Article
Table ronde de l'AID-CI. M. Robert Porter Jackson : "La haine raciale et religieuse a toujours fini dans les effusions de sang"
- Title
- Table ronde de l'AID-CI. M. Robert Porter Jackson : "La haine raciale et religieuse a toujours fini dans les effusions de sang"
- Type
- Article de presse
- Publisher
-
Le Patriote
- Date
- November 16, 2000
- DescriptionAI
- Lors d'une table ronde de l'AID-CI sur l'éthique électorale en Côte d'Ivoire, Robert Porter Jackson, conseiller politique américain, a mis en garde contre la haine raciale et religieuse, affirmant qu'elle mène toujours à l'effusion de sang. Il a souligné que les conflits ne sont pas dus à l'ethnicité ou la religion, mais à des dirigeants cyniques exploitant ces divisions. Le discours a insisté sur l'importance d'élections transparentes, d'une gouvernance responsable et d'une démocratie solide pour assurer la paix, la prospérité et l'unité du pays.
- pages
- 11
- number of pages
- 1
- Language
- Français
- Contributor
-
Frédérick Madore
- Identifier
- iwac-article-0007066
- content
-
Table ronde de l'AID-CI
M. Robert Porter Jackson:
"LA HAINE RACIALE ET RELIGIEUSE A TOUJOURS FINI DANS LES EFFUSIONS DE SANG"
À l'occasion de la Table ronde de l'AID-CI sur "Un Code d'éthique et de Bonne conduite pour la Campagne Électorale", M. Robert Porter Jackson, Conseiller politique représentant M. Georges Mu, Ambassadeur des États-Unis en Côte d'Ivoire, a livré un discours sur les conditions d'une véritable compétition démocratique. Nous le publions en intégralité.
-Monsieur le ministre d'État, ministre de l'Intérieur et de la Décentralisation,
Monsieur le président de l'AID-CI,
Honorables invités,
Chers collègues,
C'est avec beaucoup de plaisir que je m'adresse à vous aujourd'hui. Les États-Unis sont fiers de soutenir cette table ronde de l'AID-CI sur l'élaboration d'un code de conduite pour les prochaines élections. Cela fait partie de notre effort de promotion de l'éducation civique, de la démocratie et du respect des droits de l'homme en Côte d'Ivoire.
En cette journée de la paix en Côte d'Ivoire, qui est aussi la date limite de dépôt des candidatures pour les élections législatives, cette réunion vient à point nommé pour discuter du code de conduite pour les prochaines élections.
La Côte d'Ivoire est confrontée à une question centrale, celle de savoir si elle sera un pays prospère et multi-ethnique. Voici la voie que la Côte d'Ivoire a toujours choisie.
Jour après jour, des Ivoiriens, à l'instar de ceux qui sont ici dans cette salle, travaillent à l'amélioration des niveaux de vie et à la construction d'un avenir dans lequel les forces qui rassemblent les gens sont plus fortes que celles qui les séparent. La Côte d'Ivoire a approfondi les libertés, encouragé la tolérance, surmonté des réformes économiques difficiles, fait progresser la démocratie et la prospérité du pays, et elle s'est également engagée dans l'intégration régionale et l'accroissement de la coopération économique avec les pays voisins. Les enfants de Côte d'Ivoire - tous les enfants de Côte d'Ivoire - méritent d'avoir la chance de grandir sans peur. Le véritable ennemi, c'est la haine diabolique basée sur une vision déformée de ce qui constitue la vraie grandeur nationale. Les États-Unis ont grandi au fur et à mesure que nous avons rejeté le racisme, que nous nous sommes débarrassés du sens de la supériorité, que nous sommes devenus plus engagés vis-à-vis du travail en commun, et ceci au-delà des limites qui nous divisaient, et que nous avons trouvé d'autres moyens de définir le sens et le but de la vie. Il en est de même pour tous les autres pays qui ont décidé de suivre cette voie. C'est une vision qui s'imposera et c'est une vision qui, nous le croyons, devrait être soutenue par tous les candidats et tous les partis politiques.
En décembre, la Côte d'Ivoire sera confrontée à un autre choix. Le choix est de savoir si les élections législatives se dérouleront dans la paix, si elles seront transparentes ou si inexorablement elles entraîneront la discorde. Les États-Unis pensent que le sang, les pertes en vies humaines et le refus de la liberté en l'an 2000 : est-ce que les tensions ethniques et religieuses feront constamment l'objet des ordres du jour de la Deuxième République ? La promesse d'une Côte d'Ivoire en paix, d'une Côte d'Ivoire prospère et démocratique est à notre portée. Cependant, nous savons tous que la paix peut être menacée par les troubles ethniques et religieux. Pendant que le monde est monde, il y a eu des problèmes entre les peuples qui diffèrent les uns des autres, et peut-être y en aura-t-il toujours. La haine raciale et religieuse a toujours inexorablement fini dans les effusions de sang, les pertes en vies humaines et le refus de la liberté. Il existe néanmoins une autre voie où les peuples ayant des histoires et des religions différentes travaillent ensemble, à l'intérieur et au-delà des frontières nationales ; une voie où les peuples commencent à poser les jalons d'un avenir meilleur.
La Côte d'Ivoire doit réaffirmer que la discorde n'est pas inévitable. Nous devons tous accroître nos efforts dans ce sens. Aujourd'hui, quand on examine les causes du conflit, on dit prendre en compte la pauvreté, l'ethnicité et la religion. Alors qu'on ne peut nier la corrélation entre la pauvreté et le conflit, cela est beaucoup plus complexe qu'une simple relation de cause à effet. Certains des pays les plus tragiques d'Afrique sont certains des pays les plus riches du monde en ressources naturelles. Par ailleurs, certains des pays les plus pauvres d'Afrique sont en paix.
En ce qui concerne les divisions ethniques, beaucoup trop de conflits mondiaux, aussi bien en Afrique, en Asie, qu'en Europe ou au Moyen-Orient, ont été attribués à d'anciennes haines ethniques. Rien n'est de plus faux. Les groupes ethniques n'ont pas de codes génétiques pour la violence et le conflit. De plus, les plus récentes découvertes scientifiques sur le génome humain soulignent un fait important : en termes génétiques, tous les êtres humains, sans distinction de race ni d'ethnie, sont semblables à plus de 99 %. Cela signifie que la société moderne a confirmé ce que la plupart d'entre nous a appris, premièrement par le biais de sa foi, que le véritable sens de la vie sur la terre est notre humanité commune. Je soutiens que certains se battent sur des différences mineures à cause de dirigeants cyniques, des dirigeants qui sont à la recherche de tous les moyens pour exploiter les autres à leurs fins personnelles et qui choisissent de ne pas célébrer et de ne pas faire ressortir les côtés positifs des petites différences qui font partie de la condition humaine, mais plutôt d'exacerber et de magnifier ces petites différences pour leurs propres ambitions.
Cela fait plus d'un an que le monde a pleuré la disparition de Mwalimu Julius Nyerere, un dirigeant qui a été président d'un pays qui est une glorieuse mosaïque de cultures, de langages, et qui connaît aujourd'hui les joies d'une identité nationale solide et brillante. De l'autre côté de l'équation, la Somalie doit être le pays africain le plus homogène ethniquement ; pourtant, la Somalie a plongé dans un chaos dont elle commence seulement à émerger. Au Rwanda et au Burundi, la violence entre Hutus et Tutsis ne reflète pas un animus permanent ; elle représente plutôt une stratégie du diviser pour mieux régner par laquelle les politiciens coloniaux et post-coloniaux ont cherché à perpétuer leur pouvoir. Ces gens ne sont pas de vrais nationalistes ; ce sont des opportunistes qui cherchent à alimenter les feux du nationalisme et de l'ethnicité à leurs propres fins personnelles. Ainsi que nous avons pu le constater à travers le monde entier, les politiciens et les opportunistes qui ont semé les graines du chauvinisme ethnique pour leurs propres avancements peuvent faire plonger des régions entières dans le chaos. Ce sont eux, et non les forces qu'ils déchaînent, qui sont responsables des violences qui s'ensuivent.
Enfin, en s'appuyant sur les différences religieuses, nous voyons la même dynamique détournée aux fins personnelles des dirigeants. Jusqu'à très récemment, il n'y avait jamais eu de tension entre Chrétiens et Musulmans en Côte d'Ivoire. On n'avait jamais entendu parler de violence sectaire dans l'un des pays africains.
J'ai noté que, lorsque Monsieur le ministre d'État, ministre de l'Intérieur et de la Décentralisation, est allé récemment sur les lieux du drame, il a dit que ce massacre était étranger à la culture de ce grand pays et que cela constituait une source de honte pour tous les Ivoiriens. Ce sentiment était presque aussi important que sa promesse d'une enquête immédiate et complète, car cela démontrait que de tels actes sont contraires à la culture politique et civique de la Côte d'Ivoire, et qu'il doit toujours en être ainsi.
Les États et les peuples n'échouent pas. Les dirigeants échouent. Peut-être que la vraie cause des conflits en Afrique est une gouvernance inexplicable. S'il existe des conflits alors que les gens veulent la paix et la démocratie, la conclusion évidente est que les enfants ne peuvent pas se permettre d'aller à l'école ? Les ministères de l'Économie et des Finances et les Banques centrales exigent-elles un décompte des sommes dépensées et de l'argent volé par les personnalités de l'État elles-mêmes ? Existent-ils pour les électeurs des opportunités de changer les gouvernements qui ont encouragé la haine ? Je viens de poser plusieurs questions sur lesquelles je vous encourage à réfléchir. Mais, permettez-moi de vous offrir une réponse.
C'est uniquement par le biais des principes universels d'élections transparentes et d'une gouvernance responsable, qui, nous le croyons, naissent avec la démocratie, que la Côte d'Ivoire et les pays amis, qui souhaitent voir la stabilité et la prospérité s'installer dans le pays, peuvent vraiment commencer à faire face aux défis de l'avenir.
Sans paix, sans tolérance, il ne peut y avoir de démocratie, car la démocratie n'est pas seulement une autre forme de gouvernement. C'est la meilleure forme de gouvernement et la seule qui permette réellement aux peuples de se gouverner en choisissant leurs représentants et en gérant leurs propres lois.
La démocratie équilibre les droits et les responsabilités. La démocratie respecte et protège les libertés fondamentales. La démocratie n'est pas la propriété d'un seul homme, d'un seul groupe, ou d'un seul parti politique. Elle ne peut non plus être équivalente à la loi de la rue. Les démocraties sont destinées à protéger les droits de la minorité vis-à-vis de la majorité. Les gouvernements démocratiques existent-ils pour les électeurs, des opportunités de changer les gouvernements qui ont encouragé la haine ?
Dans tous les conflits aujourd'hui, les gens doivent se demander si leurs institutions fonctionnent. Les tribunaux exigent-ils de mener des enquêtes sur les abus de droits de l'homme et sur les violations flagrantes ? Les journaux et les stations de radio exigent-ils la bonne gouvernance et la responsabilité, ou encouragent-ils plutôt les querelles ? La société civile encourage-t-elle toutes les factions à entrer dans la vie politique et à accepter la volonté de la majorité tout en protégeant la minorité ? Les partis politiques de l'opposition jouent-ils des rôles constructifs ou destructifs ? Les syndicats, les églises et les organisations civiques exigent-elles de connaître les raisons pour lesquelles des voisins se battent et se tuent ? Les organisations féminines exigent-elles de savoir les raisons pour lesquelles certains gouvernements et certaines de leurs associations encouragent la xénophobie et l'intolérance pendant que leurs dirigeants cherchent à alimenter les feux du nationalisme et de l'ethnicité à leurs propres fins personnelles ?
Il y aura toujours des gagnants et des perdants dans la politique, mais on n'a pas besoin des vaincus. Je souhaite plein succès à cette table ronde sur l'élaboration d'un code de conduite pour les élections, et nous attendons impatiemment de pouvoir travailler avec vous tous pour construire un avenir de paix, de prospérité, d'unité et de démocratie pour tous nos enfants et petits-enfants.
Je vous remercie.


