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Entretien avec le cheickh Ousmane Sountoun Badji
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- Titre
- Entretien avec le cheickh Ousmane Sountoun Badji
- Editeur
- Fraternité Hebdo
- Date
- 23 février 1973
- Page(s)
- 10
- nombre de pages
- 1
- Langue
- Français
- Contributeur
- Frédérick Madore
- Identifiant
- iwac-article-0007850
- contenu
-
Entretien avec le cheickh Ousmane Sountoun Badji
Un de nos collaborateurs a eu ré-
cemment l’occasion de s’entretenir
avec le cheikh Ousmane Badji, bien
connu des milieux religieux du monde.
Voici le texte de la déclaration écrite
que nous a communiquée le comité de
presse du cheikh.
Le Cheickh Ousmane Sountoun
Badji s’inscrit dans le courant œcu-
ménique qui porte les principales
religions en ce dernier quart du
20ème siècle. Apôtre du rapproche-
ment entre chrétiens et musulmans,
il a été reçu à deux reprises par le
pape Paul VI. En 1969 et en 1972.
Au cours de la dernière audience
que le Saint Père lui a accordée, le
Cheickh après avoir remis à Sa Sain-
teté une bannière, symbole du Ra-
meau et du Dattier, avait déclaré no-
tamment :
« Cette bannière témoigne de
l’originalité de ce que fut la race noi-
re sur le Mont Sinaï et de ce qui a
valu à Moïse son initiation par le
prêtre noir Getro et sa révélation
par les Dix Commandements.
C’est encore par cette même race
que nous pensons apporter l’élé-
ment nouveau et neutre de média-
tion qui n’a jamais contribué à l’ins-
tauration des barrières raciales et
autres conflits qui marquèrent l’his-
toire.
En Afrique, peut-être plus qu’ail-
leurs, l’œcuménisme consistant en
un rapprochement musulmans-
chrétiens s’impose parce que :
« Dans une même famille, explique
le Cheickh, on trouve souvent des
représentants des deux religions.
Il est courant de voir des chrétiens
assister aux fêtes musulmanes et
des fidèles de Mahomet célébrer
Noël en s’associant à la joie des
chrétiens. C’est là un exemple riche
de promesses que l’avenir confir-
mera si les masses prennent cons-
cience de l’origine de leur foi et im-
posent leur façon de voir à ceux qui
voudraient perpétuer une scission
que rien ne justifie. Le Cheickh va
même plus loin : « Je verrais volon-
tiers, dit-il, catholiques et musul-
mans se mettre d’accord entre eux
pour rédiger une nouvelle prière
que les fidèles de chaque religion
pourraient réciter en commun ou
séparément ».
Le Cheickh Badji est en vérité un
personnage extraordinaire. Il n’est
pas exclusivement un homme reli-
gieux. Il l’est avant tout et surtout
parce que la spiritualité n’est nulle
part si élevée, si parfaite que dans
la religion, mais les problèmes poli-
tiques de l’Afrique ne le laissent pas
indifférent. Le RDA est pour lui une
vieille connaissance. Ainsi, le 6 fé-
vrier dernier, date anniversaire du
Rassemblement Démocratique Afri-
cain, a-t-il fait la déclaration suivan-
te : (1)
« Quand l’homme africain faisait
appel à la solidarité de notre Race
pour sa liberté, je n’avais même pas
10 ans mais j’avais le concept de
l’Ombre et de la Lumière ». (Om-
bres et Lumières c’est le titre d’un
article écrit par Félix Houphouet-
Boigny dans les premières années
du Mouvement R.D.A.). Houphouet-
Boigny disait que l’Union Françai-
se devra être « égalitaire fraternelle
ou pas ».
Si aujourd’hui avec conviction,
Félix Houphouet-Boigny pouvait
être pour moi ce qu’il était pour
Gbon Coulibaly, les Hommes com-
prendraient qu’il y a plus de mérite
à faire la paix qu’à faire la guerre car
la détermination du R.D.A. dès le
début de sa lutte émancipatrice en
1947 s’explique par le fait qu’il était
écrit que l’Afrique devait être la terre
de réconciliation des peuples. Les
termes de la citation ci-dessus, in-
vitent la libération de l’Afrique.
Trois choses font l’Histoire Contem-
poraine. Dieu, La Lumière et la Li-
berté.
hebdo 23/2/73
Le cheickh Ousmane Badji (3 à partir de la gauche) et ses proches collaborateurs photographiés ici à Rome.
Tous les militants du R.D.A. doi-
vent se souvenir que sans la Souve-
raineté indépendante, sans les idéo-
logies contradictoires, sans les posi-
tions de gauche et de droite, le RDA
aurait abouti naturellement à l’Or-
ganisation de l’Unité Africaine (O.U.
A). Le concept de liberté du RDA
avait exclu toute appartenance à
une Race, à un pays, à une Religion
car l’Ivoirien pouvait être élu en Gui-
née, le Guinéen au Niger, le Séné-
galais en Côte d’Ivoire. Il y avait une
communauté d’esprit de représen-
tation : un seul peuple, une seule
Nation, un seul esprit, la liberté de
la Race Noire.
Cette Humanité d’escalades, d’ex-
ploitations, pour la liberté de ceux
qui sont opprimés. On oublie que
celui qui parle de Dialogue est celui qui
avait dit et assurait ce qu’il fallait et
à l’appel de qui l’Afrique tout entière
avait répondu.
Si l’indépendance peut, en nous
donnant des moyens matériels, per-
mettre de ne plus observer l’humi-
lité, de ne plus ressentir la liberté
des peuples, l’Amour et la Fraternité
qui caractérisent la Race Noire et
pour lesquels Dieu nous vengea
d’abord en 1944 en libérant la France
sur notre propre terre à Brazzaville,
il est à noter que ce n’est pas par la
violence qu’on préfère animer ceux
qui sont épris de liberté : on fête
bien les anniversaires de nos indé-
pendances, dans l’allégresse, nous
entourant du maximum de sé-
curité.
Il convient de respecter la neutra-
lité africaine, car elle n’est pas vio-
lente. Pour cette raison, la Fraternité
et la Paix que préconise le Président
Houphouet-Boigny sont le Bien,
le Vrai, la vérité sans le Beau et c’est
dans cet esprit là que je convie tous
les compagnons du R.D.A. qui ai-
ment la liberté (pas la liberté qui
consiste uniquement en une recher-
che du bien matériel) à s’unir à
la vérité de l’Amour, de la Fraternité
et de la Paix. On pensait que l’Afri-
que était libre ; elle ne l’est plus et
pour cela le R.D.A. doit revivre pour
l’Afrique car l’Asie même avec ses
idéologies souffre de ne pas con-
naître la Paix ; le Moyen-Orient est
dans le même cas. L’Europe est unie
pour la liberté, après avoir payé la
Rançon de la guerre.
Qui, condamnerait le Dialogue,
la Fraternité, l’Amour et la Paix, si
ce n’est l’insensé ? Si l’héritage du
R.D.A. n’est aujourd’hui que la hai-
ne, la discorde, le duel caché (avec
des tiraillements, des troubles et
des pertes d’énergie) alors le R.D.A.
n’est plus que l’ombre d’un peuple ;
il faut dissiper cette ombre et seule
l’action spirituelle peut dissiper cet-
te ombre car elle n’a ni frontière,
ni couleur et une telle action ne peut
que suivre la ligne d’Houphouet-
car Houphouet-Boigny n’est autre
qu’un Père spirituel quand il incarne
invisiblement et visiblement
l’Amour, la Fraternité et la Paix. Si
cet appel n’est pas entendu par ceux
qui avaient milité pour la liberté,
qu’ils sachent que le Créateur est
là, la nature nous donne tous les
jours la preuve de sa puissance par
les sécheresses, les inondations, les
intempéries, les catastrophes etc…
puisque au fond nous sommes des
faibles et qu’après l’acquisition de
tous nos espoirs égoïstes, nous fi-
nissons par périr comme une feuille.
Il était tellement transcendant /
donc il n’était pas à Sa recherche. /
Nous ne l’aurions pas découvert,
Il était tellement trascendant /
donc il n’était pas ordinaire. / Nous
ne l’aurions pas découvert, s’il n’é-
tait pas à Sa recherche. / Il disait :
Amour, Fraternité et Paix, parce que
que nous ne pouvions pas le décou-
vrir. C’est dans mes larmes, parce
que je chantais le début de mon
commencement / grâce à la Volon-
té qu’Il m’a permis de découvrir
celui qu’Il cherchait; / Car Il dit que
son sang est son sang, son bonheur
est mon bonheur / celui qui ne le
découvrira pas, Il le combattrait, et
Il aimera celui qui le découvrira, /
puisque DIEU seul SAIT.
Citations… « J’ai à 11 ans pris
l’engagement une fois converti à
la religion chrétienne de ne jamais
de ma vie faire verser une goutte
de sang humain. J’ai essayé depuis
ce moment là de haïr la haine, d’ai-
mer profondément, simplement et
de respecter mon prochain… c’est
cette vocation à la paix qui dicte no-
tre volonté, notre détermination de
recourir au Dialogue pour le règle-
ment de tous les différends aussi
bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du
Pays.
Serais-je d’ailleurs le seul que
rien, ni personne ne saurait taire ma
voix quand il s’agit, je le répète, du
devenir du continent africain notre
bien commun, devrais-je ajouter
que nul ne peut s’approprier le mo-
nopole de la dignité et de la fierté
de l’Afrique.
Ce qu’il convient d’établir s’est de
savoir si ce n’est pas un verbalisme
belliqueux dont on connaît les
conséquences désastreuses ou si
c’est par une action réfléchie menée
avec sérénité, réalisme et modestie
qu’on sert le mieux la dignité, la
fierté et l’intérêt bien compris de
notre continent. Il y a aussi ceux qui
croient affirmer la manie de prendre
immédiatement une position oppo-
sée, chaque fois qu’il m’arrive d’é-
mettre une idée, de formuler une
proposition, c’est humain.
La négociation peut intervenir
dans deux cas : entre vainqueurs et
vaincus; ces derniers subissant les
conditions préalables du vainqueur ;
entre partenaires égaux… ».
Pour l’Afrique qui était le R.D.A.,
la Paix, la Fraternité et l’Amour sont
l’héritage de ce qu’était cette lutte,
à la fois Dialogue et Non, pour la
continuité de la tranquillité de notre
continent.
« L’Afrique
fidèle à sa vocation, qui doit
à son tour se faire l’écho de la gran-
de voix qui passionnément plaide la
cause de la Paix, cette voix a été déjà
entendue et comprise, elle le sera
de plus en plus par tous les Africains
et tous les hommes de bonne vo-
lonté… ».
(Quelques extraits de la Confé-
rence de Presse du Président Hou-
phouet-Boigny sur les conditions
de la Paix).
En conclusion, le Cheickh devait
ajouter : « Si les modestes moyens,
l’autorité humaine dans ses qualités
d’Houphouet-Boigny avant la créa-
tion de ces luttes pour l’acquisition
de ces pouvoirs secondaires doi-
vent être la base de son désavoue-
ment, criez ces défauts conçus
par vous comme moyens d’égalité
parce que tout simplement le 20ème
siècle personnifie l’action de l’hom-
me plutôt que ses qualités naturel-
les. S’il existe une vérité, celle de
la nature que le vrai l’emporte.
Concernant plus précisément le
R.D.A., le Cheickh, dans le langage
inspiré qui est le sien, a dit :
« Dire et situer l’inquiétude au ni-
veau d’une seule idée authentique
qui est la foi en Dieu au sommet des
religions dont l’idéologie contrôle la
vérité du monde démontre que c’est
avec fermeté que le R.D.A. doit ac-
cepter ses critiques et son renou-
veau, pour une Afrique de Paix, de
Fraternité et d’Amour car sans la
politique et ses conséquences, elle
est, elle était, elle sera ».
(1) Le Cheickh a séjourné à Abi-
djan de décembre à début février. S’é-
tant rendu à Bangui (en R.C.A.) le 9 fé-
vrier, il devait regagner Abidjan
quelques jours plus tard.
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Fait partie de Entretien avec le cheickh Ousmane Sountoun Badji