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Amadou Hampaté Bâ : "le gardien du port"
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- Titre
- Amadou Hampaté Bâ : "le gardien du port"
- Créateur
- Ben Soumahoro
- Editeur
- Fraternité Hebdo
- Date
- 6 mai 1977
- Page(s)
- 13
- nombre de pages
- 1
- Langue
- Français
- Contributeur
- Frédérick Madore
- Identifiant
- iwac-article-0007840
- contenu
-
Histoire du RDA
Amadou Hampaté Ba poursuit ici son entretien avec le Dʳ Doudou Gueye, secrétaire général de la Fondation Houphouët-Boigny et notre confrère Ben Soumahoro, dans le cadre de la série télévisée Témoins de notre temps (voir Fraternité-HEBDO des 26 mars, 1ᵉʳ, 8, 15, 22 et 29 avril 1977).
Quand un Ivoirien vous connaît, il est prêt à sortir de sa maison pour vous y mettre, ce qui n’est pas courant chez tout le monde. Prenez Konan Bédié, il y a N’Diaye avec lui; prenez Yacé il a le fils de Konaté avec lui; pour Houphouët n’en parlons pas. Prenez n’importe qui, vous trouverez qu’il a un ami étranger. Quel est le médecin ivoirien, ici, qui n’a pas fait appel à un camarade pour lui confier son dispensaire? Donc il ne faut pas juger la Côte d’Ivoire sur sa mentalité vis-à-vis des étrangers; sa qualité réside dans l’amitié. Or pour nous, musulmans, la chose la plus forte c’est l’amitié, puisque nous disions entre le prophète Mohamed et Dieu, il n’y a que l’amitié; Mohamed n’est pas le fils de Dieu, mais il est l’ami de Dieu.
BEN SOUMAHORO
Je ne sais pas si je respecte l’ordre chronologique, mais je voudrais que nous parlions maintenant du problème de la Fédération du Mali, auquel vous avez été mêlé directement. Doudou Gueye nous en a dit quelques mots, mais ce n’était pas son objet, alors il y est passé assez rapidement…
AMADOU HAMPATÉ BA
La Fédération m’a obligé, malgré moi, à faire de la politique active pendant un moment. D’abord j’avais connu Doudou. Et il n’est pas très facile d’échapper à Doudou. Il y a des moments où Doudou fait de moi ce qu’il veut, mais oui. Parce qu’il peut m’entraîner à faire par exemple, des choses que je j’accepterais pas avec un autre. Est-ce par amitié ou par confiance? En tout cas il peut me faire faire certaines choses.
Donc quand j’ai vu son attachement à moi, et quand il m’a parlé de la Fédération, et d’une manière très positive, j’ai accepté d’aller à Dakar pour discuter l’enseignement de l’Histoire générale en Afrique. J’avais été délégué avec le doyen Membi Sidibé. Nous sommes partis, et après les discussions il fallait toujours rendre compte à Modibo. Alors c’était l’occasion pour moi de parler avec Modibo, de politique.
Et voilà comment ça s’est passé: un jour que j’étais venu pour rendre compte à Modibo de ce que nous avions décidé à la réunion, Modibo a dévoilé un secret d’État en ma présence, sans se méfier; il a fait une déclaration qui était vraiment un secret d’État, en ma présence. Et lorsque le colonel Soumaré et Tidjane Faganda qui était à l’époque ministre de l’Information, et puis son directeur de cabinet se sont retirés, j’ai dit à Modibo: «Mais, Président Modibo, je ne suis pas content, parce que, vous venez de m’engager». Puisque, en Afrique, si vous voulez engager un aîné, un doyen, un vieillard, dans votre parti, vous lui confiez vos secrets; alors il aura honte de ne pas vous protéger. Mais si vous ne lui dites rien, il est libre, il vous verra périr et il ne fera absolument rien; il dira: je ne suis pas concerné». Mais si vous lui confiez votre secret, ou si vous soumettez votre plan à un vieillard, la tradition l’oblige à veiller.
Je lui dis donc: «Ce que vous venez d’envisager, si vous le faites votre fédération va éclater».
J’en ai fait part à Doudou, et je lui ai répété: «Si jamais ils font ça, la Fédération va éclater. Doudou m’a dit: «Il y a beaucoup de choses qu’ils ne peuvent pas comprendre; mais étant Sénégalais, si je prenais certaines positions, on dirait que je suis en train de trahir le RDA; or, moi, je suis prêt à tout sauf à trahir l’idée du RDA; je peux ne pas être d’accord sur tel comportement ou sur telle façon de faire, mais l’idée de RDA est mon idée».
Alors, sur ce que Modibo m’a dit, j’ai vu qu’il allait vers la catastrophe. Et je lui ai dit: «Modibo. El Hadj Oumar a écrit à son fils Amadou, roi de Ségou une lettre, et il lui dit: “C’est au moment où on est au sommet du pouvoir qu’on se fraie la route pour la défaite”. Et aujourd’hui vous êtes chef de gouvernement de la fédération donc vous êtes au sommet du pouvoir. Frayez-vous la voie de la défaite? Alors il me dit: “Qu’est-ce que ça veut dire ?”
«Il faut trouver un port, parce que en 1915 j’étais vaguemestre auxiliaire avec l’adjudant Fadjala, à Kati. Il m’a été donné de voir dans le plan militaire, ce que le port de Dakar représente pour l’Occident et pour l’Amérique; c’est très grave, ça nous dépasse. Donc il ne faut pas jouer avec du feu. Or, si nous avons un différend avec le Sénégal, la première des choses qu’ils feront, sera de couper les rails et de boucler l’aéroport et le port. Et nous, qui sommes de l’intérieur du pays, si on nous interdit les rails, et le port comment allons-nous nous ravitailler ?»
Alors il me dit: «Mais, quel port veux-tu qu’on aie?»
Je dis: «Nous n’avons qu’un seul port, parce que pour la Guinée ça m’étonnerait que Sékou nous donne son port à moins que nous ne soyons annexés à lui; et même s’il nous le donnait, son port est trop petit, il n’est pas aménagé, et le chemin de fer de Guinée est vétuste et il s’arrête à Kankan; entre Kankan et Bamako il y a une route de quelque 250 km, qui passe sur des ponts en bois; il n’y a pas un seul pont entre Kankan et Bamako qui puisse supporter un camion de 5 tonnes bien chargé. Comment donc allons-nous nous ravitailler? Puisqu’il est exclu que nous allions vers le port de Conakry, nous n’avons qu’un seul port, c’est le port d’Abidjan».
Alors Modibo me dit: «Mais, tu sais, avec toute la campagne que nous menons contre Houphouët, avec tout ce que nous disons… pour lui ça sera l’occasion de nous étrangler! Je dis: «Mais rappelles-toi, Modibo, quand vous avez décidé d’attaquer Houphouët je vous ai envoyé quelqu’un pour vous demander si tous les Soudanais devaient attaquer Houphouët, et si moi aussi je devais attaquer Houphouët? Ce jour-là tu as eu la bonne idée de me dire que mon amitié pour Houphouët n’était pas une amitié politique, et que je pouvais continuer. Cette chose que tu as
(à suivre)
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