A partir du milieu des années 1980, nous avons assisté à une émergence de multiples associations islamiques au Burkina Faso. Parmi celles-ci figure l'« Association islamique ahmadiyya du Burkina Faso ». La référence à la Ahmadiyya renvoie à la doctrine religieuse de Mirza Ghulam Ahmad, apparue à la fin du XIXe siècle en Inde. Mirza Ghulam Ahmad et ses héritiers sont considérés comme des hérétiques en général par les musulmans à l'échelle mondiale, mais nous constatons que, depuis sa création, l'association islamique ahmadiyya prend de plus en plus de l'ampleur au Burkina Faso. Nous avons alors jugé utile de faire une étude pour mettre en relief la genèse, l'évolution et la situation actuelle de la Ahmadiyya dans ce pays.
Cet article propose une réflexion sur les possibilités inédites qu'offre le numérique pour développer de nouvelles méthodes de recherche et de diffusion de données sur l'histoire de l'islam en Afrique de l'Ouest, ainsi que quelques considérations méthodologiques, technologiques et éthiques soulevées par de telles initiatives. Au centre de ces considérations se trouve la Collection Islam Burkina Faso. Ce projet de base de données numérique en libre accès, que j'ai lancé en 2021 et qui est hébergée par les bibliothèques George A. Smathers de l'Université de Floride (UF), contient actuellement plus de 2 500 documents d'archives, articles de la presse généraliste, publications islamiques sous diverses formes et photographies, en plus de 200 références bibliographiques liées à l'islam et aux musulmans du Burkina Faso (https://islam.domains.uflib.ufl.edu/s/bf-fr). Le texte propose également un bref état des lieux des humanités numériques dans le champ des études africanistes et plus spécifiquement sur l'islam.
Autrefois qualifié de « fille aimée de l'Église », le Burkina Faso compte aujourd'hui plus de 60 % de musulmans. Outre leur importance numérique, ceux-ci se sont montrés dynamiques depuis le tournant des années 1990, notamment avec un foisonnement associatif particulièrement important, comme en témoignent les 240 associations islamiques officielles à l'échelle nationale.
Afin de saisir les profondes mutations qu'a subies l'islam burkinabé, les relations internes souvent tendues entre ses tendances et les rapports complexes qu'a entretenus cette religion avec l'État depuis l'indépendance, l'auteur a fait deux séjours au Burkina Faso, allant à la rencontre de trois générations d'imams et de prêcheurs.
Frédérick Madore montre comment l'islam peut constituer un vecteur d'autonomisation pour de jeunes musulmans. Pour certains, l'acquisition d'une légitimité et d'une autorité religieuse leur permet de s'émanciper en partie du poids des structures sociales et ethniques, caractérisées notamment par la gérontocratie. Loin d'être exclusives à l'islam burkinabé, des dynamiques similaires s'observent ailleurs au sud du Sahara.
L'ouvrage que presente Mahamoudou Oubda est une etude sur l'evolution de la Cooperation bilaterale entre l'Arabie saoudite et le Burkina Faso depuis les independances. Fruit d'une recherche academique, l'oeuvre repose sur un corpus significatif de sources, d'ouvrages, de theses, de memoires et d'articles exploites selon la rigueur que requiert le metier d'historien. Elle met en lumiere les fondements politiques, economiques et religieux des relations bilaterales entre les deux pays, ce qui permet de reconstituer les grandes etapes de l'histoire de leur cooperation et d'apprecier les retombees de celle-ci dans l'evolution politique, economique, sociale et religieuse du Burkina. L'etude revele que la monarchie saoudienne compte parmi les meilleurs soutiens du Burkina dans sa lutte contre le sous-developpement et leur cooperation a un impact sur l'evolution de l'islam au Burkina. Ce livre consacre a un exemple de cooperation Sud-Sud porte sur un sujet sur lequel il n'existe pas encore de recherches approfondies. C'est une uvre indispensable pour tout lecteur desireux de mieux connaitre le domaine etudie notamment les chercheurs, diplomates, hommes politiques, journalistes et etudiants."
The situation of Islam in Upper Volta is ambiguous: while dominant in numbers it remains in a subordinate position in the polity. Within the contemporary context of Moslem political awakening, peaceful Voltaic Islam looks like an oddity, whose origins lie in the history of Islamization. In the Mosi kingdoms Moslems occupied a marginal position and the vectors of Islamization were extraneous. Despite their role in the royal courts, Moslems were accepted only on tolerance and the political System was free of Islamic influence. While the colonial System did not bring any deep change in this status, the disruption of traditional structures accelerated the rate of conversions. Nevertheless, due to its divisions and to its inability to cope with modernization, Voltaic Islam has been unable to produce a political elite which could have claimed leadership in the post-colonial State or put forth a social design of its own. Islam remained thus exposed to the most various ideological, religious and secular influences, which perpetuated its subordinate position. This led to the 1983 crisis in the Communaute musulmane de Haute-Volta, the most serious since the creation of this important Islamic association.
This article explores Ahmadiyya proselytism taking place by way of the mass media. Ahmadiyya is an Islamic organization native to Pakistan that was officially established in Burkina Faso in 1986. Since the 2000s, it has developed rather considerably thanks to its social and humanitarian activities. As a group, it distinguishes itself by its ostentatious occupation of the public sphere, in particular the media, openly confronting other local Islamic groups who, for their part, warn their followers against the Ahmadiyya, judging it to be a dogmatic interpretation of Islam. Regularly criticized, Ahmadiyya recently decided to become the aggressor. In 2002, it inaugurated the Islamic radio Ahmadiyya to Bobo Dioulasso, the first Muslim radio in the country. In addition to its objectives of proselytism and the transmission of the Ahmadi dogma, its aim here is clearly to use the radio to answer attacks against the community. Since, Ahmadiyya has created three other radios in the country along with a network of journalists. In the face of this radio offensive, the other Islamic groups, in particular the Sunnite movement, have opened confessional radios in order to counter-attack. This article will analyze the "media war" between Ahmadiyya and these other Burkinabè Islamic organizations.
In the context of the increased visibility achieved by Islam since the 1990s, this article examines certain types of identity strategies by studying the social uses of radio made by Muslim preachers. Firstly, we show how these preachers claimed more clearly their place in the public sphere, while still opting for conciliatory positions vis-a-vis the authorities. Secondly, by broadcasting their message over the airways they were able to better control that same message. Furthermore, the latter's transmission through the media reflected a certain legitimacy the preachers gained within the Muslim community. The effects of this were twofold : the reconfiguration of the contours of the Muslim community with the arrival of new and highly religious actors and the emerging competition between certain approaches. Finally, as preachers turned to broadcast media, there emerged hybrid strategies at the intersection of the individualization of religious feeling and the feeling of belonging to a religious community. This hybridity was all the more pronounced in the two cities discussed in this article, where the Islamic dynamic was relatively new and where Muslims had lived for decades in a marginal situation (in both countries), sometimes even suffering outright stimatization (in the case of Côte d'Ivoire).
Confrérie souvent controversée, la Tijâniyya a été fondée en l'année 1195 de l'Hégire (1781-1782 de notre ère), à la suite d'une vision du Prophète, dans l'oasis algérienne d'Abû Samghun, par le savant et mystique Ahmad al-Tijânî (1737-1815).
Depuis cette date, la Tijâniyya s'est imposée comme la grande confrérie africaine des XIXe et XXe siècles. Au sud du Sahara, son nom est associé au jihâd d'al-Hajj Umar al-Fûti (m. 1864). Pendant la période coloniale, c'est la confrérie qui a connu, en Afrique de l'Ouest, les plus grands développements. C'est aussi celle qui suscite les passions les plus vives, de la part de tendances soufies rivales ou de mouvements anti-confrériques. La Tijâniyya apparaît comme une voie exceptionnelle.
Elle offre la chaîne de transmission la plus courte possible entre son fondateur et le Prophète. Parce que cette transmission est dite avoir eu lieu " à l'état de veille ", elle fait de Ahmad al-Tijâni l'interlocuteur privilégié du Prophète en personne et de la Tijâniyya une voie ordonnée par le Prophète lui-même. Dans cette même logique, Ahmad al-Tijânî se présente comme khatin al-awliyâ'. Sceau des saints, analogie évidente avec le statut du Prophète Muhammad, Sceau des Prophètes.
D'autre part, les promesses formelles de salut faites aux adeptes et à leurs proches, la protection contre les risques du Jugement Dernier, l'assurance d'une " place réservée " auprès du Tout-Puissant offrent une sécurité absolue au pratiquant fidèle. Sur le " marché confrérique " des biens de salut, la Tijâniyya s'impose donc par cette " surenchère " dans l'accumulation des signes et des moyens. L'histoire de la Tijâniyya est marquée, dans ses segmentations principales, par une longue fréquentation avec la puissance coloniale française.
Mais, alors qu'en Algérie, cette convergence d'intérêts avec la puissance coloniale se traduit par une désaffection progressive des fidèles et un affaissement de la puissance confrérique, en Afrique occidentale, le compromis avec les Français favorise l'essor des réseaux tijânî et fait de cette confrérie l'une des grandes bénéficiaires de la période coloniale. Cet ouvrage n'a pas le caractère d'une Histoire générale de la confrérie, et il ne prétend pas davantage à l'exhaustivité.
Il s'agit de reconnaître à travers l'écheveau d'un certain nombre de situations les principales lignes de force d'une aventure historico-rnystique qui a marqué le monde africain de l'islam et fait de la Tijâniyya une confrérie pas tout à fait comme les autres.
The multiplication of djihadistes attacks in French-speaking Africa especially in Mali and in Burkina Faso, reveals the insufficiency of a strategy of fight against terrorism only based on military answer and questions about the impact of secularism in the maintaining of peace. As principle of governance and of organisation of the State, the secularism proclaimed by the constituents of Mali and of Burkina Faso, is supposed to allow these countries to assure freely their regulating and self-defining functions to answer better in need of the citizens. Also, his violation determined in the functioning of the political institutions, would explain crises partly in these regions and their repercussions on other States of Western Africa. In this respect, the fragility of Mali and of Burkina Faso at socioeconomic level would favour the establishment of the terrorist groups, made easier sometimes due to the fact that Islam remains a very influential religion in social life as politics there. So, it is the question of the good governance that is at issue in reality which besides is be common in a good many of Africain States. But, it should not eclipse that of the civilisationnelle pertinence of the principle of secularism applied to Africain societies organised according to ethnic or denominational logic more than on a sum of désécularisés individuals-citizens, beyond the pertinence of theoretical and legal arguments making secularism a peacemaking tool.
In this paper I examine the re-Islamisation of French-speaking Muslims in Burkina Faso. Grounded in direct observation carried out with a group involved in Islamic evening classes, my analysis interrogates the logics which have recently led many people educated in "White" (French language) schools to subscribe to various forms of continuing education in Islamic studies. More generally, I explore the rise of the French-speaking Islamic elite in Burkina Faso since the 90's, a group that clearly seeks to occupy the public sphere in ways similar to their counterparts in Arab countries. This French-speaking elite has been able to take substantial control over the media (radio, press, Internet) thereby influencing religious practices and dictating Islamic norms. In doing so, they take part actively in the construction of a religious public sphere in Burkina Faso and address social questions of interest for public authorities and for international organizations alike.
Le dialogue interreligieux est un phénomène transnational lié aux transformations du religieux dans un contexte de globalisation. L'article met l'accent sur une forme particulière des échanges interreligieux : la collaboration pluri-religieuse impulsée par l'État dans le domaine sanitaire au Burkina Faso. Elites religieuses engagées dans un mouvement pluri religieux et pouvoir politique s'unissent pour mettre en scène l'entente religieuse pourvoyeuse de subventions et de reconnaissance. Vis-à-vis des bailleurs de fonds internationaux l'attractivité du dialogue interreligieux, ou de l'image des relations pacifiées entre religions semble offrir des légitimations et une garantie pour la réussite des actions de développement. Des exemples concrets dans le domaine de la santé montrent que lorsque le dialogue interreligieux entre dans l'arène du développement, il devient une stratégie d'autopromotion pour les différents partenaires de ce dialogue. L'article propose d'explorer pourquoi la capacité de collaboration entre différentes communautés religieuses a pu devenir une stratégie de reconnaissance sociale prometteuse.
Cet article montre que, dans des recherches anthropologiques conduites en Afrique subsaharienne, le « genre » constitue une entrée fructueuse pour lire des phénomènes liant politique et islam. Dans cette perspective, le genre, et notamment la conjugalité, ne représentent pas une thématique à part entière mais plutôt un angle de vue idéal pour comprendre l'implication des élites islamiques dans les politiques publiques dites de promotion féminine au Burkina Faso. Nous présentons le contexte d'émergence du féminisme islamique au Burkina Faso et nous analysons ensuite ses traductions dans le quotidien des militantes acquises à cette cause. Nous proposons enfin quelques pistes de réflexion méthodologiques et analytiques permettant de dégager une posture de recherche nécessaire dès lors que l'on se porte sur ce type de « terrain sensible ».