Article
Lettre ouverte au Cardinal Agré Bernard : "Faisons un pacte avec la vérité"
- Title
- Lettre ouverte au Cardinal Agré Bernard : "Faisons un pacte avec la vérité"
- Type
- Article de presse
- Publisher
-
Le Patriote
- Date
- April 25, 2001
- DescriptionAI
- Cette lettre ouverte critique vivement le Cardinal Agré Bernard pour son hypocrisie et son dépassement de mission, notamment en lien avec la recherche de la vérité et la justice en Côte d'Ivoire, établissant un parallèle avec les atrocités du Rwanda. Le texte promeut le dialogue interreligieux et l'unité de Dieu, citant le Coran et mettant en avant l'exemple du maire musulman d'Abobo, Adama Toungara, comme modèle de leadership pragmatique et inclusif. La lettre rejette la déclaration du Cardinal selon laquelle "Dieu a libéré la Côte d'Ivoire", arguant que le pays reste souillé par la violence et l'absence de justice, avec la complicité de certains leaders religieux.
- number of pages
- 1
- Language
- Français
- Contributor
-
Frédérick Madore
- Identifier
- iwac-article-0007095
- content
-
Lettre ouverte au Cardinal Agré Bernard
"FAISONS UN PACTE AVEC LA VÉRITÉ”
C'est le cri de cœur que vous avez lancé aux fidèles catholiques à l'occasion de l'homélie pascale dimanche dernier. Malheureusement pour vous, aujourd'hui ce cri, à n'en point douter, laissera les Ivoiriens dans un océan d'indifférence comme toutes les initiatives qui viendraient de vous désormais.
Le Cardinal Francis Arinze, l'Africain le plus proche du Pape, donne un début d'explication à votre drame. Le Saint Homme a déclaré il n'y a pas longtemps ne pas pouvoir assurer que tous ceux qui travaillent au Saint-Siège aient digéré l'Évangile à 100 %, ce qui confirme les Paroles Saintes de l'Évangile : « Une chose est de dire Seigneur ! Seigneur ! Seigneur ! et une autre est de mettre en application les commandements de Dieu ».
Au Rwanda, il est avéré que les pires atrocités ont été commises par des religieux et religieuses ; 800 mille personnes ont été exécutées au nom de la pureté raciale. Pourquoi vouloir, au sujet de la pureté raciale en Côte d'Ivoire, nous détourner de notre droit de connaître la vérité quand de lourds soupçons pèsent sur un leader religieux comme au Rwanda ?
Il semble, Cardinal Agré, que vous ayez largement outrepassé votre mission originelle qui est de se mettre au service de la dignité des hommes pour la défendre et pour en affirmer les fondements, face à tout ce qui menace cette dignité. Nous vous convions, Monseigneur Agré, à méditer les versets du livre Saint « Le Coran » : « Appelle les hommes au chemin de ton Seigneur par la Sagesse et en édifiant avec douceur. Discute avec eux avec la plus grande courtoisie. Ton Seigneur sait en effet mieux que quiconque qui est dans la bonne direction. » (16:124)
« Nous croyons à ce qui vous a été révélé. Notre Dieu et votre Dieu ne font qu'un, et nous lui sommes soumis. » (29:46) Monseigneur, dans les œuvres littéraires anciennes, nous trouvons trace du dialogue entre les musulmans et les chrétiens organisé à la cour des califes. Autrement dit, le dialogue ayant déjà fait ses preuves chez nous, il demeure plus que jamais l'arme des forts, compte tenu de notre histoire et de notre culture communes. Dieu n'est pas le Dieu de Qoraich, ni des Arabes, ni celui des fils d'Israël. Il est le Dieu de tous les hommes, étendant à tous sa Miséricorde. Que l'on nous comprenne bien, nous ne disons pas qu'il faille gommer les différences. Un musulman ne peut pas croire en la trinité. Juifs et musulmans croient en un monothéisme identique. Un juif ne peut pas reconnaître la divinité de Jésus, ni reconnaître Mohamed. Malgré ces divergences qu'il faut accepter sans polémique, nous pouvons dire avec l'Islam : « Nous nous remettons à Dieu ».
Dieu lui-même dit dans le Coran que la terre appartient à ses serviteurs, sans spécifier à quelle religion ils appartiennent. Essayons simplement de faire un bon usage de la terre. À ce sujet, nous souhaitons porter à l'appréciation de votre sainteté qu'un musulman pratiquant nommé Adama Toungara est élu maire de la Commune d'Abobo. À ce titre, Monsieur Toungara honore avec beaucoup de joie les invitations de la congrégation catholique de cette commune.
Il nous revient que ce musulman pratiquant est aussi à l'aise dans une Église qu'à la mosquée. Ce musulman connaît mieux sans nul doute les rites catholiques que certains qui récitent le "Je vous salue Marie" ou le "Notre Père" à longueur de journée.
Le standing ovation réservé à Monsieur le Maire par les fidèles à chacun de ses passages dans une Église témoigne simplement que le peuple sait que Dieu est UN.
Au-delà de toute considération religieuse, le peuple d'Abobo, toutes religions confondues, communie chaque fois dans l'allégresse comme un seul homme avec son maire et ne retient que le message clair et précis de Monsieur Toungara : « Je suis venu à Abobo, la commune la plus défavorisée, pour montrer à la Côte d'Ivoire ce que nous pouvons et savons faire ».
Abobo, en dehors de tous les discours, a besoin d'un homme capable de la transformer, et ce type d'homme, une fois élu, n'a ni parti politique, ni religion. Aujourd'hui, chaque habitant de cette commune sait qu'il a trouvé en ce monsieur la personne de la situation, car à la vérité, depuis son élection, Monsieur Adama Toungara n'a ni parti politique, ni religion ; seul compte à ses yeux... Abobo. Au campus, on parlerait de « concrétude ». C'est pourquoi nous ne comprenons pas que pour une banale affaire de ligne budgétaire accordée à l'Église catholique, un Cardinal cautionne des œuvres dignes de Satan. C'est pour cela également que nous ne pouvons accepter qu'un Cardinal, sachant que nous avons tous (musulmans et chrétiens) en commun le même Dieu, puisse préférer un chrétien comme Président plutôt qu'un musulman, quand Dieu lui-même n'a pas jugé utile de spécifier la religion de ses serviteurs terrestres. Monsieur Agré, qui semble ignorer que Dieu est à la fois Amour, Paix, Justice et Vérité, a-t-il le crédit et la légitimité nécessaires pour déclarer, comme il l'a fait ce dimanche, « Dieu a libéré la Côte d'Ivoire » pendant que son peuple attend de lui sa part de vérité ? Dieu, qui est Amour, Paix, Justice et Vérité, peut-il libérer un pays qui a tué et violé ses fils et ses filles ?
Nous n'avons noté à ce jour aucun jugement de ces assassins et violeurs, ni observé le moindre signe de compassion d'éventuels coupables et leurs commanditaires pour bénéficier de la miséricorde divine. Bien au contraire, c'est plutôt à des enterrements clandestins et aux persécutions d'opposants qui sont servis au peuple par ces gens que Dieu a libérés, d'après le Cardinal. Sans vouloir offenser l'érudit que vous êtes, Cardinal Agré, nous ne croyons pas du tout à votre prophétie pascale, car Dieu ne libérera jamais un pays qui a été souillé avec la complicité de ses Cardinaux et autres représentants. Nous indiquons à toutes fins utiles que nous n'avons pas inventé le récit des Cadres patriotes Yacouba ; ce récit, d'après nos sources, a été authentifié. Dieu protège la Côte d'Ivoire et nous garde au nom du sang sacré de Jésus.
