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Un syncrétisme agissant (christianisme, fétichisme, islam) : le Temple de la Paix
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Togo
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- Title
- Un syncrétisme agissant (christianisme, fétichisme, islam) : le Temple de la Paix
- Creator
- Kounoutcho Sossah
- Publisher
- Togo-Presse
- Date
- August 2, 1975
- Abstract
- Le « Temple de la Paix » n’est pas à proprement parler une secte. Puisqu’il n'est pas issu d'une église. L’existence du « Temple » est le fait d’un homme tout seul face à son destin. Azuma Agbegnigan Kokou. Le « Temple » est la créature de cet homme balloté par les événements de la vie, ayant même par moments frisé le tragique. Dès sa création en 1951, à Lomé, le Temple « répand un message d’authenticité » africaine, l’aggiornamento des valeurs noires qu’il prône est soustendu avant tout par l’Evangile. Dans ce dernier il prend 2 éléments qu’il considère comme la structure de tout rapport qu’un individu entretient avec le Seigneur Jésus-Christ (l'Amour et le Pardon). Au vodou, au fétichisme, le Temple emprunte la spontanéité, la richesse des rites, des cérémonies et toute l'intimité que l’homme tisse avec la Nature et la Sur-Nature.
- Page(s)
- 4
- 5
- number of pages
- 2
- Language
- Français
- Contributor
- Frédérick Madore
- Identifier
- iwac-article-0006444
- content
-
Le « Temple de la Paix » n’est pas à proprement parler une secte. Puisqu’il n'est pas issu d'une église. L’existence du « Temple » est le fait d’un homme tout seul face à son destin. Azuma Agbegnigan Kokou. Le « Temple » est la créature de cet homme balloté par les événements de la vie, ayant même par moments frisé le tragique. Dès sa création en 1951, à Lomé, le Temple « répand un message d’authenticité » africaine, l’aggiornamento des valeurs noires qu’il prône est soustendu avant tout par l’Evangile. Dans ce dernier il prend 2 éléments qu’il considère comme la structure de tout rapport qu’un individu entretient avec le Seigneur Jésus-Christ (l'Amour et le Pardon). Au vodou, au fétichisme, le Temple emprunte la spontanéité, la richesse des rites, des cérémonies et toute l'intimité que l’homme tisse avec la Nature et la Sur-Nature.
A l'Islam il emprunte l'écriture coranique, la langue quelquefois, ainsi qu’une teneur mystique frisant le fanatisme.
Le « Temple de la Paix » est une particularité parmi les nombreuses enquêtes religieuses que nous avions menées jusqu’ici. En effet le « Temple » constitue l’unique exemple parmi les Eglises. Il prêche un retour aux valeurs, aux rites, aux cérémonies africaines. En général, les autres sectes nègres tout étant pour un messianisme noir, regarde avec une suspicion non dissimulée les coutumes nègres. Elles mènent par principe une lutte acharnée et continuelle contre tout retour à l’authenticité qu’elles considèrent ostensiblement comme une irruption subreptice du paganisme au sein des fidèles et comme un antichristianisme déguisé et un fétichisme camouflé et rémanent, donc dangereux.
Biographie du fondateur
Le Temple de la Paix n'aurait jamais existé si Agbegnigan Kokou Azuma n’était pas né. En effet la secte est la créature tout simplement d’un homme. D’un homme au destin sinueux, troublant, fantastique. C’est dans le village de Batoumé (Circonscription de Tsévié) verdoyant et au paysage enchanteur qui en 1921, vit la naissance d'un bébé calme dont rien n’indiquait a priori une destinée extraordinaire.
Lorsque le jeune Azuma Kokou eut l'âge de six ans environ il partit à pied pour Assahun pour s'instruire. Nous ne savons pas trop pourquoi Azuma ne fréquenta plus l’école, mais se retrouva serviteur, enfant de chœur et sacristain des prêtres catholiques d’Assahun. Quelques années plus tard Azuma est à Lomé comme sacristain à la mission catholique et peu après il apprit des métiers de forge sans succès.
Quoiqu’il ne sût ni lire ni écrire Azuma retourna dans son village natal pour construire une église. Il rassemble les enfants de Batoumé dans le dessein de leur apprendre à lire et à écrire ! ! !
Azuma affirme qu'il n'y a pas que la connaissance rationnelle qui nous est familière. Il y a aussi la connaissance intuitive, et la connaissance phénoménologique que l’homme peut acquérir, pour appuyer ses affirmations, le pasteur dit qu’il lit couramment et comprend la Bible quoiqu’il n’apprît pas à l’interpréter. (Avouons que cela est surprenant et curieux).
En 1942, Azuma tomba gravement malade. Il est victime de troubles mentaux. Nous ne savons pas la nature exacte de ces troubles, il semble qu’il s’agirait comme on dit communément de la « folie ». De peur que Azuma ne s’attaquât à des personnes et ne commit des « bêtises » on lui mit des fers aux pieds. Il ne tarda pas à briser les chaînes, on ne sait trop comment, puis s’enfuit dans la brousse faisait 20 km à pied, puis revenait à son lieu de départ.
Quelques mois plus tard Azuma se mit à faire aux parents de même qu'aux gens de son village des prédications dont l'accomplissement se fit avec d'autant de retentissement qu’on le faisait passer pour « fou ».
On comprit dans le village que Azuma n’était victime des sorts jetés par un sorcier comme on l'avait cru à tort. Il prédit à son père de s’occuper d'un siège ancestral abandonné et de lui construire une petite case. Lorsque cela fut fait, les troubles mentaux d’Azuma disparurent comme par enchantement.
Azuma se rendit encore dans la brousse d'après les messages célestes qu'il avait reçus. Il mangeait des fruits verts, du manioc et des arachides crus, bref, il menait une vie très dure. « L'esprit » lui commanda pour son adoration beaucoup de cases.
Il arriva que Azuma et son frère n’obéissaient pas aux injonctions des voix d’En Haut, alors des malheurs s’abattirent sur eux (décès ininterrompus d’enfants etc). C’est alors que Azuma mit en pratique toutes les recommandations de l’Esprit, il reçut bénédictions et chance dans sa vie si orageuse. Il connut aussi la félicité.
Il acquit du coup le don de guérison. C'est ainsi qu’il soulagea les malades de Batoumé et des villages environnants. Il guérit aussi au Ghana un bon nombre de malades de Hohouè, Lolovi, Ho, Accra, Takoradi ; etc.
Après ce périple qui fit de Azuma un guérisseur incontesté et incontestable, il décida de créer une secte religieuse au nom prédestiné : « Temple de la Paix ».
DOCTRINE :
La doctrine du Temple de la Paix est axée avant tout sur l’Esprit appelé Gbongbon en Ewé et en Mina. C’est l’armature, la pierre angulaire de la secte. Mais l’esprit qu’est-ce ? L’esprit c’est une voix qui parle, qui guide l'homme, le fidèle. Cependant l’esprit est double, il y a en tout esprit le bien et le mal. C’est pourquoi l'on parle de bons et de mauvais esprits.
L'Esprit Saint, lui, inspire constamment le Temple de la Paix, toutes les actions, toutes les décisions sont entreprises au nom de la voix de l'Esprit saint. L’exégèse biblique elle-même, que pratique le pasteur lui vient de l'Esprit Saint. Ce dernier est l'initiateur de la doctrine de la secte, en effet celui-ci apprit au Temple de la Paix qu’il devait baser son enseignement, sa doctrine sur un syncrétisme assez curieux, en effet le Temple de la Paix est un amalgame de fétichisme, de christianisme, d’islam.
Le pasteur affirme que les Africains connaissaient le vrai Dieu bien avant l'époque précoloniale. Les pratiques, les coutumes qui ont permis celle connaissance du Tout-Puissant sont valables sur le plan religieux. S'il en est ainsi nous ne saurions abandonner nos traditions. Il est vrai que certaines de nos habitudes, de nos institutions n'ont pas toujours donné à l’homme la place qui lui revenait. A cet égard l'introduction du christianisme fut éminemment « révolutionnaire » ! Il inaugurait l’amour et le pardon.
C’est précisément au nom de l’amour que nous croyons qu’il faut réhabiliter les us et coutumes des Africains. Toute tradition africaine qui est orientée dans la perspective de la glorification et de l’adoration de Dieu est donc valable culturellement et culturellement, à cet égard elle doit être remise en honneur et pratiquée comme par le passé. Les malheurs, les troubles psychologiques, les difficultés quotidiennes que l’homme noir rencontre ne sont pas toujours dûs au hasard. Beaucoup d’entre eux proviennent du fait que l'individu n’est pas en accord avec lui-même, en d’autres termes l’Africain veut adopter un mode de vie contraire à son genre, à sa mentalité, à sa conscience, à son environnement. La rupture du continuum pédagogique, moral, atavique apparaît. L’individu est balloté, bouleversé, traumatisé même souvent. C’est ce lourd tribut que le colonisé paye à l’acculturation.
Si l’on veut que le Noir ne soit pas l’objet de mépris, si le Noir veut que son apport à la création, soit considéré et accepté, il doit recourir à ses valeurs, il doit ériger ses traditions en actions permanentes et efficaces, non pour elles-mêmes mais pour l'amour de Dieu. Ce fut un leurre que d’affirmer que les coutumes des noirs étaient sans valeurs. Nos ancêtres ont de tout temps pratiqué nos traditions, elles leur ont permis de s'épanouir en toute liberté et de connaître le vrai Dieu (celui d’Abraham et d’Isaac). Il n’y avait pas d'athées africains à l’époque précoloniale. C’était inimaginable. L’ordre religieux est alors troublé aujourd’hui. Donc l’ordre social risque de l’être aussi. Il est donc nécessaire qu’un renouveau religieux resurgisse et soit susceptible de concilier les croyances enracinées dans l'Afrique de nos ancêtres et qui émergent de nos jours avec l'acculturation. Il faut rendre l'Africain religieusement identique à lui-même. Mais il faut aussi lui permettre d'être ouvert aux croyances nouvelles que propose la modernité. Cette quête de soi-même, l'enracinement et la pénétration de la pensée religieuse universelle ou non-africaine est la nouvelle perspective proposée par le « Temple de la Paix ». Si elle est atteinte, alors nous aurons tous la paix, cette quiétude intérieure que recherche tout homme. L’Africain pourra-t-il atteindre le bonheur ? Pourra-t-il assimiler les messages des religions extérieures à l’Afrique tout en étant libre, en d’autres termes être écartelé par les multiples effets inhibiteurs de l'acculturation ?
Le « Temple de la Paix » répond affirmativement à condition que l'Africain revalorise sa culture, qu’il n'ait pas honte de lui-même, bref qu’il redevienne lui-même. Le message de la secte est à la fois comme nous l’avons dit quelque part culturel et culturel.
Culturel : En effet le syncrétisme (fétichisme, islam, christianisme liés) est un renouveau religieux assez surprenant et dynamique.
Culturel : La doctrine élaborée à grands traits, il est vrai par le « Temple de la Paix » est une philosophie sociale pour l'Afrique entière, en ce sens, le Temple n’est pas seulement rivé sur les problèmes spirituels, il propose des solutions touchant les problèmes temporels. A cet égard il rentre dans la tradition de toutes les sectes syncrétiques nègres.
CULTES ET RITES :
Le culte et les rites ont beaucoup d’affinités avec les rites africaines. Le culte a lieu le mercredi, le vendredi et le dimanche. Le premier vendredi du mois, tous les fidèles jeûnent du matin au soir. D’une manière générale, l’organisation et la codification du culte et des rites restent liés aux directives qu’inspire l’Esprit Saint. On est très étonné de constater qu’avant de commencer les offices, le pasteur ne sait pas ce qu’il va faire, si l’Esprit ne le lui « dit » pas. Les cérémonies religieuses restent en grande partie tributaire de l’intuition et de l’inspiration spirituelle du moment.
Danse : Elle est le signe de toutes les sectes nègres. Il n’est donc pas étonnant que l'on rencontre la danse aussi au Temple. Ce dernier donne une importance accrue à la danse dans le rituel de l'Eglise. Elle occupe pratiquement les 3/4 du rituel, ce n’est pas un hasard quand on sait que la danse se taille la part du lion dans le folklore africain.
Baptême Lorsqu’il s'agit d'un bébé, on le présente au dehors, on le lave de telle sorte que l'eau ruisselle sur lui : l'adulte lui se lave à partir d’une cuvette remplie d’eau et de parfum Après quoi le nouveau baptisé rentre à l’Eglise, où il oint d’huile sainte.
Communion : Les adeptes du Temple de la Paix n’ont pas l'institution de la communion. Ils pensent qu’ils peuvent se sanctifier avec l'huile sainte uniquement. Après les offices ils prennent en guise de communion proprement dite, un repas saint composé en général de crudités et de fruits.
La Croix : La Croix dans le Temple est vide. Il n’y a plus de Jésus sur la Croix, parce qu’il est descendu, il est mort, et il est ressuscité, il est aux cieux et non sur la Croix.
Noël — Pâques : Ces fêtes ne sont pas considérées comme des fêtes spécifiques au « Temple ». On pratique ces anniversaires uniquement par solidarité avec les autres chrétiens du monde.
Une ossature permanente. Le pasteur affirme que son Eglise est beaucoup plus orientée sur l’Ancien Testament que sur le Nouveau Testament. L’Ancien Testament correspondrait (sic) à l’Esprit et à la culture africaine, mais qu’elle ne trouve toute sa plénitude qu’en se « basant » sur l’Amour et le Pardon que lui apporte le Nouveau Testament.
Les Fidèles : Tous les Fidèles du « Temple de la Paix » ne sont pas semblables aux autres adeptes. En effet on n’adhère pas au « Temple » parce qu’on a envie. Ce sont les œuvres, les bienfaits reçus de la Secte qui déterminent volontairement les anciens malades à incorporer dans le Temple. Comme on le voit, les fidèles sont très convaincus de la doctrine de leur Eglise car ils savent qu’ils ont été sauvés par elle (sic) Mais après une guérison réalisée par le « Temple » le malade n’est pas obligé d’adhérer, il le fait s'il le désire, sans pression, en toute liberté.
En plus des fidèles « réguliers », il y a des fidèles clandestins, qui sont adeptes de l’église, mais qui ne viennent voir le pasteur qu’en cas de difficultés, ils ont peur du qu’en dira-t-on, vu leur statut social. Il semble que le nombre de ces fidèles n’est pas négligeable.
Les fidèles peuvent continuer à rester catholiques, protestants, boudhistes, fétichistes s’ils le désirent. Car le Temple de par sa tolérance n’exige pas d’abandon de la religion première comme condition sine qua non pour être son fidèle (ce qui n’est pas le cas chez les religions du livre).
La Langue : Le Temple de la Paix connaît aussi la glossolalie (don de langue) Azuma constamment parle une langue inintelligible aux fidèles, et dont il est le seul à en comprendre le sens. Il y a des fidèles qui ont aussi le don de langue, aussi il leur arrive de parler anglais, français, arabe etc. sans qu’ils aient appris auparavant ces langues.
Une langue sacrée
L’importance d’une langue sacrée au sein d’une communauté religieuse, n’est plus à démontrer, en effet, elle crée une atmosphère appropriée au culte religieux. L’inintelligibilité de la langue sacrée ajoute je ne sais quoi de mystérieux pour les fidèles. La langue sacrée renforce les sentiments mystiques, renforce la cohésion des membres, leur donne l’impression qu’ils sont en contact direct avec la Divinité. De même qu’une religion a ses rites, sa liturgie, ses chants, de même elle doit avoir sa langue propre. Il est regrettable que certaines réformes, ces derniers temps tendent à la suppression de la sacrée, au profit d’une langue vulgaire, séculière, pouvant linguistiquement évoluer et créer ainsi au niveau de la compréhension sacrale de dangereuses confusions. C’est pourquoi une langue conçue spécialement pour la liturgie se révèle efficace car elle promet une intériorisation religieuse très profonde. Cela est vrai. Il suffit d’observer les fidèles du « Temple de la Paix » lorsque le pasteur, inspiré par l’Esprit Saint, parle une langue inintelligible, c’est-à-dire sacrée. Les fidèles sont alors plongés qui dans une profonde méditation ininterrompue, qui dans des transes. La langue du fait même de son inintelligibilité (car il n’y a que le pasteur qui sait la parler) est mystérieuse.
CONCLUSION
Lorsqu'on se livre à une exégèse quelque peu profonde de la doctrine du Temple de la Paix, on s'aperçoit qu'elle a des répercussions sur le plan politique, religieux.
Le Plan politique. On reste rêveur quand on pense qu'en 1951 (date de la fondation de la secte) en pleine colonisation, le Temple de la Paix parlait déjà du retour aux sources des valeurs africaines connu de nos jours sous le vocable « d'authenticité. » Cette dernière n'est pas encore l'objet d’une étude exhaustive. Les contours sont flous et même fugitifs. Le terme d'authenticité n’est pas clair ou est trop simpliste dans l'esprit de beaucoup de personnes. Cependant nous ne saurions honnêtement dire que nous ignorons à quoi fait penser en gros le terme d'authenticité : « Le fait de prendre conscience de son passé, de soi-même, la volonté d'être soi-même et d’assumer son destin sans complexes ». Beaucoup de dirigeants africains ont compris que le développement devait avoir un appui, une prise de conscience de la part des masses laborieuses. Cette conscience, c'est l'authenticité. Elle est le moteur idéologique qui motive l'individu pour la transformation de son milieu et qui promeut l'écodéveloppement. Mais l'authenticité dans la mesure où elle se veut à juste litre idéologie, ne peut être extérieure au milieu, aux masses africaines auxquelles elle s’adresse. C'est ce que les responsables africains ont saisi, quand ils ont extrait l'authenticité à partir du peuple lui-même. C'est ce qui donne l'espoir que lorsque l'authenticité sera définie clairement et sera l'objet d'étude de la part des politologues et idéologues sérieux, elle pourra servir de base à une idéologie purement africaine enracinée sur le moi africain, tout en étant tourné sur l'avenir et la modernité, elle ne saurait dans ces conditions prêter à confusion ni être l'objet de suspicion.
Le Temple de la Paix dont la doctrine est surtout axée sur l'authenticité » risque de prêter le flanc à des critiques fort graves. En effet il affirme que les Noirs doivent s'acharner à maîtriser la technique dans le dessein de « surpasser » les Blancs. Une telle affirmation peut donner l'impression d'une attitude ethnocentrique fort regrettable, il faut croire que telle n'est pas l'idée profonde de la secte. Mais l'authenticité religieuse, non élaborée d'une façon précise, laisse libre cours à des bavardages, à l'imagination qui s’ébranle, tourne en rond sans pouvoir se fixer.
Il est bon peut-être pour donner une explication à la coloration ethnocentrique de la doctrine de la secte, de présenter les conditions historiques dans lesquelles le temple est né. Nous les avons évoquées plus haut, il s'agit de la colonisation. Cette période est trop connue pour que nous y insistions outre mesure. Signalons en passant qu'elle a cristallisé trop de rancœur, et qu'elle a fait monter elle aussi, d'un ethnocentrisme exacerbé. Il se peut donc que la « situation coloniale » ait influencé une église nègre qui se veut par ailleurs messianique. Mais ce qui est intéressant pour le chercheur c'est de remarquer la convergence d'idéologie entre une secte religieuse el certains gouvernements africains. La première a dégagé déjà autour des années 50 une idée que le pouvoir politique a découverte après au moins dix ans d'indépendance. Ce n'est pas un hasard...
Le plan religieux.
Le Temple de la Paix, est le type même d’une église syncrétique nègre. Dans la mesure où l'on rencontre en son sein au moins trois religions (christianisme, islam, fétichisme). Dans le christianisme il ne prend que ce qui l'intéresse. La sélection réalisée au niveau de la Bible (forte prédilection pour l'Ancien Testament, tandis que dans le Nouveau seuls deux aspects sont choisis : Amour et Pardon) ne s'explique pour des raisons culturelles, car, affirme-t-on, elle correspond au génie du peuple togolais. Ce dernier ne doit pas se sentir mal à l'aise dans une église par trop tournée vers l'extérieur.
A l'islam, le Temple emprunte certains rites, la langue (l'arabe) le nom du chef religieux (en effet Azuma est appelé alfa par les fidèles).
Au fétichisme togolais, le Temple a pris la spontanéité, le sens du rythme, l'engouement des cérémonies complexes où l'immolation des poulets, des coqs, des pigeons, des moutons... se fait étrangement...
« L'harmonie » réalisée par le Temple en unissant ces trois religions laisse rêveur !
Les études futures qui seront axées sur l'authenticité devront spécifier ses origines historiques, philosophiques, morales, politiques, culturelles, cultuelles...
Elles devront montrer aussi si l'émergence de l'authenticité est fortuite ou si elle s'explique par des conditions objectives que l'on rencontre en Afrique même. L'authenticité peut-être un levain puissant pour réaliser la cohésion communautaire tant au niveau familial, tribal qu'au niveau national, si oui, quelle est la stratégie que l’authenticité propose pour que tous les individus d'une Nation participent au développement économique intégral sans que pour autant ils soient absorbés par la société de consommation qu'engendre souvent toute industrialisation à l'européenne. Si ce dernier aspect des choses n'est pas abordé avec sérieux, l'authenticité risque d'être vidé de sa substance, écrasée qu'elle aura été par des éléments qui de par leur nature sont anti-authentiques. C'est pourquoi, l'authenticité reste à définir sans équivoque. Est-elle un slogan pratique, opératoire utile dans une période courte pour la mobilisation et l'éducation des masses africaines ? On au contraire est-elle une arme idéologique, une sorte d'alternative que l'Afrique a choisie face aux multiples idéologies étrangères, si oui, il faudra alors que l'authenticité soit étudiée d'une façon systématique afin que la nature, les conséquences que l'on veut donner à un concept aussi complexe, soit l'objet d’enquêtes, de conférence, séminaires, de recherches...
Par Konoutcho Sossah sociologue à l'I.N.R.S.
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