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Cérémonie d'investiture du Président du Conseil communal (COSIM) de Cocody. L'Imam Idriss Koudouss (président du CNI) : "Jamais les musulmans n'ont subi autant d'atrocités que sous ce régime"
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- Cérémonie d'investiture du Président du Conseil communal (COSIM) de Cocody. L'Imam Idriss Koudouss (président du CNI) : "Jamais les musulmans n'ont subi autant d'atrocités que sous ce régime"
- Type
- Article de presse
- Publisher
-
Le Patriote
- Date
- May 29, 2001
- DescriptionAI
- Lors d'une cérémonie en Côte d'Ivoire, l'Imam Idriss Koudouss, président du Conseil National Islamique (CNI), dénonce les atrocités sans précédent subies par les musulmans sous le régime actuel, notamment en octobre et décembre 2000, incluant destructions de mosquées et tortures. Il critique l'ingérence politique dans les affaires religieuses et appelle à la vérité et la justice comme fondements d'une réconciliation nationale. Le CNI propose la création d'un observatoire de la laïcité et exige des enquêtes sur les exactions commises. Enfin, il exhorte la communauté musulmane à développer ses moyens de communication et ses infrastructures éducatives.
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- 4
- 5
- number of pages
- 3
- Subject
-
Conseil Supérieur des Imams, des Mosquées et des Affaires islamiques
- Conseil National Islamique
- Idriss Koudouss Koné
- Aboubacar Fofana
- Ahmed Tidiane Ba
- Souleymane Doumbia
- Youssouf Fofana
- Alpha Cissé
- Communauté Musulmane de la Riviera
- Radio Al Bayane
- Politique
- Réconciliation
- Justice
- Éducation
- Médias
- Laïcité
- Spatial Coverage
-
Côte d'Ivoire
- Cocody
- Mosquée de la Riviéra Golf
- Yopougon
- Divo
- Abidjan
- Grande mosquée des II-Plateaux Aghien
- Language
- Français
- Contributor
-
Frédérick Madore
- Identifier
- iwac-article-0007096
- content
-
Avant la réconciliation nationale
Idriss Koudouss (Président du CND) :
"JAMAIS LES MUSULMANS N'ONT SUBI AUTANT D'ATROCITÉS QUE SOUS CE RÉGIME"
Cérémonie d'investiture du Président du Conseil communal (COSIM) de Cocody. L'Imam Idriss Koudouss (président du CNI) :
"JAMAIS LES MUSULMANS N'ONT SUBI AUTANT D'ATROCITÉS QUE SOUS CE RÉGIME"
À l'occasion de l'installation du Président du Conseil communal du Conseil supérieur des Imams de Cocody, le samedi 26 mai dernier, l'Imam Idriss Koudouss a prononcé un discours où il fait état de la situation socio-politique en Côte d'Ivoire. Nous vous proposons l'intégralité du discours.
"Chers frères et sœurs, Assalam Aleikoum.
L'installation officielle du Président des Imams de la prestigieuse commune de Cocody nous donne l'occasion de remercier les cadres musulmans de Côte d'Ivoire. Ils ont contribué, bien souvent au péril de leur carrière, à donner à notre religion une image de respectabilité et de dignité. Avec humilité et modestie, ils soutiennent les Imams dans leur quête inlassable vers un monde moins matérialiste et plus proche de l'idéal islamique. Cette parfaite symbiose entre les cadres musulmans dans notre pays et les Imams est un gage certain pour atteindre le nécessaire et indispensable équilibre entre le temporel et le matériel. De cette collaboration franche et sincère est née cette belle Mosquée de la Riviera Golf, qui représente également plusieurs symboles.
À travers le processus de réalisation de cette Mosquée, l'on peut analyser d'une part, le bilan des rapports entre les Musulmans et les pouvoirs d'État successifs dans notre pays et d'autre part, la nature des rapports entre les Imams et ceux qu'ils sont chargés de guider. La cérémonie d'installation de l'Imam Fofana Aboubakar comme Président du Conseil Communal de Cocody dans cette Mosquée de la Riviera Golf me donne l'occasion de m'arrêter un instant pour témoigner, expliquer et interpeller d'abord la Communauté musulmane et ensuite l'ensemble de nos concitoyens sur l'importance du rôle des Imams et le contenu de leurs messages.
Excellence les Imams, Mesdames et messieurs, honorables invités,
Cette belle Mosquée a vu le jour grâce à l'initiative d'abord de jeunes cadres musulmans regroupés au sein de la communauté musulmane de la Riviera. Leur initiative a rencontré, par un heureux hasard de l'histoire, la volonté d'un chef d'État désireux de réaliser un acte de souvenir et de reconnaissance. Ici donc, le politique et le religieux se sont donnés la main pour construire une belle maison dédiée à la gloire d'Allah le Tout-Puissant. C'était en 1987.
Cette collaboration entre le religieux et le politique a toujours existé depuis la colonisation jusqu'à l'indépendance. Dans le cas particulier des musulmans, les rapports entre les musulmans et les pouvoirs politiques ont été assez souvent exploités à d'autres fins, malheureusement, à travers la caporalisation notamment des associations musulmanes. En effet, depuis l'accession à l'indépendance, les régimes successifs se sont toujours exercés à imposer aux musulmans des individus totalement situés aux antipodes des préoccupations de notre communauté.
Ces individus parachutés dans nos communautés avec de puissants moyens financiers avaient et continuent de bénéficier des moyens de l'État. Ils s'adonnent à tour de bras à l'organisation de prières à la gloire de leurs idoles politiques dans nos Mosquées. Nous avons maintenant la certitude que même certaines religions sont arrivées à manipuler ces personnages introduits dans nos milieux et les téléguider depuis l'extérieur.
Mesdames et Messieurs, comme vous le constatez, l'entrée de la politique et des politiciens dans nos affaires et les tentatives de fragilisation, sinon de caporalisation de notre communauté, ne datent pas d'aujourd'hui, encore moins du fait des Musulmans. Bien au contraire. Ainsi, la dérive politico-religieuse dont certains parlent tant n'est pas du côté où ils veulent faire croire. C'est pourquoi justement, le Conseil national islamique a vu le jour afin de permettre à la Mosquée de jouer pleinement son rôle et aux Imams d'être les garants moraux de la société. Aujourd'hui, huit ans après sa création, le CNI peut légitimement affirmer que l'intégrité des Imams est presque préservée. Car, ils ont, malgré les menaces, les intimidations, les atrocités et tortures, tenu bon.
Mais, honorables Imams, il reste encore beaucoup à faire pour préserver totalement notre intégrité morale et affirmer notre indépendance sans complexe et notre disposition à promouvoir la justice et la vérité en tout temps et en tout lieu. En effet, tous les Ivoiriens, tous les habitants de ce pays doivent trouver dans nos Mosquées et chez nos Imams, le réconfort, la compassion quand ils en sont injustement privés.
- Les intimidations, les interpellations, les incarcérations, les tortures des guides religieux, arrêtés en pleine prière dans nos Mosquées et l'assassinat de l'Imam adjoint de la grande Mosquée de Divo par les forces de l'ordre, paix à son âme, notre regretté frère Abdramane Bamba.
- La découverte de nombreux musulmans parmi les victimes du charnier de Yopougon.
Honorables Imams, Mesdames et Messieurs, ce qui est arrivé en octobre et décembre aux Musulmans de Côte d'Ivoire n'est ni le fruit du hasard et encore moins le résultat d'une vue de l'esprit. Tous ceux qui exercent des responsabilités dans ce pays, quelles que soient leurs obédiences religieuses et politiques, doivent trouver chez nous le langage de la vérité et de la sincérité. Cette vocation, ce sacerdoce ne sera pas facile à exercer dans un contexte de haine, de mensonges et de faux dont notre pays connaît une surproduction depuis un certain moment.
Les événements d'octobre et de décembre 2000 sont justement le résultat de cette industrie du mensonge et d'hypocrisie. Dans cette tragédie nationale, les musulmans ont payé le prix le plus élevé par :
- La perquisition et la destruction systématique des Mosquées et des écoles coraniques.
- Des actes de vandalisme et de vols dans les domiciles des Imams et des musulmans.
- L'exploitation systématique des manifestations politiques pour "casser" du Musulman ou tout ce qui lui ressemble.
Mesdames et Messieurs,
Ce qui est arrivé aux musulmans aux mois d'octobre et décembre 2000 est inégalé sous les cent-huit ans de la colonisation française et les quarante ans du pouvoir du PDCI. Ce ne sont pas des "égratignures" comme le soutiennent les tenants du pouvoir actuel ou une vue de l'esprit. J'ai été témoin oculaire de cette tragédie humaine ce jour du 26 octobre 2000.
Imam Idriss Koudouss, président du CNI.
Fort de ce qui précède, chers frères et sœurs, le Conseil national islamique va proposer au prochain Conseil consultatif extraordinaire des Imams :
- La création d'un Observatoire de la laïcité dans notre pays. Cet observatoire devra publier chaque année un état du respect de la laïcité dans notre pays aussi bien par les hommes politiques que par les institutions républicaines.
- L'instauration d'une journée du martyr et du souvenir au sein de la Communauté musulmane, afin d'une part, d'honorer la mémoire de nos frères et sœurs morts sur le champ de la haine gratuite et d'autre part, de rappeler à la conscience collective les méfaits de la haine, du tribalisme et de la xénophobie.
- La transformation de la Mosquée de Niangon en musée où seront exposées les photos et d'autres documents relatifs aux atrocités subies par notre communauté à travers tout le pays.
- L'instauration d'un prix Cissé Yacouba pour récompenser l'homme politique ou l'institution de la République ayant, au cours d'une année, le plus contribué au rapprochement entre les hommes politiques. Cissé Yacouba avait 14 ans. Il fut abattu de 16 balles par les gendarmes à Abobo Gare alors qu'il se rendait chez lui.
- L'instauration d'un prix Abdramane Bamba pour récompenser l'homme religieux ou l'institution religieuse ayant, au cours d'une année, contribué de façon significative au dialogue interreligieux. Il est mort abattu par les forces de l'ordre alors qu'il intercédait entre les belligérants qu'il avait réussi à réconcilier. L'Imam Abdramane Bamba était jeune (41 ans) et était l'Imam adjoint de la grande Mosquée de Divo.
Cette disposition d'esprit pour œuvrer à tout ce qui concourt à la paix, à la justice et à l'égalité de traitement entre tous les fils et filles de ce pays doit être la marque distinctive de nos actions.
Huit ans après la création du CNI, les musulmans ne se sont pas encore réveillés de leur cauchemar. Il persiste toujours des attitudes et des comportements qui font partie des causes endogènes qui ont engendré le charnier. À savoir :
- Les attaques gratuites contre les dignitaires religieux musulmans.
- La propension de certaines personnalités politiques à afficher publiquement leur préférence et soutien à des groupes religieux sans retenue.
- Les dérapages verbaux des hommes politiques et des médias publics et privés.
- La diabolisation d'une religion.
- La mainmise virtuelle sur les rouages essentiels de l'État et des hommes qui les incarnent par des obédiences religieuses dont certains représentants locaux et extérieurs considèrent publiquement que la Côte d'Ivoire, qui compte des Mosquées de plusieurs siècles, est une terre vierge. D'où cette propension à transformer l'adversité politique en opposition religieuse entre les habitants de notre pays et à prendre parti directement dans la compétition politique par des choix et des hostilités affichées ouvertement contre des citoyens ivoiriens.
Honorables Imams, Mesdames et Messieurs,
Le processus de réconciliation est une étape importante pour non seulement les Ivoiriens, mais aussi pour tous les amis de notre pays et de ses habitants. Dans le cas particulier de notre communauté, nous attendons au bout du processus de réconciliation :
- Une enquête sur les attaques subies par les lieux de culte afin de situer les responsabilités.
- La publication des résultats des perquisitions effectuées dans les Mosquées et les domiciles des dignitaires religieux musulmans.
- La publication des résultats des enquêtes sur le charnier de Yopougon.
- La publication des résultats des enquêtes sur les exactions commises sur les nombreux dignitaires et fidèles musulmans pris dans nos Mosquées et conduits à l'École de police en décembre 2000.
Il est à souhaiter que les débats de la réconciliation débouchent sur la naissance de la vérité et de la justice, sans lesquelles il n'y aura ni développement ni paix durable.
Honorables invités, je voudrais enfin me tourner spécialement vers les habitants de Cocody dont nous installons aujourd'hui le bureau local du COSIM, avec à sa tête l'Imam Aboubakar Fofana.
C'est dans cette commune que le renouveau de l'Islam a trouvé les terreaux les plus fertiles. C'est dans cette même commune que se sont révélés les pionniers de l'Imamat moderne. De cette complicité entre les Imams et les cadres, l'Islam a continué à être présent dans le cœur des cadres. Alors qu'en 1980, on ne comptait aucune Mosquée ici, aujourd'hui, 20 ans après, on y compte au moins 24 lieux de prière. Ce nombre est certes encore insuffisant, mais c'est la preuve que les Imams et les cadres peuvent modifier le cours de l'histoire. Parmi les Imams et cadres acteurs actifs et courageux de cette réussite, je voudrais saluer la mémoire du défunt Imam Ahmed Tidiane Bah, Souleymane Doumbia, Youssouf Fofana, Alpha Cissé. Nous rendons un vibrant hommage à leurs compagnons de route parmi nous, l'Imam Mohamed Kaba et l'Imam Aboubakar Fofana que nous intronisons ce matin comme le président communal du COSIM. Ce jour est une consécration pour tous ces pionniers. Je m'empresse d'associer à ces illustres combattants l'ensemble de nos cadres. Car nos Imams n'auraient pas réussi totalement leurs entreprises si tous les cadres ne s'étaient pas impliqués suffisamment à leurs côtés avec courage, détermination et foi.
Excellence Messieurs les Imams, honorables invités, le grand Imam que nous intronisons aujourd'hui ne fait pas seulement partie des pionniers de l'Imamat moderne de notre pays. Il en est l'incarnation même. Il a osé ce que très peu de gens au poste de responsabilité qu'il avait dans la vie professionnelle pouvaient faire. Par ses qualités professionnelles et sa compétence, il a su imposer et faire respecter sa personne, son personnage. En outre, dans un contexte politique monolithique au plan national et un contexte international très peu favorable à l'Islam, il n'a jamais reculé malgré les risques et les intimidations.
L'Imam Fofana a parcouru toute la Côte d'Ivoire pour prêcher l'Islam et ramener notre jeunesse vers l'héritage spirituel de nos parents. Aujourd'hui, le résultat est là : les cadres musulmans sont fiers et debout. Il a semé et nous participons tous aujourd'hui à la récolte. Qu'Allah le Tout-Puissant lui donne longue vie et une santé de fer.
Monsieur le Président du Conseil communal des Imams, après avoir presque gagné la bataille de la construction des Mosquées dans la commune de Cocody, il vous reste maintenant à gagner dans les cinq ans à venir deux autres combats majeurs :
1. La maîtrise des moyens de communication propre à notre communauté.
2. La réalisation d'écoles modernes dignes de la communauté musulmane.
Ces deux projets sont particulièrement importants pour notre communauté. Pour les réussir, toute la communauté musulmane de Côte d'Ivoire compte sur votre expérience et votre dévouement ainsi que sur l'expertise des fidèles de votre commune. En attendant de vous livrer les détails des conclusions du séminaire du CNI sur la problématique de l'école musulmane tenu les 19 et 20 mai à la Mosquée d'Aghien, sachez cependant que les séminaristes ont proposé entre autres :
- La réalisation de deux (02) lycées confessionnels islamiques à Abidjan, dont l'un pour jeunes filles avec internat.
- Le lancement d'un projet d'étude de l'Université musulmane francophone internationale qui sera bâtie sur un terrain déjà acquis à Abidjan.
- La mise en place d'un fonds de garantie pour les investissements dans les écoles musulmanes de 370 millions de francs CFA. Ce fonds sera alimenté par les Mosquées, les associations, les communautés et les fidèles sous forme d'actions d'une valeur de 10.000 FCFA.
Dans le domaine de la communication, nous attendons que le Conseil communal de Cocody réveille le projet de groupe de presse confié depuis quelques mois à la communauté musulmane de la Riviera.
Votre commune abrite aussi les locaux de la Radio Al Bayane. Il vous appartient de faire en sorte que cette radio puisse émettre dans les meilleurs délais. Parallèlement, nous souhaiterions que vous vous penchiez sur les deux autres maillons de notre système de communication que sont le site Internet et Plume Libre, l'unique hebdomadaire de notre communauté.
Mesdames et Messieurs, les tâches qui attendent le Conseil communal des Imams de Cocody sont énormes. Mais nous n'avons aucun doute sur la capacité des Musulmans et Musulmanes de Cocody à relever ces défis majeurs grâce aux bénédictions de nos Imams et à notre solidarité.
Que chacun d'entre vous transmette à ceux qui ne sont pas là aujourd'hui les préoccupations de notre communauté, pour que main dans la main, autour des Imams, nous puissions réussir le pari de la modernisation de l'Islam dans la solidarité et l'excellence.
Qu'Allah rehausse l'Islam et protège la Côte d'Ivoire.