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Issa Cissé, enseignant-chercheur à l'U.O. : « L'Occident chrétien et l'Orient musulman »
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- Title
- Issa Cissé, enseignant-chercheur à l'U.O. : « L'Occident chrétien et l'Orient musulman »
- Creator
- Cyr Payim Ouédraogo
- Publisher
- L'Observateur Paalga
- Date
- September 11, 2002
- Abstract
- Voilà un an de cela que le peuple américain et le monde entier voyaient avec stupeur des symboles de la puissance des Etats-Unis ployer sous les «feux» d'attaques terroristes. Depuis lors, quel impact cela a-t-il eu sur les relations internationales ? Est-ce qu'une prochaine attaque terroriste de grande envergure comme celle du 11 septembre est possible ? Telles sont entre autres les questions que nous avons posées à un enseignant-chercheur, M. Issa Cissé, chargé du cours de relations internationales au département de communication et journalisme (ex-Arts et communication). Maître-assistant d'histoire, M. Cissé est également enseignant à l'Ecole normale supérieure de Koudougou (ENSK), son institution de rattachement, et à la section diplomatie de l'Ecole nationale d'administration et de magistrature.
- Subject
- 11 septembre 2001
- Issa Cissé
- Civilisation occidentale
- Violence
- Intégrisme
- Fondamentalisme islamique
- Islamisme
- Terrorisme
- Spatial Coverage
- États-Unis
- World Trade Center
- Afghanistan
- Kaboul
- Paris
- Irak
- Palestine
- Tripoli
- Benghazi
- France
- Language
- Français
- Contributor
- Frédérick Madore
- Identifier
- iwac-article-0000625
- content
-
interview
Par Cyr Payim Ouédraogo
Voilà un an de cela que le peuple américain et le monde entier voyaient avec stupeur des symboles de la puissance des Etats-Unis ployer sous les «feux» d'attaques terroristes. Depuis lors, quel impact cela a-t-il eu sur les relations internationales ? Est-ce qu'une prochaine attaque terroriste de grande envergure comme celle du 11 septembre est possible ? Telles sont entre autres les questions que nous avons posées à un enseignant-chercheur, M. Issa Cissé, chargé du cours de relations internationales au département de communication et journalisme (ex-Arts et communication). Maître-assistant d'histoire, M. Cissé est également enseignant à l'Ecole normale supérieure de Koudougou (ENSK), son institution de rattachement, et à la section diplomatie de l'Ecole nationale d'administration et de magistrature.
Dès l'annonce des attentats du 11 septembre, quelle a été votre réaction ?
J'ai d'abord été surpris par le caractère spectaculaire de l'acte. La puissance mondiale venait ainsi d'être frappée au niveau de ses points symboliques que sont le word Trade Center et le Pentagone qui incarnent respectivement la puissance économique et financière, la puissance militaire des USA. Je me suis tout de suite dit que ce geste n'allait pas rester impuni. En effet, bien que «La Fraternité Ben Laden» n'ait pas tout suite revendiqué les attentats, elle a été indexée par les Américains et il s'en est suivi une coalition occidentale couronnée par l'attaque de l'Afghanistan le 07 octobre 2001. Cette guerre s'est poursuivie jusqu'à la chute du régime des Talibans. Mais il faut noter que cette attaque marquée par une diabolisation des Talibans révèle un paradoxe dans la politique internationale des Américains; car il faut savoir aussi que sont les Américains qui ont également soutenu ces religieux musulmans contre le régime afghan procommuniste soutenu par les Soviétiques à partir de 1979.
Ce régime procommuniste installé à Kaboul en 1979 avait aussi été mis en quarantaine par l'OCI, l'organisation panafricaine. Ce qui a aussi retenu mon attention, c'est la déclaration du président Bush lorsqu'il qualifiait sans trop préciser «l'islam de l'axe du mal» au cours des heures qui ont suivi les attentats. Je crois que cette réaction du président Bush a été maladroite même si par la suite, il y a eu des tentatives pour faire la distinction entre ce que je pourrai appeler pour caricaturer les adeptes d'un «islam paisible» et ceux d'un «islam militant».
En guise de comparaison pour mieux me faire comprendre, par ces deux expressions mais dans un autre contexte, le colonisateur français en Afrique de l'Ouest combattait farouchement tous les adeptes de cet «islam militant» hostile à l'expansion des civilisations occidentales, mais il entretenait de bonnes relations avec les adeptes de «l'islam paisible», domestiqué, pratiqué par certains marabouts comme ceux de la tidjania 12 grains favorables à la présence française à l'époque.
Quel impact les attentats du mardi 11 septembre ont eu sur les relations internationales ?
L'impact évident que je peux tout de suite noter, c'est ce regard difficile entre l'Occident chrétien et l'orient musulman. Même si le premier tente de le nier ou le sous-estimer, on peut parler de choc des civilisations. Le président du gouvernement italien Silvio Berlusconi n'avait-il pas, en septembre 2001, dit haut ce que bon nombre d'Occidentaux pensent tout bas en parlant de «la supériorité de la civilisation occidentale» dans la foule des réactions émotionnelles à la suite des attentats ? Il est vrai que certains responsables en Occident comme le président Chirac à la tribune de l'UNESCO en octobre 2001, pour rectifier cette maladresse italienne, ont parlé de dialogue des cultures, gage de paix et que ce dialogue doit passer par l'égale dignité de toutes les cultures du monde.
Malgré cet effort de rectification, il faut reconnaître qu'avec tout ce qu'on remarque à travers les médias, il est difficile d'enlever de la tête du citoyen moyen en Occident que le musulman avec son bonnet ou enturbanné, vêtu de son grand boubou et quelquefois avec sa barbe, n'est pas le poseur de bombes ou d'explosifs. Je pense que cette réalité des choses traduit bien ce choc des civilisations qui a été d'ailleurs le titre d'un ouvrage dont je ne me rappelle plus le nom de l'auteur et que j'ai vu s'acheter comme de petits pains à la FNAC et à Carrefour à Paris l'an passé. On peut ainsi dire que le phénomène islamiste a été projeté sur la scène internationale avec toutes ses implications. Il est vrai qu'après la chute du mure de Berlin, on avait commencé à murmurer en disant que le prochain duel allait se dérouler entre l'islam (c'est-à-dire l'islam militant encore appelé islamisme, ou fondamentalisme) et le monde occidental, mais il faut reconnaître que le 11 septembre a catalysé cette opposition. Et dans cette entreprise gigantesque de lutte contre les «terroristes islamistes», bon nombre de musulmans à travers le monde trouvent cet objectif ambigu et se sentent d'une manière ou d'une autre concernés. Les islamistes et les orientalistes se retrouvent aussi valorisés dans le monde de la recherche ou aux yeux de tous ceux qui veulent davantage comprendre le phénomène islamiste à travers le monde.
Autre impact, c'est que le conflit israélo-arabe et l'hostilité des Américains vis-à-vis de l'Irak depuis la guerre du Golfe ont été réactivés et occupent une bonne place dans l'actualité internationale. Cette résurgence du conflit israélo-arabe et du duel américano-irakien est liée au fait que celui qu'on a désigné comme suspect n°1 des attentats du 11 septembre, c'est-à-dire Ben Laden, épouse et défend la cause arabe et musulmane. En effet, dans une de ses déclarations, Ben Laden disait: «le peuple de l'islam a souffert d'agression, d'iniquité et d'injustice qui lui ont été imposées par l'alliance des sionistes et des croisés (chrétiens) ainsi que leurs collaborateurs; au point que le sang musulman s'est vendu à bas prix alors que les biens des musulmans devenaient un butin pour les ennemis. Leur sang devait éclabousser la Palestine et l'Irak. Les images des massacres dans le monde arabe et musulman font froid dans le dos et ébranlent les consciences».Est-ce qu'une autre situation du genre est-elle prévisible ?- Votre question est assez délicate, par conséquent il est difficile d'y donner une réponse tranchée. Si ceux-là qu'on accuse, je veux parler des islamistes afghans, d'être les auteurs des attentats du 11 septembre le sont effectivement, il est difficile de ne pas observer une attitude de prudence par rapport à une éventuelle action qui puisse porter préjudice aux intérêts américains et à leurs alliés.
Car malgré la puissance des Américains dans tous les domaines, et le déploiement massif des forces militaires contre l'Afghanistan, certains islamistes afghans continuent à faire parler d'eux. En outre, en parcourant l'ouvrage de Roland Jocquard, le responsable de l'Observatoire international du terrorisme et du centre d'études des menaces contemporaines, publié en octobre 2001 et intitulé «Au nom d'Oussama Ben Laden... dossier secret sur le terroristes le plus recherché du monde», je me suis rendu compte que ce qu'on a pu appeler la nébuleuse Ben Laden est très bien organisée et structurée à travers le monde entier; à tout moment, cette nébuleuse peut créer des surprises. Dans le même ouvrage, Ben Laden disait que les Américains ont peur de la mort et que ce n'est pas le cas des combattants de la cause musulmane qui peuvent mépriser le sacrifice suprême pour défendre leurs frères.
Est-ce que vous voulez dire que les Américains n'ont pas perçu le message des Arabes ?
Je ne sais pas à quel(s) message(s) vous faites allusion. Est-ce le soutien inconditionnel des Israéliens par les Américain ?, la cause irakienne ?, la domination et l'exploitation du monde arabo-islamique ? ou la défense du «mal» contre le «bien» ?. Si ce que vous appelez message se retrouve parmi ces différents points, je pense que ce sont des réalités qui n'échappent pas aux Américains.
Quelle différence y a-t-il entre l'intégrisme et le terrorisme ?
Je ne sais pas pourquoi vous juxtaposez ces deux termes. Je vais essayer de donner ma compréhension sur les deux notions. L'intégrisme (je suppose que vous voulez parler d'intégrisme religieux) étymologiquement, je pense, va avec les difficultés que l'Eglise a connues dans le maintien de son unité au cours du XVIIe siècle. Et cette unité a finalement volé en éclats à cause de la signature des traités de Westpholie en 1648. Comme le disait un islamogue français parlant de l'intégrisme religieux: «C'est le refus des adaptations de l'action de l'Eglise et des croyants en matière liturgique, pastorale et sociale». Par là, je crois qu'il faut voir au niveau de cet intégrisme religieux un désir de retrouver les sources pures de la foi, la référence à la communauté des premiers croyants, la répudiation des superstitions et des inovations introduites par la tradition, le souci majeur de donner à chaque fidèle les moyens de lire et de comprendre les livres saints de la révélation divine, sans aucun intermédiaire.
Mais de nos jours, dans les médias, le terme intégrisme sert de plus en plus à désigner la catégorie des musulmans dont la lecture des sources sacrées de l'islam est la plus intransigeante, la plus littérale, la plus rigide. Quant au terrorisme, je pense que c'est un usage non légal d'une certaine forme de violence contre des individus, groupe d'individus ou des symboles d'une institution le plus souvent étatique. Et ces actes de violence ont le plus souvent pour but de choquer l'opinion publique dans une perspective donnée, ou d'empêcher l'atteinte d'un objectif quelconque. Dans le deuxième cas, je peux par exemple parler des Israéliens qui ont exercé des actes de violence sur des personnes en Europe et détruit des installations pour empêcher l'Irak de posséder l'arme atomique grâce à l'aide des Français. L'usage du terme terrorisme dans les médias surtout occidentaux prête souvent à des confusions. On remarque que ce sont les plus forts sur la scène internationale qui s'en pressent de coller l'étiquette terroriste à des actes de violence des plus faibles. C'est dire que l'usage du terme est souvent fonction des rapports de force sur la scène internationale.
Par exemple, pour moi, autant les actes posées à l'endroit de la maison Blanche et du Pentagone le 11 septembre 2001 sont des actes terroristes, autant les bombardements de Tripoli et de Bengazi le 15 avril 1986 sont aussi des actes terroristes.
Est-ce qu'une prochaine attaque islamiste est fondée ?
Je dirais que tant qu'il y aura la domination occidentale, l'esprit de lutte du «bien» contre le «mal», l'idée de supériorité de la civilisation occidentale compativement aux autres civilisations, les islamistes qui entendent préserver ou faire triompher le projet de société proné par le Coran tout en poursuivant un panislamisme planétaire, il y aura toujours cette confrontation. Ce panislamisme planétaire se remarque bien à travers cette mention que j'ai lue une fois sur un mur dans le métro parisien: «Inch' Allah, dans cinquante ans, la France sera une république islamique».
Part of Issa Cissé, enseignant-chercheur à l'U.O. : « L'Occident chrétien et l'Orient musulman »