Article
Manifestation des jeunes musulmans : l'imam Sana pris dans ses propres contradictions
- en
- fr
- Hierarchies
-
Burkina Faso
- Articles de journaux (3615 items)
- Burkina 24 (279 items)
- Carrefour africain (33 items)
- FasoZine (116 items)
- L'Evénement (45 items)
- L'Observateur (61 items)
- L'Observateur Paalga (509 items)
- La Preuve (28 items)
- Le Pays (709 items)
- LeFaso.net (709 items)
- Mutations (13 items)
- San Finna (9 items)
- Sidwaya (1104 items)
- Publications islamiques (432 items)
- Al Mawadda (11 items)
- An-Nasr Trimestriel (16 items)
- An-Nasr Vendredi (318 items)
- L'Appel (48 items)
- L'Autre Regard (11 items)
- Le CERFIste (13 items)
- Le vrai visage de l'islam (15 items)
- Documents divers (Burkina Faso) (16 items)
- Photographies (Burkina Faso) (9 items)
- Références (Burkina Faso) (297 items)
- Articles de journaux (3615 items)
- Title
- Manifestation des jeunes musulmans : l'imam Sana pris dans ses propres contradictions
- Creator
- Abdoulaye Ly
- Publisher
- Mutations
- Date
- March 1, 2013
- Abstract
- L’imam Aboubacar Sana est une icône dans le milieu des prêcheurs musulmans. Beaucoup de fidèles, surtout les jeunes, ont bu ses prêches dans les mosquées et à travers les radios FM. Sa position sur les fêtes chrétiennes a longtemps été de ne pas y participer, même pas « souhaiter bonne fête » aux chrétiens. Une exhortation bien appliquée à la lettre par certains de ses auditeurs. Se sentant trahis quand ils ont vu l’imam le 30 décembre dernier chez l’Archevêque de Ouagadougou, Mgr Phillipe Ouédraogo faire ce qu’il les a déconseillé durant des années, certains ont décidé de lui demander des comptes.
- Subject
- Aboubacar Sana
- Ali Sanfo
- Catholiques
- Ismaël Derra
- Mouvement Sunnite du Burkina Faso
- Philippe Ouédraogo
- Pluralisme religieux
- Extrémisme
- Salafisme
- Spatial Coverage
- Ouagadougou
- Language
- Français
- Contributor
- Frédérick Madore
- Identifier
- iwac-article-0002317
- content
-
L’imam Aboubacar Sana est une icône dans le milieu des prêcheurs musulmans. Beaucoup de fidèles, surtout les jeunes, ont bu ses prêches dans les mosquées et à travers les radios FM. Sa position sur les fêtes chrétiennes a longtemps été de ne pas y participer, même pas « souhaiter bonne fête » aux chrétiens. Une exhortation bien appliquée à la lettre par certains de ses auditeurs. Se sentant trahis quand ils ont vu l’imam le 30 décembre dernier chez l’Archevêque de Ouagadougou, Mgr Phillipe Ouédraogo faire ce qu’il les a déconseillé durant des années, certains ont décidé de lui demander des comptes.
L’élément déclencheur de la crise a lieu le 30 décembre 2012. Ce jour-là, le bureau de la communauté musulmane se rend à l’archevêché de Ouagadougou. L’objet de leur visite, c’est souhaiter au Mgr Philippe Ouédraogo « bonne fête de noël » et par anticipation celle du nouvel an 2013. C’est devenu une habitude puisque c’est la troisième année consécutive que les responsables du bureau effectuent cette visite. Ils se font à chaque fois accompagner par l’imam de la grande mosquée de Ouagadougou, Cheikh Aboubacar Sana. Ces visites de courtoisie font suite à celles du Mgr Philippe Ouédraogo qui, depuis son arrivée à la tête de l’Eglise catholique, multiplie des signes de rapprochements entre les deux communautés. Son engagement en faveur du dialogue interreligieux l’a amené plusieurs fois à assister à la prière des fêtes de ramadan et de tabaski à la Place de la Nation. Ce sont des visites réciproques qui ont lieu depuis longtemps à la différence que chez les responsables musulmans, elles sont presque entourées du sceau de la confidentialité. Ils n’ont jamais communiqué sur leur déplacement à l’archevêché. Leur base n’est donc pas mise au courant. Jusque-là, il n’y avait pas de problème puisque les visites n’étaient pas médiatisées. Ce 30 décembre, la donne change. Quand les responsables musulmans arrivent, ils trouvent une équipe de la télévision nationale prête à filmer « l’événement ». Ceux qui ont invité la télé ont voulu en effet en faire un « événement ». La crise malienne oblige, ils veulent montrer qu’au Burkina Faso, on est loin des positions extrémistes. Au contraire, les responsables des plus importantes confessions religieuses sont en parfaite harmonie (c’est pareil au Mali). Le message était destiné à l’opinion. Mais la présence de la RTB n’est pas du goût des responsables musulmans. Qui a invité la télévision ? C’est la question qu’ils se posent. Certains marquent leur agacement et d’autres se montrent plus hostiles, suggérant même de faire demi-tour si la télévision n’est pas mise de côté. Mgr Philippe Ouédraogo n’est pas mis au courant du malaise de ses hôtes. Ce même malaise qui fait qu’ils ne sont pas reçus, à leur demande, à la cathédrale, préférant les bureaux du Mgr que le lieu de culte. Néanmoins, après concertation, ils décident de rester pour ne pas provoquer un scandale. La télévision filme l’entrevue et la diffuse dans son édition de 20h.
L’imam Sana entre deux feux
Après la visite chez l’archevêque, l’imam de la grande mosquée est pris entre deux feux : le groupe de jeunes musulmans hostile à la visite et le bureau de la communauté musulmane qui lui reproche d’avoir cédé à la « brouhaha populaire » en affirmant devant les jeunes qu’il avait eu tort d’avoir fait partie de la délégation qui est allée chez Mgr Philippe. Dès le 31 décembre, des rumeurs de marche sur son domicile se faisaient en effet de plus en plus entendre. Pour les frondeurs, c’est lui qui a donné la caution religieuse aux responsables de la communauté et sa présence dans la délégation en est la preuve. Pourtant, des preuves (cassettes audio) existent où il demande aux musulmans de ne pas s’associer aux fêtes chrétiennes. Sans sa présence, les frondeurs estiment qu’ils auraient dirigé leur marche vers le siège de la communauté musulmane qui se trouve dans l’enceinte de la grande mosquée. En y participant, l’imam les aurait trahis et les mettent en difficulté avec leurs proches, y compris leurs femmes à qui ils interdisent d’aller rendre visite à leurs amies et voisines lors des fêtes chrétiennes. Ils apparaissent alors comme des menteurs, des extrémistes aux yeux de leurs épouses et proches. L’imam Sana et ses proches sont donc assaillis dans la même soirée du 30 décembre par des coups de fil. « En moins de 24h, j’ai reçu près d’une centaine d’appels. Beaucoup croyaient que je faisais partie de la délégation qui est allée chez l’archevêque. Or, je n’y étais pas, je n’ai même pas été informé. », témoigne un jeune prêcheur proche de l’imam Sana. De fil en aiguille, un noyau de jeunes musulmans se forme et décide de demander des explications à l’imam. Leur intention, c’était de l’appeler pour lui dire leur indignation. Mais avant de passer le coup de fil, ils consultent des personnes ressources. Le premier qu’ils appellent, c’est Cheikh Ismaël Derra. C’est un jeune prêcheur très écouté par les jeunes. Il est par ailleurs le chef de programme de la radio Al Houda, une radio confessionnelle musulmane située à Ouaga 2000. Informé par les jeunes, ce dernier ironise sur la démarche, affirmant qu’un coup de fil ne peut rien changer à la situation. Il affirme qu’il est d’avis avec les jeunes, l’imam ne devrait pas se rendre chez l’archevêque pour les fêtes de noël et de fin d’année. Les jeunes comprennent qu’il les encourage plutôt à se déplacer chez l’imam pour lui dire de vive voix ce qu’ils pensent. Un autre « aîné » consulté par les jeunes se nomme Tonton Ibrahim. C’est un jeune animateur de la même radio FM confessionnelle. Il anime une émission pour enfants. Il est très réputé dans la communauté pour avoir mobilisé à plusieurs reprises des centaines de fidèles pour défendre des causes qu’il estime justes. Ce sont des affaires de détournements des espaces réservés pour la construction de mosquées. Il est bien connu des forces de l’ordre, non pas pour avoir séjourné dans leur violon, mais pour avoir été leur interlocuteur sur le terrain des tensions. Jusque-là, il n’y a pas eu de dérapage. A toutes les situations, il a su maîtriser ses camarades. Il faut ajouter que le droit se trouvait aussi de leur côté. Quand il a été contacté par les jeunes, il leur a conseillé de laisser tomber. Pour lui, rien de bon ne va sortir de leur démarche. Une troisième personne soupçonnée d’avoir été également consultée par les jeunes s’appelle Ali Sanfo. Ce jeune prêcheur, dont les prêches sont jugés radicaux par des responsables de la communauté musulmane, officie comme imam à la mosquée de la Trame d’accueil de Ouaga 2000. A-t-il été consulté par les jeunes ? Il y a des doutes sur la question. L’intéressé affirme qu’il a été informé de l’intention des jeunes de marcher sur le domicile de l’imam par son confrère Ismaël Derra le 1er janvier. Un des meneurs des jeunes nous confirme qu’ils n’ont pas demandé son avis. Ce n’est que le matin de leur « marche » le 2 janvier qu’ils l’ont appelé pour lui demander d’être leur porte-parole auprès de l’imam Sana. Ce qu’il n’a pas accepté. Toutes ces trois personnes ressources (Derra, Ibrahim et Sanfo) font partie de la petite cour de l’imam Sana. Ce sont en quelque sorte ses conseillers, surtout Derra et Sanfo. Ces deux derniers étaient au courant de ce qui se tramait, mais ils n’avaient pas la même position.
Attitude équivoque d’Ismaël Derra
Derra est le premier à être informé par les jeunes. La télévision islamique dont il est proche a diffusé une bande annonce sur l’appel à mobilisation des jeunes. La radio où il officie a reçu la même annonce, même si à la dernière minute, il a refusé sa diffusion. Mais il n’a rien fait pour dissuader les jeunes de surseoir à leur démarche. Pourtant, chez l’imam, il s’est montré intransigeant, conseillant à l’imam de ne pas recevoir les jeunes. Pour lui, l’imam n’a pas de compte à rendre à ces derniers. S’ils veulent, ils n’ont qu’à aller se plaindre auprès du bureau de la communauté musulmane. Ali Sanfo a une tout autre position. Pour lui, l’imam devrait recevoir les jeunes et les écouter. Il craint que le refus de les écouter engendre des casses. Devant ces deux positions, l’imam choisit celle de la conciliation. Il décide de recevoir les jeunes. Ces derniers sont environ une centaine rassemblés d’abord devant la Maison des jeunes et de la culture Jean-Pierre Guingané de Cissin, puis ils s’ébranlent vers le domicile de l’imam, non loin du rond-point de la Patte d’oie. Quand ils arrivent, c’est Sanfo qui sort les accueillir. Il leur demande d’être courtois envers l’imam et d’être bref vu l’état de santé de ce dernier. Il revenait d’un traitement médical en France. Les jeunes marquent leur accord et Sanfo fait sortir l’imam accompagné de Derra. Leur porte-parole lit une déclaration dans laquelle ils s’indignent de la participation de l’imam à la visite chez Mgr et lui demande de ne plus y participer. Ils ne sont pas non plus d’accord que Mgr Philippe Ouédraogo vienne assister aux prières de ramadan et de tabaski à la Place de la nation. A son tour, l’imam prend la parole. Il se dit honoré par leur démarche pacifique et les exhorte à continuer à chercher à comprendre leur religion de manière pacifique. Mais pour calmer les jeunes, Sanfo le souffle à l’oreille de dire qu’il n’a pas bien fait en allant chez Mgr. Il prononce le mot sous les acclamations des jeunes avec des « Allah akbarou ». Avant de se disperser, les jeunes ont aussi eu droit à une dizaine de minutes de speech de Derra, un discours qui va dans le sens de la déclaration des jeunes. Ce qui laisse pantois l’imam et Sanfo parce que Derra était opposé à l’idée même de les recevoir. Très contents, les jeunes se dispersent dans le calme. Des responsables de la communauté musulmane, eux, reprochent à l’imam Sana son « ambivalence ». Il serait à la fois avec la communauté musulmane et le mouvement sunnite, les deux importantes associations musulmanes du pays. Pour ces responsables, les jeunes qui sont au-devant de la manifestation chez l’imam sont influencés par des thèses salafistes dont l’imam lui-même ne s’est pas totalement éloigné à certains égards. On le somme de se démarquer complètement de l’autre tendance pour n’appartenir qu’à la communauté musulmane. Pour cela, on lui aurait demandé de s’éloigner de certains de ses conseillers, accusés de salafisme radical.
Abdoulaye Ly
MUTATIONS N° 24 du 1er mars 2013. Bimensuel burkinabé paraissant le 1er et le 15 du mois