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An I de l'Attaque du 15 janvier : quand la vive douleur côtoie le sentiment d'abandon
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- Title
- An I de l'Attaque du 15 janvier : quand la vive douleur côtoie le sentiment d'abandon
- Publisher
- L'Observateur Paalga
- Date
- January 16, 2017
- Abstract
- Vendredi 15 janvier 2016, 19h 40. Alors que les fidèles musulmans faisaient la prière d'Al Icha, la dernière prière du soir après la fin du crépuscule, les fous d'Allah, comme on surnomme les terroristes, avaient l'esprit à autres chose : verser le sang des innocents.
- Subject
- Al-Qaïda au Maghreb Islamique
- Attentat de Ouagadougou de 2016
- Congrès pour la Démocratie et le Progrès
- Simon Compaoré
- Terrorisme
- Radicalisation
- Language
- Français
- Contributor
- Frédérick Madore
- Identifier
- iwac-article-0000445
- content
-
Vendredi 15 janvier 2016, 19h 40. Alors que les fidèles musulmans faisaient la prière d'Al Icha, la dernière prière du soir après la fin du crépuscule, les fous d'Allah, comme on surnomme les terroristes, avaient l'esprit à autres chose : verser le sang des innocents.
Cappuccino, Splendid hotel et Taxi Brousse : les renégats ont semé la mort à tout vent. Bilan: trente personnes, dont vingt-deux étrangers, ont perdu la vie.
Un an après, la douleur est toujours vive chez les parents des victimes et le sentiment d'abandon habite en permanence les rescapés et autres riverains de l'avenue K.K en particulier les commerçants qui ont vu leur affaires péricliter et peinent à survivre à ce malheur qui hante toujours les esprits.
Les soupçons ont commencé tôt le matin du vendredi 15 janvier 2016 et se sont poursuivis jusqu'à quelques minutes avant les premiers coups de feu. Issouf Nikièma, artisan sur l'avenue Kwamé N'Krumah, raconte : "Dans la matinée du vendredi, ils ont pris le petit déjeuner sur la table où la famille du propriétaire du Cappuccino a été tuée.
Comme pour prendre leurs repères. Sans doute qu'en même temps que du café matinal se délectaient-ils à l'avance du sang de leurs futurs suppliciés. Leur comportement a suscité même la suspicion d'un jeune qui en fait la remarque à un policier mais ce dernier aurait rétorqué que ces gens ne pouvaient rien faire.
Plus tard dans la soirée, vers 19h 30, j'ai vu les suspects habillés en manteaux derrière le Cappuccino. Une fille de joie qui s'est approchée d'eux pensant avoir des clients est revenue vers moi me dire qu'elle a vu des armes qui pointaient de leurs pantalons. Immédiatement j'ai su que quelque chose de dramatique se préparait.
J'ai appelé immédiatement le 17, le numéro d'urgence de la police nationale. L'agent au bout du fil a voulu savoir quel type d'armes ils ont, je leur ai dit qu'elles doivent être différentes de ce que la sécurité tient habituellement. Quelques 5 minutes après, les premiers coups de feu ont retenti autour de 19h 40".
Selon notre témoin oculaire, c'est la police qui a été la première à arriver sur les lieux et a commencé à les dissuader avec les moyens du bord.
Ces propos sont corroborés par Adama Nyampa, vendeur d'objets d'art : "Dès les premiers tirs, c'était la débandade généralisée. J'ai rencontré dans la fuite un véhicule de la BAC (Brigade anti-criminalité) qui a commencé à se déployer dans la zone.
Combien étaient-ils, les assaillants ? "Ils étaient trois jeunes hommes. C'est vrai qu'une autorité (Ndlr : il s'agit du ministre de la Sécurité intérieure, Simon Compaoré) avait parlé de la présence d'une femme parmi eux mais il n'en était rien, on a dû prendre une victime, Leila Alaoui, la photographe franco-marocaine, pour l'un des terroristes.
Cette dernière, c'est un monsieur et moi qui l'avons transportée à la base aérienne pendant que ça tirait toujours ; malheureusement elle n'a pas survécu.
Sa famille et d'autres journalistes marocains sont ensuite venus me voir parce qu'ils voulaient savoir si la défunte a été victime des terroristes ou si elle été prise pour cible par les agents de sécurité. Son chauffeur, qui a tenté de la protéger des criminels, est resté sur le champ"
L'arme que je vois ne me tue pas
"Vous êtes très courageux, pendant que ça crépite vous venez au secours des blessés", faisons-nous remarquer. Adama Nyampa, natif d'Alga dans la commune de Bourzanga, province du Bam, répond : "J'ai 61 ans, de quoi aurais-je peur ?
Pas en tout cas de la mort, même si je ne suis pas un kamikaze, mais je vous assure, l'arme que j'ai vue ne tue pas; il me suffit de réciter quelque chose, je ne vous en dirai pas plus".
Qu'elles aient vue l'arme de leurs bourreaux ou pas, l'irréparable est fait. La trentaine de victimes ont eu leur destin qui a basculé subitement, laissant leurs parents dans l'amertume.
Un an après, Pascal Lankoandé, aujourd'hui président de l'Association des familles victimes des attentats du Burkina (AFVAB), qui y a perdu sa sœur Jacqueline, se console un tant soit peu de l'accompagnement de l'Etat, qui s'est chargé des formalités administratives et médico-juridiques de l'évacuation des victimes étrangères et des soins des blessés.
Toutefois pour les dégâts matériels, il n'a pas connaissance de mesures prises et espère qu'en 2017 il y aura des prises de décisions fortes pour les familles des victimes et ceux qui ont perdu leurs matériels.
Combien de personnes riveraines de Kwamé N'Krumah ont été affectées par cet évènement ? On ne saurait le dire en l'absence d'une étude ou de statistiques fiables.
Pour sûr, ils sont nombreux, des petits cireurs aux gérants d'hôtel en passant par les propriétaires des maquis, à pâtir de cette situation qui a fait perdre à la plus belle avenue du Burkina son lustre d'antan.
Adossé au mur du siège du CDP (l'ex-parti au pouvoir), léché par les flammes de l'insurrection et des attentats, Alidou a une mine qui en dit long sur la situation de ses affaires.
Visiblement anxieux il se remémore sa vie d'avant : "Avant les attentats, nous avions des locations au moins 6 jours sur 7 mais depuis, nous peinons à en avoir une par semaine, ce qui veut dire que les touristes sont moins nombreux et ceux qui sont au pays n'ont plus de moyens.
Certains de nos véhicules ont brûlé, et jusque-là, l'Etat n'a rien fait pour nous, même pas venir nous remonter le moral", nous confie-t-il la main collée au menton en signe de désarroi.
A côté de lui, Hector Aguiawabou sert sur le coup de 12 heures des plats de riz chaud à ses clients, mais à 15 heures ça sera de la vaisselle pour rentrer à la maison alors qu'avant c'était un service continu jusqu'à 19 heures.
"Avant je faisais bouillir deux (2) fois ma marmite n°15 pour préparer en tout 40 kg de riz, mais je me contente actuellement de la moitié, pourtant je mets l'accent sur la qualité". Même galère pour Soumaïla Kongo qui n'a qu'un dixième de son chiffre d'affaires journalier d'avant les attentats (750 F CFA contre 7500 F).
Les objets d'art ne font plus vivre Adama Nyampa qui, depuis 1993, est dans la zone. Mais grâce à un généreux donateur de 250 000 F, il a ouvert une échoppe où on peut trouver, entre autres, de la cigarette, des bonbons et du savon. "N'eût été ce don providentiel, je serais mort de faim car personne ne parle d'objet d'art".
Avec une boutique attenante à TB comme l'appellent les habitués, Sita Sawadogo a eu son stock de bazin riche endommagé avec une perte qui se chiffre à 3 millions de francs CFA, mais elle refuse de renoncer à se battre bien que la clientèle soit constituée désormais de nationaux. Son seul regret, c'est le silence des autorités, qui n'ont rien entrepris en leur faveur.
Ni l'Etat ni les assureurs
A côté des petits commerçants et des vendeurs à la sauvette, il y a les gérants de grands établissements comme Splendid Hotel, le Cappuccino et Taxi-Brousse. Le premier cité a connu un cure de jouvence. Le bâtiment 1 est toujours en travaux, mais le bâtiment 2 est opérationnel.
De loin le changement est visible : façade rénovée, balises infranchissables par les véhicules, parking sécurisé, des agents de sécurité veillant au grain et un hall plus attrayant où nous accueille le conseiller Adama Gansonré et le nouveau directeur administratif, Diakaridia Koné.
Fin connaisseur de l'environnement hôtelier, ce dernier dit être venu de la Côte d'Ivoire pour faire revivre l'établissement fondé par Yamaba Emmanuel Zongo. Selon lui, le Splendid, en matière de qualité, doit être encore plus... splendide qu'il ne l'était.
"Les normes évoluent et nous évoluons avec, nous ne voulons pas nous limiter à ce qui existait déjà. Comme les travaux sont sur fonds propres, ça va au rythme de nos moyens", a souligné l'administrateur qui s'est félicité que l'UEMOA et certaines organisations sous-régionales comme AGRA, CTA aient accepté en avril 2016 de les soutenir en y tenant leurs rencontres. Quid des assureurs ou du gouvernement ?
"Rien n'a été fait par les assureurs ni par l'Etat, alors que ce que nous avons subi nous a amenés à arrêter l'exploitation pendant six mois", relève le financier Adama Gansonré avant de plaider : "On peut comprendre que le budget de 2016 était bouclé, mais celui de 2017 aurait pu prendre en compte notre situation".
Pour le directeur administratif, même s'il n'est pas possible pour le moment d'avoir le soutien financier de l'Etat, il peut prendre des mesures comme conseiller l'adresse du Splendid aux organisateurs d'événements.
La particularité de cet établissement, c'est que son promoteur a demandé que personne ne perde son poste ni ne subisse le chômage technique. Ce qui a permis d'assurer le salaire du personnel jusque- là.
Tel n'est pas le cas pour les 104 employés du Cappuccino, actuellement au chômage. Le restaurant, en reconstruction, ne sera pas rouvert au premier anniversaire de l'attaque, comme nous l'avait promis son propriétaire, Gaëtan Santomenna. En l'absence de celui-ci, nous y avons été accueillis par Abou Souyanne Ouédraogo. Le Cappuccino n'a pas non plus reçu le moindre kopeck.
"Non, mille fois non. La preuve : nous avons des difficultés à achever les travaux. La responsabilité de l'Etat, c'est de protéger les personnes et les biens mais là, on se sent délaissés sans aucune forme de soutien", regrette le collaborateur de Gaëtan Santomenna avant d'ajouter :
"Le propriétaire a tout perdu, tout ce qu'il fait, c'est pour la population et dire non au terrorisme, pour une victoire contre la peur et la fatalité; de ce point de vue il devait être soutenu par tous".
Malgré l'absence d'assistance, le chantier est à un taux d'exécution de 80%.Et comme Splendid, le Cappuccino a choisi d'innover, notamment dans le domaine sécuritaire avec des vitres blindées et tout ce qui est anti-feu.
Elles sont nombreuses, les victimes qui dénoncent l'inaction des sociétés d'assurances. Secrétaire générale de l'association professionnelle des assureurs, Rainatou Bado s'en défend: "Nous n'avons rien fait en matière d'indemnisation sur le plan matériel, mais nous avons compati avec des messages.
Les garanties des compagnies d'assurances excluent les types de dommage comme les grèves, les mouvements populaires et les catastrophes naturelles. C'est pourquoi ceux qui ont perdu leurs biens pendant les inondations de 2009 et lors de l'insurrection n'ont pas été dédommagés.
L'assurance tout risque est un abus de langage ; souvent utilisé par les propriétaires de véhicules, elle couvre les risques de la circulation : que ce soit un accident contre une pierre ou tout autre objet identifié ou non.
Mais dans les pays développés, notamment la France, il y a des organismes qui garantissent contre les risques de catastrophe naturelles comme la grêle et les inondations".
Selon un communiqué du procureur à l'occasion de ce triste anniversaire, une information contre X a été ouverte et trois personnes identifiées pour des faits d'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, d'assassinat, de tentative d'assassinat, de dégradation volontaire de biens sont en détention préventive.
L'enquête a permis d'établir une connexion avec les attaques du Radison Blu au Mali et de Grand-Bassam en Côte d'Ivoire d'où une requête d'entraide pénale internationale adressée aux autorités judiciaires de ces pays.
En une nuit, les trois disciples, âgés d'à peine une vingtaine années, d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) ont brisé le destin d'une trentaine de personne et laissé tout un pays dans le désarroi, tout cela au nom de ...Dieu. Mais de quel dieu parle-t-on bon sang !
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