Article
Communauté musulmane en Côte d'Ivoire : du Challenge à la division
- Titre
- Communauté musulmane en Côte d'Ivoire : du Challenge à la division
- Type
- Article de presse
- Créateur
- Mamadou Dosso
- Editeur
-
Le Jour Plus
- Date
- 17 mars 2009
- DescriptionAI
- Le texte analyse les profondes divisions au sein de la communauté musulmane de Côte d'Ivoire, exacerbées par la prolifération d'associations islamiques qui, initialement créées pour relever des défis, privilégient désormais la lutte pour leur hégémonie. Ces conflits se manifestent par des désaccords sur l'organisation du Hadj, des divergences doctrinales, des clivages ethniques et des tentatives d'exclusion au sein des mosquées. L'auteur appelle à l'unité et à l'intégration de toutes les compétences pour surmonter ces obstacles et œuvrer au développement et au bien commun de la communauté.
- pages
- 9
- nombre de pages
- 1
- Langue
- Français
- Contributeur
-
Frédérick Madore
- Identifiant
- iwac-article-0010225
- contenu
-
AU NOM D'ALLAH, LE TRES MISERICORDIEUX, TOUT COMPATISSANT !
La floraison d'associations islamiques apparaît désormais à l'opinion nationale comme un signe de division de la communauté musulmane en Côte d'Ivoire. De nombreux indicateurs sociaux en donnent les preuves. L'un des remèdes contre ce malaise pourrait cependant être l'organisation forte des fidèles musulmans dans leurs mosquées.
Malheureusement, la communauté musulmane dans les mosquées connaît à présent ses maux : Il y existe des oppositions entre Imams, entre Imams et membres de structures de gestion, entre musulmans arabisants et francisants, entre musulmans ivoiriens et non ivoiriens, toutes, des oppositions créées et entretenues par ceux et celles qui voient en ce haut lieu de cultes, une occasion d'hégémonie associative et de promotion individuelle, et une opportunité d'affaires lucratives.
I- DE NOS CHIMERES AUX REALITES DU TERRAIN
*A partir des années quatre -vingts, constatant la fin de l'Etat providence, le traitement de complaisance des religions par les pouvoirs publics dont l'Islam était victime, l'inorganisation de l'éducation de sa jeunesse, l'inculture religieuse de la plupart de ses membres, sa quasi absence dans bien de domaines importants dont ceux de la santé, de l'information, de l'assistance sociale, la communauté musulmane en Côte d'Ivoire a multiplié le nombre d'associations. Celles-ci, au regard de leurs textes fondateurs, seraient toutes créées pour réhabiliter le musulman dans un contexte national multiconfessionnel. Quel challenge !
*Une trentaine d'années après, les associations musulmanes coexistent adversaires, sinon ennemies les unes des autres.
*Alors que chacune d'elles revendique la paternité des maigres acquis (la mosquée du plateau, l'officialisation du caractère des principaux événements islamiques et la radio Al Bayane), des millions d'enfants passent chaque année dans des établissements scolaires islamiques dont la plupart n'est école que de nom. Pourtant, 37,8% de la population ivoirienne se réclame de l'Islam.
*L'organisation du Hadj reste depuis 1994 l'année de sa cession à notre communauté, le plus grand commun diviseur des musulmans en Côte d'Ivoire. Les uns (musulmans), sont accusés par les autres (musulmans), de voleurs, d'imposteurs, de truands à travers prônes, prêches et sermons relayés par une presse d'opinion et de propagande aux ordres. « Si vous croyez en Allah et au jugement dernier disait le Prophète Muhammad (saw), tenez des propos décents ou taisez-vous ».
*On peut se poser des questions : organise-t-on le hadj au nom d'Allah et pour les musulmans ? L'organise-t-on pour avoir de l'argent et/ou de l'ascendance sur ses coreligionnaires ?
*Pendant qu'on s'entredéchire autour de l'organisation du Hadj, une partie des musulmans du pays refusent de célébrer les fêtes de Tabaski et de fin de Ramadan aux dates fixées par des structures musulmanes, au motif que celles-ci seraient inféodées aux pouvoirs publics.
*Ces divisions gênantes sont intervenues quand les musulmans de Côte d'Ivoire se divisaient et s'opposaient déjà dans la recherche de la nuit du destin, dans l'observation de la fin de la première décade du premier mois du calendrier lunaire(Achoura), dans la célébration de l'anniversaire de la naissance du Prophète Muhammad (saw)(Mawlid ou Domba), etc. Ce sont des divergences doctrinales.
II- LES MOSQUEES MINEES PAR DE NOUVELLES DIVISIONS ?
Nombreux sont celles et ceux qui voyaient en l'avènement des associations, la fin des divisions ci-dessus échantillonnées et des appellations de mosquées dites Koyaka, Odiénéka, Peulh, Yorouba, Haoussa, Wolof, etc.
*Bien que ce vocable soit désormais de moins en moins utilisé, le ver reste dans le fruit. On se regroupe encore dans de nombreuses mosquées et à maintes occasions parce qu'on vient du même groupe ethnique, hélas.
*Le choix de certains imams reste confié à leur communauté ethnique et culturelle.
*Comme si ces divergences socio culturelles n'étaient pas suffisamment paralysantes de l'évolution de la communauté musulmane, depuis quelques temps, un discours des plus divisionnistes estime que certains musulmans ne doivent jouer d'autres rôles à la mosquée après les offices quotidiens, que renflouer les caisses de celle-ci et pourvoir aux besoins matériels des Imams, c'est tout. Autrement dit, selon cette théorie exclusionniste, si ces musulmans non désirés voulaient gérer les hommes, ils pourraient le faire dans le cadre d'une carrière politique avec les bénédictions des Imams à qui il faudrait désormais laisser exclusivement la gestion des mosquées. Leurs péchés ? Ils sont retraités et ne partagent pas toujours l'avis de leur imam dans la gestion de la communauté musulmane.
*Pourtant, au constat, de nombreux cadres et travailleurs à modestes revenus, retraités de l'administration publique et du secteur privé sont aujourd'hui de grands Imams (suivez mon regard), des leaders d'associations islamiques, des manageurs. Ils sont devenus des modèles imités dans leur engagement désintéressé par plusieurs jeunes cadres et travailleurs anonymes. A-t-on le droit de faire penser à cette jeunesse (la relève) qu'elle ne sera plus la bienvenue une fois qu'elle sera admise à la retraite ?
*En tout état de cause, les divergences de point de vue dans la gestion de la communauté musulmane, à la mosquée, entre musulmans issus d'écoles occidentales et leurs coreligionnaires venant d'écoles orientales, ne devaient pas être perçues comme un manque d'égard à la fonction imamale, à la culture europhone ou arabophone.
*Pour exemples, dans un hadith rapporté à la fois par Bokhari et Mouslim, d'après Anas Ibn Malik, le khalife Omar, commandeur des croyants, a dit : « Mon opinion a concordé avec celle de mon seigneur Allah à trois reprises. »
1-« j'ai dit : O Messager d'Allah, si nous prenons la station d'Ibrahim comme un lieu de prière. Allah a révélé :(…Nous avons érigé en lieu de prière la station d'Ibrahim) ». Coran, sourate II, la vache, verset 125.
2-« j'ai dit : O Messager d'Allah, tes femmes voient te rendre visite les hommes pieux et les pervers, si tu leur recommandes de se voiler. Allah a révélé : (O Prophète, recommande à tes épouses, à tes filles et aux croyantes de rabattre leurs voiles sur le front. Cela permettra de les distinguer et les mettra à l'abri de démarches incorrectes. Allah est tout Pardon et toute mansuétude.) » Coran, sourate XXXIII, les coalisés, verset 59.
3-« J'ai dit aux épouses de l'Envoyé d'Allah prises de jalousie entre temps: si le Prophète vous répudiait, Allah lui donnerait en échange de meilleures épouses que vous ! Des épouses croyantes, fidèles, pieuses, repentantes, pratiquantes et ayant suivi le prophète dans l'exil, vierges ou non) ». Coran, sourate LXVI, l'interdiction, verset 5.
Dans une autre version, le même Anas Ibn Malik estime que le khalife Omar Ibn Khattâb (r.a) aurait ajouté une quatrième concordance :
4-« Alors que le Messager d'Allah (saw) recevait cette révélation : (Nous avons extrait l'homme de l'essence de la terre) coran XXIII, les croyants, verset 12, je m'écriai : Béni soit Allah, Le Meilleur des créateurs. La révélation se poursuivit jusqu'aux dires d'Allah : (Béni soit Allah, le plus merveilleux des créateurs). » Coran, sourate XXIII, les croyants, verset 14.
A l'instar de ces quatre concordances, le savant musulman Abou 'Abdoullah Chaybani dénombre seize(16) autres opinions d'Omar conformes à celles d'Allah. Ces exemples pour rappeler que le khalife Omar Ibn Khattab (r.a) n'était pas prophète. Il n'a, évidemment, donc reçu aucune révélation. En revanche, il a fait des suggestions pour l'évolution de l'Islam à celui dont il est demeuré compagnon fidèle, le Messager d'Allah Muhammad (saw). Non seulement ces suggestions dont la plupart ne retenait pas à priori l'adhésion du Prophète Muhammad (saw) ont été confirmées par Allah, mais Son Messager (saw) ne s'en n'est pas offusqué. Lui, la meilleure créature divine, celui dont les Imams héritent n'a regardé ni la date de conversion d'Omar, ni son niveau de culture, ni son origine ethnique pour négliger ses propositions corroborées par les dires divins.
*En plus, pour montrer qu'il n'était pas efficace de centraliser toutes les décisions et la totalité des pouvoirs sous sa seule volonté, conformément au verset 38 de la sourate XLII, la consultation, «…(Ceux)…qui délibèrent en commun sur leurs affaires… », Le Khalife Omar (r.a) a formé un conseil de consultation. Dans ce cadre, il disait aux autres membres du conseil que « l'opinion d'un seul homme est pareil à un fil très fin. Deux opinions sont comme deux fils que l'on a noués ensemble. Plusieurs opinions forment une corde solide. »
*La collaboration entre les membres des structures de gestion des mosquées et les Imams, leurs chefs religieux, doit se faire dans une discipline similaire. C'est à ce prix que la communauté musulmane va faire sa mue. Elle bénéficierait à cet effet, de toutes les compétences et honnêtetés; hommes de religion, professionnels d'éducation, de santé, de sécurité, de management, d'économie, de finances, la liste est longue et couvre tous les domaines de compétence dont la communauté pourrait avoir besoin pour résoudre ses problèmes. Avec ces hommes aux compétences diverses et avérées, la mosquée renouerait avec ses attributions d'antan : un lieu de cultes, mais aussi de rayonnement de toutes les activités de la communauté musulmane.
EN CONCLUSION
Créées dans le but de relever les défis de développement socio économique que lançait l'histoire de la Côte d'Ivoire à la communauté musulmane, les associations musulmanes ont préféré la lutte pour leur hégémonie à cet important enjeu. A cette fin, elles ont divisé la communauté musulmane. D'un côté, il y a ces musulmans dont la volonté a beaucoup plus d'attrait à poursuivre le bien sensible et présent, et de l'autre, ceux qui œuvrent pour le bien spirituel ou lointain dans l'intérêt commun de la communauté. Les premières raisonnent en prétextant soutenir le leader, alors qu'ils ne sont préoccupés réellement que par leur intérêt individuel. Les seconds, très souvent incompris, luttent pour la cause commune. On peut se vanter d'être membre fondateur de ces structures, mais on ne doit pas se donner le droit de sacrifier l'intérêt de toute une communauté sur l'autel de ses préoccupations personnelles ou associatives. « Et cramponnez-vous tous au câble d'Allah et ne soyez pas divisés.. » Sourate III, la famille d'Imran, verset 103. Membres fondateurs d'organisations islamiques, simples animateurs d'associations ou musulmans ne militant dans aucune structure, personne n'a le titre de propriété exclusif de la communauté musulmane. Celle-ci est notre bréviaire, le recours et le refuge de plusieurs générations de musulmans. Il faut se convaincre qu'on vient la servir et non s'en servir.
ASSALAM ALAYKOUM WARAMATOULAHI WABARAKATOUHOU !
El Hadj Mamadou DOSSO, Imam en charges de Recherches et de documentation au Centre d'Education et de Recherches Islamiques-C.E.D.R.IS.
imamdosso@yahoo.fr

