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M. Ali à l'occasion de la fête "Adossa" à Sokodé : "Le retour aux traditions permet d'éviter la rupture entre le monde des anciens et celui d'aujourd’hui"
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- Title
- M. Ali à l'occasion de la fête "Adossa" à Sokodé : "Le retour aux traditions permet d'éviter la rupture entre le monde des anciens et celui d'aujourd’hui"
- Publisher
- Togo-Presse
- Date
- May 11, 1971
- Abstract
- La fête «Adossa» ou commémoration de la naissance du prophète Mahomed a été célébrée cette année avec un éclat sans précédent à Sokodé. En effet, rassemblés à Sokodé, les Cotocolis de la région centrale et ceux venus de tous les coins du pays et même de l’étranger se sont réjouis de façon inouie durant le week-end dernier.
- Page(s)
- 1
- 5
- number of pages
- 2
- Subject
- Adossa
- Gnassingbé Eyadéma
- Mawlid
- Marcel Agba
- Kotocoli
- Frédéric Ali Dermane
- Mama Taïrou
- Rassemblement du Peuple Togolais
- Language
- Français
- Contributor
- Frédérick Madore
- Identifier
- iwac-article-0006386
- content
-
La fête «Adossa» ou commémoration de la naissance du prophète Mahomed a été célébrée cette année avec un éclat sans précédent à Sokodé. En effet, rassemblés à Sokodé, les Cotocolis de la région centrale et ceux venus de tous les coins du pays et même de l’étranger se sont réjouis de façon inouie durant le week-end dernier.
En prélude aux diverses manifestations devant marquer cette cérémonie, une prière a été dite le 7 mai à 13 heures à la mosquée de la ville, suivie à 16 heures d’un passionnant match de football opposant la sélection de Sokodé et celle de Bafilo.
étroite pour la circonstance, toute la communauté musulmane et une nombreuse foule de spectateurs pour la célébration de « Mahouloudou » (sermon religieux) et l’implantation du mât traditionnel.
QUE DIEU PROTEGE EYADEMA
Là groupé autour des Imams de Sokodé, Bafilo et Tchamba, tout le monde musulman que comptent Sokodé et ses banlieues avec à sa tête les personnalités religieuses toutes drapées dans leurs habits aux couleurs chatoyantes, avait prié et chanté en chœur jusqu'à l’aube en écoutant par moments les versets du coran retraçant la vie du prophète Mahomed. On a également prié avec ferveur pour le bonheur et le bien-être du peuple togolais et imploré Dieu afin qu’il protège le chef de l’Etat, le général Etienne Eyadéma pour sa stratégie de redressement national dans tous les domaines.
Quant à la journée du 8 mai, elle restera selon les participants, l’un des jours les plus mémorables des Cotocolis. En effet, à peine rentrée de la veillée, toute la population de Sokodé avait pris d’assaut la résidence du chef supérieur.
Ici, par un temps ensoleillé et radieux, les amateurs de danse cotocoli ont livré à des miliers de spectateurs en liesse, des danses fort sensationnelles. C’est ainsi que les vedettes en Gbaloyo, Gbarando, Dam... ont eu droit aux applaudissements frénétiques de l’assistance qui, plus ravie que jamais, ne se lassait d’offrir de l’argent à ces danseurs qui les fascinaient, les captivaient, tant leur habileté et souplesse étaient des plus rares.
L’HEURE DES DEMONSTRATIONS
Cependant l’admiration, la joie, bref la sensation au sens large du mot n’atteignit son paroxysme qu’avec la danse Adossa qui fut exécutée plus tard au stade municipale en présence de tout Sokodé et de plusieurs invités de marqua De même que le « Habiè » des cabrais. «Adossa» se caractérise naturellement par une philosophie fondamentale riche en expression. Vêtus à leur guise, les reins ceints de talismans, perles ou gris-gris autour du corps, armés de coupe-coupe, de couteaux, de canifs... tout cela bien tranchant, les danseurs d’Adossa, généralement des hommes, se déplacent en chantant sur piste circulaire et se tordent le corps suivant le son du tambour. Puis sous l’impulsion d’un produit consommé tôt le matin, on gesticule, on sautille, on tente sans succès de se tailler telle ou telle partie du corps ou même de s'égorger. Ce qui paraît fantastique au visiteur non avisé, c’est l'heure des démonstrations où on mange les tessons de bouteilles et lames de rasoir.
On en a vu même qui croquaient les crapeaux ou le lézard, qui frottaient durement un gosse avec les tessons de bouteilles sans laisser apparaître la moindre égratignure. Ajoutez à cette science originale, l'éclat des objets d'art qui scintillaient surtout à l'arrivée du cortège du chef supérieur et vous comprendrez l'aspect esthétique de cette fête cotocoli.
Le lendemain, malgré la pluie dulivienne qui s’était abattue sur la ville toute la matinée, on a assisté aux dernières manifestations qui avaient révélé pour ainsi dire le merveilleux de la pensée du peuple cotocoli à travers son folklore riche en symbolisme. Et c'est à juste titre après la parade des chevaux dotée de prix, les danses comme Takaï ou celle baptisée « Vois pour toi et puis vois pour moi », exclusivement réservée aux femmes et destinée au concours de circonstance pour ne citer que celle-là, avaient été acclamées et applaudies à tout rompre.
Notons que, outre le ministre de l'Information, assurant l'intérim du ministre de l'Intérieur, M. Frédéric Dermane Ali qui avait présidé toutes les cérémonies, de nombreuses personnalités de la capitale, avaient assisté aux différentes manifestations à l'issue desquelles 3 discours ont été prononcés.
UNE FETE COTOCOLI PAR EXCELLENCE
Dans son allocution, le maire de Sokodé, M. Mama Taïrou, a mis l'accent sur les raisons protocolaires de la célébration de la fête «Adossa» qu'il a qualifiée de fête cotocoli par excellence abolissant les distinctions d'appartenance religieuse. L'officialisation de cette fête, a-t-il précisé, s'intègre dans la politique générale de la réhabilitation de toutes les valeurs culturelles des populations togolaises. Selon M. Mama Taïrou, après les années de colonisation culturelle, il est indispensable de reconnaître la nécessité de retourner aux sources.
Succédant au Maire, le chef de la circonscription. M. Marcel Agba devait saluer les heureuses initiatives de la jeunesse cotocoli avant de souligner que dans une Afrique qui recherche les voies et moyens propres d'assurer son plein épanouissement, la jeunesse devrait renouer avec le passé pour son plus grand bien au lieu d’un aborder de nos riches, ses culturelles au profit des soirées de gala.
RESTAURER NOTRE PATRIMOINE CULTUREL
C’est alors que le ministre de l'Information M. Frédéric Dermane Ali est intervenu avec brio pour dire :
« Jamais la ville de Sokodé n'a connu dans l'histoire de nos fêtes traditionnelles et plus particulièrement de celle d’Adossa, une affluence aussi nombreuse que diversifiée.
Jamais la ville de Sokodé n’a célébré dans l’enthousiasme populaire cette fête qui symbolise à nos yeux la vraie symbiose de deux civilisations à savoir la civilisation africaine et la civilisation islamique en pays cotocoli. En effet, depuis hier toute la ville de Sokodé a beaucoup de peine à héberger un monde accouru de toutes parts pour célébrer dans la joie cette fête Adossa. A cette marée humaine qui a envahi littéralement le stade municipal cet après-midi, je voudrais tous d'abord apporter le salut fraternel du gouvernement du général Etienne Eyadéma. Dans la mesure du possible le gouvernement a toujours associé un ou plusieurs de ses membres aux manifestations traditionnelles pour leur témoigner tout l'intérêt qu'il attache à leur joie ou à leur peine. J'ai noté avec plaisir tous les bons sentiments que vous nourrissez à l'égard du chef de l'Etat et que vous avez tenu à exprimer au cours de la prière d'hier soir et dans les diverses chansons qui accompagnent souvent les danses de chez nous. Je voudrais vous rassurer que le gouvernement poursuivra sans relâche sa politique d'union et de réconciliation qui est le gage de la paix instaurée pour consolider cette paix sans laquelle il ne vous aura pas été possible de vous rassembler ici que le RPT est créé.
Je voudrais ensuite vous dire que la présence du gouvernement aux manifesta* lions populaires traditionnelles n’est pas folklorique. Elle procède d’une véritable option, celle de restaurer notre patrimoine culturel. En effet on parle souvent et il existe même une littérature abondante au sujet de l’indépendance politique, l’indépendance économique et que sais-je encore ? Mais il existe un type d’indépendance dont on parle très peu et qui mérite cependant qu’on y accorde une attention particulière et soutenue : je veux parler de l'indépendance culturelle. Il est temps il est grand temps qu'on parle de cette forme d'indépendance qui permet à un peuple de s'affirmer et qui confère à ce peuple sa personnalité propre. On a pu dire et écrire que « la meilleure façon de dominer un peuple est de s'emparer de sa culture, la confisquer et la détruire ».
Des fêtes traditionnelles comme « Adossa » ou fête des couteaux qui nous rassemble ici à Sokodé, doivent nous permettre de prendre conscience de nos valeurs culturelles ».
Après avoir fait l'historique de cette grande fête de famille qui remonte à « plusieurs siècles » M. Dermane Ali en est venu à la situer dans son contexte actuel en ces termes: nous jeunes Cotocolis, sommes plus que jamais décidés à faire un « retour à la source un retour à la tradition dans la mesure où cette tradition ne constitue pas un frein au modernisme, un retour au passé ce passé qui avec le présent et le futur permettra un jour aux historiens d'écrire l'histoire du peuple cotocoli. Ce faisant a-t-il conclu, nous pensons éviter la rupture qui malheureusement existe entre le monde des anciens et le monde d'aujourd'hui. Le fossé qui sépare ces deux mondes doit être comblé et c'est le vœu le plus cher à nous tous.