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"Radicalismes islamiques" existe-t-il une international islamique ?
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- Titre
- "Radicalismes islamiques" existe-t-il une international islamique ?
- Editeur
- Sidwaya
- Date
- 1 octobre 1986
- Résumé
- Le processus de réislamisation, qui est à l'œuvre, depuis quelques années, dans le monde arabo-musulman succède à une période où les idéologies laïques étaient florissantes, et où il y avait aussi une franche volonté -surtout parmi les élites - de séculariser le concept de l'Etat musulman. Au milieu des années 70, la tendance s'était renversée pour culminer, en 1979, avec la révolution islamique en Iran, et l'effondrement - dans le même temps - de la société multicommunautaire libanaise. C'est à partir de ce moment-là que le monde entier a pris conscience, réellement, par des scènes spectaculaires dans les médias, du radicalisme musulman. Cependant ce n'est là que la partie émergée de l'iceberg. Car, dans l'histoire ancienne et contemporaine du monde musulman, ce courant activiste radical a toujours existé, et a même eu ses penseurs et ses théoriciens. C'est dire tout l'intérêt qu'il y a à étudier un tel phénomène aujourd'hui.
- Langue
- Français
- Contributeur
- Frédérick Madore
- Identifiant
- iwac-article-0003053
- contenu
-
Le processus de réislamisation, qui est à l'œuvre, depuis quelques années, dans le monde arabo-musulman succède à une période où les idéologies laïques étaient florissantes, et où il y avait aussi une franche volonté -surtout parmi les élites - de séculariser le concept de l'Etat musulman. Au milieu des années 70, la tendance s'était renversée pour culminer, en 1979, avec la révolution islamique en Iran, et l'effondrement - dans le même temps - de la société multicommunautaire libanaise. C'est à partir de ce moment-là que le monde entier a pris conscience, réellement, par des scènes spectaculaires dans les médias, du radicalisme musulman. Cependant ce n'est là que la partie émergée de l'iceberg. Car, dans l'histoire ancienne et contemporaine du monde musulman, ce courant activiste radical a toujours existé, et a même eu ses penseurs et ses théoriciens. C'est dire tout l'intérêt qu'il y a à étudier un tel phénomène aujourd'hui.
L'ouvrage. “Radicalismes islamiques", publié sous la direction d'Olivier Carré et Paul Dumont, tous deux spécialistes du monde musulman, s'efforce d'établir à travers une variété de cas, une “typologie descriptive des mouvements radicaux d'inspiration musulmane” (3). Pour ce faire, les auteurs ont tout de suite dans leurs études de cas - Iran, Liban, Turquie (tome I) - essaye de s'y retrouver dans le maquis des mots, pour cerner le plus près possible la réalité de ce phénomène “exprimé par concepts divers” : intégrisme, radicalisme chiite, mobilisation à symbolique religieuse, activisme sunnite, néo-fondamentalisme... Cela les amène à se poser cette incontournable question : y-a-t-il un “Islam politique mondial", autrement dit, une internationale islamique ? Olivier Carré répond prudemment oui, en précisant immédiatement que celle-ci n'a ni un centre, ni des branches, ni des agents de liaison... ni même les structures d'une organisation mondiale. Cependant, la littérature “intégriste” circule d'un bout à l'autre du monde musulman, créant ainsi des liens, voire des contacts avec d'autres milieux. L'auteur cite, dans ce contexte, deux penseurs islamiques : Sayyid Qutb, chef du mouvement des Frères musulmans (pendu par les services de Nasser en 1966) : Maudoudi (théoricien de l'islamisme indien puis pakistanais, mort en 1979).
La principale conclusion à tirer de cette étude, c'est que l'islam contemporain, à travers cette crispation, est à la recherche de points de repère, d'une identité qui est constamment mise à mal, par la laïcisation. “occidentalisation", la modernisation etc. Cela explique peut-être pourquoi, aujourd'hui, le radicalisme islamique “mobilise prioritairement les jeunes fortement occidentalisés”.
Dans ce livre, les auteurs se sont attachés, loin de tout sensationnalisme, à rationaliser les différentes expressions de l'islamisme dans Faire musulmane. Ils ont aussi réussi à dégager les points de convergence d'un tel phénomène, et à nous indiquer son véritable impact politico-religieux. -H.B.Y (MFI).
Je ne suis pas sûr que “L'islam en questions” soit le titre le plus rigoureux, le plus précis que les auteurs aient pu donner à leur livre (4). En fait. Luc Barbulesco et Philippe Cardinal ont interrogé vingt-quatre écrivains arabes du Proche-Orient, de la vallée du Nil et du Maghreb sur de grands sujets comme le mouvement islamique actuel, le nationalisme arabe, le marxisme, et les attitudes possibles de l'intellectuel ou du poète par rapport aux Etats et à leurs politiques. L'islam n'est donc qu'un des grands sujets traités.
Les auteurs ont eu l'ingénieuse idée de faire remplir à leurs différents interlocuteurs un questionnaire uniforme : mais, visiblement, les écrivains qui y répondent sont moins prolixes dans ces questionnaires qu'au cours des entretiens qui ont précédé.
Une chose apparaît en tout cas très clairement : la majorité des écrivains interrogés condamne rigoureusement l'utilisation de l'islam dans le domaine politique. Cette condamnation s'opère généralement soit à partir de l'idée nationale arabe, soit à partir d'une pensée “progressiste”, voire marxiste. Mais quelles que soient leurs orientations, ces intellectuels sont explicites : “Une religion utilisée comme une idéologie devient une idéologie comme une autre”, déclare le poète irakien Abdelwa-hab El Bayati, qui ajoute : “Le recul de l'idée nationale arabe devant la théorie islamique est quelque chose de très préoccupant, très inquiétant”.
En revanche, un petit nombre d'écrivains, parmi les personnalités interrogées, tentent de donner une signification politique positive à l'engagement islamique. Ainsi, l'universitaire algérien Mohammed Arknun, affirme : “la Jihad est la mobilisation d'une collectivité contre une menace ou une agression extérieure, qu'il s'agisse de la mobilisation de la Résistance française ou de celle du peuple algérien contre le colonialisme ou de celle des Afghans contre les Russes”. Et, quand on l'interroge sur le phénomène de retour à l'islam. Mohamed Arkoun répond : “Tout retour à une tradition culturelle est un acte positif”.
A signaler, la position tout à fait particulière, tout à fait originale, du célèbre écrivain algérien Kateb Yacine qui, au nom de la petite patrie originelle (celle qui existait avant les invasions arabes des VIIèmes et XIème siècles et au nom de la langue initiale (improprement appelée le berbère), s'insurge contre l'arabité, l'arabisme et l'arabo-islamisme, “ces mythes qui nous ont fait énormément de mal”.
Bien d'autres débats passionent les intellectuels arabes qui ont été interviewés. Celui qui concerne l'émigration est l'un des plus importants. Faut-il quitter son pays lorsqu'il est occupé, (cas de la Palestine aux yeux de ces écrivains arabes) ou lorsqu'il est soumis à une dictature obscurantiste, ou bien faut-il rester pour opposer à l'oppression la résistance de l'esprit ? Abdelwahab El Bayati, le poète irakien déjà cité, répond avec pessimisme : “Il n'y a plus que deux sortes d'intellectuels et de poètes : ceux qui se vendent au pouvoir et ceux qui sont partis”.
Quoi qu'il en soit, la majorité de ces écrivains a une vision très haute, idéaliste et presque romantique du rôle du poète ou de l'intellectue1. C'est celui qui sait “rester éveillé, témoin des injustices". Mais ils sont peu nombreux, ces vigiles de l'esprit, qui osent, face aux valeurs établies et aux Etats, crier une vérité. Le journaliste Emile Habibi, chrétien palestinien devenu par la force des choses citoyen israélien, cite un de ces confrères. Bilal El Hassan : "Ce qui nous est donné à lire émane toujours de cette toute peine minorité qui a effectivement quelque chose à dire ; elle affronte l'oppression, et elle sait trouver ses voies d'expression, faisant usage à la fois d'humilité d'intelligence et parfois de ruse. Cependant que la majorité adepte du “tout ou du rien” se fait parent de cette attitude glorieuse, de peur de laisser apparaître sa propre faillite ; ainsi, cette majorité d'intellectuels aura l'avantage de se poser en martyrs de l'oppression, et non pas en martyrs de la vacuité”. - F S.M (MFI).
(1) “Les guerriers d'Allah'', de Peter Scholl-Latour - collection “Documents”, Presses de la Cité - Paris (1986)
(2) “L'islam au Sénégal”, de Moriba Magassouba - Karthala - paris (1985) (3) “Radicalismes islamiques, sous la direction d'Olivier Carré et Paul Dumont - (Tome I) - l'Harmattan - Paris (1986)
(4) “L'islam en questions” de Luc Barbulesco et Philippe Cardinal - Grasset - Paris (1986).