Article
Lettre ouverte au Gl Robert Guéi, président du CNSP, chef de l'État
- Titre
- Lettre ouverte au Gl Robert Guéi, président du CNSP, chef de l'État
- Type
- Article de presse
- Créateur
- Ahmadou Yacouba Sylla
- Editeur
-
Le Jour
- Date
- 27 juin 2000
- DescriptionAI
- Cheick Amadou Yacouba Sylla adresse une lettre ouverte au Général Robert Guéi, président du CNSP, à l'occasion de sa visite prévue à Gagnoa. Il lui offre un "éclairage fraternel" et des "observations spirituelles", le mettant en garde contre l'amalgame entre religion et politique et la manipulation des communautés religieuses. Sylla défend la place des musulmans dans la laïcité ivoirienne et exhorte Guéi à exercer son pouvoir avec sagesse, discrétion et intégrité, en évitant d'être un "juge qui mérite d'être jugé", afin de mener le pays vers une vraie démocratie.
- nombre de pages
- 2
- Sujet
- Yacouba Sylla
- Robert Guéï
- Comité National de Salut Public
- Coup d'État de 1999 en Côte d'Ivoire
- Langue
- Français
- Contributeur
-
Frédérick Madore
- Identifiant
- iwac-article-0012034
- contenu
-
CHEICK AMADOU YACOUBA SYLLA ÉCRIT À GUÉI
"Refusez d'être du nombre des juges qui méritent d'être jugés”
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Lettre ouverte au G' Robert Guéi, président du CNSP, chef de l'Etat
M. le président du CNSP
La nouvelle nous est parvenue que vous vous apprêtez à entreprendre une autre série de visites dont l'une vous mènera à Gagnoa.
Inch'allah, si vous honorez Gagnoa de votre visite, vous venez dans la cité de la sainte alliance; celle du hamalisme du martyr de la foi Cheick Yacouba Sylla et de Félix Houphouët Boigny, président du Mouvement libérateur de la Côte d'Ivoire et de l'Afrique.
En vous disant Akwaba, je n'ai pas la prétention ni l'intention de me substituer aux autorités communales qui seules, peuvent vous donner la clé de la ville qu'elles gardent jalousement, je veux dire, précieusement. Mais, fils et témoin de ce qui s'y est passé un jour, je me devais de saluer à ma façon votre entrée dans cette ville chargée d'une partie de l'histoire de la Côte d'Ivoire. En ce moment important, faisons-nous quelques rappels:
- La photo qui illustre ma lettre adressée à notre frère en exil à Paris. Elle demeure encore inexplorée tant dans sa raison que dans sa justification. Seriez-vous, frère président, désireux de partager son contenu ? Inch'allah, vous serez plus qu'édifié !!
- Dans le même message adressé à Paris, une date, dans son prémonitoire éclairage a été retenue : «le 10 janvier 1998», jour où des soldats de ta garde ont reçu la béatifique grâce à ton détriment».
- Ma lettre du 8 mars 2000, objet: mes observations spirituelles sur les travaux de la commission consultative. «Etre musulman en Côte d'Ivoire n'est pas assimilable à un crime de lèse-laïcité, de lèse-démocratie, de lèse-République et ne confère à ce croyant l'étiquette de terroriste !». «En vérité, notre Ouma est une composante excellente de la spiritualité transcendante en Côte d'Ivoire... Les chrétiens honorablement, assument leur foi, dans la démocratie, la République et la laïcité «les musulmans dignement, s'assument dans la démocratie, la République et la laïcité». «Quelle est cette dichotomie dans la République laïque qui reconnaît un parti qui nie l'existence de Dieu, s'accorde la fantaisie d'indexer l'islam de paix, d'amour, de tolérance, de convivialité et qui est tout ouvert sur le monde moderne» «l'islam n'est pas la religion des aigrefins qui nourriraient les manœuvres dilatoires et autres inspirées par le matérialisme athée».
- Ma lettre du 15 mai 2000 : «Dans l'embrouillamini, l'on a souvent tendance à faire l'amalgame entre religion et politique». A mes frères de la Ouma, surtout par ces temps des girouettes et du vent, je rappelle sans cesse la nécessité de savoir faire, le départ entre un manifeste politique et l'immensité du trésor coranique. Même si le pouvoir est d'essence divine, l'islam et le christianisme ne sauraient être des échelles pour y accéder.. Avoir certaines personnes, tenter d'opposer le musulman et le chrétien dans notre pays, dans un but de manipulation politique, le musulman convaincu que je suis, se surprend à ne plus considérer comme vulgaire l'idée d'une seule et unique religion que Voltaire appelle «la religion naturelle».
Enfin ! un dernier rappel, mon message du 26 mai 2000 à la veille de votre rencontre avec les chefs religieux... «Laissons aux politiques la salle des pas perdus du palais, destinée aux conseils nationaux». «La Bible, le Coran sont mieux compris hors effets médiatiques».
Monsieur le président, cher frère, j'ai pensé que ce fraternel éclairage en votre possession, «les rumeurs» ne trouveraient pas effets de répétition au point de laisser supposer en vous, un soupçon de conviction dans vos adresses gravissimes et de vous imposer la quête de la paix avec vos «frères musulmans»! Il me revient à la mémoire que «les grands événements se répètent pour ainsi dire deux fois: la première fois comme tragédie, la deuxième fois comme farce».
Vos spirituels dons de Corans auraient eu le bénéfice de la splendeur, s'ils n'étaient pas initiés par le fantasme des exaltés et autres extrémistes qui souillent tous les hauts lieux de la sainteté spirituelle. Aussi, le contexte interpellatif dans lequel le chef de l'Etat formule ses dons ne manque pas de froisser, voire d'offenser ce que vous ne soupçonnez pas et qui, éminemment, n'est pas à votre portée.
Vous auriez dû, à l'exemple de notre père Houphouët- Boigny, privilégier la discrétion. Remémorons-nous ses épiques relations avec le cardinal Yago... empruntées jusqu'au parvis du Vatican. Conscient de l'extrême délicatesse du domaine religieux et pénétré de sa mystique inaccessible, son génie politique n'a jamais traité un sujet aussi sensible sur un podium politique, de surcroît, émaillé de mises en garde à l'adresse d'une communauté religieux qui, depuis plus de 1 400 ans, universalise la paix, la tolérance, le pardon. Frère président, le fils du martyr de la foi... héritier des 51 personnes sommairement abattus le 15 février 1930 et qui, de leur impérial sacrifice, dorment dans le carré des martyrs à Kaédi, vous invite expressément, spirituellement de sortir de ce piège, de cet engrenage beaucoup plus dangereux que la conjonction convoitée de je ne sais quoi ! Très sincèrement, vos conseillers ont été mal inspirés.
Hier en 1993... ce n'était pas encore l'heure ! Le pouvoir, même entre vos mains, vous deviez le rendre à celui auquel il était destiné. Le 24 décembre 1999, vous avez reçu de qui de droit divin, le pouvoir suprême. Cette évidence ne suffit-elle pas à nous situer sur la suprématie du seul et divin détenteur de tous pouvoirs !
A la suite des prophètes, chaque être humain est investi d'une mission divine. Celle d'Houphouët fut d'avoir conduit la Côte d'Ivoire à l'indépendance, d'avoir enseigné à ses fils une culture de paix et, surtout, d'avoir jeté les bases de la nation ivoirienne dont je persiste à croire qu'elle n'est pas encore constituée, tant la volonté de certaines de nos communautés de vivre avec les autres est faible et hésitante. Celle, du frère «qui n'a pas d'amis» était sans doute de venir remettre en cause la politique intelligente de son prédécesseur, en y substituant une politique qui n'avait plus rien à voir avec la préférence nationale. Si la vôtre ne devait être que de mettre fin à ce régime d'un autre âge et de mener le pays à une vraie démocratie, après une période transitoire qui vous aura réconcilié avec la sagesse et l'intelligence, vous aurez été un bon président à l'instar du père de l'indépendance; et l'histoire retiendra plus de vous que de votre prédécesseur. A propos d'intelligence, le général Charles de Gaulle dont vous semblez être l'un des émules, pour les références que vous faites souvent à sa personne, nous dit : «Il est vrai, parfois, les militaires, s'exagérant l'impuissance relative de l'intelligence, négligent de s'en servir». Je sais qu'avec vous, cela ne risque pas d'être le cas cette fois-ci.
Pourquoi la politique persiste et signe dans l'amalgame, dans les projections qui attestent grossièrement que le politique n'a de connaissance, «que ce qu'il ne connaît pas». Quel tragique dilemme ! Aux faciles raccourcis de la dialectique politique, mon ardent souhait par ces temps de la désinformation et d'une démocratie que nous risquons de museler, est de vous savoir toujours bien informé. A cette fin, exclusivement, pour la distance qui nous sépare du terme de la transition, il serait souhaitable, à mon humble avis, que vous puissiez recevoir un éclairage conséquent et réussir la transmission du magnifique flambeau. Inch'allah.
A Gagnoa, Inch'allah, je souhaiterais partager avec vous ma croyance profonde que le grand soir existe, même si notre modernité semble en éloigner notre conscience. Depuis Gagnoa, soyez rassuré, Monsieur le président, les musulmans et les chrétiens, au service de leur foi, ne se laisseront pas surprendre, encore moins, être débordés par les éléments gangrenés par l'impérialisme de l'argent. Puisque le 24 décembre 1999, vous avez accepté de «salir» vos mains, «de les tremper dans la boue» selon J.P Sartre, conscient que l'action politique relève du risque, même si elle contient une bonne part de calcul, je salue le soldat que vous êtes, bourré d'humilité et de disponibilité.
Frère président ! vous devez, tout au long de cette période transitoire, avoir constamment à l'esprit qu'en acceptant de jouer le rôle de l'arbitre, vous êtes, ipso facto devenu un juge. Or, vous connaissez la légendaire défiance du peuple à l'égard du juge ! Refusez d'être du nombre des juges qui méritent d'être jugés !
Frère général ! vous avez bien commencé votre mission de salubrité; vous êtes condamné à la finir ainsi. Car, si vous dorlotez un enfant toute la journée et que vous le traînez à terre le soir, c'est de cela dont il se souviendra.
Dans cette vallée de larmes avec ses brûlure politiciennes, la Bible de mon frère Mgr Dacoury et mon Coran à moi, nous sacralisent dans l'adoration du un-vivant et éternel. Leur lumineux et miséricordieux trésor nous font aimer l'homme, et nous demeurons les serviteurs bienveillants de son unité mystique - Inch'allah. Nous sommes frères en Dieu et en la vérité perpétuelle.
Monsieur le président, vous le savez, le chemin est difficile pour atteindre la cité lumineuse et la cime du vrai bonheur. Puisse notre foi nous certifier dans la loyauté à l'endroit de nos principes élevés et de notre peuple croyant. Que Dieu vous préserve de la frénésie des politicards déphasés. Seul, l'immédiateté de leurs intérêts personnels les font voltiger comme des vautours, ils sont les hiboux de la déchéance.
Cher frère, avec tout le CNSP, puissent les faveurs protectrices du grand héritage religieux de Cheick Yacouba Sylla, inscrire votre conviction et votre engagement dans l'éthique de la grandeur.
Sous la caution de Dieu ! Entrez en paix à Gagnoa ! Dieu seul est la vérité qui imprime en chacun de nous son destin.
Cheick Ahmadou Yacouba Sylla
votre frère en Dieu
