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- Titre
- Interview
- Créateur
- S. Kanté
- Editeur
- Alif
- Date
- août 1994
- numéro
- 21
- Page(s)
- 9
- 10
- nombre de pages
- 2
- Est une partie de
- Alif #21
- Sujet
- Intégrisme
- Langue
- Français
- contenu
-
Depuis quelques temps, une jeune structure ne cesse de faire parler d'elle dans le milieu islamique, le CEREFI, (le centre de Recherche et de formation Islamique). Ce Centre s'est spécialisé dans l'édition et la commercialisation de la documentation islamique.
ALIF a voulu en savoir d'avantage et a rencontré son directeur le frère Soumouhoro Arouna qui dans une interview nous a parlé de tout et sans détour.
ALIF Voulez-vous vous présentez cher frère ?
-S.A : je suis Soumahoro Arouna, je suis militant musulman. Je suis juriste de formation et suis le premier responsable de cette structure qu'est le CEREFI.
Pour mon passé de militant j'ai été premier vice-président et secrétaire général du comité Exécutif de l'AEEMCI au cour du mandat 84-86.
*ALIF : parlez-nous maintenant de votre institution.
-S.A : L'institution que j'ai l'honneur de diriger est le CREFI (le Centre de recherche et de formation islamique : c'est une unité commerciale à caractère islamique régie par le numéro d'immatriculation au registre de Commerce n° 1493/93 du 02 mars 1993 auprès du greffe du tribunal d'Abidjan.
C'est une nouvelle forme de gestion de l'islam que nous voulons expérimenter.
Les structures traditionnelles que l'islam a connues en CI jusqu'à présent ne sont essentiellement que les associations et les communautés musulmanes.
Nous avons voulu aller au-delà et expérimenter un nouveau type de gestion : Créer une entreprise commerciale dont l'activité principale tourne autour de l'islam. En le faisant nous avons évidemment un certain nombre d'objectifs dont deux essentiels : Premièrement nous avons voulu en créant le CEREFI, combler un vide : l'absence au sein de notre communauté, malgré l'existence d'éminentes personnalités, de très bons théologiens de très bons militants musulmans, l'absence donc d'écrivain musulmans.
Un exemple tout simple : lorsqu'on se rend à la librairie ou devant les mosquées pour acquérir un ouvrage sur comment faire la prière, à part l'imam Tidianne Bâ on ne trouve pas d'ouvrage écrits par des Ivoiriens.
Et cela nous avons voulu au sein du CEREFI, encourager l'écriture
exhorter les frères à mettre leurs plumes au service de l'islam.
Deuxièmement nous avons voulu relever un défi, celui de l'indigence car lorsqu'on fait une analyse de la condition sociale des jeunes musulmans militants, nous nous rendons compte que la plupart de ceux qui luttent véritablement et qui ont des qualités reconnues sur le plan du militantisme, n'ont malheureusement pas d'emploi. Et c'est un handicap majeur, parce qu'à notre sens, des indigents ne peuvent lutter efficacement pour la promotion de l'islam.
Comment pouvons-nous former un couple modèle avec ces militants s'ils n'ont même pas de quoi manger ?
Comment voulez-vous que de jeunes militants luttent véritablement dans la voie de Dieu, si à leur retour de nuits de prières, de conférences etc. Ils se retrouvent malheureux, misérables face à leurs problèmes quotidiens ? Nous pensons qu'ici, toute la communauté devrait se sentir interpellée.
Nous avons donc voulu initier la création d'une unité commerciale, pour donner l'occasion à des jeunes militants comme nous de faire étalage de leurs talents et leur instruction intellectuelle au service de Dieu.
Donc d'aider l'islam et en même temps d'avoir des revenus substantiels pour pouvoir vivre décemment en se prenant totalement en charge. Déjà dans la seule commune d'Abidjan, sans parler de l'intérieur, grâce au système de distribution avec commissions mise en place par notre direction commerciale, au moins une cinquantaine de jeunes militants, ne regrettent pas leur collaboration avec le CEREFI.
ALIF : Tout ceci est très bien, mais cela ne pouvait-il pas se faire dans le cadre d'une association, pourquoi une entreprise ?
-S.A : C'est vrai, mais vous pensons que l'entreprise est pour nous la forme la plus juste. Une association par définition est une organisation à but non lucratif. Or nous voulons que ces jeunes puissent travailler vivre d'un emploi. Et puis au-delà de cela, il faut dire qu'en fait c'est un vieux rêve.
Au cours de notre parcours de militant nous avons été associé à l'installation en CI d'une fondation islamique. Nous avons côtoyé les fondateurs de cette fondation. Nous avons eu à nous inspirer de leur école. Au cours également de nos voyages à l'étranger nous avons pu rencontré certains leaders du monde musulman qui nous ont enseigné une vision plus dynamique, plus économique de l'islam. Jusqu'à présent, les militants en Afrique ne vivent pas l'islam comme une source de revenus économiques. Nous avons voulu tirer leçon de toutes ces expériences et présenter cette autre dimension de l'islam. Je vous dis en passant qu'aux USA les organisations islamiques là-bas organisent des conférences payantes. Ce n'est pas nouveau. Enfin la création du CEREFI répond aussi à des raisons personnelles.
Lorsqu'on crée une association, celle-ci étant la chose de tous les gens ne se sentent concernés ou impliqués qu'à un certain niveau et ne vont pas au-delà. Chacun est plus ou moins limité. Or ici au CEREFI nous savons que nous vivons de cela et que nos salaires et notre devenir dépendent de cela. Donc nous nous battons autant que nous pouvons pour réussir.
ALIF : Tout ceci est bien ambitieux, qui finance toutes ces activités.
-S.A : J'ai envie de rire (.... il devient grave).
Car en fait ce n'est pas la première fois que j'entends cette question. Cela est encore un autre défi pour nous.
Vous savez, tous les collaborateurs qui sont avec moi, nous sommes tous des universitaires. Notre critère de recrutement était d'abord la qualité des militants la qualité reconnue au niveau de la Communauté musulmane et ensuite la qualité intellectuelle. Le niveau minimum de recrutement chez vous est le niveau de licence. Nous avons en notre sein certains qui ont une formation de comptable d'autre ont une formation de psychologue, certains une formation de juriste etc.
C'est tout cela que nous mettons ensemble. Pour en venir à votre question, nous finançons nos activités comme tout entrepreneur, comme tout manager qui crée une entreprise. Nous nous battons, nous négocions avec nos partenaires (fournisseurs, banques...) les meilleures conditions de production pour sortir nos publications.
Donc il n'y personne derrière le CEREFI. Seul Dieu est derrière nous. Il faut profiter pour dénoncer ce mauvais réflexe que les militants ont quand il s'agit d'actes posés dans le cadre de l'islam, on voit toujours quelqu'un derrière.
Pourquoi lorsqu'on ouvre une bou-
tique, ou une librairie par exemple, on ne se demande pas qui est derrière.
Il n'y a que Dieu derrière nous pour nous aider à faire avancer notre institution inch'Allah.
ALIF : pourtant des rumeurs courent au sein de la communauté que vous êtes au C.S.I et que son président serait même le financier de votre entreprise ?
-S.A : je vous remercie pour cette question. Je voudrais dire que c'est malheureux. Je pense personnellement que c'est une insulte et c'est révoltant.
C'est révoltant de penser que je suis au CSI. Je pense qu'il faut éviter les préjugés. Mr Diaby Moustapha est président d'une structure qui se dit islamique, je pense que nous n'avons aucun rapport avec lui.
Pourquoi voulez-vous que le CEREFI aille s'inféoder. Nous sommes une entreprise, le CSI est une association. Je ne sais pas sur quelles bases les gens peuvent dire que nous sommes au C.S.I Et sur quelles bases ils peuvent dire que Diaby Moustapha finance le CEREFI.
Je pense que c'est de mauvaise guerre et c'est une honte, que de la penser.
Dieu nous interdit d'avoir des soupçons de douter de son frère musulman. Je mets au défi quiconque de prouver que nous sommes au CSI et sommes financés par son président.
J'ai pu rencontrer le président du CNI sans même qu'il ne me connaisse véritablement, est-ce pour cela je suis au CNI ?
J'ai eu à l'interviewer deux fois sans m'être présenté à lui par la multiplicité des activités que je mène je peux être emmené à être en contact avec un de ses différents leaders. Mais cela ne fait pas de moi un ses partisans. Il faut éviter de jeter l'anathème, l'opprobre sur les gens, d'avoir des préjugés et par voie de conséquence de décourager des initiatives.
La meilleure solution aurait été de nous rencontrer et de poser le problème comme vous le faites si bien. Mais nous voulons réaffirmer ici avec vigueur que nous ne sommes ni au CSI et nous n'approchons pas ni Mr Diaby Moustapha.
Nous avons nos activités, nous les développons comme nous pouvons. Nous nous battons pour les financer.
Il n'y a qu'à visiter nos bureaux. Si c'est Diaby avec sa pluie de millions qui nous finançait, vous vous seriez rendu compte par vous-mêmes. Nos installations ici sont modestes, nous les améliorons progressivement.
ALIF : De quel bord êtes-vous donc ?
-S.A : mon bord personnel ou celui de notre institution ?
ALIF : les deux !
-S.A : (rires...) Au niveau de notre structure je pense que je l'ai déjà dit et les choses sont claires.
Nous sommes une entreprise commerciale donc régie par le code de commerce. Nous ne pouvons donc juridiquement être de quelque bord que ce soit. Car juridiquement une entreprise ne peut s'affilier à une association. mais je voudrais préciser que tous mes collaborateurs au CEREFI sont individuellement militants d'associations ou de communautés musulmanes sous la coupe du CNI. Mais ça c'est de façon individuelle.
Nous agirons de toute façon, toujours aux côtés de ceux qui luttent de manière sincère pour la cause de l'islam. Au départ du pèlerinage par exemple, nous avons (le CEREFI) confectionné des "Guides pratiques du pèlerin" gracieusement offerts aux organisateurs officiels (CNOPM). C'est de cette façon que nous voulons travailler et rien d'autre. En tant qu'individu, j'ai été séduit lors de mon séjour en France par l'existence de personnalités indépendantes. Ce sont des gens qui refusent d'être dans des camps. Mais qui ne restent pas inactifs quand il s'agit de défendre des causes qu'ils jugent justes. C'est à ceux-là que je voudrais ressembler.
Au stade actuel, j'ai de la sympathie pour certains responsables du CNI pour leur dévouement et leurs qualités intellectuelles personnelles.
Je profite ici pour dire à beaucoup de militants qui l'ignorent que je peux me vanter d'avoir été l'un des premiers élèves de Hostage Aboubacar Fofana. Je suis fier de l'avoir eu comme maître. Je suis donc un pure produit du milieu militant que nous connaissons tous.
ALIF : Que vous inspirent les événements d'Abobo ?
-S.A. : C'est un sentiment de dégoût d'impuissance et de choc indescriptible. Mais je pense qu'après analyse, ce n'est pas du tout étonnant. Nos gouvernants, les gouvernants de ce pays ont toujours joué au chat et à la souris avec la communauté musul-
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mane ils ont toujours appliqué la politique de la souris qui consiste à mordre une fois et à souffler trois fois là-dedans et recommencer encore. Les musulmans aujourd'hui doivent en tirer leçon et faire une lecture plus responsable des événements, de leurs rapports avec ce pouvoir.
Les musulmans ont toujours vécu dans un schéma classique : agression - coups d'éclat - agression. Nous avons toujours été considérés comme de grands enfants. C'est lorsqu'on vous a tellement agressé, frustré et que la frustration est tellement criarde, les injustices tellement flagrantes qu'on fait un coup d'éclat et paradoxalement toute la communauté oublie.
Regardez la semaine qui a suivi le 7 décembre après le décès du président Félix Houphouët BOIGNY. Relisez la presse surtout la presse pro-gouvernementale. Vous verrez toutes les insanités qui ont été déversées sur les musulmans. Il fut un temps où à l'approche des mercredis (pour des conseils de ministre) chaque famille musulmane était hantée et pour cause.
Tel un frère, tel un ami, tel un cousin risquait fatalement de perdre son poste. Mais quand ils ont senti que les musulmans commençaient par en avoir marre, ils ont lancé l'opération "Mosquée du plateau" : le chef de l'Etat offrait une mosquée au plateau aux musulmans et tout de suite la communauté musulmane a oublié. Après avoir aidé à torpiller les organisateurs officiels (le CNOPM) du pèlerinage, ce sont vingt billets d'avion qui sont offerts à nos imams pour leur voyage à la Mecque, on a encore oublié que les événements d'Abobo sont survenus, on nous fait dire qu'il n'y aura plus de contrôle les vendredis.
Je crois que les musulmans doivent comprendre l'islam est la seule religion en CI qui évolue par ses propres moyens sans l'aide de qui que se soit.
Nous n'avons besoin de charité. Nous ne sommes pas des indigents. Mais à la vérité, nous n'avons qu'à nous en prendre à nous-mêmes. Il faut que aujourd'hui que nous abordions les problèmes de face et que les musulmans se montrent responsables.
J'ai été meurtri lorsqu'après l'agression des musulmans la violation de l'inviolabilité religieuse qui est une vieille tradition juridique que même les nazis au temps de Hitler ont toujours respecté même pendant la deuxième guerre mondiale.
les édifices religieux ont toujours servi de refuges aux opprimés. Dans la CI de H.B., celui-ci avait toujours respecté cette tradition. C'est pourquoi on a assisté à des marches politiques qui prenaient fin devant la cathédrale ST Paul du Plateau, ou encore qui recevaient des grévistes de la faim, sans que les forces de l'ordre puissent franchir le seuil de cette Cathédrale.
C'est tout simplement dégoûtant, il n'y a pas de mots pour le décrire.
J'invite les musulmans à méditer cet enseignement du Coran :
"Dans l'alternance des jours et des nuits, il y a des signes pour les hommes doués d'intelligence"
* ALIF : Quelle doit être d'après vous, la proposition du musulman par rapport à la politique ?
- S.A : là encore nous n'avons qu'à nous en prendre à nous-mêmes car après la proclamation du multi-partisme, il y a eu une théologie de l'erreur. Dans notre pays on nous a enseigné à nous que le militant ne doit pas faire de la politique. C'est une donnée erronée, mille fois erronée. Car si l'on lit très bien dans la vie du prophète (SWA) il était un homme politique, un homme religieux. est-ce qu'on peut dire qu'il y avait plus militant que lui ?
Lorsqu'une société est troublée, les religieux doivent se lever pour prendre les valeurs fondamentales et vertus humaines. C'est pourquoi nous avons vu les évêques diriger les conférences nationales à travers le continent. Avez-vous vu parmi ces présidents de conférence un seul Imam ?
La politique, c'est l'art de gouverner les hommes. les musulmans doivent donc pénétrer le milieu et l'assainir, le moraliser.
C'est vrai que tout le monde ne peut pas faire de la politique. Mais certains parmi nous doivent faire de la politique. Et puis tant qu'on y est il faut qu'on arrête l'hypocrisie, car ceux-là mêmes qui nous disent qu'on ne doit pas faire la politique sont ceux qui courent la nuit de cour en cour pour lire le Coran en entier pour des hommes politiques et souvent des mécréants alors qu'ils n'ont même pas encore lu une seule fois yassin pour la consolidation de la communauté musulmane. Je pense que selon les enseignements, le musulman doit faire de la politique et que la politique n'est l'exclusivité d'aucune religion d'aucun citoyen. Et puis au-delà même de la religion, nous sommes des citoyens de ce pays, nous devons aspirer à gouverner ce pays. Nous devons participer à la vu, au mouvement, et à la construction de ce pays. Si nous voulons participer au développement de ce pays pourquoi devrions-nous faire l'aspect politique.
On a tout simplement peur parce qu'on nous traitera d'intégristes. Mais entre nous c'est de bonne guerre, les musulmans seront toujours présents comme des intégristes. Car c'est le seul mot qui aujourd'hui suffit à leur faire peur, à les faire reculer. Les musulmans doivent prendre leurs responsabilités, réfléchir et se positionner par rapport au combat sous toutes ses formes : le combat politique, économique, sociale etc.
Car les musulmans qui aujourd'hui sont sur la scène politique n'ont jamais été des militants musulmans. ils ne parlent pas le même langage que nous.
Seuls les militants musulmans peuvent faire la politique dans le sens que nous voulons.
Que Dieu nous aide.
Fin Propos recueillis par KANTE. S.
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Alif #21
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