Article
Le retour de la gabegie
- Titre
- Le retour de la gabegie
- Type
- Article de presse
- Créateur
- Gnaka Lagoké
- Editeur
-
Le Nouvel Horizon
- Date
- 29 juillet 1994
- DescriptionAI
- Ce texte analyse les huit premiers mois de la présidence d'Henri Konan Bédié en Côte d'Ivoire, successeur de Félix Houphouet-Boigny. Il critique vivement le retour de la gabegie, de la corruption et du favoritisme au sein du gouvernement, malgré les programmes d'ajustement structurel et l'austérité. Le président est accusé de privilégier la consolidation de son pouvoir et sa popularité par des dépenses publiques abusives et l'étouffement des libertés. Cette gestion est jugée inefficace face aux défis économiques et menace la stabilité sociale du pays.
- pages
- 8
- 9
- nombre de pages
- 2
- Sujet
- Henri Konan Bédié
- Félix Houphouët-Boigny
- Alassane Ouattara
- Balla Keita
- Diaby Moustapha
- Lamine Fadiga
- Corruption
- Démocratie
- Justice
- Élections
- Économie
- Gouvernement
- Langue
- Français
- Contributeur
-
Frédérick Madore
- Identifiant
- iwac-article-0011707
- contenu
-
HUIT MOIS D...
Le retour d...
En marge des actes liberticides que pose le nouveau pouvoir, il y a un défi majeur, celui des défis économiques. Le président autoproclamé à être cet homme des défis actuels de la Côte d'Ivoire. Des défis qui tiennent à la gabegie, à la corruption, aux détournements des deniers publics, aux sources de l'Etat. L'incapacité du président autoproclamé à faire face à ces défis est un secret de polichinelle.
DOSSIER RÉALISÉ PAR
GNAKA LAZOKE
Le 7 décembre 1993, lorsque le président de l'Assemblée nationale, par l'alchimie de l'autoproclamation devint président de la République de Côte d'Ivoire par décès, les Ivoiriens ont retenu leur souffle. Ils ont souscrit tout de même un contrat de confiance avec Henri Konan Bédié qui bénéficiait malgré la gaffe historique de ce soir-là, d'un léger capital de sympathie. Mais ils l'attendaient sur deux points fondamentaux : son attitude à l'égard du processus démocratique et de la justice sociale. Quant au premier point, il n'y a plus aucun doute. Le président de la République de Côte d'Ivoire n'est pas un promoteur des libertés individuelles et collectives. Pire, il semble désirer le retour au statut quo ante. Son régime emprisonne des journalistes et sur le pied de guerre contre la démocratie. En ce qui concerne le second point, il incombe de dire que les avis de la société civile sur la capacité d'adaptation de Bédié aux exigences de l'équité, de la justice, liées aux mutations étaient divisés en deux groupes. Certains peut-être naïfs ont cru que le multipartisme contraindrait le président autoproclamé à respecter les vertus nouvelles, à délaisser les pratiques surannées. D'autres ont estimé que celui qui a déjà volé un bœuf, volerait un éléphant. Pour ces derniers, l'espoir ne pouvait pas venir d'Henri Konan Bédié. Huit mois après son accession au pouvoir par l'escabeau de l'article 11 de la Constitution, le successeur - héritier de Félix Houphouet-Boigny semble leur donner raison. Le président de la République n'est pas étranger à la gestion trentenaire chaotique du PDCI. Henri Konan Bédié a été ministre de l'Economie et des Finances (1967 - 1977), au temps du mirage. Félix Houphouet-Boigny l'avait chassé du gouvernement dans le cadre de ce qu'on a appelé l'esprit du 20 juillet. Il a été accusé par feu le chef de l'Etat d'avoir surfacturé les complexes sucriers. A ce niveau de malversations, l'actuel chef de l'Etat ne peut prétendre bénéficier d'une virginité politique. Il est fils de la gabegie. Depuis quinze ans, la Côte d'Ivoire, à l'instar de plusieurs Etats africains avale l'amère pilule des programmes d'ajustement structurel. Avant même le choc brutal de la dévaluation, les populations n'avaient presque plus de pouvoir d'achat. Le dernier gouvernement d'Houphouet conduit par l'actuel directeur général adjoint du FMI Alassane Dramane Ouattara, contournant la diminution des salaires a procédé à la déflation de la fonction publique, à la diminution des charges de l'Etat... Le gouvernement ivoirien était composé de 20 ministres. C'était le seuil à ne pas dépasser pour un Etat en crise où la géopolitique est un pilier de gestion. Le 14 décembre 1993, lorsque M. Daniel Kablan Duncan, Premier ministre a formé son gouvernement, les observateurs de la vie politique l'ont trouvé ronflant et pléthorique. 24 ministres. Or, le nouveau gouvernement avait affirmé ce jour-là même qu'il poursuivrait les réformes structurelles. Ce n'était que de la poudre aux yeux. Huit mois après sa prise de pouvoir, Bédié a convaincu tout sceptique qu'il n'est pas l'homme de la situation. Avec son gouvernement l'on a constaté, la nouvelle épidémie qui frappe nos ministres. Ils voyagent beaucoup : A l'intérieur, utilisant les voitures de l'Etat pour faire la propagande du parti au pouvoir. A l'extérieur, aux frais de l'Etat pour des missions parfois superflues. Notre président semble aujourd'hui plus préoccupé à asseoir son pouvoir, à se bâtir une popularité qu'à sortir le pays de la crise. Soucieux de se bâtir une grande cour, il s'entoure d'opportunistes qu'il affuble de titres de conseillers.
Abusivement. Alassane N'Diaye,
Le président n'est pas étranger, à la résurrection de la gabegie.
Les gouvernants africains et les PAS
Si les pays africains sont dans le gouffre, cela est dû à deux catégories de causes : les causes exogènes et les causes endogènes. Si les causes exogènes se limitent à la mévente des produits d'exportation des pays africains et au diktat des bailleurs du système néo-colonial, les causes endogènes, ont pour nom, institutionnalisation du vol, gabegie, favoritisme...
La crise économique en Afrique est atroce. Les populations se meurent. Les bailleurs de fonds ont imposé à plusieurs pays d'Afrique les programmes d'ajustement structurelle. Notre pays est sous le PAS depuis quinze ans. Les programmes se suivent et se ressemblent et point d'espoir à l'horizon. Les bourreaux des PAS sont les mêmes bourreaux d'hier qui ont dilapidé nos richesses, notre patrimoine. Leur crime des temps actuels est plus cruel. Non seulement, ils ne s'associent jamais aux efforts de redressement du pays et à l'esprit de sacrifice des populations, mais ils vampirisent toujours les quelques retombées financières des mesures d'austérité. En 1990, 6 mois après la mise sur pied du comité inter-ministériel dirigé par Alassane Ouattara, le président Félix Houphouet-Boigny a utilisé les fonds recueillis par ce comité pour les élections d'octobre, novembre et décembre 1990.
Comment voudrait-on que les populations africaines pauvres et appauvries se sacrifient toujours pendant que les enrichis gardent leur privilèges et se comportent comme des étrangers au sort de l'Afrique ? Ce qui conviendrait est si simple. Par exemple, nos gouvernants pourraient séduire leurs populations pour la réussite des PAS. Ensuite, les bailleurs de fonds devraient accroître leur vigilance afin d'arrêter l'appétit-vorace des prédateurs. Enfin, les bailleurs de fonds devraient intégrer la donne de la démocratie dans la réussite des PAS. Si hier le parti unique offrait le sol d'un consensus de parti unique pour l'application des PAS, il faut aujourd'hui au moment où le multipartisme règne en Afrique, créer un consensus refondateur, seul gage de la réussite des PAS. S'il existe des hommes qui croient que les populations parce qu'elles n'ont pas réagi ont accepté la dévaluation, c'est qu'ils ne savent pas lire les faits de la société. L'humus naturel de l'explosion sociale est là. Il est arrosé par d'abondantes larmes des populations désœuvrées et résignées... momentanément. Les signes de la déchirure sont perceptibles. Cette montagne de colère pourrait exploser incessamment. Car vouloir s'accrocher à la réussite des PAS ou tout autre programme d'austérité en Afrique sans consensus, c'est pousser le peuple à bout. Surtout quand, en ce qui concerne la Côte d'Ivoire, l'on se rend compte que les quelques recettes qui tombent dans les caisses de l'Etat sont dévoyées et détournées. Comme en 1990. Il y a de quoi s'inquiéter. Seuls les bailleurs de fonds qui sont les pourvoyeurs d'argent peuvent arrêter le massacre. Les populations ne savent même pas ce qui se passe.
G.L.
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CLAMATION
la gabegie
Une gabegie rampante qui illustre de l'incapacité du président autoproclamé à faire face aux complaisantes. Du favoritisme. L'utilisation gabegique des ressources humaines et financières de tous les débiteurs de l'Etat... La gabegie est de retour.
Diaby Aboubacar Ouattara, Balla Kéita, Usher Assouan, Diaby Koweit... La liste est longue et élastique. Le président de la République fait émerger de l'anonymat ces personnes qu'il fait émarger au budget de l'Etat. Ce n'est un secret pour personne que parmi es conseillers, Diaby Koweit a à sa disposition une manne financière afin de réussir le ralliement au pouvoir de la communauté musulmane. Pour ce pouvoir, le ralliement de certaines figures qui ont une relative légitimité régionale et nationale est une priorité pour la relance économique. C'est pourquoi, le gouvernement de Bédié fait une mauvaise utilisation des ressources humaines dans les entreprises. Sous l'impulsion des bailleurs de fonds qui ne voudraient plus des postes de PDG qui consacrent l'omnipotence d'un individu dans une société, le pouvoir a institué dans plusieurs entreprises le poste de président de Conseil d'administration à côté de celui de directeur général. Plusieurs anciens ministres qui pourraient se la couler douce pour espérer s'assurer des jours meilleurs car beaucoup d'entre eux occupent les postes de président de Conseil d'administration : Kéi Boguinard, Auguste Miremont, Barry Battesti, Vincent Pierre Lokrou... Des postes qui auraient pu échoir à plusieurs jeunes diplômés à la recherche d'emplois. Là encore, la stratégie électorale est obsédante. Pour ceux qui ne peuvent bénéficier de postes, Henri Konan Bédié s'est assuré leur silence et leur allégeance. Le recouvrement des impôts étant aux oubliettes. La suppression des quotataires, une illusion. Certains ont même eu l'insigne honneur de faire partie de la forte délégation de 150 personnes qui ont accompagné le chef de l'Etat récemment en France lors de la remise du prix Félix Houphouet-Boigny. Que dire de ceux-là, ces essaims de prébendiers qui sèment des clubs de soutiens au chef de l'Etat ? Ces clubs de soutien plus d'une vingtaine, précisons-le, sont financés par le premier responsable de ce pays, à coups de centaines de millions. Au moins, l'on sait enfin, à quoi sert la pluie des milliards.
Le président ivoirien, c'est connu, à la recherche éperdue d'une popularité préfère s'illusionner dans les délices d'un charisme artificiel. Au prix d'importantes sommes d'argent. Un administrateur de la place qui connaît le fils de Daoukro et ses pratiques dit : "Le seul moyen de communication du président, c'est l'argent". Si, hier, cette façon de faire des dons avait été tolérée à feu Félix Houphouet-Boigny, aujourd'hui, nul ne comprendrait qu'elle soit reconduite à l'ère des mutations, à l'heure de l'austérité. Comme personne ne comprendrait que le racket des entreprises de l'état soit organisé par la présidence. Pour échapper à la vigilance des regards indiscrets, le pouvoir actuel rançonne des entreprises pour constituer son trésor de guerre en vue de préparer financièrement les élections à venir. La LONACI, la CAISTAB... La Douane... La douane est censée verser plusieurs centaines de millions par mois au fond secret de la présidence. Ceci expliquant cela, Doua Bi Kalou, ex-directeur général de la douane a été limogé. LA LONACI, elle aussi, n'échappe pas au racket. Dieng Ousseynou a gardé de justesse son poste après avoir fait un acte d'allégeance. Mais pour plus de sûreté et de sécurité, on lui a flanqué un directeur financier, nommé en conseil des ministres. Du jamais vu. Quant à la CAISTAB, son histoire est la même. C'est la grande pourvoyeuse des fonds personnels des présidents ivoiriens. C'est un secret de polichinelle que l'esprit d'indépendance de René Amani demeure la seule raison de la survie de la caisse. S'il cédait aux caprices prédateurs des gouvernants, la CAISTAB aurait disparu déjà. En si peu de temps. Mais; un scandale vient de se produire avec la caisse de stabilisation. Celle-ci a demandé de se produire avec la caisse de stabilisation. Celle-ci a demandé à de gros importateurs de payer l'écart entre le nouveau différentiel de leurs stocks de produits (nouveaux prix du fait de la dévaluation) et l'ancien différentiel (ancien prix) avant la date de la dévaluation. Plusieurs gros exportateurs ont payé plusieurs centaines de millions chacun. Daniel Usher, fils d'Usher, Assouan, conseiller de Bédié est l'un de ceux-là.
Mécontent du fait que la caisse lui ait fait payer ce qui à ses yeux est une pénalité injuste, il a juré faire limoger l'actuel directeur général de la CAISTAB. Par le truchement de son père, efficace en conseil mercantile, le président autoproclamé aurait sommé la CAISTAB de rembourser les sommes proportionnelles à l'écart différentiel à certains exportateurs. Ce Daniel Usher aurait été remboursé comme bien de noms illustres. Cela s'appelle tout simplement favoritisme dans une République de copains et de coquins. En sus du favoritisme, c'est là la célébration de la gabegie dans toute sa splendeur. Lorsque la Côte d'Ivoire brassait des centaines de milliers de milliards, les gouvernants impudents et imprudents ont détourné les deniers publics. Aujourd'hui avec la dévaluation, et compte tenu de la hausse des prix d'achat de nos produits d'exportation, nous sommes sur le point de renflouer les caisses de l'Etat. Les prévisions des spécialistes estimaient les rentrées d'argent à la CAISTAB pour les raisons ci-dessus mentionnées à environ 800 milliards pour la seule année 1994. Un membre du gouvernement, cette fois-ci, le ministre d'Etat chargé de l'Intégration, secrétaire général du PDCI, serait au centre de ce qu'on peut appeler un scandale financier. La société Palmindustrie lui ferait des hectares dans le Sud-Ouest. Nous ne disons pas qu'il n'a pas le droit de profiter des largesses comme Lamine Fadiga qui aurait reçu deux voitures de l'EECI ? Mais cela pose un problème d'éthique. Le problème d'éthique qui reste posé dans le cas du conseiller du président Bédié pour les affaires islamiques Diaby Koweit à qui le pouvoir serait sur le point d'octroyer une radio.
Dans le décor de la gabegie que le pouvoir plante, il y a le cas des voitures D (voitures de l'État). Dans les rues, circulent de plus en plus des véhicules flambant neufs avec des plaques d'immatriculation jaune. Dans certains ministères, il y a un manque de véhicules. Et les voitures qui germent ne sont pas toujours celles des départements ministériels.
Un peu d'attention nous confirme que plusieurs de ces véhicules ont immatriculation D 10, c'est-à-dire qu'ils proviennent de la présidence. Sous Alassane Ouattara, au plus fort de la nécessité de l'application des mesures d'austérité dans leur globalité, en novembre 1993, des ivoiriens avaient ouvertement exprimé leur volonté de voir l'État vivre aussi ces temps d'austérité. Des suggestions avaient été faites que le parc automobile du président connaisse une diminution. Malgré la profession de foi du nouveau pouvoir de poursuivre les réformes structurelles, le parc automobile présidentiel connaît aujourd'hui un renforcement indigne des moments de vaches maigres. Comment justifier que le seul président fut-il autoproclamé et héritier de feu Félix Houphouet-Boigny ait à sa disposition quatre avions personnels, Fokker 100 et les Grumans 2, 3, 4. Qui sont utilisés pour les courses familiales et pour des meetings du PDCI. La décence ne commanderait-elle pas une réduction de cette quantité. A la présidence, l'argent sort de façon abusive des fonds secrets. A telle enseigne, qu'un expatrié, comptable à dû s'inquiéter en privé de cette hémorragie financière. Un certain nombre de privilégiés disposerait de chéquier et les utiliseraient comme s'il s'agissait d'une République où le culte de la gabegie est un fondement de la gestion.
Inattendu ! Balla Kéita... conseiller culturel.
Diaby Koweit, l'un des derniers conseillers nommés.


