Article
Imam Chérif Ousmane Madani Haïdara : "Pourquoi je dérange"
- Titre
- Imam Chérif Ousmane Madani Haïdara : "Pourquoi je dérange"
- Type
- Article de presse
- Editeur
-
Le Jour Plus
- Date
- 29 septembre 2004
- DescriptionAI
- L'Imam Chérif Ousmane Madani Haïdara, prêcheur ouest-africain influent, expose sa vision du VIH/Sida, qu'il considère comme une punition divine. Engagé dans la lutte contre la pandémie, il prône l'abstinence comme prévention principale, mais conseille également l'utilisation du préservatif pour protéger les personnes innocentes, une position qui le distingue de nombreux autres imams. Il insiste sur la compassion envers les malades et les accueille sans crainte. Connu comme "l'imam rebelle" pour ses prises de position progressistes, il dirige l'association internationale Ançar Dine.
- pages
- 6
- nombre de pages
- 1
- Couverture spatiale
- Bamako
-
Mali
-
Guinée
-
Iran
-
Côte d'Ivoire
-
Burkina Faso
-
Togo
-
Sénégal
- République du Congo
-
Bénin
-
République démocratique du Congo
- Gabon
-
France
-
États-Unis
- La Mecque
- Langue
- Français
- Contributeur
-
Frédérick Madore
- Identifiant
- iwac-article-0010521
- contenu
-
Imam Chérif Ousmane Madani Haïdara “Pourquoi je dérange”
Le Sida est-il une malédiction divine, une invention des occidentaux ou une maladie comme les autres ? Des journalistes ouest-africains, en formation autour du thème "Reportage sur le VIH/Sida en Afrique de l'Ouest" à Bamako, ont rencontré le charismatique Chérif Ousmane Madani Haïdara, prêcheur de renommée internationale, et Imam de son état, pour connaître sa vision sur la pandémie. L'homme a des prises de position qui tranchent avec celles de ses autres compères. Entretien.
Pourquoi avez - vous été surnommé " l'imam rebelle " ?
C'est une façon que les gens ont de m'appeler. Les Européens me nomment plutôt " l'imam rouge ". Mais, maintenant que les gens disent " l'imam rebelle ", c'est peut-être à cause de ma façon de voir la religion. Parce que si les gens pensent que la religion, c'est seulement la prière, moi je pense qu'il faut y ajouter le comportement. Ce qui est très important. Il faut que les deux aillent de pair.
Quelle est votre conception de la maladie du Sida ?
C'est en fait une punition de Dieu. Dieu avait demandé d'arrêter certains comportements ; dans le cas contraire, il ferait tomber sur les humains une punition. Le Sida ne peut être que cette punition.
Madani Haïdara:“Le sida est une punition de Dieu”.
Pourquoi êtes-vous engagé dans la lutte contre le Sida ?
C'est ça le rôle d'un imam. Quand vous êtes un chef religieux, vous devez vous intéresser aux problèmes de la société et aider à lutter contre ces problèmes pour éviter que les hommes ne souffrent. Au cours des prêches et des prières du vendredi, je parle notamment du Sida et de la manière dont il faut se comporter pour prévenir cette maladie.
Quels sont les moyens de prévention que vous préconisez à vos fidèles ?
La meilleure prévention est l'abstinence. S'abstenir, c'est la première chose qu'il faut d'abord dire aux gens.
Et si les fidèles ne peuvent pas le faire ?
Que tu sois religieux ou pas, généralement dans la société, quand on est malade, on est obligé de suivre les prescriptions du docteur. Et quand le docteur te dit que c'est tel médicament qu'il te faut, tu es obligé de le suivre. Moi je ne peux pas encourager les gens à utiliser les préservatifs. Mais comme c'est la seule solution qui existe maintenant et qu'elle est préconisée par les docteurs, on ne peut que se conformer à la décision des médecins d'autoriser les gens d'utiliser les capotes, mais ce n'est pas pour les pousser à commettre l'adultère. Mais pour protéger les autres personnes innocentes, qui ne font rien de mal.
Existe-t-il des musulmans ou des imams qui ont contracté ce virus ?
Au Mali aussi bien qu'en Guinée, j'ai appris qu'il y a des religieux qui ont été atteints par cette maladie. Mais ce n'est pas parce qu'ils se sont mal comportés. Tout simplement parce qu'ils se sont mariés à des filles qui étaient déjà atteintes de cette maladie. Il y en a même qui en sont morts.
Etes-vous sûr que vos fidèles suivent vos prescriptions ?
Je ne peux pas savoir si mes fidèles sont sérieux ou pas. Quand bien même je leur dis de porter les capotes, je ne suis pas là quand ils vont faire les choses. C'est leur vie privée.
Etiez-vous à la rencontre des 200 imams sur la sensibilisation du virus du Sida ?
J'ai été invité mais j'ai refusé de participer, car nous n'avons pas les mêmes conceptions de la pandémie.
Quels sont les points de vue des 200 imams présents à cette rencontre ?
Les autres imams ont en tête que ce sont les Européens qui veulent nous imposer et qui veulent faire comprendre au monde entier que les musulmans ont accepté l'utilisation du préservatif et incitent même leurs fidèles à l'utiliser. Pour cette raison, ils n'ont pas voulu qu'on parle de préservatif au cours de la conférence. Ce n'est pas ma conception. Pour moi, si c'est le préservatif qui peut éviter la propagation de cette maladie, autant l'utiliser. Je ne vois pas pourquoi il faut lutter nécessairement contre cet aspect de la prévention. C'est ça la différence entre eux et moi.
Quelle sera votre réaction, si un malade du sida vient vous rendre visite?
Les méthodes de contamination sont déjà connues. La maladie ne se transmet pas par le vent, ni par le toucher. Donc, il n'y a pas lieu d'avoir peur des malades du Sida. Je les considère comme des parents et je m'occupe correctement d'eux. J'ai eu même à héberger et à nourrir beaucoup de malades du sida dans ma maison.
Que pensez-vous des gens qui rejettent les malades du Sida ?
Avant, les gens avaient peur de ceux qui ont le virus du Sida parce que les docteurs avaient mal expliqué la maladie aux populations. Ce qui a fait que les gens avaient peur de s'approcher des malades. Maintenant que les médecins ont corrigé le tir, les gens ont aussi changé de comportement. Dans la religion musulmane, ce n'est pas parce que tu es atteint du virus du Sida qu'on doit te délaisser. La religion exige que l'on s'occupe correctement des gens quand ils sont souffrants. Le Mali même c'est la solidarité.
Qu'est-ce qui attire sur vous la fronde des autres imams ?
Ma position sur l'adultère, la fornication et le préservatif m'ont causé toutes sortes d'ennuis au Mali. Il est vrai que l'Islam ne peut pas encourager l'utilisation du préservatif bien qu'il ait existé avant, en Iran par exemple. Mais actuellement, c'est l'un des moyens de prévention les plus sûrs. N'est-il pas interdit de tuer des innocents en n'utilisant pas un préservatif comme il est interdit de commettre l'adultère ? Quand je demande aux gens d'utiliser le préservatif, c'est pour éviter de faire des victimes innocentes.
Vous suggérez que l'on fasse le test de dépistage avant le mariage. Etes-vous prêt à vous y soumettre ?
Oui et sans problème. En 1999, j'ai épousé ma dernière femme qui est Ivoirienne. Nous avons ensemble fait le test et ce n'est qu'à l'issue des résultats que nous avons pu nous marier.
Avez-vous une raison particulière de vous engager autant dans la lutte contre le Sida ?
En tant qu'imam, j'ai des milliers de personnes qui me suivent et qui m'écoutent. Aussi, j'apporte ma modeste contribution à cette lutte. Cela peut sauver des personnes et atténuer les souffrances des plus malheureux. Cela, à mon avis vaut plus de bienfaits que la prière elle-même.
Quelles sont les actions concrètes que vous menez dans le cadre de cette lutte ?
Je fais régulièrement des prêches dans lesquels je conseille l'abstinence. Pour ceux qui ne le peuvent pas, qu'ils utilisent au moins un préservatif.
Qu'est-ce qui explique votre popularité actuelle ?
Mon secret, c'est la vérité. J'en ai fait le serment et j'en récolte les fruits aujourd'hui.
Etes-vous philosophe ?
Pas particulièrement. C'est ce que je dis peut-être qui fait penser que je le suis. Je n'ai en tout cas pas fait d'études dans ce sens.
Quelle est l'audience de votre association, Ançar Dine (Ndlr : ceux qui aident l'Islam) ?
Mon association est présente dans plusieurs pays : le Mali, le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, le Togo, le Sénégal, le Congo Brazzaville, le Bénin, la RDC, le Gabon, la France, les Etats-Unis et la Guinée.
Quels en sont les principes ?
Ils sont six (06), sous forme de serments : " Je n'associerai rien à Allah ", " Je ne volerai jamais ", " Je ne commettrai pas l'adultère ", " Je ne tuerai jamais mes enfants ", " Je ne forgerai jamais des pieds et des mains de la calomnie ", " Je ne désobéirai jamais au prophète en ce qui est convenable ". Toute personne qui désire y adhérer fait ces serments. Une fois qu'il a adhéré à l'Ançar Dine, il œuvre pour son rayonnement en enrôlant d'autres personnes.
Qu'attendez-vous des journalistes ?
Mon travail et celui des journalistes est presque similaire. C'est une mission d'information et de sensibilisation. Tout ce que vous pouvez faire pour moi, c'est de diffuser mes idées et de m'aider à informer les populations sur bien de sujets.
Comment voyez-vous l'avenir ?
Je suis optimiste parce que de plus en plus, l'instruction est mieux acceptée par les enfants et les jeunes.
Une Correspondance particulière depuis Bamako
4 femmes, 16 enfants et des millions de fidèles
Imam, pêcheur, guide religieux connu pour ses prises de position tranchées, Ousmane Madani Haïdara est très populaire au Mali et dans la sous-région. A Bamako, il loge au quartier Bankoni au sud de la ville. Mais il n'est pas du tout aisé d'arriver à sa maison, car les voies étroites et sinueuses de ce quartier non loti sont difficilement praticables surtout en véhicule. Sa résidence, un immeuble de deux niveaux qui contraste avec les maisons en Banco du voisinage est surplombé par une grande antenne parabolique. Comme pour dire que l'Imam est très branché ! L'entrée principale de la maison donne sur une vaste cour couverte de tôle et pouvant accueillir une centaine de personnes. Au fond, une mosquée n'attend que le rassemblement des fidèles ; la famille et les éventuels visiteurs. Il nourrit chaque jour 170 bouches. Agé de 49 ans, époux de quatre femmes, l'idole des jeunes hésite un peu lorsqu'on lui demande le nombre de ses enfants. Il aura fallu l'aide de sa troisième femme Fanta pour qu'on sache qu'il est père de seize enfants. Il est le seul à avoir fait le plein du stade Omnisports Modibo Keita, lors de la nuit du Mouloud (anniversaire de la naissance du prophète Mohamed PSL). Les fidèles étaient venus de partout, réunis à travers une Association dénommée " Ançar dine " (ceux qui aident l'Islam). Pour y adhérer, il faut prêter serment, jurant de reconnaître l'unicité de Dieu, de ne jamais commettre l'adultère, ne jamais tricher, ne jamais voler, ni tuer, et de suivre à la lettre les prescriptions du Prophète Mohamed PSL. Ançar dine est présente à travers seize pays d'Afrique de l'ouest, de la France et des Etats-Unis. Malgré sa modestie, le guide d'Ançar Dine reconnaît qu'il est riche parce que grand producteur agricole et propriétaire d'une agence de voyage spécialisée dans le transport des pèlerins à la Mecque.
