id 46397 Url https://islam.zmo.de/s/afrique_ouest/item/46397 Modèle de ressource Newspaper article Classe de ressource bibo:Article Titre La Côte d'Ivoire, un Etat religieusement neutre Créateur https://islam.zmo.de/s/afrique_ouest/item/46333 Sujet https://islam.zmo.de/s/afrique_ouest/item/5 https://islam.zmo.de/s/afrique_ouest/item/662 Editeur https://islam.zmo.de/s/afrique_ouest/item-set/45390 Contributeur https://islam.zmo.de/s/afrique_ouest/item/858 Date 2001-10-20 Identifiant iwac-article-0006604 Langue https://islam.zmo.de/s/afrique_ouest/item/8355 Droits In Copyright - Educational Use Permitted Résumé Dans cette puissante et fondamentale phrase, j'ai retenu à dessein l'adjectif qualificatif "laïque" qui, comme les cinq autres adjectifs, est en fonction d'attribut du sujet "La République". La raison est simple. Actualité oblige, elle est liée à I'intervention du COSIM (entendez Conseil supérieur des Imams) le mercredi 10 octobre 2001 au Forum pour la réconciliation nationale. Selon le COSIM, la communauté musulmane, après les humiliations et les mauvais traitements subis au temps de la colonisation, continuerait de subir de nos jours des injustices. Pour remédier à celles-ci, le COSIM recommande, en particulier, que les principes de la laïcité de l'Etat soient appliqués : faire en sorte que les fêtes musulmanes aient le même caractère officiel que les fêtes chrétiennes marquées de congés scolaires et de jours fériés ; que le vendredi, jour de culte chez les musulmans, ait le même statut que le samedi (juifs) et le dimanche (chrétiens)... (cf Frat-Mat du 11/10/2001). Sur ce point des jours fériés, un ami mien bossoniste devant lui-même et ses djinns m'a dit : "Où va la République ? Et si nous, à ce rythme, on prenait le jeudi comme jour de culte ?". Je lui ai répondit que la République leur avait déjà accordé toutes les nuits". Couverture spatiale https://islam.zmo.de/s/afrique_ouest/item/456 https://islam.zmo.de/s/afrique_ouest/item/545 https://islam.zmo.de/s/afrique_ouest/item/549 Contenu éditorial Dans cette puissante et fondamentale phrase, j'ai retenu à dessein l'adjectif qualificatif "laïque" qui, comme les cinq autres adjectifs, est en fonction d'attribut du sujet "La République". La raison est simple. Actualité oblige, elle est liée à I'intervention du COSIM (entendez Conseil supérieur des Imams) le mercredi 10 octobre 2001 au Forum pour la réconciliation nationale. Selon le COSIM, la communauté musulmane, après les humiliations et les mauvais traitements subis au temps de la colonisation, continuerait de subir de nos jours des injustices. Pour remédier à celles-ci, le COSIM recommande, en particulier, que les principes de la laïcité de l'Etat soient appliqués : faire en sorte que les fêtes musulmanes aient le même caractère officiel que les fêtes chrétiennes marquées de congés scolaires et de jours fériés ; que le vendredi, jour de culte chez les musulmans, ait le même statut que le samedi (juifs) et le dimanche (chrétiens)... (cf Frat-Mat du 11/10/2001). Sur ce point des jours fériés, un ami mien bossoniste devant lui-même et ses djinns m'a dit : "Où va la République ? Et si nous, à ce rythme, on prenait le jeudi comme jour de culte ?". Je lui ai répondit que la République leur avait déjà accordé toutes les nuits". Pour être plus sérieux et revenir à l'adjectif "laïc" qui a pour forme nominale "laïcité", il me semble qu'une telle représentation sensitive et subjective du COSIM fait (ce qu'il ne faut pas) de la laïcité un terme à portée variable qui, si on n'y prend garde, risque d'être rebelle aux définitions, aux délimitations et la source de conflits inutiles. Pour être plus explicite, plaçons les faits avant les définitions. Selon les faits et la phrase citée plus haut ("La République est... laïque"), il y a la reconnaissance constitutionnelle du pluralisme religieux, ce qui sous-entend trois choses : primo l'abandon du principe d'une religion d'Etat exclusive (ou d'une religion qui parmi les autres bénéficiera d'un traitement de faveur de la part de l'Etat) ; deuxio la séparation totale de l'Etat des religions; et tercio la décision de reconnaître les droits égaux à tous les citoyens et, par voie de conséquence, la volonté de mettre sur le même plan ou le même pied d'égalité toutes les religions avec le devoir de l'Etat de garantir leur libre exercice, bien entendu sous les restrictions édictées dans l'intérêt de l'ordre public. C'est pourquoi il n'est pas étonnant de lire, toujours à l'article 30 de la Constitution, que "la République assure à tous l'égalité devant la loi, sans distinction d'origine, de race, d'ethnie, de sexe et de religion. Elle respecte toutes les croyances". Bien entendu, il est évident que la liberté de religion ne peut servir de couverture à des gens sans scrupule et peut-être même sans foi. Attention aux excès de langage qui sont des péchés ! Dieu regarde chacun de nous. Du point de vue définitoire, l'adjectif "laïque" dans la phrase "la République est laïque" appelle un paradigme d'adjectifs qui qualifient la République de "neutre", de "respectueuse" (de toutes les opinions et croyances), de "garante" (de la liberté des cultes), de propagandiste d'aucune foi. Une telle république, et c'est bien le cas de la Côte d'Ivoire, ne peut opposer aux religions qui prospèrent sur son sol que des prescriptions tirées de l'ordre public. Qui donc peut sincèrement reprocher au pouvoir actuel de pratiquer une laïcité partisane et négative qui favoriserait une religion sur une autre ? Recommander que les principes de la laïcité de l'Etat soient appliqués, c'est dire, que jusque-là, ils ne le sont pas. Ce qui me paraît gros à moins de donner dans la surenchère et de vouloir l'emprise de sa propre religion sur celles des autres avec la conviction que sa religion est la seule détentrice de la vérité et qu'il est de son devoir d'appeler tout le monde à cette vérité. Attention, penser ainsi n'est pas bon. Et c'est comme ça que l'on voit à des endroits l'extrémisme religieux se développer et parfois même menacer des régions entières. Jouons donc balle à terre et sachons raison garder pour reconnaître que nos rapports aux mots doivent être francs et non subjectifs. C'est une question d'honnêteté intellectuelle. Un peu d'histoire rafraîchirait bien de mémoire. Ainsi, du point de vue étymologique, le mot typiquement français laïcité, difficile à traduire dans d'autres langues, est un concept dont les origines ont été d'abord viriles et militaires, avant d'avoir la dimension religieuse que nous lui accordons aujourd'hui. Selon l'analyse hautement linguistique de Odon Vallet (cf "Petit lexique des mots essentiels"- Albin Michel, Paris 2001), laïcité vient du grec "laos" désignant la foule des guerriers ou des hommes conduits par un chef, soldat ou berger... laos a fourni un dérivé grec, leitourgia, désignant le service du peuple ou service public et, par extension, le service du culte (liturgie) : paradoxalement, puisque les cités grecques n'étaient pas du tout laïques, les cultes officiels relevaient du service de l'Etat, cette liturgie que la langue de l'Eglise utilisa pour nommer le service de l'autel. En réintroduisant les laïcs dans le choeur jusque-là réservé aux prêtres, le concile Vatican Il renoua avec ces origines non cléricales de la liturgie. En latin ecclésiastique, laïcus désigne un non-clerc, un homme du peuple ignorant le latin ou, curieusement, un non-militaire. Ce mot passa dans les diverses langues latines, mais c'est en français qu'il connut l'emploi le plus fréquent. Au moyen-âge, le frère lai était un assistant religieux (frère convers) n'ayant pas accédé aux grades ecclésiastiques. Le laïc était le non-clerc et cet adjectif substantivé, orthographié laïque, fut repris au XIXe siècle par des penseurs agnostiques (non-croyants) pour désigner tout ce qui échappait à l'emprise de l'Eglise catholique. C'est à l'époque du lexicographe et positiviste français Emile Littré. (1801-1881) que la laïcité fut comprise comme une séparation entre la religion, relevant de la vie privée, et les institutions publiques, indépendantes de toute église. L'école laïque représente aujourd'hui cet idéal de séparation entre croyances personnelles et enseignement collectif. Il faut le savoir. La laïcité "à la française", différente de l'athéisme militant, inspira plusieurs Constitutions, notamment celles du Mexique (1917) luttant contre l'influence de l'Eglise catholique, de la Turquie de Mustapha Kemal (1924) rejetant l'emprise de l'Islam sur la société et de l'Inde (1950) mettant hors la loi le régime des castes. Dans ce dernier pays, la laïcité renoua avec l'origine militaire de laos et fut d'une grande utilité à l'armée indienne en lui permettant d'intégrer des soldats de toutes castes, y compris les plus hautes et les plus basses qui, auparavant, ne se mélangeaient jamais. Voilà l'histoire du mot. Dans une société hétérogène, la laïcité est nécessaire à l'amalgame (cf p. 141-142, Odon Vallet). Elle est même une voie vers la paix ... à condition d'éviter l'imbrication du politique et du religieux. Ce qui est une question de maturité et de hauteur d'esprit. Que Allah (qu'il soit Béni et Exalté) concède sa grâce à tous les participants au Forum pour la réconciliation nationale. --