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La communauté musulmane du Burkina Faso : une évolution conflictuelle
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Burkina Faso
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- Titre
- La communauté musulmane du Burkina Faso : une évolution conflictuelle
- Créateur
- Adama Tomé
- Editeur
- Le Pays
- Date
- 27 mai 1993
- Résumé
- Le 1er juin prochain, la communauté musulmane va célébrer la tabaski, connue également sous le nom de fête des moutons. Cette manifestation nous donne l'occasion, dans le cadre du passé au présent, de jeter un regard rétrospectif sur le l'évolution de la communauté musulmane de notre pays depuis sa création jusqu'en 1986 une évolution marquée par des querelles entre la communauté musulmane et les autorités coutumières, des conflits et des scissions. Suivons plutôt le cours de l'histoire.
- Sujet
- Aboubacar Sangoulé Lamizana
- Aïd al-Adha (Tabaski)
- Aïd el-Fitr
- CMHV/CMBF (Crises internes)
- Communauté Musulmane du Burkina Faso
- Union Culturelle Musulmane
- Réconciliation
- Langue
- Français
- Source
- Le Pays
- Contributeur
- Frédérick Madore
- Identifiant
- iwac-article-0003707
- contenu
-
Le 1er juin prochain, la communauté musulmane va célébrer la tabaski, connue également sous le nom de fête des moutons. Cette manifestation nous donne l'occasion, dans le cadre du passé au présent, de jeter un regard rétrospectif sur le l'évolution de la communauté musulmane de notre pays depuis sa création jusqu'en 1986 une évolution marquée par des querelles entre la communauté musulmane et les autorités coutumières, des conflits et des scissions. Suivons plutôt le cours de l'histoire.
D'abord minoritaires dans l'actuel Burkina Faso, les musulmans se rencontraient seulement à la fin du XlXè et au début du XXè siècle le long des axes commerciaux, à côté des centres politiques et dans les régions du nord et de l'ouest du pays. Les peuples les plus islamisés en cette période étaient les Haoussa, les peul, les yarsé. La période coloniale voit la conversion d'autres peuples tels que les moosé.
Constituant une communauté homogène, les musulmans ont le sentiment d'être sous le joug de trois forces : celle des chefs coutumiers, celle du pouvoir colonial et celle des élites chrétiennes. Face à cette situation, les musulmans créent en 1952 à Ouagadougou le Comité pour la mosquée, en 1958 à Bobo-Dioulasso une section de l'Union culturelle musulmane (UCM). En 1960 est créée la communauté musulmane de Ouagadougou en tant que section de l'UCM dont l'objectif est la défense et la propagation de l'islam.
La communauté musulmane de Haute Volta (devenue la communauté du Burkina Faso en 1984) voit le jour en 1962. C'est à partir de cette période que vont commencer tous les problèmes de la communauté dont le siège est à Ouagadougou où réside le Mogho-Naba empereur des moosé (islamisé) qui possédait son Iman. Dès la création de la communauté musulmane, celui-ci est maintenu comme Imam du pays à la satisfaction du Mogho Naba et des Yarsé. Beaucoup de musulmans contestent cette décision perçue comme l'emprise des Moosé et de leur chef sur la communauté musulmane. L'Imam est accusé de compromission avec les infidèles.
A partir de cette période, deux tendances naissent au sein de la communauté musulmane : les traditionnalistes et les réformistes.
En 1964, lors d'une assemblée générale, des critères de choix de l'Imam sont définis. Ainsi les réformistes arrivent à imposer leur ligne à la communauté musulmane, à savoir que la fonction de l'Imam ne doit pas découler d'un héritage. Ainsi, seuls le savoir et la sagesse doivent guider le choix.
Un conflit éclate entre la communauté musulmane et le Mogho-Naba
Toutefois, à l'issue de l'assemblée générale, l'Imam royal Mahaman Bagnian n'est pas destitué. Le 2 mai 1966, il meurt suivi de Sibiri Ouédraogo, président de la communauté musulmane, le 11 décembre 1966. La communauté musulmane choisit comme Imam El Hadj Abdou Salam Kiemtoré. Le Mogho Naba ne supporte pas cette désignation. Il nomme un autre à la place de celui-ci.
Deux groupes apparaissent : le premier est constitué des représentants de la communauté musulmane soutenue par les commerçants, certains Hamallistes, les fonctionnaires, les intellectuels, les partisans de la Wahhabiya récemment expulsés de la Mecque. Ce groupe veut au nom de l'islam un Imam Indépendant du souverain des Moosé. Le deuxième groupe est celui des Nakomsé islamisés et leurs anciens maîtres coraniques, les yarsé.
Un conflit éclate entre les deux groupes. La communauté musulmane rejette la tutelle du Mogho Naba. Elle estime que si elle doit obéissance au pouvoir politique, c'est à l'égard de l'Etat moderne c'est-à-dire au président de la république.
Le président Sangoulé Lamizana pour résoudre la crise demande à la communauté musulmane de maintenir son Imam pour la grande mosquée de Ouagadougou et au Mogho Naba de nommer l'Imam de sa cour. Insatisfaits de l'arbitrage, les traditionnalistes tentent de provoquer des troubles. En 1972, ces troubles nécessitent l'intervention des forces de l'ordre à la mosquée. Certains réformistes quittent alors la communauté musulmane. La division s'installe ainsi en son sein. On distingue plusieurs courants : les Wahhabiya, les Hamallistes, les musulmans liés au pouvoir traditionnel, quelques adeptes de la Tidjania 12 grains.
En 1973 éclatent des troubles à Bobo-Dioulasso. Les Wahhabiya s'opposent aux autres musulmans. En effet, les wahhabiya tiennent des propos malveillants et violents à l'encontre des dignitaires traditionnels de l'islam. Ces propos donnent l'occasion à des affrontements dans les rues, dans les concessions, dans les mosquées. Les wahhabiya, minoritaires ont beaucoup souffert. Leurs magasins et boutiques ont été pillés.
La crise se manifeste également au sein du comité exécutif et du bureau national. Si à l'assemblée générale de 1972, El Hadj Koïta Hamadou est élu président, celle de 1977 consacre El Hadj Oumarou Kanazoé comme président Etant l'un des plus riches du pays, il arrive à instaurer un certain consensus autour de lui sans toutefois réussir à contenir l'hostilité entre les clans et les appétits financiers des marabouts. Un détournement de fonds envenime la situation Kanazoé tente en vain une réconciliation. Découragé, il démissionne au congrès de 1982. Ceci intensifie les luttes internes : El Hadj Abdou Salam Kiemtoré est retenu à la présidence. Deux tendances principales se combattent. La première est celle des Imams et marabouts conservateurs dirigés par le grand Imam Abdou Salam Kiemtoré, Arouna Sana et Issaka Dermé. La deuxième est constituée par les Intellectuels des écoles francophones et les universités arabes. Les petits commerçants se joignent à eux.
Les chefs de file sont El Hadj Troumani Triandé, Malik Zoromé, Salif Compaoré et Sidiki Ouédraogo.
Au-delà de clivages. il y a des problèmes subjectifs, des querelles de personnes, des appartenances politiques. En outre, il y a également des problèmes de gestion des aides financières en provenance des Etats arabes depuis les années 1973. En effet, une partie des fonds a été détournée par les membres du comité exécutif.
Reconduit à la présidence de la communauté musulmane en 1983, Abdou Salam Kiemtoré procède à des limogeages. Son fils remplace Hamadou Diallo à la direction des Medersa, Harouna Sana remplace Malik Zoromé à la représentation de la ligue islamique mondiale.
C'est dans ce contexte qu'intervient en août 1983 l'avènement de la révolution. Le nouveau régime tente en vain de résoudre la crise en soutenant tantôt un clan, tantôt l'autre.
En juin 1986, le président du CNR, le Capitaine Thomas Sankara, convoque les différents responsables à son bureau et les somme de trouver sur place une solution à la crise. Après dix heures de débats, on finit par adopter un texte qui affirme la réconciliation. Cette réconciliation sera remise en cause en septembre 1986 car deux congrès se tiennent. L'un à Koudougou, celui des Imams et Marabouts et l'autre à Bobo-Dioulasso, celui des intellectuels.
Pour des renseignements complémentaires, voir Kouanda A. Conflits au sein de la communauté musulmane au Burkina 1962 - 1986, Islam et société au Sud du Soudan.
Adama Tomé