Article
Le président Soglo rencontre les responsables des cultes religieux : haro sur les démons de l'intolérance, de la division et de la violence
- Titre
- Le président Soglo rencontre les responsables des cultes religieux : haro sur les démons de l'intolérance, de la division et de la violence
- Créateur
- Alfred Ahounou
- Editeur
- La Nation
- Date
- 28 juillet 1993
- Résumé
- Mieux vaut prévenir que guérir! Tel pourrait être en substance l’enseignement principal à tirer de la grande rencontre qui s’est tenue hier malin dans la salle du Peuple du palais de la présidence et qui a réuni le chef de l’Etat, entouré de quelques uns de ses collaborateurs, le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique, les préfets de nos 6 départements, les responsables de nos forces de sécurité publique (gendarmerie, police) avec les dignitaires des différents cultes religieux de notre pays.
- Page(s)
- 3
- Sujet
- Catholiques
- Dialogue interreligieux
- Isidore de Souza
- Laïcité
- Nicéphore Soglo
- Paix
- Pluralisme religieux
- Religions endogènes
- Richard Kokou Adjaho
- Sossa Guèdèhounguè
- Violence
- Secte
- Détenteur des droits
- La Nation
- Langue
- Français
- Identifiant
- iwac-article-0003235
- contenu
-
Mieux vaut prévenir que guérir! Tel pourrait être en substance l’enseignement principal à tirer de la grande rencontre qui s’est tenue hier malin dans la salle du Peuple du palais de la présidence et qui a réuni le chef de l’Etat, entouré de quelques uns de ses collaborateurs, le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique, les préfets de nos 6 départements, les responsables de nos forces de sécurité publique (gendarmerie, police) avec les dignitaires des différents cultes religieux de notre pays.
En ouvrant la séance, le président Nicéphore Soglo a indiqué que le but de cette rencontre est de trouver les voies et moyens pour lever les incompréhensions et les équivoques qui ont surgi ces derniers temps entre différentes communautés religieuses et traditionnelles et qui ont abouti dans certains cas à des affrontements fratricides et meurtriers. Il s’agit dès lors de trouver des solutions pratiques pour juguler leur renouvellement et permettre ainsi à tous les citoyens de vivre dans la paix et l’harmonie, grâce au rôle d’arbitrage que l’Etat est appelé à jouer dans les rapports interconfessionnels.
Une multitude de signaux d’alarme
Prenant ensuite la parole, le ministre Richard Adjaho, dans un exposé clair et concis, a retracé les différents incidents enregistrés depuis le début de l’année sur le territoire national. Il s’agit notamment, indiquera le ministre de l’intérieur et de la Sécurité publique, des regrettables événements survenus en avril 1993 à Porto-Novo entre adeptes du culte Zangbéto et fidèles de la communauté musulmane et qui se sont soldés par des blessés et des pertes en vies humaines.
Il s’agit également du récent conflit qui a opposé adeptes du culte vodun et membres du clergé catholique à Covè et qui a conduit à la fermeture momentanée de l’Eglise de Covè.
Il s’agit enfin d’un dernier incident interconfessionnel qui a surgi à Tokpadomè.
Face à tous ces phénomènes nouveaux qui se développent dans notre pays, le ministre Adjaho a estimé qu’il faudra tout mettre en œuvre pour que ces incidents ne dégénèrent et n’aboutissent en fin de compte à des luttes entre différentes confessions, car elles sont difficilement maîtrisables et peuvent embraser l’ensemble du territoire national.
Les griefs formulés
La parole fut ensuite accordée aux différents notables religieux qui ont, tour à tour, déploré le manque de tolérance, le sectarisme, la négation des valeurs traditionnelles, la prolifération des sectes et autres confréries, de même que l’extrémisme religieux de certains fidèles.
Deux interventions capitales ont cependant dominé cette joute oratoire au sommet et jeté les bases d’un véritables rapprochement interconfessionnel. Il s’agit des interventions de Mgr Isidore de Souza et de M. Sossa Guèdèhounguè.
En effet pour le prélat catholique, la question du jour se révèle comme un problème «complexe», compliqué et sérieux» qui appelle d’autres rencontres. Cela requiert des valeurs morales et spirituelles telles que le respect mutuel, la tolérance, l’amour du prochain. Pour ce faire, tout individu doit consentir un effort pour se surpasser afin d’aller à la rencontre de l’autre. Il faut également faire preuve de patience, d’objectivité et de volonté.
Mais puisque nous sommes appelés à vivre ensemble, il faut que les uns et les autres se rendent à l’évidence que notre pays est désormais un Etat pluraliste au plan politique, économique, social, culturel et religieux, et toute référence au monolithisme doit être bannie. De plus, nous devons avoir une conscience plus claire de la tolérance dans tous nos rapports et nous astreindre dans nos différents sacerdoces à l’abnégation et à l’humilité pour chanter et magnifier la gloire de Dieu. Aussi Mgr de Souza a-t-il émis le vœu de nouvelles rencontres avec les autres dignitaires de culte pour aplanir les divergences.
Embouchant la trompette de son prédécesseur, le chef du culte vodun, Sossa Guèdèhounguè, tout en blâmant les railleries dont est victime sa religion, a émis le vœu ardent de l’organisation d’une grande rencontre nationale des dignitaires religieux pour des concertations plus approfondies et l'amorce d’un dialogue franc et constructif.
Préserver la paix publique
Au terme de ce riche et passionnant échange d'idées, le président Soglo s’est félicité de cette rencontre dont l’objectif est de retrouver une paix normale et durable sur la base des textes de notre Constitution et sur la nature de notre Etat qui est d’être laïc et neutre. C’est donc pourquoi il a exhorté tous les participants à la tolérance, à la solidarité, au respect mutuel et à la fraternité pour éloigner le spectre du chaos, de la violence, et de la désintégration qui mine certains Etats environnants.
Certes, ajoutera-t-il, «la réunion d’aujourd’hui est un début de dialogue qui permet de lever déjà quelques incompréhensions et quelques équivoques. Car après tout, chacun a le droit de pratiquer sa religion, mais cela dans le respect de l’autre.
C’est un signal que la providence nous envie par ces différents incidents et il faut dès lors que nous trouvions un mécanisme de dialogue pour régler ce genre de problème. Dans ce cadre, il s’agira de se retrouver périodiquement entre Etat laïc et responsables religieux pour établir un code de bonne conduite.
Pour ce faire, le MISAT prendra contact avec chaque groupe pour définir les modalités de cette réunion.
Si nous considérons que dans nos familles, il existe toutes les croyances et que cela n’empêche pas l’harmonie, pourquoi n’érigerions-nous pas ce principe au niveau de l’Etat? De nos jours, certaines religions sont monothéistes, d’autres ne le sont pas. Dès lors, la quête de fidèles se révèle comme une compétition qui doit être pacifique. Tous ces faits doivent être expliqués aux fidèles qui doivent se déterminer en toute liberté. C’est donc pourquoi, je formule le vœu que s’instaure rapidement ce mécanisme de dialogue qui devra se mettre en branle chaque fois que surgit un conflit afin d’éviter que la paix publique ne soit pas troublée et qu’il n’y ait pas atteinte à la vie, à la liberté et aux biens des paisibles citoyens, notre devoir étant de bâtir notre nation dans la paix, l’amour et le dialogue».