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Excision : point de vue d'une excisée sans problème!
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- Title
- Excision : point de vue d'une excisée sans problème!
- Creator
- Ginette
- Publisher
- L'Observateur Paalga
- Date
- November 21, 1995
- Abstract
- Dans notre édition n°4027 des mardi et mercredi 31 octobre et 1er novembre 1995 nous avons publié sous la rubrique Féminin pluriel un article intitulé “Promo-femmes, la communauté musulmane et le prêche sur l'excision du 7 juillet 1995" et qui traite de l'excision donc. Le présent écrit se veut un autre point de vue sur le même phénomène.
- Spatial Coverage
- Ouagadougou
- Language
- Français
- Contributor
- Frédérick Madore
- Identifier
- iwac-article-0002638
- content
-
Dans notre édition n°4027 des mardi et mercredi 31 octobre et 1er novembre 1995 nous avons publié sous la rubrique Féminin pluriel un article intitulé “Promo-femmes, la communauté musulmane et le prêche sur l'excision du 7 juillet 1995" et qui traite de l'excision donc. Le présent écrit se veut un autre point de vue sur le même phénomène.
Suite à l'article “Promo-femmes, la communauté musulmane et le prêche sur l'excision du 7 juillet 1995” de votre rubrique “Féminin pluriel”, l'idée se fait persistante, appuyée par d'autres femmes d'écrire, disons de donner mon avis sur l'excision me revient Sans vouloir relancer la polémique sur l'excision qui a surgi il y a déjà près de dix ans, d'abord en Europe, particulièrement en France, puis en Afrique, qui a fait couler tant d'encre et de salive, je voudrais, moi, aujourd'hui, poser cette question: “La bataille contre l'excision gagnée, et après? Quel droit en plus pour la fillette, la jeune fille, la mère de famille de demain?”
Munies de tous leurs organes génitaux, ces femmes seront sexuellement affranchies, Qui aura gagné dans toute cette lutte? L'Homme!
Je félicite la responsable de cette ONG (Promo-femmes développement) qui aurait, paraît-il, réagi violemment après l'émission islamique sur l'excision de Radio Abga, et qui aurait même menacé le Cheick Mahamoudou Bandé, auteur de cette prise de position, de poursuite judiciaire. Sur quelle loi ce serait-elle appuyée? Je ne connais pas cette loi dans le code de la famille au Burkina. Je suis une femme, Burkinabè, et excisée; mère de plusieurs enfants ayant eu des accouchements et une maternité normaux; n'ayant aucun problème d'entente sociale avec mon mari.
Je le répète, je n'épris pas cet article pour relancer une polémique sans issue sur l'excision.
En Afrique, l'excision n'est pas dictée par la religion musulmane a priori. Mais est une pratique ancestrale, coutumière. Elle mourra comme beaucoup d'autres pratiques africaines qui se meurent avec leurs vertues.
A Ouagadougou-ville, on pratique même aujourd'hui l'excision. Alors, que la lutte continue!
Je ne voudrais pas revenir aussi sur les inconvénients et les avantages que ces “féministes" prônent, mais sur le principal avantage: “leur liberté sexuelle”.
A 40 ans, nous sommes toutes nées de mères excisées. Braves femmes mariées à 17 ou 18 ans et même plus jeunes, soumises peut-être, mais dignes et respectueuses de leur vie conjugale. Elles observaient naturellement l'espacement des naissances et la femme qui avait une grossesse sur un bébé non sevré était honnie. Sans parler de la “virginité” qui était exigée dans certaines ethnies!
Venons-en au but précis de mon article. Ces associations de femmes et ONG de bienfaisance, la direction du Bien-Etre Familial, vous qui prônez les vertues de la non-excision, qui luttez contre ce crime qu'est l'excision (j'espère que vous n'en avez pas encore parlé à Beijing!), qu'est ce que vous faites pour ces fillettes "libérées" qui, à 14 ou 15 ans, ont déjà eu un rapport sexuel?
Je ne peux pas avancer un chiffre, mais au moins 40% des filles de cette tranche d'âge, en ville, ont déjà connu un homme. Ce n'est pas un crime, me direz-vous. Mais les conséquences? Où sont passées les bonnes moeurs? Existe-t-il à Ouagadougou ou ailleurs, des SMI où ces fillettes peuvent se procurer des préservatifs? L'éducation sexuelle est-elle effectivement donnée dans les lycées et collèges comme on le dit?
Dans une famille sur dix à Ouagadougou, les parents élèvent un petit-fils d'une mère écolière; et la prostitution, et le SIDA qui sont là?
Alors, messieurs et mesdames les défenseurs des droits de la femme, “quand vos généreux donateurs reviendront, dites-leur de faire de petites rallonges pour les pillules et les préservatifs dans les SMI; des médicaments pour les enfants non-désirés, des filles-mères qui meurent souvent faute de soins”.
Et, remarquez bien mesdames, les hommes n'épousent plus les filles-mères et les femmes sans emploi! Aurevoir les amies!
Ginette
NDLR
Sans vouloir engager la polémique, il convient de faire certaines remarques que cet écrit suscite. Apparemment, Ginette n'est pas d'accord avec les méthodes de lutte contre l'excision, qu'elle trouve notamment incomplètes. Elle préconise donc qu'en complément, les associations et ONG engagées dans cette lutte prévoient dans leurs programmes de procurer aux jeunes filles “des pillules, des préservatifs" gratuitement.
Ginette semble donc sous-entendre que la non-excision des filles va entraîner leur débauche sexuelle. On ne peut sérieusement soutenir que l'excision garantit une société sans débauche, tout comme on ne peut affirmer que toutes les femmes non-excisées sont des débauchées sexuelles. Il est vrai que l'ablation du clitoris peut priver à jamais certaines femmes du plaisir sexuel. N'est-ce pas une raison majeure pour, justement, ne pas pratiquer la clitoridectomie? Imagine-t-on un parent qui coupe la langue de son enfant de peur qu'ayant goûté aux bonnes choses, il ne puisse plus s'en passer? Le mieux n'est-il pas d'éduquer son enfant à contrôler ses envies?
Pour ce qui est des femmes, pourquoi ne les croit-on pas capables de maîtriser leur sexualité?
La lutte contre l'excision entre dans un cadre global de lutte pour un meilleur statut social de la femme, de lutte pour d'autres rapports entre hommes et femmes. Dans ce combat, on ne prône pas les vertus de la non-excision, mais on dénonce les méfaits de l'excision, ce qui n'est qu'une question d'approche. Quant à l'affranchissement sexuel, il est peut-être moins une question d'organes génitaux (complets ou incomplets), qu'un autre type de rapports entre hommes et femmes où la liberté et les droits de chacun seront respectés.
Vous vous demandez “quel droit en plus aura la fillette", une fois qu'on aura arrêté de les exciser? Si comme beaucoup l'affirment, l'objectif premier de l'excision est de diminuer le plaisir sexuel des femmes et de les tenir tranquilles, arrêter de les exciser et donc de vouloir contrôler leur plaisir, signifiera tout d'abord qu'on les reconnaît capables de contrôler toutes seules leur sexualité. Mais ce n'est pas tout. Ce serait leur reconnaître:
- le droit à l'intégrité physique;
- le droit à des maternités sans risques liés à l'excision; car si vous, vous avez eu la chance que l'excision ne vous ait créé aucun problème ni d'ordre obstétrique, ni dans vos relations sexuelles, vous ne pouvez pas ignorer le cas de ces nombreuses femmes pour qui l'excision a eu des conséquences catastrophiques;
- le droit à la santé, et par conséquent à ne pas risquer d'être contaminée par le SIDA ou d'autres maladies comme le tétanos;
- le droit au plaisir sexuel qui n'est pas le moindre. S'il y a un seul risque que la fillette qu'on excise ne connaisse jamais le plaisir sexuel, l'excision est à proscrire. Mais ce langage là n'est pas toujours compris.
Enfin, si nous revenons à l'émission qui est à l'origine de ce débat et à la réaction de la responsabble de Promo-femmes, il y avait bien un texte qui pouvait fonder une action de justice. Ce n'est pas dans le code des personnes et de la famille, mais dans la loi n°56/93/ADP portant code de l'information au Burkina Faso, notamment dans ses dispositions réprimant la diffamation et l'injure par voie de presse qu'il faut voir, car les allégations et les propos de l'auteur de l'émission pouvaient être assimilés à des injures et diffamation à l'encontre des personnes luttant contre la pratique de l'excision.
M.I
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