Article
Abdoul Rachiid Anwar, théologien du mouvement Ahmadiyya : « Nous sommes le seul groupe religieux au monde, qui progresse »
- Title
- Abdoul Rachiid Anwar, théologien du mouvement Ahmadiyya : « Nous sommes le seul groupe religieux au monde, qui progresse »
- Creator
- Lonsani Sanogo
- Publisher
- Le Pays
- Date
- April 11, 2018
- Abstract
- Le missionnaire du mouvement Ahmadiyya, Abdoul Rachid Anwar, qui vit actuellement au Canada, était venu au Burkina dans le cadre de la convention annuelle du mouvement Ahmadiyya. Au cours de son séjour au Burkina, il était de passage au journal « Le Pays », le 9 avril dernier. Nous lui avons posé quelques questions en rapport avec l'actualité et la religion musulmane. Nous vous proposons la substance de l'entretien, dans les lignes qui suivent.
- Subject
- Abdoul Rachid Anwar
- Communauté islamique Ahmadiyya Burkina Faso
- Attentat de Ouagadougou de 2018
- Pluralisme religieux
- Tariq Ramadan
- Terrorisme et radicalisation
- Violence
- Intégrisme
- Language
- Français
- Source
- Le Pays
- Contributor
- Frédérick Madore
- Identifier
- iwac-article-0002560
- content
-
Le missionnaire du mouvement Ahmadiyya, Abdoul Rachid Anwar, qui vit actuellement au Canada, était venu au Burkina dans le cadre de la convention annuelle du mouvement Ahmadiyya. Au cours de son séjour au Burkina, il était de passage au journal « Le Pays », le 9 avril dernier. Nous lui avons posé quelques questions en rapport avec l'actualité et la religion musulmane. Nous vous proposons la substance de l'entretien, dans les lignes qui suivent.
« Le Pays » : Comment avez-vous accueilli les attentats terroristes du 2 mars dernier au Burkina Faso ?
Abdoul Rachid Anwar : L'islam ne peut jamais permettre un attentat. L'islam dit aux musulmans d'obéir au gouvernement du pays dans lequel ils vivent. S'il y a des choses qu'on vous demande et que vous ne pouvez pas accepter, par exemple si on vous demande de ne pas prier, de ne pas faire le jeûne obligatoire…, vous ne devez pas attaquer le gouvernement mais quitter plutôt le pays. Quand vous n'avez pas la liberté de conscience, de culte ou d'expression, vous quittez le pays pour d'autres espaces où vous pourrez être libres.
Quelle solution proposez-vous, en tant que théologien, pour lutter contre l'intégrisme religieux ?
La lutte contre l'intégrisme religieux est un des objectifs du mouvement Ahmadiyya. Il faut lutter contre l'intégrisme religieux en exterminant les esprits qui sont dans la tête des gens, de façon logique et convaincante. Un des ouvrages écrits par le fondateur de notre mouvement, Mirza Ahmed Ghulam, il y a 100 ans, fait des propositions tellement valables et d'actualité. Par exemple, il propose de ne pas dire des choses contre une autre religion et d'exalter la beauté de sa religion. C'est une des choses qui évite de basculer dans l'intégrisme. L'autre chose qui peut constituer une base de l'extrémisme violent, c'est l'ethnie. L'extrémisme violent n'est pas une chose liée à la religion. Aux Etats-Unis, on a vu des gens qui n'ont rien à voir avec la religion, commettre des fusillades. Est-ce que cela n'est pas une terreur ? C'est une terreur qui n'a rien à voir avec la religion. Le Coran ne dit pas de faire du mal ou de faire la force aux gens. Il n'y a pas une école musulmane qui enseigne cela. Certaines personnes qui ne comprennent pas l'islam, pour des intérêts personnels ou politiques, arrivent à faire certaines choses au nom de l'islam. Nous condamnons cela, car ce n'est pas ce que l'islam nous demande. En tant que responsables, nous sommes là pour donner des conseils ou des réponses aux préoccupations des gens sur la nécessité d'éviter ou de lutter contre l'intégrisme religieux. Nous continuerons à propager notre message pour que les gens qui adhèrent au mouvement Ahmadiyya, comprennent qu'on ne doit jamais faire de la violence. Ceux qui évitent la terreur, seront sauvés du terrorisme.
Faut-il croire qu'avec la montée de l'extrémisme on assiste à un choc des civilisations ?
Bien sûr, avec la violence, le terrorisme, on peut dire que c'est un choc des civilisations. L'islam qui est une religion de paix, ne peut jamais enseigner la terreur. Il nous enseigne la civilisation de la paix. Comment alors peut-il nous enseigner le terrorisme ? L'islam est loin du terrorisme. Par exemple, l'islam nous enseigne qu'il ne faut pas se moucher avec la main droite parce que vous risquez de contaminer les gens avec les germes d'une maladie en les saluant. Donc, vous risquez de propager une maladie. Cela est-il contre la paix ? Un autre exemple, c'est le fait que l'islam dit de ne pas cracher sur la voie publique, pour ne pas indisposer les autres personnes ou répandre une maladie. L'islam ne permet pas des comportements contraires à la bienséance ou qui mettent à mal la paix dans la cité.
Il y a un usage qui tend à prendre les terroristes pour des djihadistes. En tant que théologien, ne pensez-vous pas que c'est abusif de prendre les terroristes pour des djihadistes ?
Il faut comprendre tout d'abord que c'est malheureux. Comme je le disais, il y a des personnes qui utilisent certains mots à la place d'autres. Par exemple, islam pour terrorisme, terroristes pour djihadistes. Le terme « djihad » est un mot arabe. Est-ce que cela veut dire combattre quelqu'un ou tuer une personne ? Non ! Si quelqu'un vous attaque, vous devez vous défendre et cela est une toute petite partie du djihad. Le vrai sens du djihad, c'est de se « réformer » soi-même, faire des efforts ! Par exemple, quelqu'un qui se bat pour être juste, droit, honnête, qui respecte le bien commun là où les gens agissent contre le bien commun ou font ce qui n'est pas bon, quelqu'un qui rejette l'incivisme et travaille au respect des lois et normes sociales, ce type-là fait du djihad. Un jour, alors qu'il revenait d'une bataille, le prophète Mouhammad (paix et salut sur lui) a dit à ses compagnons ceci : « Nous venons de la petite bataille, nous allons maintenant vers la grande bataille. La grande bataille, c'est la lutte individuelle contre Satan et ses œuvres ». Cela, pour dire que le vrai djihad est individuel. On ne doit donc pas considérer les terroristes comme des djihadistes. Nous devons essayer d'exterminer cette mentalité qui entretient cette confusion avec des arguments convaincants et non pas prendre les armes comme les terroristes.
Comment expliquez-vous cette pluralité de sous-groupes au sein de la communauté musulmane ?
C'est quelque chose que le prophète Mouhammad a prédit depuis longtemps. Il a dit : « Après moi, le siècle qui suivra, c'est le meilleur siècle. Le siècle qui va venir après, sera moins par rapport au premier, le 3e siècle qui suivra, sera moins par rapport au 2e. Après, il y aura l'obscurité qui va commencer à se répandre, les gens vont se diviser en 72 groupes, mais il y aura un 73e groupe qui sera l'unificateur ». Et les compagnons lui ont demandé quel sera ce groupe. En réponse, le prophète a dit que c'était le groupe qui suivra ses traces et celui des compagnons. Nous voyons qu'eux n'ont jamais semé le désordre dans la société. Ils étaient des unificateurs, des personnes qui enseignaient et pratiquaient l'amour de Dieu, l'amour des autres. Le mouvement Ahmadiyya fait la même chose. Nos intérêts ne sont pas des intérêts personnels ou politiques, mais des intérêts qui apportent quelque chose à l'humanité en abrégeant la souffrance des populations dans les domaines de l'éducation, la santé et bien d'autres où nous allons apporter notre contribution, surtout en Afrique.
Pourquoi n'y a-t-il pas d'autorité suprême chez les musulmans comme c'est le cas chez les chrétiens catholiques ?
Nous, Ahamadiyya, nous sommes mieux placés pour répondre à cette question. Vous allez visiter le monde entier et vous ne trouverez pas qu'il y a quelqu'un à la tête des musulmans. Mais nous Ahmadiyya, nous avons un chef international depuis 129 ans. Notre chef actuel du mouvement s'appelle Mirza Masrour Ahmad et il est actuellement à Londres. Il était en visite au Burkina en 2004, au Ghana et au Bénin en 2008. Les autres musulmans n'ont pas de chef. De ce fait, nous sommes le seul groupe religieux au monde, qui progresse rapidement actuellement. Les gens, les intellectuels, arrivent à comprendre la sagesse et le raisonnement dans le message et acceptent ainsi le message.
Comment expliquez-vous les tensions religieuses entre l'Iran chiite et l'Arabie Saoudite avec son courant de pensée sunnite ?
Ce sont, en réalité, des problèmes politiques et personnels qui sont à la base de ces tensions. Ce sont des problèmes qu'on peut résoudre. Si vous parlez au nom de l'islam, il faut expliquer l'islam initial, l'islam au temps du Saint prophète Mouhammad. Est-ce qu'à ce temps, il y avait le chiisme ou le sunnisme ? Est-ce qu'il y avait des tendances comme on le voit aujourd'hui ? Non ! Ces gens-là doivent se tourner vers l'islam des origines (l'islam du prophète) qui est toujours valable et laisser de côté les intérêts politiques. Cet islam des origines prône les valeurs humaines, recommande les bonnes conduites comme je le disais plus tôt. Si vous voulez la paix, pensez d'abord à la paix pour la personne qui est à côté de vous.
Qui est, selon vous, le bon musulman ?
Le bon musulman, c'est seulement aux yeux d'Allah et c'est Allah seul qui le connaît. Ce qui est dans le cœur et dans le cerveau, c'est Dieu qui le connaît.
Comment réagissez-vous aux ennuis judiciaires de Tariq Ramadan en France ?
Je ne le connais pas personnellement. Mais il faut que la justice soit établie si l'intéressé a commis vraiment des actes condamnables.
Comment réagissez-vous à la mise en examen de l'ancien président français, Nicolas Sarkozy ?
C'est la même chose. La justice, c'est le plus important. Si la Justice trouve qu'il a posé des actes criminels, il faut qu'il soit condamné. L'islam a aussi puni des gens à travers l'histoire pour leurs actes. Sans la justice, vous n'aurez pas de paix dans le monde.
Que pensez-vous du dialogue interreligieux ?
C'est très important. Nous le faisons aussi. Au Canada où nous sommes, nous avons des conférences interreligieuses. Nous invitons les Juifs, les Hindous, les Chrétiens et les autres tendances des Musulmans pour discuter des questions d'intérêts communs. Quelquefois, nous partons dans leurs églises et ils viennent dans nos mosquées. Par exemple, la question de la paix concerne tout le monde. Que tu sois juif, chrétien ou musulman. Nous demandons à chaque groupe de développer un thème sur la paix, par exemple, à partir du livre révélé qu'il tient et on aboutit à une conception consensuelle de la paix.
Propos recueillis par Lonsani SANOGO