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Un jour de Ramadan chez les Karantao de Ouahabou
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- Title
- Un jour de Ramadan chez les Karantao de Ouahabou
- Publisher
- L'Observateur Paalga
- Date
- March 30, 1992
- Abstract
- A la fin de cette semaine, les musulmans d'ici et d'ailleurs seront au terme de ce long et saint mois de la soif : le Ramadan qui constitue avec l'aumône, la prière, la charia et le pélérinage à la Mecque, les cinq piliers de la religion du prophète.
- Language
- Français
- Contributor
- Frédérick Madore
- Identifier
- iwac-article-0002682
- content
-
A la fin de cette semaine, les musulmans d'ici et d'ailleurs seront au terme de ce long et saint mois de la soif : le Ramadan qui constitue avec l'aumône, la prière, la charia et le pélérinage à la Mecque, les cinq piliers de la religion du prophète.
L'évènement nous a inspiré une idée : celle d'un reportage dans une localité représentative à sa manière, de cette religion. C'est pourquoi, nous nous sommes rendus à Ouahabou ; un nom dont la seule assonance est porteuse de mythe ; un village où les hommes de chair et la légende se cotoient quotidiennement.
Sur la nationale 1, une petite pancarte indique Ouahabou. Cette petite pancarte signale ainsi près de cent cinquante ans d'histoire.
* Histoire d'un royaume musulman fondé par la Jihad.
* Histoire d'une famille : les Karantao régnent à Ouahabou depuis 1850.
L'islam à Ouahabou n'est pas atteint par le temps. La réputation de ses marabouts va loin, au delà des frontières du Burkina.
Nous sommes allés à Ouahabou. Nous avons vu ses habitants musulmans à presque 100 % (seul un petit quartier bobo résiste depuis cent ans), vivre sous nos yeux, une journée de jeûne, aller à la grande prière du Vendredi, dans l'historique mosquée de celui par qui, tout est arrivé ici : El Hadj Mahamoudou Karantao.
Ouahabou conserve les vieilles maisons soudaniennes des rois du Ouahabou. Ouahabou est un village musée, les Karantao restaurent les demeures de leurs pères pour la postérité. Mais Ouahabou est aussi un village d'aujourd'hui : l'école coranique y cotoie l'école laïque et le chef du village ne méprise pas le tracteur pour le labour de ses champs.
Ouahabou, 0H15 ; Mbêton Karantao nous reçoit sur sa terrasse, assis dans un fauteuil. La lune ne va pas tarder à apparaître. Une brise fraîche souffle. Il fait bon, après le repas du jeûne. L'appel du muezzin résonne de la mosquée. Cet appel indique aux femmes qu'il est temps de commencer à préparer le repas du petit-matin. Le muezzin en fait, récite des versets et des sourates du coran. Ce soir-là il disait :
«Au nom d'Allah le bienfaiteur, ce qui est dans les deux (sur) la terre glorifie Allah. Il est le puissant, le sage... Il fait pénétrer la nuit dans le jour et il fait pénétrer le jour dans la nuit. Il est omniscient des pensées et des coeurs».
Le muezzin précise à l'intention des croyants que le Seigneur nous a donné 1 % du bonheur sur terre et que les 99 % restant sont au Paradis.
A Ouahabou, la majorité des villageois est à la quête de cette totalité du bonheur.
LA SAGA DES KARANTAO
Pour Mbêton, les Karantao sont d'origine irakienne. Leur premier ancêtre serait venu de Bagdad à Tombouctou, et avait pour métier l'enseignement du coran. C'est un professeur, comme son patronyme l'indique "Kalemitaa" c'est-à-dire prends la plume et écrit. Par métissages successifs on en arrive au père d'El Hadj Mahamoudou Karantao : Sidi Mohammed Karantao. Sidi Mohammed Karantao qui repose à Douroula est le descendant dont "l'histoire" est la plus connue.
Sidi Mohammed est à la quête de l'instruction et du savoir islamique. De Djenné, Sidi Mohammed va rechercher tous les marabouts plus instruits que lui, pour aller apprendre chez eux. C'est ainsi qu'il a acquis, dit-on, vingt quatre (24) savoirs différents. Au cours de ses pérégrinations studieuses, Sidi Mohammed et ses disciples se retrouvent sur les rives d'un fleuve entre Djenné et Toumayon.
Pour la traversée en pirogue, il faut un ticket de voyage qui s'achète. Sidi Mohammed Karantao et . ses élèves n'ont pas le sou. Mais le maître a la connaissance. Il jette sur les flots sa peau de prière, et avec ses disciples, ils s'embarquent sur ce vaisseau spécial. Les élèves effrayés, s'accrochent au maître et ainsi, ils franchissent fonde sur le tapis de ferveur à la stupéfaction de tous les piroguiers.
Le chef de Toumayon (Mali) est aussitôt informé de l'arrivée de ce grand maître en route vers le Dafina (pays Dafing). Il le retient auprès de lui, et lui demande des conseils pour gouverner sa cité. Sidi Mohammed lui prédit ainsi que la perte, la destruction de Toumayon viendront d'un peulh. Et que si le chef interdit les peulhs de séjour à Toumayon, sa cité sera sauvée.
Les courtisans qui sont comme chacun sait, ceux qui perdent les princes, conseilleront malgré tout, au chef d'accueillir une caravane de peulhs. Et ce qui devait arriver, survint : les boeufs des peulhs marchent sur le beau linge blanc de la princesse.
Celle-ci frappe le petit berger peulh. Des petits peulhs plus forts viennent filer des beignes à cette petite altesse. Le roi son père apprenant ceci, entre dans un courroux royal, et fait tuer tous les peulhs. Les guerriers peulhs de Ségoukoroba attaquent Toumayon. Sidi Mohammed, dans la nuit d'avant l'attaque, réveille ses élèves, fait des figures cabalistiques sur le sol et se met au centre. Ses élèves l'entourent en se tenant les boubous.
A son commandement tout le monde devait fermer les yeux. Et quand il demande de les rouvrir, il se retrouve avec ses compagnons (moins un) à Banga (Burkina Faso).
Le compagnon manquant, qui n'a pas effectué ce voyage enchanteresque était une captive curieuse qui voulait savoir la vérité et les moyens utilisés par Sidi Mohammed pour ces miracles.
De Banga, Sidi Mohammed va à Safané chez le marabout Sansankoro. De Safané, il part à Tarsimara où il rencontre El Hadj Omar Tall. C'est le marabout de Tarsimara qui indiquera à Sidi Mohammed, a femme qu'il doit marier, pour que ses enfants puissent survivre. Madame Sidi Mohammed Karantao est la fille d'un autre musulman de Douban (côté de Lanfiéra), du nom de Fatimata.
Elle donnera à Sidi Mohammed, les enfants qu'il désirait tant. Ils s'appelleront : Amadou, Amidou, Mahamoudou, Fatoumata, Bassiri, Mariam.
Mahamoudou étant celui qui entrera dans l'histoire. Ce fils de Sidi Mohammed va apprendre le coran avec son père à Douroula (Burkina Faso). Il ira même professer à Poura, et Safané. Mahamoudou Karantao était le meilleur professeur du Dafina. Les commerçants à l'époque emmenaient des barres de sel de Djenné et de Tombouctou pour les échanger contre de l'or à Poura. Mahamoudou était bien connu dans la région et selon ses descendants, on le payait en or. 11 partira après à la Mecque.
LE PELERINAGE DE MAHAMOUDOU KARANTAO
Il semble que Mahamoudou Karantao a effectué ce voyage en 1815 ; il aura l'honneur de rencontrer El-Hadj Omar Tall en terre sainte. De la Mecque, avec ce dernier, ils se rendent à Medina, puis à Koudouss. C'est à la Mecque qu'il prend conscience de son destin, celui de faire la guerre sainte aux animistes qui font le pillage, et s'attaquent aux voyageurs. A la Mecque, toujours selon les vieux de Ouahabou, El-Hadj Mahamoudou Karantao apprend l'arrivée d'un français dans ce qui sera sa principauté, et on lui demande de l'accueillir pacifiquement s'il rentre par l'Ouest. C'est ce message écrit que El-Hadj Mahamoudou Karantao laissera à son successeur qui permit à Binger d'être reçu plus tard par Moktar Karantao.
LA JIHAD DE EL-HADJ MAHAMOUDOU KARANTAO
El-Hadj Mahamoudou va rentrer de la Mecque avec un drapeau blanc. Il passe par le Ghana et restera à Wa (Ghana) un moment où il sent par prémonition la mort de son père. Après Wa, il va à Kong chez Balagi, un élève de son père. De Kong, il repart à Wa, et de Wa à Poura. C'est de Poura qu'il va lancer sa campagne d'islamisation.