Article
Conférence nationale : la souveraineté confirmée
- Hierarchies
-
Togo
- Articles de journaux (1254 items)
- Agence Togolaise de Presse (260 items)
- Courrier du Golfe (2 items)
- La Nouvelle Marche (154 items)
- Togo-Presse (838 items)
- Publications islamiques (84 items)
- Le Pacific (6 items)
- Le Rendez-Vous (78 items)
- Documents divers (Togo) (4 items)
- Photographies (Togo) (4 items)
- Références (Togo) (77 items)
- Articles de journaux (1254 items)
- Title
- Conférence nationale : la souveraineté confirmée
- Publisher
- La Nouvelle Marche
- Date
- July 26, 1991
- Abstract
- Trois tintements discrets de la clochette ont annoncé le début des travaux de la 17e journée de la conférence nationale souveraine au Togo. C’était hier après-midi à 15 h 15 et à la salle Fazao de l’Hôtel 2 Février. Comme à l’accoutumée, la minute de silence et de recueillement dans le Seigneur, l’hymne national et des applaudissements nourris ont précédé le cérémonial d’ouverture du président du présidium, Mgr Philippe Fanoko Kpodzro. Ce dernier a surtout demandé aux conférenciers de faire preuve du génie togolais afin que les travaux se déroulent dans de bonnes conditions. Il a clôturé son intervention par un projet d'ordre du jour en trois Points :
- Page(s)
- I
- II
- IV
- number of pages
- 3
- Language
- Français
- Contributor
- Frédérick Madore
- Identifier
- iwac-article-0005583
- content
-
Trois tintements discrets de la clochette ont annoncé le début des travaux de la 17e journée de la conférence nationale souveraine au Togo. C’était hier après-midi à 15 h 15 et à la salle Fazao de l’Hôtel 2 Février. Comme à l’accoutumée, la minute de silence et de recueillement dans le Seigneur, l’hymne national et des applaudissements nourris ont précédé le cérémonial d’ouverture du président du présidium, Mgr Philippe Fanoko Kpodzro. Ce dernier a surtout demandé aux conférenciers de faire preuve du génie togolais afin que les travaux se déroulent dans de bonnes conditions. Il a clôturé son intervention par un projet d'ordre du jour en trois Points :
1) Rapport des travaux du mercredi 24 juillet ;
2) La suite de communications;
3) Les divers.
Ce projet d’ordre du jour qui n’a provoqué aucune suggestion a été adopté par acclamation et on passa à la lecture du rapport par Me Yao Jean Dégli, rapporteur général de la conférence. Ce rapport a subi quelques retouches avant d’être adopté à son tour. Il était 15 h 50. Le représentant de l’Union musulmane du Togo a fait la première communication du jour. Il a d’abord imploré la bénédiction de Dieu pour la réussite de la Conférence nationale souveraine avant de soutenir que « nous devons nous entendre pour le plus grand bien de notre pays ». Le délégué de l’Union musulmane du Togo a salué l’avènement de la Démocratie au Togo tout en proposant à la conférence des actions concrètes et immédiates en matière d’emplois dans le public et le privé, le recensement des chômeurs, bref un plaidoyer en faveur du marché du travail au Togo.
Avant de développer le rôle dévolu à la CNSS, il a demandé que le salaire minimum interprofessionnel Garanti (SMIG) soit augmenté, compte tenu du coût de vie actuel au Togo. Pour le porte-parole des musulmans du Togo, « l'islam est une religion sœur du judaïsme et du christianisme qui mettent aussi l'homme au centre de leurs préoccupations. Nous devons donc toujours nous tourner vers le pardon ». Faisant allusion à la vie politique monolithique que le Togo a connue jusqu’ici, le délégué a souligné qu’« un chef de famille qui se conduit comme si la terre et le ciel lui appartenaient, est voué à l'échec et c'est ce que les Togolais observent aujourd'hui ».
Panachant les commandements du Coran avec des réalités sociales, le porte-parole de l’Union musulmane a laissé entendre que « Dieu demande toujours à ses fidèles d'être justes malgré les outrances de certains » et que « nul n'étant au-dessus de la loi », il demanda aux « futurs gouvernants du Togo de ne pas s'écarter de l'homme car Dieu les rejettera ».
Après avoir souhaité la bienvenue aux conférenciers au nom de la Fondation Sylvanus Olympio, son vice-président, M Yao Dogbatsè, a indiqué que le seul objectif de la fondation consiste à « aider surtout les jeunes à comprendre le passé, pour mieux aimer leur pays et à tirer les leçons de ce passé pour reconstruire un Togo uni, fraternel et prospère ». Faisant état de la « légende d'Olympio » comme une réalité incontournable, l'orateur a dressé une longue biographie détaillée de l’ancien chef de l’Etat togolais, mettant l’accent sur ses brillantes études, sa popularité dans les cercles politiques internationaux, ses efforts désintéressés dans la conquête de l’indépendance, sur fond d’un nationalisme qui faisait dire à « une propagande, orchestrée après son assassinat » et selon laquelle Olympio nourrissait une quelconque « animosité vis-à-vis de la France ».
Réfutant toute comparaison du régime Olympio à celui du général Eyadèma, en raison de leurs durées inégales, M Dogbatsè a néanmoins fait remarquer que Sylvanus Olympio savait que c'était la volonté populaire qui l'a placé à la tête du pays, et qu'il avait des comptes à rendre aux Togolais sur sa gestion. Aussi, précise l'orateur, « il présentait des rapports mensuels sur l'Etat de la nation ». Abordant les réalisations de Sylvanus Olympio sur le plan économique. M. Dogbatsè a essentiellement cité le Port autonome de Lomé, le barrage de Kpimé (Kloto), le développement de l’ancien CTMB, l’hôpital de Tokoin, le lycée de Tokoin. Quant à ses projets, ils concernent le barrage de Nangbéto, la CEDEAO qu’il dénommait « Organisme de Coopération économique de l'Ouest africain ».
Abordant les circonstances de la mort du premier président togolais, le vice-président de la Fondation Olympio s'est limité à citer une déclaration de Eyadèma à un journaliste de Time Life et du Figaro le 15 janvier 1963 : « si Sylvanus Olympio restait devant l'ambassade, il y avait un risque que la foule vienne. Ainsi je l'ai abattu ». Cependant, l’orateur fit observer à l’assistance que la Fondation Olympio ne demandera jamais la vengeance contre qui que ce soit, mais « demande le grand pardon pour l'assassin et ses complices ». M. Dogbatsè a ensuite énuméré des faits dont la raison, selon lui, sera d’effacer de la mémoire des Togolais, toute trace du passage de Sylvanus Olympio à la tête de l’Etat : coupure d’eau et d’électricité au domicile Olympio, les membres et les fils de la famille contraints à l’exil, suppression de l’emblème de l’indépendance du Togo (date, hymne, devise), suppression du nom d’Olympio de la liste des présidents de la Chambre de Commerce du Togo, silence sur le nom du réalisateur (Elpidio Olympio) du siège de la BAD, arrestation, avec la complicité de Théodore Kpotivi Laclé, de M. Kponton Marc (Mark and Mei) considéré comme le représentant des Olympio au Togo, la mise en vente du bateau de poche de ce dernier pour une valeur de 400 millions de francs.
Aussi la fondation demande-t-elle entre autres “la réhabilitation effective de la mémoire du feu président, par l’organisation des obsèques nationales, la construction d’un mausolée où seront déposés les cendres et celles des illustres hommes de ce pays, le baptême de l’aéroport de Lomé au nom de “Aéroport Sylvanus Olympio’’, la suppression du 13 janvier comme fête nationale, les rues rebaptisées aux noms des héros nationaux tels que Augustino de Souza, Dr Martin Aku, Hubert Kponton, Dr Akakpo... Il a par ailleurs insisté que les auteurs du massacre de la lagune de Bè soient traduits en justice, et que la voie du Lycée de Tokoin allant au camp militaire soit reouverte à tous les Togolais.
La troisième communication fur celle de M Acouetey Messan au nom du Pouvoir législatif. Ce document qui présente le visage réel du Togo, selon l’orateur, a passé en revue les différentes Républiques qu’a connues le Togo avant d’en venir à la mission des députés, « une véritable épreuve » a-t-il affirmé. Cette fonction par sa gratuité pose des problèmes de moyens materiels au législateur de la 3e République à qui il s’avère difficile de faire face à ses responsabilités. Enfonçant davantage le clou dans cette basse aventure dans laquelle le RPT a mis le député de la 3e République, M. Acouetey a dénoncé le manque de siège pour l’Assemblée qui s’est jusqu’ici contentée de la salle polyvalente de la Maison de l’Unité et la Constitution de 1980 qui, aux veux des députés, est illégitime. C'est, poursuit-il, la charte des partis qui, bien qu’inconstitutionnelle, incarne la nouvelle rupture avec le passé et il revient à la conférence nationale souveraine de statuer.
Succédant à M. Acouetey, le délégué de la préfecture d’Assoli s’est plaint de l’occupation illégale des terres de la préfecture, le rattachement de celle-ci sans consentement de ses populations à la Région économique de la Kara, et du manque de certaines infrastructures dont sanitaires sociales et scolaires. Selon ses propos, les populations d’Assoli veulent la réhabilitation de la langue Kotocoli et sont très reconnaissantes à la démocratie.
Il a enfin souhaité que la conférence prenne des décisions et actes pouvant aider le Togo à se développer harmonieusement.
Au nom du SYNBANK, M. Têvi Mensan Adiévi a plutôt mis à nue les pratiques tribalistes et régionalistes au sein de la CNTT depuis sa création en mars 1973. Son vœu, en dénonçant ces pratiques malhonnêtes est que « le syndicalisme togolais devienne une réalité ». « Le premier secrétaire général de la CNNT a été élu à la minorité, le mutisme des travailleurs togolais devant ces médiocrités ne s'expliquant que par la peur ». Le délégué recommande enfin que le Bureau national de la CNTT soit dissout et qu’un congrès national soit convoqué pour l’élection d’un nouveau bureau Après la pause intervenue à 17 h 30, les travaux ont repris à 18 h 25 par la communication de M. Honviglo Léonard au nom du SOLITO. Après avoir salué la mémoire de tous ceux qui sont morts dans la recherche de la démocratie au Togo, ce délégué a axé son intervention sur quatre symboles à savoir : le 27 avril 1960, l’hymne national, le drapeau togolais et la devise (Travail - Liberté -Patrie). Concluant les commentaires qu’il a faits sur chacun de ces symboles, le représentant du SOLITO a dit qu’avant le vent de la démocratie « le Togo était une société en mal de liberté » et qu’il avait deux conceptions du pouvoir à savoir « la conception coloniale qui est l’asservissement du citoyen » et « la millégomanie qui est marquée par l'enrichissement illicite des responsables ». Après avoir fait plusieurs propositions à la conférence, M. Honyiglo a demandé de « donner les moyens au paysan de contrôler les prix de ses produits ».
Intervenant au nom du Conseil national du Patronat, M. Anani Koudovor, son représentant a d’entrée crié haut qu’« il n'y a pas de développement sans démocratie et qu'il n'y a pas de démocratie véritable sans partage équitable des biens de l'Etat ». Après avoir dégagé les grands maux dont souffrent les entreprises togolaises et donc l'économie togolaise, le délégué du Patronât a présenté nombre de propositions concrètes avant de réclamer la réhabilitation de la devise du Togo indépendant : «Travail-Liberté-Patrie ».
Quant au Monde rural Kloto, il a été représenté lors des communications par M. Etsi Agbéko qui a démontré comment « les relations interprofessionnelles étaient empoisonnées ces derniers temps dans la préfecture ». Selon lui on dénombre deux principales causes dont le problème des terrains et la situation faite aux métayers de « ne pas être propriétaires mais jouir seulement des cultures quel que soit le nombre d'années d'exploitation de la parcelle considérée ». D'autres problèmes de toutes les populations de la préfecture sont d’ordre social revenus maigres et prix exorbitants des produits pharmaceutiques), le très bas niveau de l’enseignement etc. Avant d’entamer l’aspect économique, M. Etsi a proposé la création des collèges d’Enseignement Technique et des lycées agricoles à la place des CEG.
Sur le plan économique l'orateur a surtout déploré « l'importation du riz alors que la localité se prête très bien à sa culture ».
Devant les risques de décrépitude des caféiers et des cacaoyers, le monde rural de Kloto demande à la conférence nationale d’être sensible à la situation des paysans et de prendre des mesures urgentes pour rénover le café et le cacao, une des principales cultures d’exportation de notre pays.
Après cette intervention de M. Etsi Agbeko, le président du praesidium a demandé au rapporteur de la commission ad hoc chargée de la rédaction de l’acte no3 portant mesures conservatoires de prendre la parole pour présenter son rapport après les divers amendements apportés au texte de la veille. La lecture du rapport et de l’acte fut suivie d'un vif débat au cours duquel le secrétaire général de la CNTT M Esso-na Tchindé et le directeur permanent du RPT, M. Samon Kortho ont émis des réserves sur l’article 1er de l’acte no 3 qui prévoit le gel des actifs du RPT et de la CNTT. Dans une longue déclaration, M. Kortho sous les huées des délégués a expliqué que la dissolution de la constitution du 9 janvier 1980 n’entraîne pas de facto la dissolution du RPT encore moins de ses actifs : « Le choix du multipartisme en Afrique n'a pas entraîné la dissolution des anciens partis uniques, nous contestons vigoureusement l'article premier et le rejetons catégoriquement ».
De son côté, le ministre Barqué a également, au nom du gouvernement émis des réserves sur le document. Plusieurs délégués visiblement choqués par les déclarations de MM. Kortho, Barqué et Tchindé demandèrent avec véhémence la parole. Un brouhaha s’éleva dans la salle.
Le président du praesidium suspendit alors la séance pour une pause d’une demi-heure. Il était 20 heures.
A la reprise des travaux à 20 h 45, les discussions sur l’acte no 3 et plus précisément l’article premier reprirent de plus belle Certains délégués estimèrent que le RPT est déjà mort avec la dissolution de la constitution de 1980 et que par conséquent ses actifs doivent revenir de droit au peuple togolais qui pendant plusieurs années a été forcé de cotiser pour ce parti. D’autres taxèrent les membres du gouvernement et du RPT de semer la diversion en prolongeant le débat sur la question. Le RPT fut sommé de respecter ses propres statuts qui stipulent à son article 45 qu’en cas de dissolution, les actifs du mouvement doivent être consacrés aux associations poursuivant les mêmes buts ou aux œuvres de bienfaisances.
Finalement l’acte no 3 portant mesures conservatoires après quelques légers amendements de forme a été adopté par vote à main levée. Il y eut un contre, une abstention II faut souligner que deux membres du gouvernement ont voté. L’adoption de l’acte a été accompagnée d’applaudissements, de cris de joie et de chants.
Après quelques minutes le président du praesidium a ordonné la poursuite des communications. C’est ainsi que M. Abbey Victor prit la parole pour émettre au nom de son association “Démocrates sans frontières” leur souhait de créer dans les pays africains « un réseau international pour la protection de l'idéal démocratique ». Il a dénoncé l’assassinat le 13 janvier 1963 du premier président togolais démocratiquement élu. Il a fait le bilan de 30 années d’immobilisme qui selon lui ont ruiné l’Afrique. II a ensuite exprimé ses inquiétudes et ses espoirs quant à l’avenir de la nation togolaise et a déploré le clivage linguistique qui entraîne souvent dans les pays africains la division des différentes composantes sociales. Il a lancé un appel à l’union des Togolais et des Africains au moment ou « l’Europe est en train de s’unir.
Ensuite la parole fut donnée à M. Fiangor Koffi Mawuli Roger, délégué de la Fédération Togolaise des Associations et Clubs UNESCO. Après une brève présentation de son association, il a précisé que contrairement aux autres clubs UNESCO qui existent un peu partout en Afrique la Fédération Togolaise des Associations et Clubs UNESCO n’a pas son autonomie propre et ceci à cause de la « sacro sainte formule qui stipulait que tous les Togolais devraient regarder dans la même direction. Cette vision catastrophique et écœurante des regroupements de jeunes a préoccupé la Fédération qui suggère des améliorations dans la vie associative des jeunes togolais qui manquent de cadres pour affiner leur vision du monde. II a fustigé le peu de souci du gouvernement de contribuer à l’épanouissement des jeunes. M. Fiangor s’est réjoui de la naissance de plusieurs associations de jeunes dans le cadre du renouveau démocratique et a dit que son association est prête à partager ses expériences avec les autres.
Il a vigoureusement dénoncé la censure instaurée par le pouvoir, censure qui constitue un frein au développement de la culture et de la création artistique avant de proposer la création d’un centre culturel togolais pour permettre l’éclosion de jeunes talents. II a terminé en rappelant aux dirigeants de notre pays cette mise en garde de Hamadou Hampaté Bâ. « Le pouvoir est hélas comme l'alcool. Après le premier verre, on est joyeux comme un agneau. Au second, c'est comme si on avait mangé du lion, on se sent si fort qu'on n'accepte plus d'être contesté, on veut s'imposer à tous comme le lion dans la savane. Au troisième verre, on est comme le cochon, on ne peut faire que des cochonneries ».
Le dernier intervenant de la soirée fut M. Francis Agbakli, délégué de UNATROT (Union Nationale des Transporteurs Routiers du Togo), Il s'est indigné de la négligeance par le pouvoir en place du secteur des transports routiers. Il a dénoncé le pléthore de contrôles routiers et douaniers sur les routes et demandé que les contrôles douaniers se fassent exclusivement aux frontières. M. Agbakli s’est plaint du mauvais état des gares et infrastructures routières dans le pays, du prix élevé des taxes et du carburant et a souhaité que des efforts soient entrepris pour permettre aux transporteurs de mieux travailler. II a imploré la conférence de tout faire pour qu’après ces assises, les transporteurs puissent sentir qu’une aube nouvelle s’est levée.
Après cette dernière communication la conférence a abordé le troisième point de l’ordre du jour c’est-à-dire les devises. Le président a proposé la constitution d’une communication ad’hoc chargée du choix du cabinet d’audit chargé de la vérification des dépenses de la conférence. Les membres de cette commission se réunissent ce matin à 10 h. Au cours de ces divers, M. Ocansey a fait une mise au point dans laquelle il réaffirme la thèse de l’assassinat par le gouvernement togolais de MM. Antoine Méatchi et de Koffi Kongoh contrairement aux déclarations du ministre de la Justice selon lesquelles ces derniers seraient morts de crise cardiaque. La séance prit fin à 22 h 30 après la minute de recueillement. Les travaux reprennent cet après-midi.
Anoumou KATE AZIAGLO
Tabanatang Ekilou LOWA