Article
Secteur 29 de Ouagadougou : chaudes empoignades autour d'une mosquée
- Titre
- Secteur 29 de Ouagadougou : chaudes empoignades autour d'une mosquée
- Créateur
- Kévin Yves Kpoda
- Editeur
- Sidwaya
- Date
- 28 septembre 1994
- Résumé
- Au secteur 29, plus précisément à Dagnoën, la population est en proie à une insécurité totale. Et pour cause, les musulmans dudit quartier divisés en deux camps se disputent la propriété d'une mosquée du secteur. Les premiers réclament cette mosquée, car l'ayant construite avec leurs propres moyens. Les seconds n'admettent pas que les premiers soient propriétaires de la mosquée, arguant que les clefs doivent être remises aux autorités coutumières du quartier, en l'occurrence le Dagnoë-Naba. Nous nous sommes entretenus avec M. Hamidou Zangré, président de la Communauté musulmane pour en savoir plus. Nous reviendrons si besoin est sur cette affaire avec d'autres témoignages afin de mieux éclairer la situation.
- Couverture spatiale
- Ouagadougou
- Langue
- Français
- Contributeur
- Frédérick Madore
- Identifiant
- iwac-article-0003954
- contenu
-
Au secteur 29, plus précisément à Dagnoën, la population est en proie à une insécurité totale. Et pour cause, les musulmans dudit quartier divisés en deux camps se disputent la propriété d'une mosquée du secteur. Les premiers réclament cette mosquée, car l'ayant construite avec leurs propres moyens. Les seconds n'admettent pas que les premiers soient propriétaires de la mosquée, arguant que les clefs doivent être remises aux autorités coutumières du quartier, en l'occurrence le Dagnoë-Naba. Nous nous sommes entretenus avec M. Hamidou Zangré, président de la Communauté musulmane pour en savoir plus. Nous reviendrons si besoin est sur cette affaire avec d'autres témoignages afin de mieux éclairer la situation.
Sidwaya: Pouvez-vous nous donner les raisons qui ont entraîné cette discorde dans la communauté musulmane du secteur 29 Dagnoën?
Hamidou Zangré: Pour vous donner les raisons de celle discorde, nous allons remonter à la création de la Communauté. C'était en 1985; le bureau était dirigé par Ali Ouédraogo, actuellement propriétaire de l'Atelier-peinture-générale (APG). Ce dernier par suite de divergences, a démissionné de son poste. Voulant construire notre mosquée, nous avons adressé une demande d'autorisation au haut-commissariat du Kadiogo pour la construction de la mosquée. Le haut-commissariat a donné son agrément, avec une parcelle de deux mille deux cent trente deux (2232) mètres carrés pour construire notre mosquée. C'est ainsi que monsieur Ali Ouédraogo, bien qu'ayant démissionné, nous a proposé la somme de 250 000 F comme contribution, mais nous a signifié qu'en contre partie, après la construction de la mosquée, celle-ci devait revenir à une autre communauté. Il y a eu des divergences quant à accepter cet argent; et finalement nous avons refusé cet argent.
Nous avons construit la mosquée par nos propres moyens (cotisations, dons par nature, contribution physique, etc.). Après la construction de la mosquée, et le premier “Doua" fait par Hassan Maïga qui d'ailleurs avait posé la première pierre, quelques individus voulaient se partager la première quête. Il s'agit de Mahamadi Yada, de Rasmané Tiemtoré. Moi en tant que nouveau président de la communauté, j'ai refusé. C'est ainsi que ces derniers ont également démissionné du bureau comme leur ami l'avait déjà fait. Ensemble, ils se sont rendus chez le Dagnoën Naba pour lui dire de récupérer les clefs de la mosquée, en signifiant que c'est le chef coutumier qui doit les garder. Puis ils ont convoqué une réunion où quatre secteurs (28, 30, 27 et 1 1) avaient été représentés. Au cours de la réunion nos dissidents ont réaffirmé leur désir de voir ces secteurs mobilisés et former un bureau pour nous récupérer la mosquée, prétextant que nous sommes des étrangers. Ils ont effectivement constitué le bureau avec pour président le Dagnoën-Naba. Etaient également membres du bureau, Ali Ouédraogo, Mahamadi Yada et Rasmané Tiemtoré. Ils ont ensuite envoyé la liste des membres du bureau à la communauté musulmane. Celle-ci a rétorqué qu'il ne peut y avoir deux bureaux dans le même secteur. Puis un jour; un vendredi, ils sont venus à la mosquée avec leur secrétaire général, Souleymane Bagagnan pour signifier aux fidèles en prière qu'à partir de ce jour l'ancien bureau était dissout et qu'un nouveau bureau a été constitué avec à sa tête le Dagnoën-Naba. Voilà comment a commencé la discorde au sein de la communauté musulmane de Dagnoën.
S.: Vu la situation qui se dégradait qu'est-ce vous avez fait pour éviter la discorde?
H.Z.: Nous sommes allés Voir le maire de la commune de Bogodogo pour lui faire signe du climat qui régnait à ce moment entre les musulmans et cela en présence des forces de l'ordre. Le maire nous a conseillés de retourner faire des votes. Nous nous sommes exécutés, et un nouveau bureau a été constitué. Mais nos dissidents étaient plus que jamais déterminés à nous mettre des bâtons dans les roues. C'est ainsi que le maire convoqua nos dissidents et nous-mêmes pour constituer un nouveau bureau publiquement. Cela a été fait avec pour président Hamidou Zangré, moi-même. Une fois encore les opposants n'étaient pas d'accords de la composition du nouveau bureau prétextant que scs membres sont tous des étrangers. Deux camps se sont donc formés; les prétendus autochtones et nous-mêmes qualifiés d'étrangers. Mais voyez-vous, parmi nous il y a un ancien qui s'est installé dans le quartier, il y a cinquante ans de cela. Nous mêmes, nous sommes là il y a longtemps. Aucun de ces prétendus autochtones n'était là quand le père de notre doyen dont je viens de parler était arrivé.
Alors qui est plus autochtone que qui?
C'est en juin dernier que le chef des prétendus autochtones, Ali Ouédraogo est allé chercher ses hommes; des brigands au nombre de vingt pour venir assaillir les fidèles après la prière de 19 heures. 11 y a eu des blessés, dont beaucoup se sont évanouis. La brigade des sapeurs pompiers, venue constater les faits a évacué tous les blessés à l'hôpital.
S.: Après cet affrontement, quelle a été la réaction des autorités communales? H.Z.: Nous sommes allés une fois encore voir le maire qui a conduit l'affaire en justice. Il s'est avéré effectivement que Ali Ouédraogo, El Hadj Ablassé Ouédraogo. El Hadj Rasmané Tiemtoré sont les principaux instigateurs de cet affrontement. Ils ont donné de l'argent aux jeunes pour violenter les fidèles dans la mosquée. La police a poursuivi cl saisi cinq jeunes; de grands bandits. Après jugement, il a été décidé d'incarcérer ces bandits pour deux mois. Mais, aussitôt après leur sortie ils ont recommancé leurs actes de vandalisme. Actuellement l'insécurité est totale et les menaces se font persistantes. Nous sommes donc répartis voir le maire qui convoqua Ablassé Ouédraogo de nouveau pour leur demander de cesser la violence sur la population puisque des non musulmans sont victimes de coups et blessures. Celui-ci a donné son accord mais à son retour, il n'a pas tenu parole.
Toujours dans la recherche d'une solution, le maire nous a convoqués et a fait la proposition suivante: "étant donné la persistance de la violence, nous allons donner à Ali Ouédraogo et compagnie une réserve pour construire leur mosquée et laisser les autres en paix car c'est eux qui ont construit leur mosquée”.
S.: Quelle a été leur réaction à la proposition du maire?
H.Z.: Négative ! Ils ont refusé, et ce jour-là, Ablassé Ouédraogo a même tenu des propos injurieux à notre égard. Samedi passé, le 17 septembre, ils se sont réunis dans le but d'assaillir de nouveau et le dimanche 18, les cinq brigands envoyés par eux sont arrivés au marché et ont recommencé à assaillir avec comme prétexte "comme nous n'avons pas eu la mosquée, nous allons les tuer et la récupérer". Après tout cela, les forces de l'ordre sont venues constater les faits et procéder à des arrestations. Malheureusement ceux-là mêmes qui ont commis les actes de vandalisme ont échappés au détriment d'innocents arrêtés. Ces vandales continuent de se promener dans le quartier et menacent toujours. S.: Est-ce que vous avez pu identifier les personnes qui commettent ces actes de vandalisme?
H.Z.: Oui, on les connaît toutes. On a même la liste de leurs noms cl cette liste nous l'avons présentée aux forces de l'ordre. Celle-ci ont fait des convocations mais les bandits n'y sont pas allés. Les principaux instigateurs, nous les connaissons également...
S. : Quelles sont les armes utilisées?
H.Z.: Ce sont essentiellement des chevrons en bois, des cables, des antivols, des machettes.
S.: Que préconisez-vous pour apaiser la situation?
H.Z.: C'est très simple. Nous voulons allez discuter avec nos opposants à la gendarmerie. Mais quand on les convoque ils ne viennent pas; voilà le problème. Nous proposons qu'on leur donne une réserve pour construire leur mosquée et nous laisser en paix. Nous n'avons aucune rancune contre eux.
S.: Il semble que des femmes étaient impliquées dans cette affaire?
H.Z.: Il n'y a pas de problèmes de femmes dans cette affaire. On a dit que nous courrons les femmes dans la mosquée mais il n'en est rien. Si c'était le cas, les forces de l'ordre étaient là; ils l'auraient constaté. Les gens veulent changer le cours des évènements. 11 faut souligner que nos dissidents sont épaulés par une secte musulmane dénommée "SYA”. Cette secte les encourage à prendre la mosquée, après quoi, la somme d'un milliard leur sera attribuée. Celte secte était d'abord à Gounghin, puis à Laarlé, à Zogona et enfin, elle est venue s'installer ici à Dagnoën.
Entretien réalisé par Kévin Yves KPODA (Stagiaire)
Fait partie de Secteur 29 de Ouagadougou : chaudes empoignades autour d'une mosquée