El Hadj Alidou Kouanda : « Je suis allé à la Mecque à pieds... »
- Titre
- El Hadj Alidou Kouanda : « Je suis allé à la Mecque à pieds... »
- Créateur
- Sita Tarbagdo
- Editeur
-
Sidwaya
- Date
- 6 février 2001
- Résumé
- El Hadj Alidou Kouanda! Il est agriculteur de profession. Plus de la soixantaine environ, il est l'Imam du quartier Cissin Natinga depuis plusieurs années. A l'âge de 20 ans il a effectué son pèlerinage à la Mecque. Le parcours Ouagadougou -Mecque (Makka) - Ouagadougou il l'a fait à pied. Témoignage.
- Sujet
- Hadj
- Droits
-
- Langue
- Français
- Contributeur
-
Frédérick Madore
- Identifiant
- iwac-article-0003911
- contenu
-
El Hadj Alidou Kouanda! Il est agriculteur de profession. Plus de la soixantaine environ, il est l'Imam du quartier Cissin Natinga depuis plusieurs années. A l'âge de 20 ans il a effectué son pèlerinage à la Mecque. Le parcours Ouagadougou -Mecque (Makka) - Ouagadougou il l'a fait à pied. Témoignage.
Sidwaya (S. ): Vous êtes allé à la Mecque, semble-t-il à pied. C'était à quelle époque?
El Hadj Alidou Kouanda (El Hadj A. K. ): Effectivement je suis allé en compagnie de mon maître coranique à la Mecque en pèlerinage à pied. C'était au temps du Moro Naaba Saaga. Plus précisément quatre ans avant sa mort. C'est dire donc qu'il y a plus de quarante ans aujourd'hui. Exactement quarante-six ans.
S.; Comment vous est venue l'idée et surtout la détermination d'aller à la Mecque à pied?
El Hadj A. K.: Vous savez, en ce bas monde l'homme n'est pas éternel. Qui que vous soyez, vous êtes appelé à partir un jour. Conscient de cela, il importe à l'homme de préparer sa vie au-delà de cette terre. D'où, l'intérêt de vivre selon les recommandations et les prescriptions de la religion musulmane. Dans cette religion, un des cinq piliers a trait au pèlerinage à la Mecque. Il est recommandé à tout fidèle qui a les moyens financiers et la possibilité physique de l'accomplir. Voilà pourquoi j'ai effectué le pèlerinage à la Mecque, cette terre bénie du Prophète Mouhamad.
S.; Le pèlerinage est recommandé aux fidèles musulmans qui ont les moyens. Est-ce qu'à l'époque de votre voyage, vous aviez les moyens?
El Hadj A. K.: Des moyens financiers, non. Mais des moyens physiques et spirituels, oui.
A l'époque du voyage, j'étais physiquement bien portant et j'étais mû par une foi profonde. Ces deux atouts m'ont suffit pour entamer ce long voyage.
S.; Un long voyage certes, mais surtout pénible!
El Hadj A. K.: Pénible, oui! Mais agréable du fait de l'expression de la foi. Au-delà de la fatigue et des multiples difficultés rencontrées lors du voyage, mon maître et moi avions hâte d'accomplir notre pèlerinage. Le sacrifice en valait la peine. Nous avons vu «la maison» de Dieu, nous y avons prié et nous sommes revenus dans notre pays de résidence.
S.: A vous entendre, on a l'impression que ça n'a pas été difficile pour vous!
El Hadj A. K.: C'est une fausse impression. Au moment où j'ai entamé le voyage pour la Mecque avec mon maître coranique je n'avais que vingt ans. Nous avons quitté Ouagadougou avec 225 FCFA. A l'époque c'était de l'argent certes, mais qui suffisait à peine pour tenir la route.
S.: De Ouagadougou à la Mecque, quel itinéraire avez-vous suivi?
El Hadj A. K.: De Ouagadougou à la Mecque, nous sommes passés par plusieurs pays: le Ghana, le Togo, le Bénin, le Nigeria, le Tchad et le Soudan. Cela nous a pris au total plus de sept ans. De notre départ de Ouagadougou à notre arrivée à la Mecque il s'est écoulé exactement sept ans et six mois. Au cours du parcours nous procédions à des haltes de deux ans dans certaines villes pour travailler aux fins de nous refaire des forces, surtout financières. C'est ainsi par exemple que nous avons passé deux ans à Lomé à vendre du fourrage. Ça n'a pas été de tout repos et nous devions assurer notre survie en mangeant quelquefois du sable mouillé et en suçant l'eau des racines.
S. : Une fois à la Mecque, El Hadj Alidou Kouanda : « Je suis allé à la Mecque à pieds... »sont -elles passées?
EL Hadj A. K.: Nous sommes arrivés à la Mecque quatre jours avant le mois du carême. Nous y sommes restés tout le mois du carême. Après, nous avons accompli comme il se doit tous les rites. Cela nous a pris également des mois. Pour le retour, nous avons suivi l'itinéraire inverse. Il faut dire qu'entre le Soudan et la Mecque nous avons eu recours au bateau pour franchir les eaux qui s'étalaient à perte de vue. Au retour, mon maître coranique, El Hadj Abdouramane Raabo et moi n'avons pas manqué de marquer des haltes dans les pays traversés pour travailler moyennant un peu de sous.
S.: De votre départ à Ouagadougou pour la Mecque à votre retour à domicile, combien de temps cela a pris?
El Hadj A. K.: Au total, c'est onze ans et neuf mois.
S.: Tout ça pour récolter quoi?
EL Hadj A. K.: La grâce divine.
S.: Cette grâce, vous l'avez eue?
El Hadj A. K.: Dieu est grand et capable de tout. C'est lui qui sait récompenser les hommes à la hauteur de leurs actes.
S.: Aujourd'hui on n'a plus besoin d'aller à la Mecque à pied. L'avion est là et il suffit de débourser de l'argent pour y être et dans un délai bref.
El Hadj A. K.: Si j'avais attendu l'avion, peut-être que je ne serais jamais allé à la Mecque par manque d'argent. Dieu merci, j'ai pu aller à pied et je ne m'en plains pas.
S. : Comment vivez-vous aujourd'hui votre titre d'EI Hadj?
El Hadj A. K.: De 5h du matin à 20h du soir, je suis à la mosquée pour les prières, la lecture du Coran...
S.: Souhaiteriez-vous repartir à la Mecque?
El Hadj A. K.: Si j'ai l'occasion, oui! Faute de moyens, je compte sur les bonnes volontés que Dieu ne manquera certainement pas de guider vers moi. A tous les pèlerins qui vont faire le déplacement pour la Mecque je leur souhaite un bon Hadj.
Interview réalisée par Sita TARBAGDO
Fait partie de El Hadj Alidou Kouanda : « Je suis allé à la Mecque à pieds... »