Article
Tchassama déclare la guerre à l'islam et à l'Église
- Titre
- Tchassama déclare la guerre à l'islam et à l'Église
- Type
- Article de presse
- Créateur
- Adjayo
- Editeur
-
La Lettre de Tchaoudjo
- Date
- 28 avril 1993
- pages
- 5
- nombre de pages
- 1
- Sujet
- Confédération Nationale des Travailleurs du Togo
- Catholiques
- Sokodé
-
Rassemblement du Peuple Togolais
- Haut Conseil de la République
- Langue
- Français
- Contributeur
-
Frédérick Madore
- Identifiant
- iwac-article-0008757
- contenu
-
TCHASSAMA DECLARE LA GUERRE
Guerre contre l'Islam
Dans les maisons, dans la rue, au marché, au champ, bref partout, on en parle encore et pourtant cela fait pratiquement deux semaines que l'histoire s'était passée. La question qui revient dans les conversations, c'est comment a-t-il pu oser faire ça, pourquoi l'a-t-il fait, qui lui a demandé de faire ça, qu'est-ce qui se passe dans sa tête, sait-il vraiment qu'il est à Sokodé, la capitale de l'Islam au Togo, etc.?
Ne vous fatiguez pas à chercher de qui il s'agit, car comme vous l'avez deviné, à Sokodé, il n'y a qu'un seul homme à pouvoir défrayer ainsi la chronique locale, c'est le Lieutenant (Capitaine) TCHASSAMA, modèle réduit de son Général de Président. L'histoire : à l'aube du jeudi 15 au vendredi 16 avril 1993, des fidèles d'Allah qui ont pris comme d'habitude les chemins des mosquées ont été surpris d'être cueillis par des éléments de la gendarmerie qui avaient auparavant pris position autour des mosquées dans la plupart des quartiers à Sokodé. Ainsi, au lieu des mosquées, vieux et jeunes fidèles se sont retrouvés dans des cachots à la gendarmerie. Raison de l'opération : couvre-feu.
Oui, le couvre-feu du Gouvernement illégal court, paraît-il, de 22 h à 6 h. Le problème, c'est que chez les musulmans, la journée commence dès 4 h 30 par le premier appel du Muezzin invitant les fidèles à quitter leur lit pour faire leur ablution et commencer à se diriger vers les mosquées en attendant le second appel de confirmation qui intervient à 5 h et qui annonce que la prière du "Soubouhi" (soleil levant) est imminente.
Il faut être musulman pour saisir l'importance de cette prière du soleil levant. Toujours est-il que de tout temps, il y a une sorte d'arrangement informel entre les fidèles et les représentants locaux du pouvoir central à propos de la durée des couvre-feux. Ainsi, durant les multiples couvre-feux imposés à la population, les musulmans à Sokodé avaient toujours pu continuer à répondre aux prescriptions de l'Islam en se rendant dans les mosquées dès 4 h 30. Il faut dire que le plus souvent, surtout dans le centre-ville, chaque quartier, voire même chaque maison, a sa mosquée, à tel point que pour la plupart des fidèles, il n'y a qu'à traverser une rue ou parcourir quelques mètres pour se rendre de sa maison à la mosquée.
Tchassama, qui semble s'ennuyer dans sa gendarmerie sans clôture, a trouvé moyen de rompre cet arrangement, embarquant des fidèles à l'entrée des mosquées et interdisant l'ouverture des mosquées à l'aube. Le plus ridicule dans tout ça, c'est que TCHASSAMA inscrit ces actes de provocation dans le cadre du fameux programme "réconciliation armée-nation". Drôle de réconciliation.
Guerre contre l'Église
Quant à la religion chrétienne, c'est sur fond de grève que Tchassama lui avait déclaré sa croisade contre les religions. L'histoire de cette croisade anti-chrétienne pourrait aussi s'intituler "chronique d'un départ annoncé". Au centre de cette chronique, il y a une dame connue et appréciée de tous à Sokodé pour ses qualités d'humanisme ; cette dame, c'est la Soeur Cathérine, de nationalité française et Directrice de l'Institut Technique Commercial (I.T.C.) Assomption de Sokodé. Catherine vient d'être contrainte de regagner prématurément sa France natale après une série de menaces et d'intimidations dirigées contre sa personne par la gendarmerie du Lieutenant-capitaine Tchassama.
Acte 1 : Au terme de la grève de 72 heures lancée par le C.S.I. du 2 au 4 novembre 1992 pour protester contre la prise en otage des membres du Haut Conseil de la République, la Soeur Catherine fut interpellée par la gendarmerie de Tchassama. Motif de cette interpellation : l'établissement que dirige la soeur était resté fermé durant les trois jours de grève ; pour notre cher lieutenant-capitaine, l'ITC aurait dû rouvrir ses portes après 48 h de grève conformément au mot d'ordre lancé par la CNTT (un syndicat du RPT) appelant à l'arrêt de la grève.
Acte 2 : 16 novembre 1992, premier jour de la grève générale illimitée ; une fois de plus, la Soeur Catherine se retrouve à la gendarmerie accompagnée de son censeur. La soeur s'est entendue dire ce jour-là, entre autres inepties, qu'elle ne doit pas se mêler des affaires togolaises. Comme si c'était la faute de la soeur, pratiquement tous les enseignants de son établissement ont choisi d'adhérer au CSI et non à la CNTT. La soeur a donc rappelé à Tchassama que son établissement n'a jamais fermé ses portes et qu'au contraire, ce sont les enseignants et les élèves, tous togolais, qui ont choisi de respecter le mot d'ordre de grève en restant chez eux.
Acte 3 : 13 février 1993 : le chef de l'État invite tous les Togolais à reprendre le travail sans délai et sans condition. "Chatéchaudé craint l'eau froide", dit-on souvent ; dès le lundi 15 février, la soeur directrice de l'ITC laisse grandement ouvertes les portes de son établissement, mais encore une fois, les élèves et les enseignants choisissent d'ignorer l'appel du Chef de l'État. Qu'à cela ne tienne, Tchassama, lui, connaît le responsable du "manque de respect" des élèves et enseignants de l'ITC à l'égard du chef de l'État, c'est encore et toujours la directrice de l'établissement. Celle-ci se retrouve donc, comme il fallait s'y attendre, à la gendarmerie et cette fois pour se voir signifier tout simplement un ordre de quitter le territoire dans les 48 heures.
Quand la nouvelle arrive en ville, personne n'y croit ; tout au plus on considère qu'il s'agit d'une plaisanterie de mauvais goût. De son côté, la Soeur Cathérine saisit la hiérarchie de l'Église qui prend les choses au sérieux et multiplie les interventions pour ramener notre lieutenant-capitaine à de meilleurs sentiments. Ce fut peine perdue, Tchassama persiste et signe, la Soeur Catherine doit quitter le Togo et elle l'a quitté depuis le 22 mars 1993.
En l'espace de quelques semaines, le lieutenant-capitaine Tchassama vient donc de déclarer coup sur coup la guerre à l'Islam et à l'Église. Il reste à savoir qui de Tchassama et des deux religions sortira vainqueur de cette confrontation, car nul ne doute que du côté des adeptes de Mahomet comme de celui des adeptes de Jésus-Christ, on n'a pas l'intention de se laisser casser les pieds par des avortons de gendarmes.
ADJAYO