Dans l'ensemble, la colonisation française a partout été favorable à l'Islam, tout en essayant de le contrôler jalousement. On peut dire que cette politique lui a réussi en Afrique Moire, où il n'y a eu aucun lien spécifique entre le mouvement de décolonisation, qui commence plus ou moins consciemment en 1945, prend son essor en 1949 et triomphe de 1954 à 1960, et les secteurs islamisés des sociétés colonisées. Prenant l'exemple de la Côte d'Ivoire, l'autour examine quel a été le rôle des musulmans dans la lutte anticoloniale et détermine si leur religion a été un facteur dans leurs engagements politiques.
Durant sa longue carrière, Jean-Louis Triaud a creusé plusieurs sillons centrés sur la connaissance des sociétés musulmanes en Afrique de l'Ouest et au-delà. Cet ouvrage reflète les domaines couverts et développés dans ce cadre universitaire : modalités d'expansion de l'islam, manifestations culturelles et religieuses, personnalités marquantes... Ils forment le coeur de ce livre publié en sa compagnie. La continuité des thèmes qui ont alimenté cette réflexion a donné la possibilité à plusieurs de ses collègues, élèves et amis de réunir leurs contributions pour souligner le sens que la progression dans ces thématiques a eu pour leur parcours intellectuel respectif. Collabirent particulièrement à cet ouvrage plusieurs enseignants-chercheurs d'universités africaines qui ont maintenu fidèlement le lien avec leur directeur de recherche.
A travers les études des "lieux", des "objets" (tels le livre, la langue, la lettre) et des "figures" de l'islam, les auteurs offrent de nouvelles interprétations des espaces musulmans dans le Sahara et dans le Sahel, traversés par les flux migratoires, par de nouvelles idées, parfois par des pulsions jihadistes. Des phénomènes gels que la "réislamisation" et la "laïcité", mais aussi les combats de différents acteurs musulmans pour leur statut et leurs idéaux se trouvent au centre de l'ouvrage. Ce livre apporte des regards nouveaux sur l'histoire des "confréries" et de leurs "réseaux", sur les rapports entre les pouvoirs et les institutions islamiques.
Le trait commun de toutes les contributions, qui portent principalement sur l'Afrique occidentale mais aussi orientale et septentrionale, est leur regard d'historien marqué par une réflexion sur le sens et la portée de ce métier.
The nativist ideology of ivoirité of the 1990s generated brutal discriminatory policies against those labelled as ‘strangers', especially Muslims. Reversing that perspective, this article focuses on the interface between religion and national identity in twentieth-century Côte d'Ivoire from within Muslim society. The argument is divided into two parts. The first puts forward the counter-hegemonic, patriotic-cum-cosmopolitan narratives that a new Muslim leadership formulated in order to write Islam into national history. The second focuses on grass-roots, demotic, day-to-day realities. It explores Muslim takes on belonging and alienation in practice, paying careful attention to the community's internal diversity. It shows how, over time, Ivorian Muslims have showcased varying degrees of cosmopolitan patriotism but also of their own, local xenophobia. The concluding section returns to the new Muslim leadership and its multifaceted endeavours to reconcile Muslim lived experiences with their cosmopolitan patriotic aspirations. The article ends with a short epilogue surveying the violent armed conflicts of the period 2002 to 2011 and how Muslims were a part of them.
Drawing on the case of the Association des Élèves et Étudiants Musulmans de Côte d’Ivoire (AEEMCI), the main Muslim student association in Côte d’Ivoire, we examine how Islamic activism on campus has changed since the 1970s. We pay particular attention to its modernizing agenda, leadership rivalries, ideological differences and the role played by the mosque in Muslim politics on campus. We do so by highlighting different eras or cohorts of actors who have contributed to making Islam such an important part of students’ lives and the academic sphere. The chapter first examines the AEEMCI’s contribution to the emergence of an elite claiming the status of so-called Muslim intellectuals and, above all, to the gradual rise of French as a legitimate language for propagating Islam in Côte d’Ivoire. Second, in the context of the wider spread of Salafism in the 1990s and 2000s, it analyses the appeal of this religious movement among students on campus and the resulting internal divisions. Finally, the third section argues that over the past decade, most Muslim activists on campus have become more interested in the promotion of economic entrepreneurship rather than engaging in acrimonious doctrinal debates.
Timbuktu Institute a procédé ce jeudi 16 juin à la restitution d'une étude régionale sur "Islam et islamisme en Afrique de l'Ouest" en partenariat avec l'Académie Internationale de Lutte contre le terrorisme (AILCT) basée à Abidjan.
Longtemps perçue comme un bastion animiste ou une terre d'élection du christianisme, la Côte d'Ivoire a été le théâtre d'une des plus fortes progressions de l'islam sur le continent africain au cours du dernier demi-siècle. De fait, l'islam est aujourd'hui la première religion du pays par son poids démographique et sa présence est manifeste partout, y compris dans le Sud côtier et forestier. Cette islamisation a été contemporaine du développement économique, des migrations et de l'urbanisation sans précédent de la Côte d'Ivoire postcoloniale. Ces circonstances, qu'éclairent aussi l'influence durable du christianisme et le statut politique minoritaire de l'entité musulmane dans l'Etat, ont modelé les dynamiques locales et globales de l'interface entre islam et modernité. Il en est résulté de profondes mutations de la société et de la culture religieuse islamiques ivoiriennes, dominées depuis la fin des années 1970 par l'émergence du mouvement et de la pensée " réformistes ", ayant donné naissance, en 1993, à l'influent Conseil national islamique. Ce livre retrace la genèse historique et l'importance contemporaine de ces transformations, à travers le cas spécifique d'Abidjan, mégapole cosmopolite, locomotive économique, siège de l'Etat et principal foyer islamique du pays. Par delà les représentations idéologiques sur l'islam issues du 11 septembre et de la guerre civile ivoirienne, ce livre interroge les processus par lesquels le mouvement réformiste impulsé à Abidjan a promu une interprétation " moderne " et libérale de l'islam ivoirien, mêlant tolérance religieuse, droits de la femme et défense de la démocratie et de la laïcité.
Ce chapitre traite de la mobilisation de la jeunesse autour de l'islam en Afrique de l'Ouest. En tant qu'anthroplogues, chacun des auteurs a mené des enquêtes ethnographiques de longue durée, principalement en Côte d'Ivoire et au Mali, sur les dynamiques entourant l'islam et sur les différentes façons d'être musulman. Des projets de recherche sur la thématique du religieux ont aussi été développé dans les pays voisins: Nigéria, Sénégal et Burkina Faso. En abordant les modalités de la moralisation de la société et du soi, les auteurs analysent comment les jeunes d'aujourd'hui, à savoir ceux pour qui la mobilisation s'inscrit dans les logiques de l'économie néoliberale, empruntent et enchevêtrent des éléments de différentes traditions de l'islam pour façonner de nouvelles manières d'être musulmane ou musulman. Les auteurs ont souhaité faire contrepoids à ceux qui tendent à réduire l'étude de l'islam et de la mobilisation de la jeunesse aux trajectoires plus ou moins signifiantes de la réforme, de l'islam politique ou de l'islamisme.
Le présent ouvrage est le résultat du colloque international organise les 25, 26 et 27 septembre 2018 en hommage au professeur Sékou Bamba à l'occasion de son départ à la retraite. Directeur de recherches (CAMES), cet éminent historien ivoirien a consacré quatre décennies de sa vie à l'étude des civilisations africaines notamment l'histoire du Bas Bandaman précolonial en valorisant les traditions orales comme des sources pour l'exhumation du passe des sociétés africaines.
L'ouvrage revisite et réexamine plusieurs questions liées à l'islam africain du moyen âge à l'époque contemporaine.
The West African territory that would eventually become Côte d’Ivoire was long considered a land where Islam was destined to remain marginal. This perspective was based on the region’s social and geographic characteristics, namely a southern forest region tending more toward African “traditional” religion but increasingly Christianized, and a Muslim population limited to some parts of the northern region. By contrast, early twentieth-century research undertaken by Paul Marty (...
La question des jeunes est un élément essentiel pour comprendre les dynamiques de l'espace public et les pratiques citoyennes qui émergent dans l'Afrique d'aujourd'hui. Leur importance tient non seulement à leur poids démographique imposant, mais aussi à leur transformation, souvent dramatique, en tant qu'acteurs sociaux dans l'espace public africain au cours des années 1990. Cette transformation encourage la création de nouvelles formes de légitimité et de nouveaux espaces d'expression individuelle ou collective, et correspond à une mutation radicale de l'idée de citoyenneté, qui fait appel à de nouvelles ressources et qui remodèle les dynamiques nationales d'inclusion et d'exclusion. Ainsi, la constitution de nouveaux espaces d'expression encourage une conception moins restrictive de la participation citoyenne dans la mesure où les jeunes veulent faire entendre leur opinion et participer ouvertement aux divers débats de société. En lien avec les concepts de « citoyenneté culturelle » et de « contre-nation », nous nous proposons dans cet article d'examiner le rôle des jeunes dans le contexte de réaffirmation de l'identité islamique qui a marqué l'Afrique de l'Ouest francophone à partir des années 1980 et plus encore dans les années 1990, particulièrement dans les grands centres urbains du Sénégal, du Mali, du Burkina Faso et de la Côte d'Ivoire. Nous nous penchons plus spécifiquement sur la question du rapport entre jeunes (comme catégorie sociale), religion et espace public.
In recent years, jihadist groups have gradually shifted from northern Mali toward the centre of the country and then Burkina Faso. An acceleration occurred in 2018, with an increase in incidents in the south-west and flares of violence east of Burkina Faso, raising fears of spreading to Côte d’Ivoire, Ghana, Togo and Benin. Contrary to the discourse on an external threat and the resilience of the brotherhoods, while dozens of nationals of the Gulf Guinea countries have joined jihadist groups in recent years, West Africa’s coastal States have their backs against the wall in the attempt to develop and implement responses to stem the spread of jihadism, starting by learning from the experiences of their Sahelian neighbours.
The Islamist militants in the Sahel have made repeated sorties into coastal West African countries, including Côte d’Ivoire. So far, Abidjan has largely repulsed their attempted advances, with a mix of security and socio-economic initiatives. It should redouble its efforts on both fronts.
L'Afrique des laïcités, c'est d'abord quatorze pays qui célèbrent un demi-siècle d'indépendance, non sans avoir inscrit au préalable la laïcité de l'occupation coloniale française dans leur constitution. Quatorze pays qui sont en proie à un scepticisme croissant à l'égard d'une action publique incapable d'endiguer les processus de paupérisation, tandis que les acteurs religieux interviennent de plus en plus massivement au sein des économies morales et politiques nationales. Trente chercheurs africains et européens analysent les tensions et les accommodements entres les différents acteurs de ces économies, examinant les modalités suivant lesquelles se décline et se dit la laïcité au sein des différents contextes nationaux. Ils passent en revue les formations étatiques précoloniales qui ont pu opérer une séparation entre l'État et les cultes, avant d'aborder l'exercice d'une gouvernance coloniale fort peu laïque, puis les pouvoirs autoritaires africains qui se sont en partie déchargés sur les instances religieuses pour « développer » ou acculturer leur société. Ils pointent enfin la façon dont les différends qui s'articulent autour des débats actuels sur la laïcité croisent ou accentuent d'autres tensions sociales touchant notamment aux questions identitaires et de genre et, plus généralement, aux exigences de démocratisation et des modernités africaines. Ouvrage de référence, l'Afrique des laïcités. État, religion et pouvoirs au sud du Sahara traduit l'amorce d'une nouvelle époque, celle d'une indépendance vécue cette fois-ci de l'intérieur, où les peuples africains et leurs élites sociales forcent désormais les pouvoirs publics à penser et mettre en place leur propre « laïcité », y compris dans des contextes parfois tendus ou dramatiques.
The landscape of Education in Côte d'Ivoire is strongly marked by the existence of two types of training, one formal and one informal. Islamic education, one of the last mentioned, is also one of the forerunners of educational institutions in the country. Under the authority of an individual, or a community, not of the State, Koranic training institutions have eventually finished over time by spreading all over the Ivorian territorial space. Different from each other by the organization of the administration and the curricula, these institutions offer training programs out of step with the national education system. This raises the issue of the credibility of this training and of the future of graduates who are not recognized by the State. Arrangements were made by the State and the National Islamic Council (CNI) at the end of 1993 to allow these institutions to enjoy the same status as the Catholic and Protestant denominational schools. This initiative, bound as it was to get the Koranic educational system out of a rut, still meets difficulties on the ground. Through a historical study of Koranic education in Côte d'Ivoire, this study will analyse the dynamics of evolution of this educational system over the past two decades.
Sous la révolution sankariste, des centaines de scolaires musulmans burkinabè, auparavant militants de l'Association des élèves et étudiants musulmans de Côte d'Ivoire (AEEMCI), ont commencé à rentrer de ce pays pour poursuivre leurs études à l'université, au Burkina Faso. Dotés d'une expérience en gestion d'associations islamiques en milieu académique, ils trouvent sur place une association islamique non officielle de scolaires, basée à Ouagadougou.
Ce retour a coïncidé avec la création de l'Association des élèves et étudiants musulmans au Burkina (AEEMB) en 1985. Comment le retour de cette diaspora burkinabè a-t-il influencé l'évolution de l'islam en milieux scolaire et estudiantin ? En quoi les autres associations musulmanes en ont-elles été influencées ? Quels sont les signes manifestes de l'impact de la diaspora musulmane sur tout le territoire burkinabè ?
Pour y répondre, nous avons adopté une approche qualitative, en menant des enquêtes de terrain et en faisant immersion dans de nombreuses activités de l'AEEMB dans plus de quinze villes, dont Ouagadougou, Bobo – Dioulasso, Ouahigouya et Koudougou. En outre, des recherches documentaires ont permis d'approfondir notre investigation.
Nous avons constaté que l'AEEMB est présente dans toutes les provinces du pays, dont les lycées publics de ses principales villes et ses universités publiques disposent d'une mosquée en lien avec cette structure. En outre, des milliers de ses militantes portent le voile et fréquentent la mosquée. Enfin, l'Association a des relations avec les autres associations islamiques nationales et sous-régionales.