Supérieur Islamique.
On lui a fait croire qu'il est le seul et unique représentant de tous les musulmans de Côte d'Ivoire. Et naïvement, il croit jouer ce rôle, toujours avec la même naïveté, il croit représenter quelque chose grâce à ses relations politiques.
Pourquoi cette prétention démesurée d'un individu qui n'a ni la connaissance, ni la sagesse pour un poste aussi honorable que celui de représentant des millions de musulmans ivoiriens ?
Comme nous l'avons effleuré plus haut, ce natif de Gambie est mieux connu dans d'autres milieux, loin des communautés musulmanes : ce sont les cabinets ministériels, les cercles sportifs… En effet, un grand club d'Abidjan devait livrer un match important lorsque les responsables de ce club furent approchés par M. Diaby qui leur promit une belle victoire ; tout de suite, il exigea du président de ce club une quantité d'or, plus une somme importante ; ceci avant même le match.
Ce sont là des pratiques parmi d'autres incompatibles avec l'islam. Des faiseurs de miracles, des individus qui prétendent détenir un tel pouvoir ne sont que des Djinamori ; c'est-à-dire des prestidigitateurs.
Bon nombre de téléspectateurs ont pu observer ces derniers temps, les prestations de cet illustre inconnu. Tout le monde s'interroge, car on sait que la Communauté Musulmane regorge d'hommes de valeur ayant de solide formation intellectuelle et spirituelle.
Que ceux qui sont les commanditaires de ce mercenaire se désillusionnent comme dit le proverbe chinois-si vous voyez une ombre énorme se profiler devant vous, regardez la position du soleil, Il s'agit peut-être d'un nain. Ils ne réussiront pas à ternir l'image de l'islam.
HADJ YACOUBA TOURE
BP 101 CIDEX 3 ABIDJAN-RIVIERA
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