id 77103 Url https://islam.zmo.de/s/afrique_ouest/item/77103 Modèle de ressource Newspaper article Classe de ressource bibo:Article Titre L'imam Aboubacar Fofana, porte-parole du Cosim : "Gbagbo se comporte en chef d'État chrétien dans un pays laïc" Créateur https://islam.zmo.de/s/afrique_ouest/item/76898 Vicky Delore https://islam.zmo.de/s/afrique_ouest/item/76725 Jean-Roche Kouamé https://islam.zmo.de/s/afrique_ouest/item/71459 Abou Traoré Sujet https://islam.zmo.de/s/afrique_ouest/item/46194 Laurent Gbagbo https://islam.zmo.de/s/afrique_ouest/item/5 Laïcité https://islam.zmo.de/s/afrique_ouest/item/945 Aboubacar Fofana Editeur https://islam.zmo.de/s/afrique_ouest/item-set/57943 Le Jour Contributeur https://islam.zmo.de/s/afrique_ouest/item/858 Frédérick Madore Date 2002-01-09 Type https://islam.zmo.de/s/afrique_ouest/item/67396 Article de presse Identifiant iwac-article-0012021 Source https://islam.zmo.de/s/afrique_ouest/item/821 Centre de Recherche et d'Action pour la Paix Langue https://islam.zmo.de/s/afrique_ouest/item/8355 Français Droits In Copyright - Educational Use Permitted Contenu IMAM ABOUBACAR FOFANA, PORTE-PAROLE DU COSIM "Gbagbo se comporte en chef d'Etat chrétien dans un Etat laïc" ◆ "Nous n'avons jamais écorché l'église catholique" ◆ “l'évangélisation ne doit pas être la déislamisation” ◆ "Les musulmans sont victimes de toutes les persécutions" La laïcité de l'Etat est pour la communauté musulmane de Côte d'Ivoire regroupée au sein du Cosim et du CNI, ce qu'est l'oxygène au corps humain. Et pour l'imam Aboubakar Fofana (à droite), porte-parole du Cosim, rien ne pourra détourner les musulmans de cette quête perpétuelle. Pas même les manoeuvres du pouvoir. PP 2-3. --- Page 2 --- Limam Aboubacar Fotana, porte-parole du Cosim: "Gbagbo se comporte en chef d'Etat chrétien dans un pays laïc" La laïcité de l'Etat est pour la communauté musulmane de Côte d'Ivoire regroupée au sein du Cosim et du CNI, ce qu'est l'oxygène au corps humain. et pour l'imam Aboubakar Fofana, porte-parole du Cosim, rien ne pourra détourner les musulmans de cette quête perpétuelle. Pas même les manoeuvres du pouvoir. Entretien Bien avant le forum pour la réconciliation nationale la communauté musulmane, dans son ensemble, avait exprimé un certain nombre de préoccupations. Aujourd'hui le forum est clos. Quel bilan votre communauté dresse-t-elle de cette grand-messe d'exorcisme collectif, basé sur la vérité, la répentance et le pardon ? La religion musulmane est une religion de dialogue entre les différentes confessions et communautés. Et cela, nous le retrouvons dans nos textes coraniques. Nous sommes appelés, à tout moment, à dialoguer avec les autres. Je pense que le forum a été l'un de ces cadres de dialogue pour que les Ivoiriens se parlent. En ce qui nous concerne, nous pensons que le forum n'a pas été une mauvaise chose. Bien au contraire, il a permis aux Ivoiriens d'être situés sur toutes les positions. Cela était fondamental, parce qu'avant de résoudre un problème, il faut qu'il soit véritablement posé. Ceci étant fait, il est facile d'en débattre. Je pense que toutes les tendances ont donné leur part de vérité et que toute la population en a tiré les leçons qui s'imposent. Le fait de laisser les gens s'exprimer et dire ce qu'ils pensent est un moyen pour dégonfler un peu le ballon. De ce point de vue, je pense que le forum a été une bonne chose. Le problème épineux, qui était celui d'Alassane et qui a été au centre de tous les débats, a quand même connu un éclaircissement. Il y a eu un pas vers la solution. Quand la confusion entoure un problème, il est difficile de le résoudre. Je pense que depuis le passage de Gbagbo, jusqu'à celui d'Alassane en passant par Guéi, l'opinion est quand même située sur ce problème. Désormais, nous pensons que le débat ne se posera plus dans les mémes termes qu'il s'est posé par le passé. Ne serait-ce que par ça aussi, le forum est une réussite. Ce forum a permis aussi que les quatre grands leaders se retrouvent sur le sol ivoirien. Cela été une bonne chose. Maintenant, le résultat ayant été soumis au chef de l'Etat, c'est à lui de faire en sorte que le forum ne soit pas finalement un échec. La balle est dans son camp, parce que c'est lui qui a la direction de l'Etat, c'est lui qui doit se prononcer sur les différents problèmes. Et nous pensons qu'il fera en sorte que le pays ne tombe plus dans le chaos qu'on a connu. Cela, afin qu'on parte vers une solution équitable et juste des différents problèmes posés. Nous nous félicitons aussi du dernier discours du président à la clôture du forum. Je ne parle pas du fond. Mais, le ton employé est déjà un changement de comportement parce que depuis la prise du pouvoir jusqu'à ce jour, c'est quand même gênant qu'aucun discours ne puisse rassurer la population. On quitte un discours guerrier pour aller vers un discours d'homme d'Etat. Je pense que là aussi, le dernier discours du chef de l'Etat est allé dans ce sens. Même si dans le fond, il y a des choses à dire. Par exemple, il y a eu une évolution sur certains problèmes, entre son premier discours lors de la réception des travaux du forum et le deuxième discours. Dans le premier discours, la position qu'il a prise pour la laïcité de l'Etat a ressemblé beaucoup plus à celle d'un ancien séminariste qu'à celle d'un chef d'Etat. C'est l'ancien séminariste qui parlait, qui défendait sa foi et non le chef d'Etat qui défendait les intérêts de l'ensemble des Ivoiriens. Dans le second discours, le ton était beaucoup plus calme, dans la mesure où il nous renvoie à une commission. Bien sûr, cette commission travaillera. Mais, le président n'a pas tout dit. Justement, le président a estimé que la vision qu'il avait de la laïcité de l'Etat semblait être différente de la vôtre. D'après vous, c'est quoi la laïcité de l'Etat? Le président est un historien. Il sait dans quelle condition la laïcité s'est installée en Europe. La laïcité est venue en Europe pour éviter la mainmise du religieux sur l'Etat. Et c'est cette même mainmise des religieux sur l'Etat ivoirien qui se constate. Notre combat, c'est à la limite, que l'Etat soit à équidistance des grandes religions du pays. Jusqu'à ce jour, ce n'est pas le cas et pour ce qui nous concerne, nous allons nous battre comme les Français l'ont fait. Il n'y a pas de raison que nous soyons tous des contribuables, que notre part de contribution dans le budget de l'Etat soit plus importante, et que nous soyons marginalisés quand il s'agit de distribuer le gâteau. Nous sommes dans une République et on n'a pas à gérer l'héritage colonial. On est indépendant. Que le président ne nous dise pas qu'il y a des héritages coloniaux. En ce moment, pourquoi on ne fête pas le 14 juillet en Côte d'Ivoire ? Vous semblez dire qu'actuellement, l'Etat n'est pas à équidistance des grandes religions. Quelles religions, d'après vous, influenceraient l'Etat en Côte d'Ivoire ? Je n'aimerais pas entrer dans les détails. Il y a certaines religions qui reçoivent la subvention de l'Etat depuis les indépendances. Il y a par exemple l'Eglise catholique et d'autres églises qui ont reçu des subventions. Cela n'est un secret pour personne. On le sait. Il y a eu un traitement particulier. Et nous, nous devons nous battre pour avoir des miettes. Nous n'avons posé aucun problème de fond à l'Etat ivoirien. Quand le Conseil national islamique (CNI) a été créé, nous avons tout simplement demandé de nous laisser, nous-mêmes, organiser notre pèlerinage. C'était l'un des gros problèmes. A l'époque, on nous a donné l'autorisation. On nous a même donné un décret qui nous mettait à la place du comité interministériel. Mais, depuis lors jusqu'aujourd'hui, l'Etat s'est organisé à saboter, par des moyens diverses, cette organisation. On remarque que les écoles confessionnelles catholiques et autres chrétiennes relèvent du ministère de l'Education nationale, ce qui n'est pas le cas pour la plupart des écoles confessionnelles musulmanes qui, elles, relèvent plutôt du ministère de l'Intérieur. Aboubacar Fofana: «Nous ne pouvons pas accepter d'être marginalisés au moment du partage du gâteau» Comment expliquez-vous cette situation? Il faut dire qu'après notre combat, il y a eu une petite évolution en la matière. Il y a quelques années seulement, toutes les écoles étaient mises sous la tutelle du ministère de l'Intérieur. Ce style-là aussi est un héritage colonial. C'est comme des autorités qui viennent le jour de la fête s'asseoir devant les musulmans pour prier. C'étaient des mesures de contrôle de la communauté musulmane au temps colonial. Et comme on dit qu'il faut gérer l'héritage colonial, quand il s'agit des musulmans, nous allons nous battre contre tous ces phénomènes coloniaux qui continuent de survivre dans un Etat indépendant. Nous avons signé une convention avec le ministère de l'Education depuis quelques années, et nous sommes en train de nous organiser en la matière. Nous sommes toujours en pourparlers avec le gouvernement, à travers le ministère de l'Education. Ce n'est pas un problème aussi facile que cela. Il y a déjà cinq ou dix écoles qui pratiquent le programme du gouvernement, avec un enseignement islamique à côté. Mais, le problème de fond n'est toujours pas réglé: celui de l'assistance. Il faut dire que nous sommes très en retard en la matière. Mais, la laïcité de l'Etat ne touche pas seulement l'école, elle touche également l'aspect politique. Il faut éviter que des gens soient exclus d'une manière tortueuse pour leur appartenance religieuse. Toutes les persécutions, en grande partie en Côte d'Ivoire, n'ont concerné que notre communauté. Que ça soit les problèmes militaires, politiques, économiques. Tous les hommes d'affaires qui ont été persécutés sont des nôtres. Les cadres qui ont été, depuis le temps de Bédié jusqu'aujourd'hui, renvoyés complètement de l'administration, sont essentiellement des nôtres. Aujourd'hui, ça commence à toucher d'autres. Qu'est-ce qui peut bien expliquer cet acharnement ? Cela nous étonne. Dans la mesure où la Côte d'Ivoire n'a pas été faite sans nous. Nous ne sommes pas venus trouver un pays organisé autrement. Nous étions là avant que la colonisation ne vienne. Et nous nous sommes battus aux côtés d'Houphouët pour décoloniser la Côte d'Ivoire. Ce sont les musulmans qui se sont le plus battus pour la décolonisation. Le PDCI était un fait de la communauté musulmane, en réalité. Les soutiens financiers d'Houphouët, c'était les commerçants nordiques. Tous nos biens étaient mis à son service, et même les cartes du PDCI se vendaient, à l'époque, dans nos mosquées sous les boubous. Les imams ont été mis à contribution au début du PDCI. C'est nous qui priions pour le PDCI, pendant qu'il était maudit en tant que parti communiste par les autres. Nous avons travaillé pour asseoir l'indépendance du pays. Depuis que les limites des frontières de la Côte d'Ivoire ont été tracées, on est dedans. Ce n'est pas un problème d'étrangers. Tous ceux qui sont intervenus au cours du forum, ont parlé d'étrangers qui ne doivent pas s'immiscer dans nos affaires. Il n'y a pas d'étranger qui parle dans nos affaires. Il n'y a aucune région qui peut dire : «Voila un étranger qui veut être député ou maire». Ce sont des Ivoiriens qu'on veut exclure. Le problème est à ce niveau. D'abord, en Côte d'Ivoire par rapport au nombre d'étrangers, il y a eu très peu de demandes de naturalisation. Jusqu'à une date récente, les étrangers ne demandaient pas forcément à être Ivoiriens, mais le problème se posait à des jeunes gens dont les parents et grands parents sont venus de la sous-région, qui ont été Ivoiriens pendant tout le temps, ont étudié en tant qu'Ivoiriens et qui sont dans l'administration en tant qu'Ivoiriens. Ils ont même fait l'armée en tant qu'Ivoiriens et, brutalement, on sort une loi et on leur demande de se naturaliser après 40 ans d'indépendance. C'est à ce moment là que le problème se pose pour certains. Je pense qu'il faut poser les problèmes dans leur contexte, sinon il n'y a pas d'étrangers qui veulent envahir la Côte d'Ivoire. Les étrangers sont des étrangers. Si demain, la Côte d'Ivoire dit qu'elle ne veut plus d'étrangers, il y a des manières de le faire. Mais, le problème, ce sont des Ivoiriens qui sont exclus. Ce n'est pas une affaire d'étranger. Le président Gbagbo, à la clôture du forum, a demandé au président Seydou Diarra de continuer les négociations avec les différentes confessions religieuses pour approfondir la question de la laïcité de l'Etat. Est-ce que cela a déjà commencé ? Et comment accueillez-vous cette démarche ? Mais, ce que le président n'a pas dit, c'est qu'il s'est réuni avec les autres religieux à qui il a donné des garanties. Lesquelles ? Les mêmes qui sont tout le temps les bénéficiaires. Il a résolu ce problème à sa manière. Il faut qu'on cesse de considérer que la communauté musulmane est une communauté qu'on doit traiter autrement. On est informé. Nous sommes au même niveau d'information qu'eux. Pour des raisons historiques, dans le pays, on sait ce qui se passe. Il y a eu le problème de la radio. Pendant que nous nous battions pour avoir une fréquence, les autres avaient déjà 11 fréquences qui leur étaient attribuées. Cela s'est fait à l'arrivée du pape Jean Paul II en Côte d'Ivoire. Quand nous avons demandé une fréquence, on nous a associé sur sept nouvelles fréquences pour en faire douze d'autorisées. C'est ce qui veut se passer pour la laïcité. Les autres ont déjà des acquis. On leur garantit que ces acquis ne seront pas touchés. Mais, on va former un petit gâteau qu'on va diviser entre tout le monde et le reste passera sous table. Ce qui sous-entend que la tâche de Seydou Diarra ne sera pas aisée... Le problème n'est pas à ce niveau. C'est une volonté politique d'être équitable. C'est la tâche du président Gbagbo qui ne sera pas aisée. Nous ne nous tairons pas. On se battra jusqu'au bout, tant qu'on sentira qu'il y a un brin d'injustice, jusqu'à ce qu'il y ait justice. Nous avons remarqué que depuis l'élection du président de la République, vous n'avez jamais été reçus par lui. Est-ce de la réticence de votre part ou une volonté du président de ne pas vous recevoir ? C'est nous qui avons demandé à être reçus. Peut-être que le président a ses raisons. Avant qu'il ne soit président, c'est lui qui venait nous voir. C'est lui qui demandait audience pour que nous le recevions. On le recevait à tout moment. --- Page 3 --- moment. Il venait dans nos bureaux, à nos domiciles. Nous l'avons aidé. Quand il est devenu président, juste après le charnier, on avait quand même des choses à lui dire. On a demandé à ce qu'il nous reçoive. C'est le minimum pour un chef d'Etat. Mais, il continue à se comporter en chef d'Etat chrétien dans un pays multiconfessionnel. Même s'il reçoit maintenant les autres religions, nous le saurons. Qu'on sache que la Côte d'Ivoire est un pays de verre. Rien ne se cache. Tout ce qui se fera sous les tables, les hauts de tables, on le saura. Il est temps qu'on s'asseye et qu'on parle. Qu'il cesse de créer des associations fictives pour venir insulter les imams. Tout cela vient du gouvernement, on le sait. Comment peut-on expliquer l'existence de deux associations de même ethnie, l'une appartenant au frère et l'autre au fils! Tout cela c'est faire du nombre. Parlant justement d'Al Coran, nous avons constaté que lors de la cérémonie d'intronisation de cette organisation, de hautes personnalités s'y sont rendues. On peut citer, entre autres, le cardinal Agré, le ministre de la l'Intérieur, Boga Doudou, le ministre de la Défense, Lida Kouassi. Mais, curieusement le CNI, le Cosim n'ont pas fait le déplacement. Pour quelles raisons? La communauté musulmane de Côte d'Ivoire, que les gens ne se trompent pas, est organisée. Depuis un certain nombre d'années, on ne fait qu'aller de l'avant, on ne recule pas. Al coran n'est que le substitut de Diaby Koweit ; un homme géré par une structure chrétienne pendant tout le temps. Il est parti maintenant parce qu'il a échoué. On met Al coran à sa place et on lui donne les mêmes moyens pour combattre la communauté musulmane. Le premier discours d'Al coran qui a été lu à la cathédrale, a été d'abord revu par les responsables de la cathédrale. C'était un discours qui insultait les imams. Nous constatons que ce que les autres ne peuvent pas nous dire, ils passent par Al coran pour nous le dire. Arrêtons cela. Al coran n'est ni imam, ni religieux, ni théologien et n'a jamais dirigé une communauté religieuse en Côte d'Ivoire. Il n'a ni la formation, ni la fonction, ni la pratique. Quand on voit la présence de Lida Kouassi, ministre de la Défense; le représentant de Mathias Doué, chef de l'état-major; cardinal Agré à cette cérémonie, on fait une lecture. On a notre attitude en la matière. Ce n'est autre chose que de la manipulation, parce qu'on veut avoir un islam aux mains de x ou y. Par le passé, on a voulu utiliser des associations qui aujourd'hui ont rallié le CNI et le Cosim. Le 22 décembre dernier, à la mairie de Yopougon, lors de la mise en place de la nouvelle association de muezzins et d'imams de Côte d'Ivoire, les responsables d'Al coran ont accusé le CNI et le Cosim de «s'attacher à des ordonnances humaines, de s'adonner à des attitudes qui ne font qu'entraîner haines et désordres au sein de la communauté musulmane». Qu'en est-il exactement ? Ils ne connaissent rien de la communauté musulmane. Cette dernière est solidement rangée derrière ses imams. Al coran est en mission et nous n'avons rien à voir avec lui. Il est venu pour nous insulter, il nous insultera et on ne lui dira rien, car on sait que ce n'est pas lui. On sait à qui s'adresser. C'est un scénario qui a vu le jour depuis Diaby Koweit jusqu'aujourd'hui. Depuis l'indépendance, on a connu plusieurs associations qui ont été mises en place par des éléments du gouvernement. Ce scénario, est remis au goût du jour. Demain, si on finit avec Al coran, un autre viendra. L'objectif est de déstabiliser la communauté musulmane ; ne pas laisser cette communauté s'organiser comme les autres. Or, c'est un rêve. Aujourd'hui, la Côte d'Ivoire a beaucoup évolué et, avec elle, la communauté musulmane. Il faut le comprendre et composer avec. Cette manière très enfantine de traiter le problème de l'islam est dépassée. En parlant des acteurs de ce scénario, vous avez cité le cardinal Agré. On voudrais que vous reveniez sur les rapports que vous avez aujourd'hui avec le patron de la communauté catholique ? Par ailleurs, nous avons approché le cardinal Agré qui soutient éprouver mille difficultés à rencontrer El Hadj Idriss Koudouss, président du CNI... Je crois que c'est Koudouss qui peut répondre à cette dernière question. Ce que je sais, c'est que Koudouss est dans une organisation et il agit en tant que tel. C'est au nom de la conférence épiscopale qui est notre interlocuteur en tant que conseil supérieur des imams. Nous avons écrit, les traces sont là pour demander une rencontre. On nous a tourné en rond et ça n'a jamais pu avoir lieu. Il faut qu'on arrête de paternaliser les relations entre deux structures. Nous sommes une organisation des imams. Nous couvrons tous les imams significatifs de la Côte d'Ivoire. Aucun muezzin ne peut se détacher de son imam. Même si on dit qu'on a créé une association des imams, c'est du bluff. Pour la création de cette structure, c'est le ministère de l'Intérieur qui s'est chargé de distribuer les convocations de cette réunion aux imams, chefs de village et muezzins dans les différents coins, même les plus reculés. Ce sont les sous-préfets et préfets qui ont distribué les invitations. C'est une affaire du gouvernement, peut-être, appuyée par Agré. Pour revenir à Agré, en tant que structure, le Cosim et le CNI, ont demandé à être reçu par la conférence épiscopale pour qu'on discute. C'était avant les événements d'octobre 2000. Qu'on cesse de vouloir prendre un individu à côté alors que la structure fait la demande. Nous sommes organisés. Cela dit, je ne sais pas ce qui a pu se passer entre les deux, mais mes informations sont tout autres. Ce que nous voulons, c'est le traitement d'égale à égale. Nous vous rappelons deux faits simples. Lors de l'investiture de El hadj Anzoumane Konaté, successeur de feu Tidjane Bâ, une invitation a été adressée au cardinal Agré qui ne s'est pas rendu à la cérémonie. Lors de la nuit du destin, il n'a pas fait non plus le déplacement. Vraisemblablement, il y a malaise entre la communauté musulmane et le cardinal Agré... Je vais profiter de l'occasion pour rassurer nos frères chrétiens de Côte d'Ivoire, que la communauté musulmane en tant que telle n'a jamais eu de problème avec la communauté chrétienne. Et nous en pensons même pas avoir des problèmes. Nous n'avons pas intérêt à avoir des problèmes avec la communauté chrétienne. Le cardinal a sa lecture des faits sociaux. Il a sa manière et nous n'avons pas à critiquer sa conception des choses. Mais, ce que nous voulons, en tant que structure organisée, c'est de situer nos problèmes au niveau des structures et au niveau des communautés. Nous demandons une rencontre avec la conférence épiscopale pour qu'on nous dise ce qu'on nous reproche. Nous avons des problèmes avec l'Etat ivoirien laïc. Toutes nos critiques et nos prises de position sont par rapport à la non application de la laïcité par l'Etat ivoirien. Nous n'avons jamais écorché l'église catholique, encore moins la communauté chrétienne. Il faut que les choses soient clairement posées. Nous sommes condamnés à vivre avec cette communauté. Nous n'avons même pas un plan de proxénétisme bien ficelé pour dire qu'on va convertir les chrétiens à notre religion. Nous demandons seulement à être reconnus par l'Etat ivoirien. Ce qui pose problème au niveau de l'Etat. Il ne faudra pas que certains chefs religieux prennent nos positions vis-à-vis de l'Etat pour une affaire contre les chrétiens. C'est différent. Si demain, le cardinal demande à rencontrer le conseil supérieur des imams avec la conférence épiscopale, nous sommes prêts. J'ai eu personnellement beaucoup de rencontres avec Mgr Dacoury, mon interlocuteur. Mais, cette rencontre que nous avons voulu placer avant les événements n'a pas eu lieu. Le cardinal a ses prises de position et je pense que toute l'opinion nationale est là pour juger. Nous n'avons rien à dire là-dessus. Ce qu'il faut savoir, c'est que chacun doit chercher à s'occuper de sa religion, mais nul ne doit chercher à mettre la main sur l'autre. Ce n'est pas quelqu'un d'autre qui indiquera celui qui doit être le chef des musulmans. Vous ne l'affirmez pas mais, vraisemblablement, il y a malaise entre les deux communautés... Il semble qu'il y a un malentendu quelque part. Mais, ça vient d'où ? Il peut venir des individus. Quand on dit, par exemple, aux chrétiens de ne pas consommer la viande de mouton de tabaski des musulmans, ce n'est pas nous qui l'avons dit. Il n'y a pas que cet épisode. Il y a, par également, le fameux livret «Trente jours de prière pour le monde musulman».... Nous regrettons fort ce genre d'attitude, parce que cela voudrait dire qu'il faut aller à un affrontement au nom de la religion. Ce n'est pas notre souhait. Nous demandons à ceux qui ont cette idée en tête de l'enlever. Ce n'est pas bon pour la Côte d'Ivoire, pour l'Afrique, pour l'humanité. On a déjà connu des guerres religieuses ailleurs. On n'en veut pas en Côte d'Ivoire. Tout ce que nous voulons, c'est que chaque religion soit libre de prêcher, de chercher de nouveaux adhérents, de faire son proxénétisme. Mais, que l'islam soit la cible de certains, je dis non! Il y a certaines religions qui font plus pour détruire l'islam, plutôt que de faire avancer leur propre religion. Ce qu'on fait aujourd'hui pour dénigrer, pour créer des difficultés à l'islam, si certains le faisaient pour le compte de leur propre religion, celle-ci irait de l'avant. Il ne faudrait pas que l'évangélisation soit forcément la déislamisation. Il y a plein d'animistes en Côte d'Ivoire qui n'ont pas encore embrassé de religion. Il faut aller vers eux. Je pense qu'on a besoin de se parler. En ce qui nous concerne, nous n'avons rien contre nos frères chrétiens, et nous n'avons jamais posé d'actes contre eux et nous ne poserons aucun acte de provocation. Bien au contraire, nous constatons depuis un certain temps, que c'est nous qui sommes victimes de provocations. Jusque-là, nous disons à nos fidèles de ne pas réagir à leurs provocations. Jusqu'à quand vous pouvez contenir vos fidèles ? Nous ferons tout pour les contenir, parce qu'il faut préserver le pays. Nous l'aimons parce que c'est notre pays. Tout ce qu'on peut faire, on le fera. Il faut que chaque chef religieux arrête les provocations. Il ne faut pas dire aux yeux de tout le monde qu'on veut pousser une communauté à se révolter. Ce genre de propos est dangereux. Qui révolte qui ? On révolte pour quoi ? Pourquoi on doit se révolter ? Nous avons passé 40 ans sans bénéficier de subvention. Nous payons les contributions au même titre que les autres. On ne s'est pas révolté face à cette injustice. ENTRETIEN RÉALISÉ PAR VICKY DELORE, JEAN-ROCHE KOUAMÉ ET A. TRAORÉ. Aboubacar Fofana : «Les musulmans se sont le plus battus pour la décolonisation» Nombre de pages 3 Pages 1 2 3 Description courte L'Imam Aboubakar Fofana, porte-parole du COSIM, critique vivement l'État ivoirien pour son non-respect de la laïcité, accusant le président Gbagbo de favoriser les confessions chrétiennes et de marginaliser la communauté musulmane. Il dénonce les persécutions politiques, économiques et éducatives subies par les musulmans, ainsi que les tentatives gouvernementales de déstabiliser leurs organisations. Fofana appelle à un traitement équitable de toutes les religions et rejette les provocations interconfessionnelles, affirmant que la communauté musulmane continuera de lutter pour la justice et la reconnaissance. --