Cette thèse part de l'articulation entre jeunesse et religion pour étudier les réactions des jeunes membres d'associations catholiques, évangéliques et musulmans de Ouagadougou par rapport au cinquantenaire de l'indépendance du Burkina Faso en 2010. Cet événement constitue un site privilégié d'observation du processus de fresh contact, par lequel les nouvelles générations relisent le bagage culturel de leur société à l'aune des enjeux contemporains, chez des jeunes impliqués dans des mouvements religieux, qui sont amenés à transposer leurs réflexions et aspirations dans la société burkinabè plus large. Dans un contexte historique marqué par la profonde rupture causée par la révolution sankariste (1983-1987) et caractérisé depuis 1987 par un ordre politique semi autoritaire au sein duquel s'impose le modèle néolibéral, la prise en compte du détail des parcours de vie à laquelle nous invite la notion de fresh contact s'avère indispensable pour comprendre l'importance du facteur générationnel sur les attitudes face à un événement de l'ordre du cinquantenaire de l'indépendance. Cette question générationnelle s'affirme dans trois axes. En premier lieu, elle s'incarne dans des réflexions mémorielles, qui font émerger une tension entre attitudes nostalgiques et anti nostalgiques. D'une part, certains jeunes, en particulier ceux ayant connu la révolution étant enfants, témoignent d'une forte nostalgie pour cette période et s'approprient une mémoire révolutionnaire dans une logique d'opposition au pouvoir actuel. D'autre part, une forte tendance anti nostalgique se fait voir chez une large part de la jeunesse religieuse, en particulier chez les plus jeunes n'ayant pas connu la révolution, et qui dans l'ensemble se sont détournés du cinquantenaire dans une attitude de rejet du passé, en lien étroit avec certaines positions théologiques de rupture radicale avec l'héritage culturel local. Le cinquantenaire de l'indépendance ouvre également sur la question de l'appartenance nationale des jeunes. Cette identité nationale est globalement forte au Burkina Faso, mais est appropriée de différentes façons par les jeunes membres des associations religieuses. Plusieurs jeunes militants religieux intègrent les symboles et principes nationaux, largement diffusés et popularisés par la révolution, au sein des activités religieuses, créant les contours d'un patriotisme religieux, principalement dans certaines associations islamiques et catholiques. Par contre, ces initiatives se heurtent à la popularité de tendances religieuses fermement implantées dans une citoyenneté culturelle globalisante, tournant le dos aux symboles nationaux et prônant une appartenance confessionnelle primordiale. Troisièmement, ces réflexions sur le cinquantenaire soulèvent la question de la moralisation de la société. Cette idée de moralisation est partie intégrante du mouvement de renouveau religieux qui mobilise ces jeunes. Elle est également fortement présente dans le débat public burkinabè, notamment à cause de son association étroite avec le projet sankariste, qui se posait en grande partie comme un renouveau moral du pays. Enfin, elle refait surface depuis quelques années sous la forme des politiques de bonne gouvernance. Dans les associations religieuses de jeunes autour du cinquantenaire de l'indépendance, la moralisation a émergé au sein de deux cadres opposés. Le premier, inspiré par la mémoire sankariste, se réclamait d'une lecture idéalisée des économies morales populaires, selon laquelle le capitalisme aurait perverti l'éthique redistributive traditionnelle. Le second, inscrit dans les discours néolibéraux, prônait au contraire des économies spirituelles selon lesquelles certaines valeurs religieuses seraient arrimées au service du développement économique entendu suivant les principes néolibéraux. Alors que les organisations pentecôtistes jouent un rôle moteur dans cette diffusion des économies spirituelle, elles tendent à se répandre dans l'ensemble des communautés, sous l'impulsion des plus jeunes nés et grandis à l'ère néolibérale. Cette thèse se veut par ailleurs une initiative pour relancer les réflexions sur la question des classes sociales en Afrique contemporaine. Il importe en effet de recouper l'analyse générationnelle avec une prise en compte des enjeux de classes sociales, dans la mesure où le profil des membres d'associations religieuses de jeunes au centre de cette étude est loin de représenter celui de l'ensemble de la société. Dans l'ensemble, ces associations sont animées par des jeunes relativement aisés et hautement scolarisés, se revendiquant du statut historiquement favorisé d'intellectuel. Dans un contexte où ce statut se trouve dévalorisé par les discours néolibéraux et le blocage des perspectives d'emploi dans la fonction publique, l'adoption croissante des économies spirituelles par les jeunes militants religieux signale une volonté de reconversion des jeunes intellectuels vers des profils plus socialement valorisés, notamment celui d'entrepreneur.
Based on field research conducted in 1992, 1993-1995, and 1998, the author examines how young, urban, educated Muslims of Malian origin living in Bouaké, Côte d'Ivoire, privilege Islam as the cornerstone of their individual and group identities. As Muslims, this group is moving away from their ancestral ties to Mali, expressed as 'sya', the word in the Dioula-Banmanan language which comes closest to the concept of ethnicity. The shift in identity from 'sya' to Islam is embodied in the creation and growth of neighbourhood-based Islamic youth associations since the early 1990s. Islam provides youths with a distinct identity with which to face gerontocratic relations of power, the structural changes that have affected educational and Islamic institutions in Côte d'Ivoire over the past thirty years, and recent Ivorian politics of cultural difference.
The Islam West Africa Collection (IWAC) enhances transregional historical research, particularly in the study of Islamic networks and translocal entanglements across francophone West Africa. This open-access digital archive of over 8,800 documents from six countries fills gaps in the preservation and accessibility of post-colonial archives. Unlike well-organised European colonial archives, many West African national archives face budgetary constraints, resulting in fragmentary holdings and ineffective classification. The IWAC mitigates these challenges by digitising and organising diverse materials, in particular the rich (Islamic) print culture, providing insights into an “Islamic Francophonie”.
Using optical character recognition, natural language processing, and artificial intelligence, the IWAC enables researchers to uncover patterns of interaction and exchange across national boundaries. However, it also serves as a case study for critical reflection on digital approaches to global history. This paper will address concerns about the selectivity of digitisation programmes, including their potential to reinforce archival silences and biases. It will consider how algorithmic discovery and keyword searching can lead to the neglect of non-digitised or hard-to-access materials. It will also address criticisms of “digital imperialism” and the “digital saviour complex” in the context of projects funded by Western institutions.
This paper will contribute to discussions on how digital approaches impact our conceptualisation of historical connections, reflecting on the types of connections that digital methods can effectively uncover and those that may remain elusive. It will also explore how projects like the IWAC can address the challenges of the “digital divide” while avoiding the pitfalls of digital imperialism in global and transregional historical research.
The processes surrounding the elaboration of democracy in Muslim societies can be examined via a comparative consideration of three West African countries: Senegal, Mali, and Niger. Departing from analyses that ask whether democracy can be established in Muslim societies, the key question is how the democratic question is framed and discussed in such religious contexts. The launching of African democratic experiments in the 1990s provoked significant negotiation and discussion both within religious society and between religious groups and the secular elite about the desired substance of democracy. These processes have gradually empowered Muslim majorities to challenge and nuance the agenda presented at the transitions, but this is a direct outcome of the democratic process itself.
Spirit possession ostensibly solves problems by freeing the object of possession from certain responsibilities, yet it also creates a whole nexus of unavoidable obligations as the human host learns to cope with the social, financial, and moral demands of her powerful alter ego. Rather than simplifying situations, possession complicates them by introducing new relations and enabling new forms of communication. In this article, I explore what bori possession as communication entailed for a young Mawri woman from Dogondoutchi (Niger) when her possessing spirit made dramatic revelations that forced her to make changes in her life. I show that possession opens up a space of self-awareness for mediums as they struggle to gain progressive control over the terms of their relationships with spirits. In this space of reflexivity they help create and in their role as interlocutors, accusers, or diviners, spirits play a crucial role in the refashioning of human histories and identities.