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Imam Khalid Ilboudo, encadreur à l'AEEMB : « Le sacrifice du mouton n'est pas obligatoire, il est seulement recommandé... »
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- Title
- Imam Khalid Ilboudo, encadreur à l'AEEMB : « Le sacrifice du mouton n'est pas obligatoire, il est seulement recommandé... »
- Publisher
- Sidwaya
- Date
- October 25, 2012
- Abstract
- Encadreur de l'Association des élèves et étudiants musulmans au Burkina (AEEMB), Khalid Ilboudo est une personne avertie des questions de l'islam. A quelques heures de la célébration de l'Aïd el Kebir encore appelée Tabaski, l'imam situe, entre autre, la portée de cette fête et l'attitude du musulman ce jour.
- Subject
- Alidou Ilboudo
- Film Innocence of Muslims
- Laïcité
- Hadj
- Association des Élèves et Étudiants Musulmans au Burkina
- Aïd al-Adha (Tabaski)
- Aïd el-Fitr
- Pauvreté
- Analphabétisme
- Sunnah
- Spatial Coverage
- Ouagadougou
- Language
- Français
- Contributor
- Frédérick Madore
- Identifier
- iwac-article-0000874
- content
-
Encadreur de l'Association des élèves et étudiants musulmans au Burkina (AEEMB), Khalid Ilboudo est une personne avertie des questions de l'islam. A quelques heures de la célébration de l'Aïd el Kebir encore appelée Tabaski, l'imam situe, entre autre, la portée de cette fête et l'attitude du musulman ce jour.
Quelle est l'importance de l'Aïd el Kebir ou Tabaski ?
L'aïd el Kebir, signifie la grande fête. Le ramadan, l'Aïd el Fitr étant la petite. L'Aïd el Kebir commémore deux évènements : la fin du pèlerinage à La Mecque et le sacrifice de Ibrahim. Il est la fête du sacrifice. L'élément le plus visible ce jour est la célébration de la grande prière pour rendre grâce à Allah. Ensuite vient l'immolation du mouton qui est l'héritage que nous avons d'Ibrahim qui s'est vu en rêve devant Allah sacrifiant son fils Ismaël. Il a accepté mettre ce rêve en pratique et au moment où il allait immoler son enfant, Dieu l'a racheté avec un bélier. Cet acte montre son dévouement à Allah au-delà de l'intérêt familial et autres considérations. La prière et le sacrifice du mouton sont les principaux éléments que le fidèle doit accomplir ce jour.
Qui est autorisé à immoler un mouton pour la Tabaski ?
Le sacrifice de l'animal est prescrit pour toute famille musulmane. Il n'est pas individuel comme les autres actes d'adoration mais à l'échelle de la famille. Mais quand on n'a pas les moyens, il n'y a pas d'obligation. Pourquoi, parce que la dernière fois que le Prophète a fait ce sacrifice, il a tué deux béliers. Il a dit, le premier c'est pour Mohamed et sa famille, le deuxième c'est pour toute famille indigente qui n'a pas de bélier pour sacrifier ce jour-là et toutes les Tabaskis à venir. Donc le sacrifice des indigents a été pris en compte par le Prophète.
Souvent, on voit dans une famille, le chef de ménage tuer un mouton, ses épouses en faire autant. Est-ce une obligation pour les autres membres de la famille d'honorer ce sacrifice ?
L'obligation ou plutôt la recommandation, c'est un mouton pour chaque famille qui a les moyens d'en acheter. Mais si on va au-delà parce que ça peut fournir de la viande à d'autres familles, il n'y a aucun problème tant qu'il n'y a pas de gaspillage.
Quelle est la nature de la bête ?
La bête à sacrifier est définie par le Coran. Il y a les ovins (bélier, brebis), les caprins (bouc, chèvre), les bovins (boeuf, vache), et les camelins (chameau, chamelle). Ce sont ces quatre animaux qui sont prescrits. Il n'y a pas de classification, mais on estime qu'à l'origine, comme Allah a racheté la vie de l'enfant par un bélier, on privilégie cet animal pour suivre l'esprit et la lettre, le symbole et la nature. Cependant, quand on voit l'intérêt public en viande pour les familles, on peut privilégier par exemple un boeuf ou un chameau. Dans la sunna du Prophète, il est indiqué que sept personnes peuvent se mettre ensemble pour tuer un boeuf et plus pour un chameau. Cela va offrir de viande à beaucoup de familles. Aussi, l'animal de sacrifice doit être de belle facture. L'animal boîteux, malade, maigre, corne cassée ou oreille coupée jusqu'au tiers au-delà de l'organe, etc., n'est pas indiqué pour le sacrifice.
Comment se fait la répartition de la viande de l'animal immolé ?
La viande doit être répartie en trois parties. Une partie pour la famille, une autre pour les parents et amis et la dernière partie pour les indigents. C'est un jour de fête où on sert la famille, les voisins et amis et ensuite les indigents. Il n'est pas exclu que si on est dans le besoin, on garde toute la viande pour soi. Il n'y a aucun problème non plus à la donner en totalité en charité.
Peut-on donner cette viande aux personnes d'une autre confession religieuse ?
Oui. Il n'est pas interdit de donner de la viande à ceux qui ne sont pas musulmans. Parmi les parents, les voisins et les amis, il y a des gens qui ne sont pas musulmans et, étant donné que c'est un jour de fête, on leur en donne. Il n'y a pas de texte en ma connaissance qui soit contraire à cela.
Selon certaines personnes, une fois qu'on commence le sacrifice du « mouton », cela devient une obligation de poursuivre sans interruption. Quel est votre avis ?
Comme je l'ai dit, le sacrifice du mouton n'est pas obligatoire. Il est seulement recommandé. Donc, cette thèse n'est pas de mise. Ce sont des préjugés. Quand on n'a pas les moyens, le Coran est clair : Dieu n'impose à aucun homme ce dont il n'est pas capable. Donc, on le fait dans la limite de nos posibilités. Il n'y a aucun problème à sacrifier cette année et ne pas le faire une autre année par défaut de moyens. C'est juste un acte recommandé et pas plus.
Un non musulman peut-il offrir un bélier à un musulman qui n'a pas les moyens pour s'en acheter ?
Cela ne pose aucun problème parce que nous vivons dans une communauté où nous recevons des cadeaux de quelqu'un qui n'est pas musulman. Le prophète (PSL) en a reçu des gens qui ne sont pas musulmans. Il a reçu de la nourriture et il a même reçu de la viande de ceux qui ne sont pas musulmans, quand c'est un cadeau qui honore. Mais, on n'accepte pas des cadeaux dont l'intention est de saper le moral de la personne. Je prends l'exemple pratique d'un parent qui était d'une autre religion et qui s'est converti à l'islam. Pendant la Tabaski, il n'a pas les moyens et quelqu'un lui dit, même dans ta nouvelle religion tu n'as pas les moyens pour t'acheter un bélier, viens prendre un mouton. Ça ne l'honore pas. Quand le cadeau est fait avec franchise et gaité de coeur, il n'y a pas de problème.
La fête de l'Aïd el kebir est une occasion pour certains vendeurs de bétail de s'adonner à la surenchère sans raisons valables au point qu'une catégorie de fidèles n'arrive pas à honorer l'engagement du sacrifice du mouton. Que pensez-vous de cette situation ?
Je ne suis pas dans le secteur de l'élevage pour me prononcer de façon conséquente. Mais si c'est de la surenchère parce que les gens sont dans le besoin, ce n'est pas bon. Nous sommes dans un pays où les prix peuvent être réglementés comme on le fait au niveau de quelques denrées. Peut-être qu'au niveau des animaux, c'est plus difficile, mais, il faudra que les gens comprennent qu'on gagnerait à produire plus pour qu'il y ait un écoulement et un développement du secteur. Vous verrez qu'après la Tabaski, il y aura beaucoup de commerçants qui retourneront chez eux avec leurs moutons qui ont fait peut-être, une semaine à Ouagadougou. Ce n'est pas sûr en ce moment que la personne fait un bénéfice et pourtant, s'il avait vendu à un prix abordable, il aurait écoulé plusieurs animaux au lieu de vendre quelques-uns seulement à des prix élevés.
Le jour de la fête, quel doit être le comportement du musulman face à ses voisins d'autres religions ?
Le jour de la fête est un jour de remerciement. Le musulman doit être agréable, affable envers ses parents, ses voisins. Il doit même leur rendre visite ce jour-là pour partager sa joie et sa nourriture. Seulement, on vit dans une communauté où on connaît les habitudes alimentaires des uns et des autres. Ce n'est pas parce que c'est le jour de la fête qu'on doit enfreindre cela. Le respect que nous avons, c'est ce même respect que nous devons manifester quand on va chez quelqu'un, en respectant sa culture et son identité.
Quel lien y a-t-il entre la Tabaski et le pèlerinage ?
Le lien entre la Tabaski et le pèlerinage, vous verrez que tous les actes que le pèlerin fait, ce sont des actes accomplis, soit par Abraham (Ibrahim) et les membres de sa famille, soit par le Prophète Mohamed (PSL). Vous savez que dans le pèlerinage, il y a le parcours entre Safah et Marouah qui sont deux collines entre lesquelles Hagar la femme de Abraham a couru à la recherche de l'eau pour son fils Ismaël. Et le pèlerin répète cet acte. Nous avons le rite de la lapidation de la stèle de Satan à Mina qui symbolise aussi le moment où Abraham et son fils se dirigeaient vers le lieu du sacrifice et ils devaient faire face au diable tentateur qui les empêchait de faire le sacrifice. Donc, ce sont ces éléments qui sont commémorés par la Tabaski et cela se fait à la fin du pèlerinage musulman. Il y a, bien sûr, d'autres actes faits par le Prophète comme la station à Arafa et les tournées autour de la maison sacrée d'Allah.
Le monde musulman a été égratigné par la diffusion d'un film intitulé « L'innocence des musulmans ». La communauté musulmane du Burkina n'a pas été en reste dans la vague de protestations qu'il y a eue à travers le monde. Quel jugement portez-vous sur cette situation ?
Effectivement, le monde musulman a été vraiment secoué par d'abord les caricatures et des films. Il y a eu un film intitulé « la Fitnan », ensuite, il y a eu« L'innocence des musulmans ». Comme on l'a toujours dit, la liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres. Au nom de la sacrée sainte liberté d'expression et d'opinion, on ne peut pas agresser et insulter les croyances des autres. On peut tout dire mais dans le respect des uns et des autres. C'est une exigence de la vie en communauté. Maintenant, c'est à la conscience contemporaine musulmane moderne aussi, de s'élever dans la réaction face à cela, pour enlever la passion et l'émotivité et faire une approche un peu plus raisonnée face à cette situation. Là, c'est surtout la posture des intellectuels et des savants musulmans qui est à critiquer parce que c'était à eux de prendre les devants de la scène pour dénoncer les faits avant que les foules ne s'emparent du problème. Quand la foule prend les devants, on arrive aux débordements qu'on a vus et on ne peut pas dire que c'est la faute des musulmans seulement. C'est la faute à ceux qui on commencé.
Cette situation ne porte-t-elle pas un coup à la laïcité au Burkina ?
Cela pourrait l'être si on n'y prend garde. C'est pourquoi, il faut encadrer toutes les expressions de la laïcité et des différentes libertés que nous avons parce qu'elles sont faites pour servir l'homme et non pour l'asservir. Quand on arrive avec une loi pour casser ce qui fait l'humain, cette loi n'a plus sa raison d'exister. Au Burkina Faso, on a beaucoup de choses à partager en commun. On doit travailler à consolider cela. C'est vrai que nous sommes dans un contexte international où l'information est mondialisée et les problèmes qu'on vit ailleurs parfois sans le savoir sont transposés chez nous. De façon inconsciente, on peut se sentir agresser parce que des musulmans ont fait ceux-ci à d'autres qui ne sont pas musulmans, ce qui n'a rien à voir avec le Burkina, et cela crée des réactions qui ne sont pas acceptables. Donc, c'est aux musulmans et aux autres religieux de se trouver un cadre où cette question de différence et de respect de la diversité peut être gérée. Le Burkina Faso nous offre déjà un socle. Nous avons la différence des ethnies, des langues, des régions et cela ne nous a pas empêché de former une nation. Donc, ce n'est pas celle des religions qui va venir casser cette richesse que nous avons depuis longtemps.
Que pensez de ceux qui disent que l'islam pratiqué dans nos contrées n'est pas de l'islam pur ?
L'islam modéré dont on parle souvent, il est aussi vécu ailleurs. Ce que nous devons savoir, c'est que l'islam est une religion sans clergé où l'individu peut aller lui seul à l'approche du texte. De la même façon que Dieu a révélé les textes à ses Prophètes et les savants, les autres peuvent approcher de façon délibérée le texte. Ça fait qu'on peut avoir plusieurs interprétations de la loi musulmane. Donc, ce n'est pas chez nous seulement que l'islam se vit de cette façon. Ailleurs aussi, il est vécu mais peut-être, à côté d'autres courants qui sont plus rigoristes sinon collés au texte et laissant peu de manoeuvres à l'interprétation humaine. Et quand c'est le courant dominant qui s'exprime, on va dire que ce pays-là pratique un islam puritain ou un islam modéré. Sinon, c'est la même expression de l'islam qui se retrouve dans la communauté. Puisqu'il y a aussi le tempérament des gens et des autres qui se transpose aussi dans leur manière de vivre la religion.
Quels sont vos voeux à l'occasion de la célébration de l'Aïd el Kebir ?
La Tabaski de cette année se passe au même moment où notre pays est en train de lancer le mois de la solidarité. Mon voeu le plus cher, est que nous ayons encore, des Burkinabè plus solidaires les uns envers les autres. Qu'ils aient conscience que nous vivons ensemble, quelles que soient notre ethnie, notre langue et notre religion, nous avons des défis communs qui sont : la lutte contre la pauvreté, l'analphabétisme de nos populations... pour sortir de cette pauvreté qui devient chaque jour de plus en plus endémique. C'est dans la solidarité qu'on devrait pouvoir vivre cela. Mon souhait encore, c'est que nous puissions au-delà de nos différences religieuses, lire avec conscience les textes sacrés et savoir qu'au-delà de nos interprétations, ils sont uniques. Notre Seigneur est unique et la voie qui mène à Dieu est unique. C'est à chacun de nous de mettre en exergue ce qu'il a comme richesse pour vivre à côté de l'autre, avoir une vie meilleure ici bas et, en espérer une autre dans l'au-delà. Quand on vit mal ici bas avec les autres, ce n'est pas sûr qu'on ait une vie saine dans l'au-delà. Donc, il faut promouvoir la solidarité, la fraternité et le travail. C'est ce que je souhaite à tout le Burkina Faso et bonne fête de Tabaski.