id 77093 Url https://islam.zmo.de/s/afrique_ouest/item/77093 Modèle de ressource Newspaper article Classe de ressource bibo:Article Titre Imam Aboubacar Fofana, porte-parole du Cosim : "Les assassinats ne sont pas la solution aux problèmes politiques" Créateur https://islam.zmo.de/s/afrique_ouest/item/73497 Félix D. Bony https://islam.zmo.de/s/afrique_ouest/item/76920 J. A. T. Sujet https://islam.zmo.de/s/afrique_ouest/item/662 Conseil Supérieur des Imams, des Mosquées et des Affaires islamiques https://islam.zmo.de/s/afrique_ouest/item/945 Aboubacar Fofana Editeur https://islam.zmo.de/s/afrique_ouest/item-set/57943 Le Jour Contributeur https://islam.zmo.de/s/afrique_ouest/item/858 Frédérick Madore Date 2002-08-19 Type https://islam.zmo.de/s/afrique_ouest/item/67396 Article de presse Identifiant iwac-article-0012011 Source https://islam.zmo.de/s/afrique_ouest/item/821 Centre de Recherche et d'Action pour la Paix Langue https://islam.zmo.de/s/afrique_ouest/item/8355 Français Droits In Copyright - Educational Use Permitted Contenu IMAM ABOUBACAR FOFANA porte-parole du Cosim "Les assassinats ne sont pas des solutions..." Porte-parole du Conseil supérieur des imams de Côte d'Ivoire (Cosim), El hadj Aboubacar Fofana est le premier responsable spirituel de la mosquée d'Aghien (Cocody). Dans cet entretien, le guide spirituel islamique se préoccupe de l'évolution de la situation socio-politique et relève les préoccupations de sa communauté religieuse. Entretien. --- Page 2 --- Imam Aboubacar Fofana, porte-parole du Cosim "Les assassinats ne sont pas la solution aux problèmes politiques" Porte-parole du Conseil supérieur des imams de Côte d'Ivoire (Cosim), El hadj Aboubacar Fofana est le premier responsable spirituel de la mosquée d'Aghien (Cocody). Dans cet entretien, le guide spirituel islamique se préoccupe de l'évolution de la situation socio-politique et relève les préoccupations de sa communauté religieuse. Entretien. L'évolution de la situation politique en Côte d'Ivoire a abouti, le 5 août dernier, à la formation d'un gouvernement d'ouverture, avec l'entrée du RDR. Quelle analyse faites-vous de cet événement? En tant que religieux, nous ne comptons que sur les intentions. Si cela peut aboutir à une entente entre les Ivoiriens, et si cela a été fait avec une volonté et une sincérité de faire en sorte que le pays puisse redémarrer, c'est tant mieux. Mais, si ce n'est pas le cas, ce serait dommage. Sinon, nous n'avons pas d'appréciation particulière là-dessus. Je crois que cela faisait partie des résolutions du forum et de ce que les leaders se sont dit à Yamoussoukro. Donc, c'était quelque chose de prévisible. Cet événement a été malheureusement coïncidé avec l'assassinat de l'ancien ministre Balla Kéita au Burkina Faso. Que pensez-vous de cette disparition du secrétaire général de l'UDPCI? C'est regrettable. Je crois qu'il faut prier Dieu pour que de telles choses ne se répètent pas. Parce que ce serait encore un autre engrenage qui peut entraîner une autre aventure. Nous regrettons fortement ce genre d'acte. Nous ne croyons pas que cela soit la solution aux problèmes politiques. Personnellement, je n'ai pas d'appréciation particulière sur les commentaires qui sont faits ici et là. Mais, je dis que c'est dangereux. C'est un mauvais précédent. Par ces temps qui courent, ce n'est pas une bonne chose. Je n'ai jamais accepté la violence comme solution aux problèmes politiques. Et si on entre dans cet engrenage, il y a risque qu'il y ait des tournures encore plus graves. Vous avez été récemment reçus par le chef de l'Etat. Qu'est-ce qui explique cette démarche des imams? Nous avons une politique générale au sein de notre structure: le Conseil supérieur des imams (Cosim) qui consiste à ne jamais avoir de relations controversées avec le pouvoir en place. Nous avons cependant arrêté, et c'est aussi écrit dans nos statuts et dans nos documents de base, que nous nous réservons le droit de nous prononcer sur tous les faits majeurs que connaît la nation. Nous en avons le droit. Je crois que ces deux choses doivent être comprises. Autant, nous ne voulons pas de problème avec le pouvoir, autant nous nous réservons le droit de dire ce que nous pensons des problèmes qui se posent à la nation entière. C'est dans ce cadre que nous avons, dès les premiers jours, cherché à rencontrer l'actuel président (Laurent Gbagbo, ndlr). Malheureusement, cela a tardé. Nous avons insisté et, finalement, notre demande a été acceptée et nous avons pu le rencontrer, plusieurs fois d'ailleurs. Pour normaliser nos relations. Parce qu'en tant que religieux, nous ne voulons pas de relations tendues en permanence avec le pouvoir en place. Dans la mesure où nous sommes appelés à résoudre les problèmes de la communauté, cela ne peut se faire qu'avec le pouvoir en place. C'est ainsi que lors de notre rencontre, nous avons porté un certain nombre de doléances au chef de l'Etat. Lesquelles? Pour ne citer que les plus urgentes, nous avons posé le problème foncier, c'est-à-dire des terrains que nous avons acquis, mais que certaines personnes veulent nous les reprendre aujourd'hui, alors que nous sommes en possession des titres fonciers. Il n'y a que le gouvernement pour trancher cette affaire. Nous avons aussi parlé du problème des pèlerinages. Parce que les cafouillages qui ont lieu pendant l'organisation de ces voyages ne sont pas seulement un problème musulman. C'est l'image de la Côte d'Ivoire à la Mecque qui est mise en cause. Nous sommes la seule structure qui respecte le cahier des charges dans sa totalité. Mais, nous sommes pénalisés par la plupart des pèlerins qui vont à la Mecque dans des structures non organisées, mais qui viennent profiter des dispositifs que nous mettons sur pied à l'arrivée. Et pourtant, l'Etat ne nous rembourse rien. Enfin, au cours de la toute dernière rencontre, nous avons évoqué les incidents qui ont eu lieu à Daloa. C'est un problème très brûlant. Quels sentiments au sortir de ces rencontres? Généralement, à une rencontre avec un chef d'Etat, on sort avec un minimum de satisfaction. Mais, entre les promesses et leurs réalisations, il faut encore des démarches. Et nous nous attelerons à faire respecter toutes les promesses qui nous ont été faites. Il y a certaines choses qui ont été déjà réalisées parmi celles que nous avons demandées. Lesquelles? Depuis longtemps, la communauté musulmane de Côte d'Ivoire était pratiquement isolée, coupée de tout contact avec les grandes institutions islamiques. On se posait des questions. Aujourd'hui, ce problème a trouvé une solution et nous ne pouvons que remercier le président de la République pour cette ouverture. Il y a aussi l'accès à la Banque islamique de développement qui a certainement des retombées sur l'islam. Mais, peut-être, aussi pour le gouvernement, afin que la Côte d'Ivoire puisse bénéficier de ses avantages comme tous les autres pays de la sous-région. Vous donnez l'impression que la communauté musulmane est traquée par les régimes successifs en Côte d'Ivoire, pourquoi? La colonisation a, tout le temps, regardé la communauté musulmane comme une communauté gênante pour son installation. Malheureusement, les textes qui régissaient la communauté nationale depuis la période coloniale ont été les mêmes après l'indépendance. Le regard du ministère de l'Intérieur, qui était aussi chargé des cultes, était négatif envers la communauté musulmane. Donc, on cherchait beaucoup plus à nous phagocyter, à nous noyauter, à nous déstabiliser et à nous empêcher de nous organiser, pendant que les autres communautés étaient notoirement favorisées. Il fallait donc mener un combat. Pensez-vous que votre combat a porté? On a des acquis, mais il reste beaucoup à faire. Nous nous battons pour que la laïcité de l'Etat soit respectée. Nous ne disons pas que la laïcité est un idéal islamique. Mais, puisque c'est ce que la Constitution proclame, il faut qu'elle soit respectée. Qu'elle ne soit pas un prétexte à brandir quand il s'agit de la communauté musulmane pendant que les autres peuvent faire n'importe quoi. Tout récemment, un groupe de prière de parlementaires chrétiens a pu se constituer dans un pays laïc. Il fallait être en Côte d'Ivoire pour voir cela. Quel regard portez-vous, justement, sur ce groupe de prière? C'est dangereux! Tout cela va dans le même sens des problèmes qu'on crée à la Côte d'Ivoire. Certes, il peut avoir des volontés et chacun peut vouloir que le pays soit seulement empreint de sa religion. Mais, à partir du moment où la Constitution dit que le pays est laïc, il faut respecter cette laïcité. Si demain, il se crée aussi un groupe parlementaire musulman, le combat des lois sera un combat entre chrétiens et musulmans. Et c'est ce que nous voulons éviter. Que chacun vive sa religion, et que l'Etat soit pour tout le monde. Si demain, on veut amener l'Etat à être un Etat chrétien, les musulmans n'accepteront pas. Car, personne ne pourra nous l'imposer. Quels sont vos rapports aujourd'hui avec les autres communautés et leurs leaders? Nous n'avons jamais eu de problème, ni en tant que responsables religieux, ni en tant que communauté avec les autres communautés religieuses. Vous ne verrez jamais qu'il y a eu un problème et que c'est les musulmans qui ont été les premiers à attaquer les autres. L'islam nous l'interdit. Si l'installation des musulmans s'est facilitée pendant le temps colonial, et même après, dans toutes les régions de la Côte d'Ivoire, c'est parce que les musulmans savent respecter les valeurs des autres. Ceci dit, nous avons eu des problèmes avec l'Etat ivoirien. Nous sommes surpris quand nous demandons à l'Etat de respecter la laïcité et la loi, que c'est plutôt les autres religions qui réagissent. Cela est ambigu. Nous nous adressons à l'Etat ivoirien qui est notre Etat à nous tous. Or, les réactions ne viennent pas de l'Etat, mais d'autres religieux. Et nous les avons analysées. On a tous vécu ensemble pendant longtemps, sans problème. Nous ne croyons pas que la meilleure façon de cohabiter, c'est de créer des problèmes à son voisin. Il ne faut pas se voiler la face. Le courant ne passe pas entre votre organisation et l'église catholique... Cela ne vient pas de nous. Nous avons posé nos problèmes au gouvernement et non à l'église catholique. Nous disons au gouvernement d'être juste et droit dans ses traitements et de respecter la laïcité. Nous n'avons jamais dit dans nos déclarations: «Voilà ce que l'église catholique nous fait». Il faut bien situer le problème. Nos déclarations sont officielles. Et nos prises de position se sont toujours adressées au gouvernement. Où se situe, selon vous, le problème? Là où le bât blesse, c'est l'amalgame qui est fait en Côte d'Ivoire. On a l'impression que le code utilisé pour désigner le musulman, c'est «l'étranger». Et tout dernièrement, après la grève des transporteurs, on a entendu un responsable du gouvernement dire qu'il faut briser le monopole de ce secteur; et que désormais, pour exercer dans ce secteur, il faut être Ivoirien. Va-t-on dire que Kassoum Coulibaly, Inza Diaby, les Cissé de Man, etc. ne sont pas Ivoiriens? C'est cela la confusion. Chaque fois, on assimile des nationaux à des étrangers. Quand des leaders religieux reprennent les mêmes expressions, cela devient inquiétant. Or, tout le monde sait que les étrangers aujourd'hui en Côte d'Ivoire se reconnaissent comme tels, et ne se mêlent pas de politique. Tous ceux qui veulent faire de la politique sont des Ivoiriens. Ils le savent bien entre eux, les acteurs politiques. L'entente est-elle possible entre chrétiens et musulmans? Cela a toujours été notre préoccupation. Nous étions présents dans le forum des religieux depuis sa création. La communauté musulmane est ouverte. Nos principes sont clairs. Nous avons tout intérêt à nous entendre. J'ai choisi l'islam parce que je pense que c'est l'Iilam qui peut assurer mon salut chez Dieu. D'autres ont choisi le christianisme parce qu'ils pensent la même chose. La Côte d'Ivoire, elle, est pour nous tous. Il faut que cela soit compris. La religion n'est pas faite pour l'arbitraire et l'injustice. Certains religieux ont joué un très mauvais rôle dans la crise que traverse la Côte d'Ivoire. La haine tribale et ethnique a été voulue et entretenue par des religieux. Que pensez-vous de l'opération d'identification qui a cours en ce moment? L'identification intéresse beaucoup les populations du Nord. Parce qu'en ce qui nous concerne, nous nous sommes intéressés aux papiers depuis très longtemps. Qui, pour aller en pèlerinage, qui pour aller faire des affaires en dehors de notre territoire depuis la colonisation. En général, tous les ressortissants du Nord qui ont mon âge, nés en Basse-côte et dans les grandes villes, ont tous les papiers de leurs parents. Nous n'avons pas de problème à ce niveau. Mais, là où le bât blesse, c'est que l'identification perd sa fonction administrative pour prendre une fonction politique. C'est-à-dire qu'elle n'est plus utilisée comme pièce d'identification, mais plutôt comme pièce électorale. On peut toujours remettre en cause, à tout moment, ta nationalité, ton identité, en disant qu'il y a des doutes. Que répondez-vous à ceux qui soutiennent que vous prenez toujours fait et cause pour le président du RDR, Alassane Dramane Ouattara? Cela ne nous pose aucun problème. Nous avons été pro-Houphouët, pro-Gbagbo. Le général Guéi a ses meilleures relations, parmi les imams. Nous avons soutenu tout le monde dans ce pays. Tous ceux qui ont été députés par le passé, à la suite des élections, l'ont été avec nos voix et partout. Je le répète, on a eu plus de contacts avec Gbagbo qu'avec Alassane. Alassane n'est venu ici que quelques rares fois. Donc, nous défendons des principes et non des individus. Nous n'avons qu'une position de vérité. Et la vérité finit toujours par s'imposer. J'ai dit au cours du forum que ce n'est pas la communauté musulmane qui a nommé Alassane gouverneur de la Bceao en tant qu'Ivoirien. Ce n'est pas la communauté non plus qui lui a fait appel pour venir redresser la Côte d'Ivoire. Et ce n'est pas la communauté musulmane qui a demandé qu'il soit nommé Premier ministre. C'est la Côte d'Ivoire qui a eu besoin d'un de ses fils (...). La justice vient de lui donner son certificat de nationalité ivoirienne. Est-ce nous qui le lui avons donné? Est-ce nous, communauté musulmane, qui avons signé ce document administratif? On a passé dix ans sur cette affaire. Si ce monsieur a eu son certificat, justice a été rendue. Il a eu son certificat en 1982 au temps d'Houphouët. Il en a eu sous Bédié, pendant la transition avec Guéi, sous Gbagbo. Alors, avançons maintenant vers les choses sérieuses. INTERVIEW RÉALISÉE PAR FÉLIX D. BONY COLLABORATION: J.A.T Nombre de pages 2 Description courte L'Imam Aboubacar Fofana, porte-parole du Cosim, exprime ses vives préoccupations concernant la situation socio-politique en Côte d'Ivoire, condamnant les assassinats politiques et la violence. Il détaille les doléances de la communauté musulmane auprès du chef de l'État, notamment sur les problèmes fonciers et l'organisation des pèlerinages. L'Imam insiste sur le respect de la laïcité de l'État, dénonçant la marginalisation historique des musulmans et la politisation du processus d'identification, tout en affirmant la neutralité politique du Cosim et son engagement pour la vérité et l'harmonie interreligieuse. --