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Situation sécuritaire au nord du Burkina : le rideau de fer est-il tombé sur le Soum ?
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- Title
- Situation sécuritaire au nord du Burkina : le rideau de fer est-il tombé sur le Soum ?
- Publisher
- Le Pays
- Date
- September 27, 2017
- Abstract
- Lentement mais sûrement, le rêve de « Sahélistan » nourri par les groupuscules terroristes prend forme. En témoignent les incessants coups de boutoir dans la province du Soum, assenés par des bandes armées dont le mode opératoire monte graduellement en puissance. En effet, après les attaques des postes de police ou de l'armée, les rapts d'expatriés et les assassinats ciblés, depuis quelques jours, l'heure est à l'utilisation d'engins explosifs contre les véhicules militaires. La fréquence des attaques et le harcèlement dont sont victimes les Forces de défense et de sécurité (FDS) viennent rappeler les techniques de guérillas dont jusque-là les Burkinabè n'entendaient parler que dans les médias. Face à ce déchaînement d'enfer, l'armée, malgré les mesures prises depuis la tragique attaque de Nassoumbou, qui avait coûté la vie à douze de nos militaires, semble impuissante et se résout au macabre décompte des dépouilles des soldats tombés sur le champ d'honneur.
- Spatial Coverage
- Soum
- Language
- Français
- Source
- Le Pays
- Contributor
- Frédérick Madore
- Identifier
- iwac-article-0000288
- content
-
Lentement mais sûrement, le rêve de « Sahélistan » nourri par les groupuscules terroristes prend forme. En témoignent les incessants coups de boutoir dans la province du Soum, assenés par des bandes armées dont le mode opératoire monte graduellement en puissance. En effet, après les attaques des postes de police ou de l'armée, les rapts d'expatriés et les assassinats ciblés, depuis quelques jours, l'heure est à l'utilisation d'engins explosifs contre les véhicules militaires. La fréquence des attaques et le harcèlement dont sont victimes les Forces de défense et de sécurité (FDS) viennent rappeler les techniques de guérillas dont jusque-là les Burkinabè n'entendaient parler que dans les médias. Face à ce déchaînement d'enfer, l'armée, malgré les mesures prises depuis la tragique attaque de Nassoumbou, qui avait coûté la vie à douze de nos militaires, semble impuissante et se résout au macabre décompte des dépouilles des soldats tombés sur le champ d'honneur.
Il y a de quoi avoir des sueurs froides
L'on constate aujourd'hui avec stupéfaction, la maîtrise que les « insurgés » ont du terrain et l'avance qu'ils ont en termes de renseignements sur l'armée. En effet, les embuscades semblent minutieusement préparées sur la base de renseignements sur les mouvements des FDS. Il n'y a plus grand risque de se tromper en disant que le rideau de fer est tombé sur le Soum. Cette situation suscite un certain nombre d'interrogations. La première de ces questions qui taraudent l'esprit des Burkinabè est la suivante : même si l'on reconnaît le caractère asymétrique de cette guerre sans front ni visage à laquelle le pays est contraint, notre armée a-t-elle les capacités réelles en termes de logistique et de compétences humaines pour apporter la réponse nécessaire aux assaillants ? A défaut de répondre par la négative, l'on peut se permettre d'en douter, sur la base de la réalité sur le terrain. En effet, seule la province du Soum semble véritablement installée dans l'œil du cyclone, mais notre armée échoue à la sécuriser et pire, à chaque escarmouche, les victimes se comptent au sein des Forces de défense et de sécurité quand les assaillants réussissent toujours à prendre la fuite. Il y a en tout cas de quoi avoir des sueurs froides quand on fait la projection sur les risques d'extension du fléau à l'échelle de tout le territoire national. La seconde interrogation que l'on fait, est de savoir s'il existe véritablement une stratégie de sécurité et si elle est définie et conduite avec les hommes qu'il faut. Loin de souffler dans la même musette que ceux qui réclament des spécialistes, voire des militaires à la tête des départements ministériels qui ont la charge de veiller sur le sommeil des Burkinabè, il devient de plus en plus impératif de se pencher sur la question, en l'analysant non seulement d'un point de vue des principes et des calculs politiques, mais aussi et surtout de l'efficacité de la réponse à apporter aujourd'hui au défi sécuritaire. De la réponse à ces deux questions majeures dépend très fortement la sécurité de la nation. En tout cas, les Burkinabè semblent ne plus vouloir se contenter des explications génériques du genre « le terrorisme est un fléau mondial et il faut apprendre à vivre avec le mal ». Et le régime du président Roch Marc Christian Kaboré qui dit fonctionner comme un moteur diesel, doit prendre conscience que c'est ici une course contre la montre qui est engagée, en raison du contexte international et national très favorable à la métastase du cancer que représente le terrorisme aujourd'hui.
Il faut agir et de manière forte
Car, la destruction de la ruche de l'Etat Islamique (EI) en Irak et en Syrie, ouvre le risque d'essaimage des terroristes vers le Sahel où les espaces sont ouverts et les Etats faibles et fragiles, incapables de colmater la porosité de leurs frontières. Au plan interne, la morosité économique ambiante est un terreau fertile pour les marchands d'illusions qui n'éprouvent guère de difficulté à recruter des jeunes dans l'indigence. C'est donc maintenant qu'il faut agir et de manière forte. Plus tard ce sera trop tard. Cela dit, l'on peut déjà commencer à s'inquiéter des conséquences de cette insécurité ambiante dans le nord du Burkina. L'attaque survenue le 26 septembre dernier, menaçait directement les intérêts de la société minière installée à Inata dont c'est le ravitaillement en produits pétroliers qui a été pris pour cible. C'est dire clairement que c'est le nerf économique de la zone que les terroristes menacent désormais de scier, avec les risques évidents de provoquer la fuite des investisseurs étrangers et de replonger une région déjà à l'abandon du point de vue des infrastructures publiques, dans une morosité sociale favorable au développement des idéologies obscurantistes. L'autre conséquence et pas des moindres, c'est le risque de déchirure du tissu social. Il existe aujourd'hui, il ne faut pas se voiler la face, des risques de stigmatisation de certains groupes accusés à tort ou à raison de complicité avec les groupuscules terroristes, avec des menaces évidentes sur la cohésion nationale voire l'unité nationale. Il n'est d'ailleurs pas exclu que ce risque de fracture sociale soit accentué par des manifestations de rues des familles des victimes dont le nombre va croissant ou de Burkinabè blasés par l'incapacité du pouvoir en place à répondre à leurs besoins sécuritaires.
Face à ce sombre tableau, les Burkinabè ne doivent cependant pas céder à la panique. C'est maintenant, plus que jamais, qu'ils doivent avoir la tête bien sur les épaules pour apporter dans l'unité, la solution au problème. Et c'est justement dans cette logique qu'il est temps de dépassionner les débats pour en extirper les accusations faciles et bannir les discours « exclusionnistes ». Il est aujourd'hui vital que l'on descende de notre faux orgueil pour faire appel à toutes les composantes de la société qui ont les compétences dans la lutte contre le terrorisme, car rien ne dit que le Soum n'est pas juste une porte d'entrée pour des desseins qui englobent la totalité du territoire national.
« Le Pays »
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