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Cour d'assises de Parakou / Assassinat (7e dossier) : un imam égorge un mendiant et écope de vingt ans de réclusion
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- Titre
- Cour d'assises de Parakou / Assassinat (7e dossier) : un imam égorge un mendiant et écope de vingt ans de réclusion
- Créateur
- Maurille Gnassounou
- Editeur
- La Nation
- Date
- 27 janvier 2017
- Résumé
- Mercredi 25 janvier dernier, a eu lieu l’examen du septième dossier inscrit au rôle de la 1ère cour d’assises de la Cour d’appel de Parakou, relatif à une affaire d’assassinat. Reconnu coupable de cette infraction, l’imam Abdou Wahab Djibril a été condamné à 20 ans de réclusion criminelle. En détention depuis 2004, il lui reste encore près de sept ans en prison.
- Page(s)
- 7
- Détenteur des droits
- La Nation
- Langue
- Français
- Source
- La Nation
- Identifiant
- iwac-article-0003609
- contenu
-
Mercredi 25 janvier dernier, a eu lieu l’examen du septième dossier inscrit au rôle de la 1ère cour d’assises de la Cour d’appel de Parakou, relatif à une affaire d’assassinat. Reconnu coupable de cette infraction, l’imam Abdou Wahab Djibril a été condamné à 20 ans de réclusion criminelle. En détention depuis 2004, il lui reste encore près de sept ans en prison.
Malgré les recommandations, les prescriptions et les invites de la morale et des livres saints à la droiture et au travail, seul créateur de la vraie richesse et du paisible bonheur, un “homme de Dieu”, à la quête de la réussite rapide, a préféré s’illustrer par des sacrifices humains. Au mépris de tout bon sens et du modèle qu’il devrait constituer, cet individu a fini par devenir une menace sociale. Telle est la substance de l'affaire pour laquelle Abdou Wahab Djibril, imam du village de Waranzi, dans l’arrondissement de Liboussou, commune de Ségbana, a comparu devant la cour, mercredi 25 janvier dernier.
Les faits
Le dimanche 30 mai 2004, un vieil homme mendiant errant est allé demander l’hospitalité auprès de l’imam du village de Waranzi, Abdou Wahab Djibril. Ce dernier la lui a accordée, puisqu’il a été recommandé par le roi dudit village. Il lui offrit le gîte et le couvert. Entre-temps, il avait menacé de frapper sa femme qui est rentrée tardivement du moulin. Son épouse est allée se réfugier chez ses parents. Mais dans la nuit, pendant que son hôte dormait, l’imam lui asséna des coups à la tête avec le manche d’une houe jusqu’à son dernier soupir, avant de l’égorger sauvagement à l’aide d'un coupe-coupe. Il a caché les armes du crime et la tenue qu’il portait au moment de la commission de l’acte, toutes tachetées de sang, sur le plafond de la chambre de sa femme, avant de chercher à réveiller son cousin et ami Moumouni Boukari aux environs de 2 h, afin qu’il se rende compte de la concrétisation du bonheur dont il lui a souvent parlé. En réalité, il s’agissait de la dépouille mortelle ensanglantée du vieil homme enveloppée dans une natte, et dont il voulait qu’il l’aide à la faire disparaître. S’excusant pour aller s’apprêter en conséquence, Moumouni Boukari court informer le chef traditionnel et le chef du village. Avant leur arrivée sur les lieux, Abdou Wahab Djibril avait déjà jeté le corps de sa victime dans Un profond puits abandonné, situé à proximité de sa maison.
Interpellé et inculpé d’assassinat, Abdou Wahab Djibril a reconnu les faits à toutes les étapes de la procédure, tant à l’enquête préliminaire que devant le juge d’instruction, mais en essayant d’occulter l’usage du coupe-coupe pour égorger sa victime. Devant la cour, mercredi 25 janvier dernier, il a varié dans la relation des faits, ne reconnaissant pas au passage les objets avec lesquels il a commis son crime et qui lui ont été présentés. Il a expliqué que c’est par maladresse que le vieux mendiant a reçu le coup qu’il tentait de porter à sa femme qui l’a esquivé.
Un accusé pas collaboratif
Réalisant que l’accusé a choisi « le mensonge et la dénégation comme stratégie de défense » pour maquiller l’infraction dont on l’accuse, le président du céans, Adame Nouhoum Banzou, et le représentant du ministère public, Léon Pape Yèhouénou, lui rappelleront que la cour a de la mémoire. Acculé de questions, l’accusé Abdou Wahab Djibril se mit subitement à verser des larmes et finit par avouer qu’il a effectivement égorgé sa victime. Le vieux qui, malgré ses 60 ans, aime l’aventure et ne vit que de la mendicité, confiera-t-il à la cour, ne lui a rien fait.
En effet, selon les déclarations faites par l’imam à l’enquête préliminaire et devant le juge d’instruction, c’est après la prière de 20 h que l’idée de tuer le vieux mendiant lui est venue.
Aucun des cinq témoins cités ne s’est présenté à l’audience. Presque tous avaient reconnu dans leurs témoignages qu’il arrive parfois qu’Abdou Wahab Djibril perde toute sa lucidité. Son bulletin n°1 ne porte aucune mention.
Des circonstances de préméditation
Pour le représentant du ministère public, Léon Pape Yèhouénou, la réunion de trois éléments permet d’asseoir la culpabilité d’Abdou Wahab Djibril. S’agissant de l’élément légal, il s’est référé aux articles 296 et 298 du Code pénal en définissant le crime d’assassinat comme étant l’homicide volontairement commis avec des circonstances aggravantes de préméditation ou de guet-apens. L’assassinat, rappellera-t-il, est puni par l’article 302 du Code pénal. Quant à l’élément matériel, il a consisté, selon lui, en des coups portés avec un élément tranchant et dont le résultat tangible s'est manifesté par une mort d’homme. « Dans le dossier, l’accusé a porté des coups avec le manche d’une houe. C'est après l'avoir achevé qu’il a pris un coupe-coupe pour l’égorger, en le tuant pour une deuxième fois, Il y a eu le décès du vieux mendiant », explique l’avocat général. « A défaut du certificat médical au dossier, nous avons, à travers les différents témoignages, les constatations faites par la gendarmerie et l’acte de décès de la victime, des preuves que le mendiant errant qui a trouvé refuge chez notre cher imam du village de Waranzi, est bel et bien décédé des suites des coups qu'il a reçus », a poursuivi Léon Pape Yèhouénou.
Par rapport à l'élément intentionnel ou moral associé à l’existence des circonstances de préméditation ou de guet-apens, il indique qu’il est clair et sans ambages que l’accusé avait manifesté une volonté ferme de supprimer la vie au mendiant. Il a eu, selon lui, la conception et l’exécution d’un plan meurtrier. « L’accusé a soigneusement choisi sa cible, un mendiant dépourvu de parents, ne pouvant se mettre à sa recherche. Il n’a pas manqué de préparer les circonstances favorables à la commission paisible du crime en simulant une dispute avec sa femme qui est allée se réfugier chez ses parents. C’était pour s’assurer une tranquillité et une discrétion totale dans la maison. Il a ensuite choisi un bon moment pour commettre son crime, la nuit profonde », a fait remarquer l'avocat général. Pour Léon Pape Yèhouénou, il s’agit d’un crime parfait dans la mesure où, pour ne pas se faire découvrir, l’accusé a caché les instruments du meurtre et fait disparaître le corps. Le mobile du crime, insistera-t-il, c'est pour s'assurer une certaine prospérité en tuant le mendiant pour recueillir son sang et se livrer à une partie rituelle.
Situant la responsabilité pénale et l’imputabilité du crime à l’accusé, Léon Pape Yèhouénou a également démontré qu'il était parfaitement d’esprit saint, en témoignent les résultats de l’examen psychiatrique. « Il avait le contrôle de ses actes et la pleine possession de ses moyens au moment du crime. Il n’est pas “fou” comme se plaisent à le rapporter les divers témoignages de ses proches. Le fou ne camoufle jamais. Il ne s’accommode d’aucune dissimulation. Il a tué. Il est présent et se montre. Mais quelle perversité !, s’exclame l’avocat général. Ce pauvre mendiant, qu'a-t-il fait à ce représentant de Dieu, notre cher et grand imam du village de Waranzi ? », s’interroge Léon Pape Yèhouénou. Sous le bénéfice de ces observations, il requiert qu’il plaise à la cour de la déclarer coupable de crime d’assassinat et de le condamner à la peine de réclusion criminelle à perpétuité.
Un accusé "déguisé”
Dans sa plaidoirie, la défense de l’accusé estimera que le ministère public avait préparé ses réquisitions qu’il n’a pas voulu modifier et l’adapter aux faits de la cause, après l’instruction à la barre. Comme questions fondamentales pour la bonne compréhension du dossier, il s’en est posé deux. « Qu’est-ce qui a pu pousser un homme simple, un homme de Dieu, un homme qui a la crainte de Dieu, à commettre un tel acte ? Ne devrions-nous pas procéder à une introspection pour savoir si l’état dans lequel Abdou Wahab Djibril a été amené à cet acte, était normal ? », a fait observer Me Nestor Ninko. Il a ensuite balayé du revers de la main le meurtre aggravé par des circonstances de la préméditation retenue par le ministère public. Pour lui, son client a agi sous l’impulsion d'une force violente et de la colère ; il n’a donc pas pu préparer l’acte. L’élément de circonstance aggravante faisant cruellement défaut, il y a lieu, selon lui, de requalifier l’infraction d’assassinat en coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner. Pour Me Nestor Ninko, son client, qui comparaît en accusé déguisé, n’est qu’une victime de la société, et les constances prouvant qu’il ne jouit pas de toutes ses facultés mentales sont patentes dans le dossier. Il rapporte certaines déclarations et témoignages à l’enquête préliminaire dont celles de l’ancien chef de l’arrondissement de Liboussou, du chef de village, ainsi que du roi de Waranzi, Gounou Baguiri, âgé de 90 ans à l’époque. Tous reconnaissent que son client fut un aliéné mental et qu'il y a 7 ans, il a été fou et ligoté puis envoyé chez un guérisseur à Piani, un village nigérian, pour être soigné. « Un homme normal qui vient de commettre un homicide, va chercher un parent en lui demandant de venir découvrir le bonheur qui vient de lui arriver ? En fait de bonheur, c’est la dépouille du mendiant qu’il lui a montré ! », a-t-il souligné. « A la question, il vous est reproché d'avoir volontairement commis un homicide sur la personne d’un inconnu qui lui a été posée au cours de l’interrogatoire de première comparution, il a réagi en disant : non. Ce n’est pas un inconnu. Je ne reconnais pas ces faits », souligne Me Nestor Ninko. De l’enquête préliminaire, de l'instruction au premier degré, de l’instruction au second degré jusqu’à la rémission de l’arrêt de mise en accusation, aucun expert n’a pu fixer la chambre d’accusation sur l’état psychologique et psychiatrique de l’inculpé, déplore l’avocat. Pour prouver que le fou n’était pas fou, ironisera-t-il, plus de douze ans après, les résultats d’un examen dont le rapport a été produit le 6 janvier 2017, attesteront qu’il était en possession de ses facultés mentales en 2004, au moment où le drame est survenu. « Lorsque vous avez un citoyen malade, la société a l’obligation de le traiter », a indiqué Nestor Ninko. Pour finir, il sollicite au principal de requalifier l’assassinat en coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner ; de dire que son client était en état de démence au temps de l’action et ne saurait en être pénalement responsable. « Vous l’acquitterez purement et simplement », a souhaité l’avocat. Au subsidiaire, il invite la cour à tenir compte du temps déjà passé en prison par son client.
Répliquant, le ministère public trouvera la plaidoirie « truffée de dénaturations des faits et de contradictions ». Avant de rejeter l’hypothèse des coups et blessures ayant entraîné la mort sans intention de la donner, il pense que le conseil n’est pas en phase avec son client.
Après sa délibération, la cour déclare Abdou Wahab Djibril coupable d’homicide volontaire commis avec préméditation, crime puni par les articles 295, 298 et 302 du Code pénal. Elle le condamne à la peine de vingt ans de réclusion criminelle et au paiement des frais à l’Etat, fixe la contrainte par corps au maximum et ordonne la confiscation et la destruction du scellé. En prison depuis 2004, l’imam a encore plus de sept ans à y passer.
Le président la cour, Adame Nouhoum Banzou avait pour assesseurs Alexis A. Mètahou et Lucien Djimènou. Le fauteuil du ministère public était occupé par Léon Pape Yèhouénou. Le greffier a nom Me Jacques Marie Agoï. Me Nestor Ninko a assuré la défense de l’accusé. Comme jurés, il y avait Léopold Chabi Boukoh, Soulémane Dramane, Anselme Sossou et Bio Dancoré.