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Désignation de l'Imam de la Mosquée centrale de Cadjèhoun : réponse à la lettre de Karim da Silva
- Titre
- Désignation de l'Imam de la Mosquée centrale de Cadjèhoun : réponse à la lettre de Karim da Silva
- Créateur
- Zakari Baba Body
- Editeur
- La Nation
- Date
- 5 juin 1998
- Résumé
- J'ai lu avec intérêt votre lettre du 21 Mai I998 parue dans «La Nation» No 1991 du 27 mai 1998 par laquelle vous exprimez votre opinion relativement à la désignation de l'Imam de la Mosquée Centrale de Jonquet (Cotonou).
- Page(s)
- 1
- 4
- Sujet
- Alla Yabani
- Coran
- Haoussa
- Ibrahim Wowo
- Imam Fakaba
- Imamat
- Karim Urbain da Silva
- Liamidi Kélani
- Mahomet
- Malam Yaro
- Moussé Colès
- Ousmane Aboubakar
- Rivalités et tensions imams
- Taïrou Gazaliou
- Union Islamique du Bénin
- Yessoufou Moïbi
- Yorouba
- Couverture spatiale
- Abomey-Calavi
- Cotonou
- Ghana
- Mali
- Mosquée centrale de Cotonou Jonquet
- Mosquée centrale de Zongo (Cotonou)
- Nigéria
- Parakou
- Sénégal
- Togo
- Détenteur des droits
- La Nation
- Langue
- Français
- Identifiant
- iwac-article-0004096
- contenu
-
J'ai lu avec intérêt votre lettre du 21 Mai I998 parue dans «La Nation» No 1991 du 27 mai 1998 par laquelle vous exprimez votre opinion relativement à la désignation de l'Imam de la Mosquée Centrale de Jonquet (Cotonou).
Provenant de vous, une telle opinion paraît sérieuse et mérite qu'on s'y arrête pour réfléchir.
En effet, Mr Karim da Silva, vous êtes une personnalité incontestée de la Communauté Islamique du Bénin. Vous êtes un Haut dignitaire de notre Communauté. C'est pourquoi, dans vos déclarations (avis, prises de position, etc...) vous devez vous évertuer à être très proche de la pensée coranique pour ne pas égarer vos disciples que nous sommes.
Votre combat pour l'implantation de l'Imam au Bénin est incommensurable. Vous incarnez un modèle et je ne tolérerai pas qu'après un si glorieux parcours sur le chemin de Dieu, vous battiez en brèche votre oeuvre utile.
M. Karim da Silva, dans notre lettre sus-citée, vous avez cru devoir énumérer les critères que doit remplir un candidat Imam-Djamiou. Je vous laisse l'entière responsabilité de cette énumération sur mesure. A la rigueur, elle aurait pu valoir pour le candidat au poste de président de l'Union Islamique qu'il sied de ne pas cumuler avec la qualité de l'Imam-Djamiou.
Mais je ne vous laisserai pas déclarer aussi dangereusement et gratuitement que «... il a été défini au moment de l'implantation de la mosquée de Zongo que ... (sa) direction est réservée à nos frères du septentrion... ainsi la direction de la grande Mosquée Centrale de Jonquet est aussi normalement réservée aux fidèles Yoruba et d'autres langues du Sud».
M. le haut dignitaire, pouvez-vous rapporter la preuve de cette allégation gravissime?
Alors que vous recommandez aux fidèles de se «garder d'extérioriser (sic) leurs sentiments politiques, etc...»
(Cf votre lettre), je constate que vous avez du mal à pratiquer ce que vous enseignez. Vous faites plutôt parler votre coeur politique, racial et ethnique car votre déclaration rapportée en première citation est fondamentalement contraire aux prescriptions coraniques et à la pratique du prophète Mohamed (PSSL).
M. le haut dignitaire, je me permets de vous rappeler le propos suivant rapporté de notre prophète: «la planète terre tout entière est une Mosquée pour les gens de la Communauté».
Loin d'être une simple parole, ce propos fait injonction à tout musulman de célébrer l'office religieux partout où il se trouve dès lors que sonne l'heure de l'une quelconque des cinq prières quotidiennes.
Point n'est donc besoin de regagner d'abord sa propre maison, son propre quartier, son village natal ou son pays d'origine avant de célébrer l'office religieux.
Il est donc permis à des Sénégalais, Rwandais, Togolais de prier sur le territoire béninois.
Monsieur le Haut dignitaire sait également que l'Islam enseigne qu'une prière célébrée en groupe, c’est-à-dire, dans une Mosquée (lieu de regroupement par excellence) est 27 fois plus méritoire qu'une prière accomplie individuellement. C'est dire que partout où il se trouve, dès lors qu’advient l'instant de l'office religieux, le musulman doit d'abord rechercher à la célébrer en groupe, dans une Mosquée, quel que soit son lieu d’implantation, parce que c’est plus méritoire. Il n'y a donc pas de Mosquée réservée aux Noirs, aux Blancs, aux Swahilis, aux Peuhls ou aux Anii. C'est ce qui explique que l'on retrouve des Béninois alignés aux côtés de Maliens, d'Egyptiens, de Libanais de Pakistanais, de Nigérians et de Ghanéens dans des mosquées de chez nous.
Dès le moment où il est permis au musulman de fréquenter toute Mosquée, quel que soit le lieu de son implantation, qu'est-ce qui peut alors l’empêcher d'en assurer la direction s'il remplit les conditions requises pour être Imam?
Absolument rien du point de vue de l'enseignement islamique.
C’est du reste la raison pour laquelle l'Imam Fakaba, un Sénégalais, a pu diriger la mosquée centrale de... Jonquet de 1942 à 1944.
Prétendre comme vous, M. da Silva, que la direction d'une mosquée est réservée à une ethnie ou à une race déterminée est essentiellement contraire aux prescriptions coraniques puisqu'en religion, Dieu n'a établi aucune distinction entre les hommes basée sur leur appartenance raciale ou ethnique.
En effet, dans son Inimitable Coran, Dieu s'adresse à nous en ces termes: «Rappelez-vous les bienfaits de Dieu pour vous, lui qui, d’ennemis que vous étiez, établit l'union entre vos coeurs et fit de vous des frères...» (Coran Sourate la Famille d'Imran Verset 103); «Les croyants sont frères. Rétablissez la paix entre vos frères» (Coran Sourate Les Appartements Verset 10).
En face de ces prescriptions divines, l'on ne peut qu’être surpris des déclarations ci-dessus provenant d’un Haut dignitaire de la Communauté Islamique.
Non, M. da Silva, aucune logique religieuse ne permet d'affecter la direction d'une mosquée aux fidèles d’une ethnie ou d’une race donnée.
Que vous ne soyez pas favorable à celui qui est actuellement désigné pour assumer les fonctions d’Imam à la Mosquée centrale de Jonquet, c’est votre droit. Mais le prétexte que vous évoquez au soutien de votre position est difficilement soutenable en Islam.
A la Mecque, la grande Mosquée attenant à la Kaaba est sise sur un domaine de la tribu des Koraïchites. Mais ce ne sont pas que des Koraïchites qui y dirigent les prières.
De 1914 à 1998, la Mosquée centrale de Jonquet a eu les Imams suivants: Alla Yabani (Haoussa en 1914), Moussé Colès (Yoruba, 1918-1923), Saïbou (Yoruba, 1923-1942), Fakaba (Sénégalais, 1942-1944), Bako (Haoussa, 1944-1947), Ibrahim Wowo (Haoussa, 1947-1958), Taïrou Gazaliou (Yoruba, 1958-1981), Kélani Liamidi (Yoruba, 1982-1998). Leur désignation ne s'était jamais effectuée sur le fondement de leur ethnie.
Alors de grâce, que personne ne vienne envenimer la situation déjà inquiétante de la Mosquée de Jonquet par des propos à la limite de la haine ethnique.
Les deux candidats au poste d'Imam, savoir MM Ousman Aboubakar et Yessoufou Moïbi sont tous dignes de succéder à l'Imam Kélani Liamidi. Ils ont tous les deux de grandes qualités et s'équivalent en tous points. Dommage qu’on ne peut les retenir tous à la fois. Et le meilleur moyen de les départager, c’est de les soumettre à un vote. Ce qui a été fait. Il y eût 21 votants. Le candidat Ousman Aboubakar a recueilli 13 voix et Yessoufou Moïbi, 8 voix.
Au nom de quelle paix M. Karim da Silva suggère-t-il que l'on range aux oubliettes les résultats de cette élection pour enfin préconiser la désignation d’un Imam de transition? Combien de temps durera cette transition ? Que faire après la fameuse et ridicule transition ?
«Rétablissez la paix entre vos frères», a prescrit Dieu (cf Coran op.cit). C’est une mission que Dieu nous assigne. Oeuvrons donc à l’accomplissement diligent de cette mission. Participons à l’animation de toutes les Mosquées dans la limite de nos ressources (intellectuelles, matérielles, etc...) car une Mosquée est un bien commun de tous les musulmans et personne ne peut prétendre se l’approprier, qu’elle soit implantée dans son milieu natal à Cadjèhoun, à Akpakpa, à Djidjè, à Abomey-Calavi, à Parakou ou à Bassila.
Votre frère en Islam
Maître Zakari BABA BODY
Fait partie de Désignation de l'Imam de la Mosquée centrale de Cadjèhoun : réponse à la lettre de Karim da Silva