Article
L'imam Koudouss répond à Laurent Gbagbo
- Titre
- L'imam Koudouss répond à Laurent Gbagbo
- Type
- Article de presse
- Editeur
-
Le Patriote
- Date
- 13 décembre 2001
- DescriptionAI
- Lors de la Nuit du Destin 2001, El Hadj Idriss Koudouss, président du CNI, a prononcé un discours répondant à Laurent Gbagbo. Il a critiqué la profonde division politique en Côte d'Ivoire et l'échec du forum de réconciliation nationale, soulignant le manque de vérité et d'humilité. Koudouss a insisté sur le fait que la laïcité ne se résume pas à l'aide gouvernementale pour les pèlerinages (comme les billets d'avion), mais à la justice et au respect des principes constitutionnels, appelant le président à assumer sa responsabilité pour une réconciliation nationale vraie et sincère.
- pages
- 1
- 4
- 5
- nombre de pages
- 3
- Langue
- Français
- Contributeur
-
Frédérick Madore
- Identifiant
- iwac-article-0010715
- contenu
-
NUIT DU DESTIN 2001
Idriss Koudouss répond à Gbagbo
“LA LAÏCITÉ, CE N’EST PAS LES BILLETS D’AVION”
P. 4-5
“Nous allons à la Mecque depuis des siècles sans l’aide du gouvernement”
MINISTERE DE L'INTERIEUR
DIRECTION DES ARCHIVES NATIONALES
fol 29
719
ABIDJAN
13/12
--- Page 2 ---
L'IMAM KOUDOUSS RÉPOND À LAURENT GBAGBO
La cérémonie de commémoration de la nuit du destin a été marquée par le discours du président du CNI, El Hadj Idriss Koudouss. Nous vous le reproduisons.
Excellences Messieurs les Imams ; Honorables invités ; Chers frères et sœurs ;
Je voudrais, au cœur de cette nuit exceptionnelle, rendre une grâce infinie à Allah le Très-Miséricordieux, qui a établi l'homme sur terre comme son calife, avec d'éminentes responsabilités. Cet égard divin explique les missions successives des prophètes, jusqu'au dernier, le prophète Mohamed (S.A.W), transmetteur du Coran, révélé dans la Nuit du Destin, Laïlatoul Kadr.
El Hadj Idriss Koudouss, président du CNI.
Chers frères et sœurs, je voudrais vous remercier et vous féliciter d'être venus nombreux ce soir, comme du reste tous les ans, pour une communion qui n'aura d'égale que la profondeur de notre foi. Depuis l'année dernière, pour des raisons sur lesquelles, je ne reviendrai pas, nous avons décidé d'abandonner le Palais des Sports de Treichville et de commémorer la Nuit du Destin à la grande Mosquée de la Riviera, symbole éminent s'il en est, pour la promotion de l'Islam dans notre pays. Au mois de janvier dernier, vous en souvient-il, l'Imam de cette Mosquée, notre père et maître, Ahmed Tidiane BA, a été rappelé par Allah (Soubhana wa taala). Une immense perte, mais Allah seul est maître des destins. Je voudrais demander à chacune et chacun de vous de solliciter la miséricorde du Tout-Puissant pour le repos de l'âme de notre regretté Imam. (Une fois la fatiha, 11 fois Ikdas ; à réciter collectivement)
Chers frères et sœurs, c'est toujours avec une joie et une ferveur renouvelées que nous commémorons cette Nuit du Destin au cours de laquelle les musulmanes et les musulmans du monde entier, en communion avec les anges, rendent une grâce infinie au créateur suprême qui leur a apporté la lumière et la connaissance à travers le Saint Coran.
En effet, nuit de toutes les espérances, "Laïlatoul Khadr" est essentiellement honorée par la descente du Saint Coran parmi les hommes. Et c'est très justement que le professeur tunisien Mohamed TALBI écrit : « Le fait coranique est l'ultime insertion de la révélation dans le cours de l'histoire. Cette insertion ultime se fit au cours d'une nuit qualifiée de « Nuit du Destin », pour en souligner le caractère décisif ».
Cette nuit est donc une nuit d'adoration, une nuit de prières, de suppliques, une nuit de gratitude, une nuit de pardon et de repentance immenses. Elle est l'instant sublime du mois de Ramadan ; mois sacré dont le Prophète (S.A.W) disait : « Son début est miséricorde, son milieu est pardon et sa fin est salut de l'âme ».
Chers frères et sœurs, Aujourd'hui nous vivons une époque particulièrement agitée ou l'angoisse de l'instant le dispute à la peur de l'avenir. Aujourd'hui, toutes les sociétés sont confrontées au problème du chômage, de la délinquance juvénile, de la drogue, de la violence, de la pauvreté et de la sexualité avec leurs conséquences dramatique dont le SIDA.
Certains pays dits en voie d'émergence, dont la Côte d'Ivoire, connaissent d'autres maux qui les fragilisent davantage. Ce sont eux qui naissent des contentieux politiques, de l'arbitraire, du refus du dialogue, de l'exclusion, de la xénophobie, du tribalisme.
Notre pays a fait la triste expérience de ces comportements malgré nos mises en garde répétées et nos appels à la sagesse, notamment le 18 octobre 2000. Aujourd'hui, après les événements des mois d'octobre et de décembre 2000, les Ivoiriens sont plus divisés que jamais. La salutaire initiative du forum pour la réconciliation nationale n'a malheureusement pas répondu à notre légitime attente. Le Coran nous enseigne que la base de toute réconciliation c'est la vérité, l'humilité, la repentance et l'acceptation sincère du pardon de l'autre.
Comment sortir d'une situation où des protagonistes campent sur des positions sans concessions, où les responsabilités sont niées, où l'humilité fait gravement défaut, où en conséquence, la repentance n'a plus sa place ?
Depuis bientôt dix ans, et surtout depuis deux ans, les gouvernements successifs, dans leur volonté trop fébrile de conserver le pouvoir quels qu'en soient les prix, ont plongé la calme Côte d'Ivoire dans un cycle infernal où la haine et l'exclusion sont les valeurs les plus célébrées par une minorité d'Ivoiriens qui croient détenir le titre foncier de la Côte d'Ivoire.
Faut-il rappeler que notre pays est depuis des siècles un carrefour de brassages de peuples, d'ethnies, de religions qui, grâce à la politique réaliste du défunt Président Félix Houphouët Boigny, est devenu un havre de paix et le poumon économique de la sous-région Ouest-Africaine.
Faut-il rappeler les paroles fortes de notre hymne national qui semble être devenu un objet de musée, cependant qu'il devrait être la fève vivifiante de notre action commune :
- « Salut, ô terre d'Espérance,
- Pays de l'Hospitalité » et plus loin l'hymne poursuit :
- « Notre devoir sera d'être un modèle
- De l'espérance promise à l'humanité
- En forgeant unis dans la foie nouvelle
- La patrie de la vraie fraternité »
Faut-il rappeler enfin que la Côte d'Ivoire est une République laïque, une et indivisible. Depuis des années, et jusque lors du forum pour la réconciliation nationale, nous demandons à l'Etat, au regard des réalités qu'il n'est point besoin de décrire tant elles sont évidentes, de respecter les principes de la laïcité.
--- Page 3 ---
Célébration de la nuit du destin
La laïcité ne se réduit pas à un exercice statistique de distribution de billets d'avion soit pour la Mecque, soit pour Rome. Depuis des siècles, les musulmans ivoiriens effectuent le pèlerinage aux lieux saint de l'Islam par leurs propres moyens ; ils n'ont pas attendu ceux de l'Etat. La laïcité est une notion qui allie généreusement l'intelligence et l'esprit de justice et se décline en action concrète, conformément à la Constitution.
Chers frères et sœurs,
Ainsi que nous l'avons déjà exprimé, le forum pour la réconciliation nationale est une excellente occasion de catharsis collective offerte par le chef de l'Etat ; et cela, malgré ses dérives verbales, ses contrevérités, ses outrecuidances inutiles, ses appels au meurtre (sans réaction du Directoire). Ce Forum a le grand mérite d'exister. Nous pensons que ce qui vient de se passer n'est qu'une étape, puisqu'elle n'a pas consacré la réconciliation. Nous pensons qu'il faut, sous d'autres formes, poursuivre le dialogue et, à ce niveau, la responsabilité du chef de l'Etat est éminente. Nous pensons qu'il a entre ses mains les cartes maîtresses de la situation socio-politique. Puisse Allah l'inspirer dans le chemin de la vérité et de la grandeur, afin que notre pays sorte enfin des turbulences et retrouve les réflexes qui ont fait de lui un pays envié et même jalousé (Amin).
Chers frères et sœurs,
Nous ne pouvions pas, au cœurs de cette nuit, ne pas aborder les problèmes qui nous concernent tous. C'est une occasion pour adresser à Allah de ferventes prières pour le retour à la Paix et pour la Fraternité en Côte d'Ivoire.
La Communauté musulmane, vous le savez, est celle qui a payé le tribut le plus lourd lors des événements déjà évoqués. Mais nous sommes une Communauté de dépassement de soit, de tolérance, de pardon. Ces épreuves ont eu pour effet heureux de renforcer la cohésion et la fraternité entre les musulmans.
A cet égard, je salue et félicite nos frères El Hadj Bakary Cherif et El Hadj Babily Dembélé ainsi que leurs associations qui ont spontanément demandé que nous célébrions ensemble cette Nuit du Destin.
Qu'Allah les bénisse tous et les guide dans le droit chemin.
Qu'Allah renforce notre unité et conforte notre foi.
Qu'Allah préserve notre pays des turpitudes en favorisant une réconciliation vraie et sincère.
Mais, chers frères et sœurs, vous le savez, nos prières n'ont de chance d'être exaucées que si nous sommes nous-mêmes engagés à les faire aboutir par nos propos et nos comportements. Nous sommes donc invités à faire ce qui dépend de nous. Le reste est laissé à la mansuétude d'Allah soubhana wa taala.
Wassalam Aléïkoum