Cet article analyse la problématique de la crise sécuritaire au Burkina Faso à partir des perceptions des populations de la ville de Djibo. Depuis 2016, Djibo est considéré comme l’épicentre de cette crise avec les actions armées revendiquées par le groupe terroriste Ansarul Islam du prédicateur radical Malam Ibrahim Dicko. L’article trace les principales raisons de l’émergence de l’insécurité dans la ville de Djibo à travers les perceptions des acteurs au niveau local. Nous démontrons que l’origine de cette crise sécuritaire est liée à l’instrumentalisation des clivages sociaux et religieux, et à une crise de gouvernance qui se manifeste notamment par les hiérarchies et inégalités sociales productrices de frustrations, le sentiment de l’absence de l’État et la difficile collaboration entre les populations et certaines forces de défense et de sécurité.
Les étudiants burkinabè formés dans les instituts et universités arabo-islamiques du monde musulman de retour au pays sont confrontés à des difficultés d'intégration socioprofessionnelle. Si une grande majorité de ces diplômés est absorbée de manière chaotique par la sphère islamique, une minorité parvient à s'insérer dans les circuits de l'administration depuis les années 1970. Il s'agit ici de présenter les parcours généralement atypiques de ceux qui ont pu franchir les obstacles institutionnels et linguistiques pour se trouver une place dans l'administration. À travers des récits de vie de diplômés arabophones, il apparaît que les possibilités d'intégration dans l'administration sont fonction du capital social et des conjonctures, mais aussi des stratégies individuelles entreprises dans un contexte difficile.
This chapter presents an overview of Islam and the Islamic landscape in the contemporary Sahel and points to broad patterns and major trends as they relate to the practice of Islam in the region. After discussing the conventional wisdom about Islam in Africa, in which Islam is frequently equated with Sufism and “reform,” this chapter addresses several interrelated themes: Islam and its broad appeal in the region; intra-Muslim debate; global interconnections and the media revolution; and Salafism and Islamism trends, as well as jihadism. As it suggests, the Islamic landscape in the Sahel is much more diverse and complex than most commentary usually suggests. It also underscores the importance of understanding how the practice of Islam in the region has been changing in recent years in an increasingly globalized world. Finally, the chapter emphasizes how much more there is to know about Islam and Muslim societies in this region in flux.
Anxious to uncover "myths" and "cosmogonies" attesting to an uncontaminated Africaness, Africanist anthropologists have long neglected Islam. However Islam is present even in those societies which have not been islamized in a formal fashion and which, on the contrary, have incorporated certain Islamic features in order to oppose Islam. Such is the case of the Bobo of Burkina-Faso considered in this article.
Jusqu'à la fin du XIXe début XXe siècle, les Moose (Mossi) du Yatenga (région du cercle de Ouahigouya) restent fermement attachés à la religion traditionnelle; l'Islam ne réussit pas à pénétrer dans la cour royale; cependant sur le territoire du Yatenga vivent depuis les XVIe-XVIIe siècles de groupes ethniques musulmans minoritaires et 'étrangers' (Fulbe, Yarse, Marase). Ces groupes jouent dans la société mossi un rôle économique non négligeable (élevage, commerce). L'Islam ne déborde pas ces groupes et reste leur monopole jusqu'au début du XXe siècle. En 1896 le Yatenga est intégré dans le domaine colonial français et pendant la période coloniale la position de l'Islam s'améliore nettement. Involontairement et indirectement le colonisateur français stimule le progres de l'Islam. L'auteur explique cette progression de l'Islam et étudie les rapports entre Musulmans et pouvoir colonial au Yatenga.
Aborder une telle question n'est pas chose aisée, car la documentation écrite fait largement défaut. Nous nous sommes appuyés, pour mener une telle étude, sur notre expérience des archives privées des musulmans. Nous avons consulté la presse écrite ainsi que les travaux des chercheurs sur l'islam au Burkina Faso. Plusieurs mémoires de maîtrise de l'université de Ouagadougou nous ont ainsi aidés à cette fin. Les enquêtes orales ont été déterminantes, surtout à propos du milieu des affaires. Cependant, ces enquêtes orales ne nous ont pas permis de collecter des données chiffrées très précises compte tenu du caractère sensible de ce genre d 'informations. Nous manquons donc de statistiques. En dépit de ces contraintes, il est possible de décrire, avec une certaine précision, le rôle et la place des acteurs musulmans dans l'économie burkinabé. Nous allons considérer successivement la position particulière de certains groupes ethniques dans l'histoire du pays, puis la place de l'islam et des musulmans dans l'économie burkinabé contemporaine, pour, enfin, prendre l'exemple d'une grande figure de l'entreprise et des associations islamiques au Burkina, El Hadj Oumarou Kanazoé.
Durant sa longue carrière, Jean-Louis Triaud a creusé plusieurs sillons centrés sur la connaissance des sociétés musulmanes en Afrique de l'Ouest et au-delà. Cet ouvrage reflète les domaines couverts et développés dans ce cadre universitaire : modalités d'expansion de l'islam, manifestations culturelles et religieuses, personnalités marquantes... Ils forment le coeur de ce livre publié en sa compagnie. La continuité des thèmes qui ont alimenté cette réflexion a donné la possibilité à plusieurs de ses collègues, élèves et amis de réunir leurs contributions pour souligner le sens que la progression dans ces thématiques a eu pour leur parcours intellectuel respectif. Collabirent particulièrement à cet ouvrage plusieurs enseignants-chercheurs d'universités africaines qui ont maintenu fidèlement le lien avec leur directeur de recherche.
A travers les études des "lieux", des "objets" (tels le livre, la langue, la lettre) et des "figures" de l'islam, les auteurs offrent de nouvelles interprétations des espaces musulmans dans le Sahara et dans le Sahel, traversés par les flux migratoires, par de nouvelles idées, parfois par des pulsions jihadistes. Des phénomènes gels que la "réislamisation" et la "laïcité", mais aussi les combats de différents acteurs musulmans pour leur statut et leurs idéaux se trouvent au centre de l'ouvrage. Ce livre apporte des regards nouveaux sur l'histoire des "confréries" et de leurs "réseaux", sur les rapports entre les pouvoirs et les institutions islamiques.
Le trait commun de toutes les contributions, qui portent principalement sur l'Afrique occidentale mais aussi orientale et septentrionale, est leur regard d'historien marqué par une réflexion sur le sens et la portée de ce métier.
Islam first appeared in the western Sudan some time in the 8th century and reached its climax there in the 14th and 15th centuries. During that period many of the rulers and peoples of Ghana, Mali, and Songhay became Muslims, and tried to spread their religion by peaceful means as well as by the sword. Nevertheless, a new Sudanese societies resisted the spread of Islam. Delafosse tells (1912) that the mossi were still resisting Islam. But subsequently many of them did become Muslims. Today Islam is a growing religion among the Mossi. After having given a sketch of the history and of the social structure of the Mossi the author analyses the diffusion of Islam and Islamic practices in the Kombissiru region of Ouagadougou, especially in Nobéré district, where he conducted fieldwork from November 1956 to January 1957.
Ce chapitre traite de la mobilisation de la jeunesse autour de l'islam en Afrique de l'Ouest. En tant qu'anthroplogues, chacun des auteurs a mené des enquêtes ethnographiques de longue durée, principalement en Côte d'Ivoire et au Mali, sur les dynamiques entourant l'islam et sur les différentes façons d'être musulman. Des projets de recherche sur la thématique du religieux ont aussi été développé dans les pays voisins: Nigéria, Sénégal et Burkina Faso. En abordant les modalités de la moralisation de la société et du soi, les auteurs analysent comment les jeunes d'aujourd'hui, à savoir ceux pour qui la mobilisation s'inscrit dans les logiques de l'économie néoliberale, empruntent et enchevêtrent des éléments de différentes traditions de l'islam pour façonner de nouvelles manières d'être musulmane ou musulman. Les auteurs ont souhaité faire contrepoids à ceux qui tendent à réduire l'étude de l'islam et de la mobilisation de la jeunesse aux trajectoires plus ou moins signifiantes de la réforme, de l'islam politique ou de l'islamisme.
In the context of socio-political liberalisation, which has been happening since 1991, together with the competition between the different religions in the public arena in Burkina Faso, the visibility of Islam has increased considerably with the creation of Islamic media and the growing use of the Internet. This article examines the impact of the growing mediatisation of Islam on the agency and the content of the discourse of Muslim elites in Burkina Faso. This has led to the emergence of new, very mediatised religious figures who have gained authority in the public arena. However, the multiplication of the Islamic message is not accompanied by greater politicisation. Their agency resides rather in their relative capacity to invest in the public arena to defend their vision of society governed by Islamic moral norms. The debate surrounding the introduction of the Senate and the revision of Article 37 of the Constitution between 2011 and 2014 has shown the lacklustre agency of the Muslim leaders.
L'étude de la participation de trois cohortes d'imams et de prêcheurs de Ouagadougou dans les débats sociopolitiques entre 1960 et 2012 souligne l'importance de l'analyse des interactions intergénérationnelles pour saisir les profondes mutations qu'a subies l'islam burkinabé depuis l'indépendance : ses rapports complexes avec l'État, les relations internes souvent tendues entre ses différentes tendances ainsi que sa visibilité accrue et le nouveau rôle joué par les imams et les prêcheurs, dont plusieurs sont des jeunes, dans l'émergence d'une sphère publique musulmane depuis la transition démocratique amorcée en 1991. Les discours des imams et prêcheurs, longtemps marqués par les querelles dogmatiques et l'apolitisme, sont davantage orientés vers la remoralisation de la sphère publique depuis les années 1990. Parallèlement, les rapports intergénérationnels entre les aînés, qui détiennent l'« autorité traditionnelle » fondée sur l'âge, et les jeunes imams et prêcheurs sont marqués par une dynamique de rapprochements malgré certaines tensions persistantes.
Le présent ouvrage est le résultat du colloque international organise les 25, 26 et 27 septembre 2018 en hommage au professeur Sékou Bamba à l'occasion de son départ à la retraite. Directeur de recherches (CAMES), cet éminent historien ivoirien a consacré quatre décennies de sa vie à l'étude des civilisations africaines notamment l'histoire du Bas Bandaman précolonial en valorisant les traditions orales comme des sources pour l'exhumation du passe des sociétés africaines.
L'ouvrage revisite et réexamine plusieurs questions liées à l'islam africain du moyen âge à l'époque contemporaine.
The Islamic State's emergence in the Sahel region has triggered violence resulting in a large-scale refugee crisis. This paper focuses on the instability and refugee situation in Burkina Faso, which has received less attention than other Sahel countries such as Mali and Nigeria. In academic debates, IS-instigated terrorism tends to be examined as a multi-layered conflict with non-religious reasons in the background. However, religion is a key factor fueling terrorist activity in the Sahel region and determining its outcome, as the idea of creating an Islamic State or caliphate is inherently religious in nature. Islamic insurgents target all non-compliant community members and Christians in particular.
This paper examines the spread of Islam in Upper Volta (now Burkina Faso) during French colonialism. Focusing on the Tijaniyya Shaykh, Boubacar Sawadogo, and the strategies he pursued to avoid confrontations with the French, the paper interrogates the ways French colonialism inadvertently created a new public religious space that facilitated the unprecedented spread of Islam. Pursuing peaceful strategies of conversion and religious reform, Sawadogo converted an unprecedented number of Mossi, the colony's largest ethnic group, to Islam and laid the foundation for the subsequent growth of Islam in that territory. The Mossi had resisted Islam for several centuries prior to French conquests and the French had reinforced this resistance as part of a broader policy of preventing the spread of Islam in the French federation. An examination of the strategies pursued by Sawadogo to implement his religious visions in spite of the restrictions on Islamic proselytism allows us to re-interrogate the nature of colonial hegemony.
Dans un pays où islamisation et réislamisation sont les deux facettes d'un même phénomène, quelles logiques poussent les croyants à reconsidérer leur rapport quotidien à la religion ? Pour répondre à cette question, nous appréhendons l'usage du paradis et du salut dans les discours des élites autant que dans les conceptions des fidèles. Cet article vise à mettre en regard les dimensions publiques du réveil religieux et ses effets sur la vie privée des croyants. Si l'évocation du Jugement dernier est un lieu commun des discours religieux, il convient néanmoins de s'interroger sur son caractère performatif. L'issue du Jugement dernier constitue-t-elle réellement un moteur qui ravive la foi, motive les « bonnes » actions et transforme le rapport intime que les croyants ont à leur religion ?
La question des jeunes est un élément essentiel pour comprendre les dynamiques de l'espace public et les pratiques citoyennes qui émergent dans l'Afrique d'aujourd'hui. Leur importance tient non seulement à leur poids démographique imposant, mais aussi à leur transformation, souvent dramatique, en tant qu'acteurs sociaux dans l'espace public africain au cours des années 1990. Cette transformation encourage la création de nouvelles formes de légitimité et de nouveaux espaces d'expression individuelle ou collective, et correspond à une mutation radicale de l'idée de citoyenneté, qui fait appel à de nouvelles ressources et qui remodèle les dynamiques nationales d'inclusion et d'exclusion. Ainsi, la constitution de nouveaux espaces d'expression encourage une conception moins restrictive de la participation citoyenne dans la mesure où les jeunes veulent faire entendre leur opinion et participer ouvertement aux divers débats de société. En lien avec les concepts de « citoyenneté culturelle » et de « contre-nation », nous nous proposons dans cet article d'examiner le rôle des jeunes dans le contexte de réaffirmation de l'identité islamique qui a marqué l'Afrique de l'Ouest francophone à partir des années 1980 et plus encore dans les années 1990, particulièrement dans les grands centres urbains du Sénégal, du Mali, du Burkina Faso et de la Côte d'Ivoire. Nous nous penchons plus spécifiquement sur la question du rapport entre jeunes (comme catégorie sociale), religion et espace public.