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Pèlerinage à La Mecque (suite et fin)
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- Titre
- Pèlerinage à La Mecque (suite et fin)
- Créateur
- Hamado Ouangraoua
- Editeur
- Sidwaya
- Date
- 11 juillet 1991
- Résumé
- Dans les numéros 1803, 1804 ; 1806 vous avez pu lire le reportage de notre envoyé spécial à la Mecque en juin dernier. L'effort d'investissement réalisé par le pays hôte ; le déroulement de la manifestation ; les témoignages d'un religieux, d'un Burkinabè résident à La Mecque et celui de notre ambassadeur nous ont été rapportés dans ces éditions. Dans la présente parution, nous vous proposons les avis de deux délégués du comité d'organisation. Il s'agit du délégué général adjoint Hamado Ouédraogo et de celui de Pouitenga Boukari Bikienga. Le premier vous résume d'abord les conditions dans lesquelles nos pèlerins ont accompli leur rite cette année.
- Langue
- Français
- Contributeur
- Frédérick Madore
- Identifiant
- iwac-article-0003004
- contenu
-
Dans les numéros 1803, 1804 ; 1806 vous avez pu lire le reportage de notre envoyé spécial à la Mecque en juin dernier. L'effort d'investissement réalisé par le pays hôte ; le déroulement de la manifestation ; les témoignages d'un religieux, d'un Burkinabè résident à La Mecque et celui de notre ambassadeur nous ont été rapportés dans ces éditions. Dans la présente parution, nous vous proposons les avis de deux délégués du comité d'organisation. Il s'agit du délégué général adjoint Hamado Ouédraogo et de celui de Pouitenga Boukari Bikienga. Le premier vous résume d'abord les conditions dans lesquelles nos pèlerins ont accompli leur rite cette année.
Cette année, c'est plutôt le vieux Issa Kombissiri (Hama) fort de ses cinquante ans à La Mecque et surtout, de sa nationalité saoudienne qui a accueilli le gros lot.
Environ trois cents personnes casées dans deux immeubles contigus à un troisième abritant nos étudiants. Il a obtenu ses immeubles à 90 000 Rials et à perçu des loyers allant de 35 à 50 000 CFA avec nos pèlerins selon ce qu'il nous a révélé.
Mais suivons l'expérience de Abdoul Salam Tamagda au pays de l'or noir. (Ce pays extrait 8 millions de baril jour, consomme uniquement du super vendu à 10 rials les 18 litres soit 46 CFA le litre).
S. : Depuis quand résidez-vous en Arabe Saoudite ?
Abdoul Salam Tarnagda, ouvrier du bâtiment : Depuis sept ans je suis employé de bâtiment ici. Je vivaits en Côte-d'Ivoire où je faisais la promotion des cassettes des Burkinabè. Ici tout me paraît plus facile. Du côté de la réligion surtout. Au pays les musulmans sont divisés, régroupés en sectes (Sunnites, tidjania, etc). Ici à La Mecque on ne connaît pas tout cela. Personne ne vous demande pourquoi vous priez les bras croisés ou non. Cela signifie que ce n'est pas une obligation. Si vous le faites tant mieux ; sinon vous n'êtes pas en faute. Toutes les femmes citoyennes saoudiennes sont en tchador ; mais pas les étrangères. Et cela ne fait l'objet d'aucune discorde ou même d'observation désagréable. Les femmes prient toujours derrière les hommes exceptées les périodes de haj à cause de la présence massive des fidèles.
S. : Comment appréciez-vous le coût de la vie ici par rapport à celui du Burkina ?
A.S.T. : La vie est plus chère mais du point de vue alimentaire c'est plus facile ; même quand on a de la famille. Dans le mois on dépense en moyenne six à sept cents riais saoudiens pour se nourrir. La location d'un appartement de deux pièces reviennent à quatre ou cinq cent riais par mois. La plupart des compatriotes étant célibataires ils se regroupent à dix ou plus pour partager le loyer. Si tu n'as pas de carte de séjour tout se complique après le départ des pèlerins les autorités saoudiennes demandent aux étrangers de quitter le pays. Si on vous prend sans papier on vous expulse. Et il est difficile d'avoir la carte de séjour. Il vous faut trouver un employeur qui vous aide à obtenir le visa de sortie ; et à la rentrée au Royaume vous faites cette carte- Autrement on en trouve en vente à dix ou huit mille rials saoudiens (un million à 800 mille CFA). Si vous en acquérez par cette voie, vous êtes plus ou moins aux services de celui qui la concède. Celui-ci répond devant les autorités pour tout ce qui vous concerne. Le moment venu, tout le monde est prévenu ; tes raffles se succèdent mais quand deux avions décollent avec les expulsés aujourd'hui, demain c'est trois qui atterrissent Les responsables n'y peuvent rien parce que les gens reviennent avec des visas de Haj. Il est impensable qu'on puisse interdire l'accès des lieux saints à un musulman !
S. : Est-il facile d'obtenir un emploi dans ce pays ?
ATS : C'est plus difficile pour nous ressortissants d'Afrique noire. Les Turcs, tes Bengalais, les Pakistanais sont deux fois moins cher que nous. Donc ils ont la préférence des employeurs. Ceux-là acceptent un salaire mensuel de 400 à 700 rials alors que nous sommes payés 1 500 à 2 500. Nous travaillons surtout dans les chantiers de route et de bâtiment.
S. : Vos suggestions pour améliorer le séjour de nos pèlerins ?
AST : Cela fait quatre années consécutives que je participe à l'accueil et à l'encadrement de nos compatriotes en pèlerinage. Ils n'ont pas un pied à terre fixe. Les autorités leur désignent un hôte. Nous les accueillons à l'aéroport, les aidons à accomplir les formalités policières avec les délégués. Dès l'aéroport, ils payent les taxes d'aéroport, le transport Jeddah-La Mecque-Médine-La Mecque-Mina-Arafat-Muzdalifa-Mina-La Mecque-Mina-La Mecque-Jeddah. Tout est réglé sur place. Normalement il appartient aux délégués d'être, aux petits soins des pèlerins, ils doivent s'assurer de la qualité de leur hébergement, repérer les sites qui leur sont affectés et y conduire leurs compatriotes ; vérifier que tout y est eau, ventilation, électricité que les tentes sont bien fixées. Cette année c'est moi qui ai conduit nos femmes à Mina dans la nuit de mercredi afin qu'elles puissent préparer les repas du jeudi. A mon arrivée avec les deux cars il n'y avait même pas un drapeau pour nous situer. Mais heureusement, par expérience, je connaissais bien l'emplacement qui nous était réservé. A la suite d'une longue tractation, notre hôte à accepter de les laisser débarquer et de nous installer dans un compartiment du milieu du campement. Il faut que nos délégués arrivent ici avec beaucoup de drapeaux. C'est le repère idéal pour ceux qui s'égarent.
S. : Que font les délégués pendant que vous vous démenez ainsi ? ou bien vous êtes payé pour ?
A.S.T. : On ne peut pas dire que les délégués ne font rien. Mais, un étranger ignore toujours les mauvais passages sur son chemin. Donc c'est nous (les nationaux y résidant) qui guidons les cars des pèlerins et les délégués embarquent à bord d'une autre voiture et suivent. Il en est ainsi sur tous les parcours. Jusqu'à l'aéroport j'assiste les nôtres pour les formalités d'embarquement en leur servant tantôt d'interprète, tantôt d'intermédiaire pour faciliter l'enregistrement des bagages...
S. : Et le logement : qui s'en occupe ?
AST : Le plus rude c'est de trouver quelque chose qui soit coquet et à la portée de la bourse du Burkinabè. Par exemple, le bâtiment d'en face (immeuble à trois étages) a été loué à 530 000 rials saoudiens par les Iraniens. Ce qui revient à environ, 2 000 riais par tête. L'essentiel c'est de trouver un logement climatisé peu distant de la Mosquée ; non le grand confort dans la mesure où on n'est pas là pour dormir mais aux fins d'une mission exigente. Les habitations en bordure de l'aire de la Mosquée jalousées par les nôtres vous coûteraient le million ! Trop cher pour eux. Tout le monde veut y aller !
POINT DE VUE DE DEUX DELEGUES “ON PEUT MIEUX FAIRE”
A l'initiative et au dénouement d'un pèlerinage se trouve toujours un comité. Un national présidé par le ministère de l'Administration territoriale a, chaque année, la maîtrise stratégique de son organisation au Burkina. Il est de coutume que des délégués qui ont une bonne expérience du terrain soient du voyage pour servir de guide aux centaines d'étrangers en ces lieux saints.
Au fil des ans, la rumeur insiste sur un certain climat malsain aux dépens de la masse des pèlerins. Témoin de l'évènement cette année, Sidwaya peut confirmer de légères insuffisances. Mais loin de nous, l'intention d'expédier le bébé avec l'eau de bain. Tout ne court pas à la catastrophe. Au cours des entretiens que nous vous synthétisons dans cette édition vous en avez une idée.
Pour la plupart des pèlerins que nous avons approchés sur les lieux, l'essentiel pour eux est acquis à partir du moment où ils ont pu accomplir leur devoir. Le reste est secondaire, sans importance. Quelques rares témoignages nous ont laissé l'impression que la peur retient des langues vous avez vécu l'évènement avec nous. De retour il faut écrire, tout dire à la radio pour que tout le monde le sache. On souffre ici. Si je parle on va déduire que j'en veux à tel ou à la communauté. Vous me comprenez ?" Certes mais... "aide toi et Dieu t'aidera" enseigne un adage bien de chez nous. Ce pèlerin n'est pas seul. Il convient cependant de louer l'immense effort dont les hommes des différentes communautés font preuve pour conduire bon an mal an des centaines de Burkinabè dans une manifestation surtout marquée par la foi et le gigantisme. Jusque-là ils s'en tirent bien. Il ne faut pas les accabler de tous les maux mais les aider dans leurs engagements sincères. Du reste les deux délégués que nous avons rencontrés ne cachent pas les difficultés vécues cette année. N'est-ce pas déjà un bon pas pour mieux réussir l'année suivante ? Le délégué général adjoint Hamado Ouédraogo nous résume en introduction, les conditions dans lesquelles ils ont entamé leurs rites 91.
Vice délégué général, Hamado Ouédraogo. Parti de Ouagadougou dans la matinée du 30 mai, nous sommes arrivés en bonne santé à Jeddah. Nous avons dès l'aéroport rencontré un obstacle financier. Nous n'avons pu toucher notre chèque comme d'habitude à l'aéroport. Cela a duré six jours. Sur le plan santé tout s'est à peu près bien passé. On a noté des cas de petites affections, des cas de rhume. Cette année il n'a pas fait très chaud comme les années précédentes où on avait ou à 52 degrés à l'ombre. Donc les gens n'ont pas trop souffert.
A ce jour nous avons été informés de quelques cas de perte. Une Burkinabè a égaré son sac à main mais heureusement il n'y avait pas d'argent. Un de nos pèlerins a perdu plus de 200 mille CFA. Deux autres ont perdu leurs sacs. Une femme a perdu son argent dans une bousculade à Médine. Le transport sur tous les trajets du pèlerinage se paie cache à l'arrivée à Jeddah. Il a manqué de discipline à notre départ de Mina pour Arafat. Et nous n'avons eu de véhicule que vers midi. Au retour certains ont dû payer vingt rials pour regagner Muzdalifa. De Muzdalifa à Mina et de là à La Mecque, on a marché. A l'arrivée chacun a payé 444 riais à titre de taxes plus le transport avant de reprendre son passeport. Le tout devait revenir à 75 000 CFA environ dont 35 000 pour le transport en car climatisé et à 65 000 CFA en tout pour des cars non climatisés. On a craint de ne pas avoir des cars climatisés et on a opté pour les non climatisés à 65 000 CFA. A la Mecque on a payé 40 000 CFA pour le logement et 17 500 pour les neuf jours à Médine Nos compatriotes résidant à la Mecque assurent la restauration. On a ainsi la chance d'avoir des plats du pays à un coût moindre que celui des hôtels locaux. A Médine on n'a pas cette chance. Sidwaya : Aux séances de lapidation de sheitane il y a eu des blessés graves. Les nôtres ont-ils souffert ?
Hamado Ouédraogo : Le surlendemain de notre retour de Arafat, nous sommes allés à ce rite quand il faisait très chaud. Comme les Blancs supportent beaucoup moins le soleil que nous, ils n'y étaient pas en masse. Et les moins forts ont remis leurs cailloux aux plus valides.
Grâce à la présence des compatriotes il est facile d'avoir des maisons. Cette année nous n'avons pas beaucoup de pèlerins donc les deux bâtiments ont largement suffi. Mais par rapport aux autres pays d'Afrique Occidentale nous avons la plus forte délégation. C'est ce que la direction de l'aéroport a indiqué à notre ambassadeur. Tous les délégués ont fait plusieurs fois le voyage. Je suis à mon cinquième séjour. Parmi les délégués, il y a au moins huit qui ont une longue expérience du pélerinage. En tout nous sommes environ trente.
S.: Vos conseils aux futurs pèlerins ? H.O.: Il faut intensifier la sensibilisation par exemple sur les imprévus Tous ces faits dont nous n'avions pas connaissance en partant de Ouaga ne doivent pas être mis sur le dos des délégués. A Médine beaucoup ont estimé qu'ils ne voulaient pas dormir dans une maison. Notre responsabilité, étant engagée en cas de maladie nous étions contre. Ensuite, la police menaçait de les emmener. Ils n'est pas à l'honneur du pays que nos pèlerins dorment dehors ; sans sécurité.
A notre départ à Ouaga la police a confisqué tout ce qui était médicament, nourriture alors qu'ici, nous avons constaté que les autres avaient tout emmener avec eux ; excepté la cola. Ceux qui n'avaient pas leur ordonnance sur eux en ont souffert. Les autres ont emporté des fruits des produits pharmaceutiques etc.
Boukaré Bikienga, délégué de Pouytenga est à son cinquième voyage. Dans notre quête il a bien voulu se prêter à nos questions. D'abord comment les choses se passent-elles au Burkina ?
B.B.: Commerçant de pièces détachées de mon état, je reçois les pèlerins de Pouytenga. Je les inscrits, à Ouaga. Souvent je les accompagne ici. Mais cette année, ils m'ont dévancé et je les ai rejoints. La particularité du voyage de 91 réside dans le refus des colis alimentaires ou de pharmacie personnels. J'en- ai vu rejeté à Jeddah. Le retrait de la cola a énormément peiné nos pèlerins. A l'arrivée à Jeddah, nos pelerins déboursent à peu près 50.000 CFA pour reprendre leur passeport et 25.000 pour les frais de transport. Au total 75.000 tout au plus. A La Mecque ils paient parfois 50.000 CFA. Cette année on leur a demandé 25.000 CFA. Le sacrifice du mouton leur revient à 330 rials (83 CFA = 1 rial). Soit 27.000 CFA. A Médine ils acquittent un loyer de 150 à 200 rials (13 à 16 000 CFA). En résumé il faut disposer de 166.500 CFA pour ces obligations. Le reste c'est la nourriture, l'eau et les besoins extra qui finissent les porte-feuilles des pèlerins. Donc les 300.000 CFA suffisent.
Excepté les commerçants ou ceux qui ont une idée du change la majorité novice a la fausse impression que tout est bon marché à La Mecque. En compagnie des résidants arabophones quand ils leurs disent que la marchandise désirée vaut dix rials ils achètent sans se rendre compte que ce n'est pas l'équivalent de nos 50 CFA mais de 830 CFA. Au bout de quelques jours ils épuisent leurs économies et se plaignent "la vie coûte cher".
S.: Certains pèlerins burkinabè ont, dans un premier temps, refusé de payer un loyer à Médine : optant de vivre dans la rue, ce serait trop cher ?
B.B.: Tout le monde ne verse pas le même prix. Il y a un an où nous avons payé 50.000 CFA et ceux qui sont venus après nous, 30 à 20.000 CFA. Si un tel cas se produit et que ceux-là discutent avec ceux-ci, on a des frictions. A mon avis les 50.000 CFA ce n'est pas cher pour des appartements climatisés mais l'information, la sensibilisation ne suffit pas. Nos délégués accompagneurs devraient s'acquitter de cette tâche mais quand certains débarquent ici, ils "se cherchent" (sic) ; arguant qu'ils ne veulent pas s'exposer aux insultes et les gens sont laissés à eux-mêmes. Des pèlerins nous causent mal effectivement mais nous, délégués responsables, devons transcender cela ; être compréhensifs et rester à leur disposition. Cette année, nous avons souffert à Mina car on n'avait pas de drapeau pour nous repérer ; a notre arrivée on a constaté le matin que nos femmes qui nous ont devancé dans la nuit étaient encore sur la chaussée. Nous avons attendu longtemps avant de nous décider à nous loger sous un pont. Deux jours après, on nous a emmené un drapeau. Nos wc n'avaient pas d'eau. On s'alignait tous devant un seul robinet pour nos ablutions. Nous avons beaucoup souffert. Le courant se coupait régulièrement dans la matinée et il fallait se battre pour avoir la glace pour nos glacières. Comparé à ceux qu'ils sont au Burkina, les prix des plats que nos femmes nous préparent sont relativement élevés. Mais vus d'ici ce n'est pas cher. Pour un plat de 500 il faut faire le complément avec quelques gorgées d'eau.
S.: Aviez-vous des cars en permanence pour vous déplacer ?
B.B.: Nos cars ne venaient pas régulièrement. Ils étaient là tôt le jour où on se rendait à Mina. Nous n'avons pas eu de véhicule pour joindre Mina à Arafat. Quand un car d'un pays avance, on l'identifie grâce au drapeau collé à la vitre avant. Jusqu'à onze heures nous avons attendu. En vain. Donc on a de nouveau payé pour emprunter des cars pour Arafat. Au retour on a marché jusqu'à Mina. De Mina à la Mecque puis de la Mecque à Mina on a payé chacun 20 riais pour nous faire transporter.
S.: Où était celui qui devait vous transporter, à qui vous avez déjà payé cache dès l'arrivée à Jeddah ?
B.B.: Nous ne le connaissions pas ; nous les hommes de la troupe, A un moment je me suis inquiété que nous souffrions tant. On m'a expliqué que nous n'avons pas le même hôte qu'en 1990.
Hamadou Ouédraogo en boubou délégué général adjoint.
El Hadj Abdoul Cadre Bansé "Notre souci premier est d'être utile ici à notre pays non de faire fortune sur le dos des pèlerins".
Hamado OUANGRAOUA