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À la suite des événements de la mosquée d'Abobo, M. Ouassénan Koné (ministre de l'Intérieur) : "Les musulmans ont provoqué les policiers"
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- Titre
- À la suite des événements de la mosquée d'Abobo, M. Ouassénan Koné (ministre de l'Intérieur) : "Les musulmans ont provoqué les policiers"
- Créateur
- César Etou
- Editeur
- La Voie
- Date
- 23 août 1994
- Résumé
- Le vendredi 10 juin 1994, les policiers de la CRS avaient gazé et matraqué les musulmans à la mosquée d'Abobo Banco II (CF la Voie n° 813 des 11 et 12 juin 94). Deux mois après cet événement, M. Ouassénan Koné, ministre de la Sécurité, a appelé hier à 10h, les journalistes à son cabinet pour lire, lui-même, le rapport de la Commission d'enquête qu'il a instituée et conclure en lieu et place des membres de celle-ci : "Ce sont les musulmans qui ont provoqué les policiers."
- Page(s)
- 1
- 3
- nombre de pages
- 2
- Langue
- Français
- Contributeur
- Frédérick Madore
- Identifiant
- iwac-article-0007655
- contenu
-
SÉCURITÉ
À LA SUITE DES ÉVÉNEMENTS DE LA MOSQUÉE D'ABOBO
M. OUASSÉNAN KONÉ (ministre de la l'Intérieur) : “Les musulmans ont provoqué les policiers"
Le vendredi 10 juin 1994, les policiers de la CRS avaient gazé et matraqué les musulmans à la mosquée d'Abobo Banco II (CF la Voie n° 813 des 11 et 12 juin 94).
Deux mois après cet événement, M. Ouassénan Koné, ministre de la Sécurité, a appelé hier à 10h, les journalistes à son cabinet pour lire, lui-même, le rapport de la Commission d'enquête qu'il a instituée et conclure en lieu et place des membres de celle-ci : "Ce sont les musulmans qui ont provoqué les policiers."
Pour faire la lumière, "sur les circonstances exactes" de l'intervention des policiers, à la mosquée d'Abobo Banco II, "situer les responsabilités et prendre les mesures qui s'imposent", les termes sont du ministre, une commission d'enquête a été mise sur pied par Ouassénan Koné lui-même.
À la fin des travaux de cette commission d'enquête, les membres qui y ont siégé ont signé les procès-verbaux. De ceux-ci, lus par le ministre, on retiendra que le vendredi 10 juin dernier, en se rendant à leur prière, les fidèles musulmans ont vu, stationné aux abords du "marché gouro", à 120 m de la mosquée d'Abobo Banco II, le véhicule de marque Toyota Starlet immatriculé D 48867 appartenant au ministère de la Sécurité et affecté au projet "Sécurité". Près du véhicule, se trouvaient un agent de police et un civil en service au projet sécurité. Ces agents ont été abordés par quatre fidèles qui leur ont demandé "d'aller faire le contrôle plus loin" parce que l'heure de la prière approchait. Les agents ont alors fait savoir aux quatre fidèles qu'ils (les agents), n'effectuaient pas de contrôle mais "qu'ils attendaient deux de leurs collègues qui se trouvaient au quartier "Derrière -Rails". Malgré leur promesse de se retirer, selon le rapport lu par Ouassénan Koné, dès le retour de leurs collègues, les deux agents ont été assaillis, séquestrés et hués par une foule de fidèles et de badauds qui les ont traités de voleurs.
"Se sentant menacés, continue le rapport de la commission d'enquête, ces agents ont appelé au secours au moyen de la radio de la police. Une fois sur le terrain, l'adjoint au Commissaire de police du 14ème arrondissement d'Abobo ne pourra faire revenir le calme, "accueilli", dit le rapport, par une foule de 200 personnes environ, essentiellement composée de jeunes de 15 à 25 ans, armés de cailloux et de bâtons".
"Face aux actes de vandalisme qui se perpétraient et dans l'impossibilité de contenir cette foule surexcitée, l'adjoint au commissaire du 14ème arrondissement a fait appel, par radio, à une équipe d'intervention de la Compagnie républicaine de Sécurité (CRS), afin de rétablir l'ordre", conclu le rapport lu par le ministre sur les circonstances de l'intervention des forces de l'ordre à la mosquée d'Abobo Banco II.
Les agents de police provoqués étaient-ils allés effectuer des contrôles de cartes de séjour aux abords ou à l'intérieur de la mosquée ? Les éléments de la CRS ont-ils profané la mosquée en y pénétrant, en y jetant des grenades lacrymogènes et en y exerçant des violences sur les fidèles ? Selon le rapport lu par le ministre Ouassénan, on ne peut raisonnablement dire que les agents étaient aux abords de la mosquée pour un contrôle de cartes de séjour dans le but de narguer ou de nuire aux fidèles?
Cependant, selon les témoignages recueillis, le rapport dit que tous les jours qui ont précédé ce vendredi 10 juin 94, les fidèles musulmans ont subi les tracasseries du contrôle de la carte de séjour. Il en va de même pour les trois vendredis qui ont précédé ce 10 juin 1994. Et au rapport lu par le ministre d'insinuer que "si les fidèles musulmans avaient fait preuve de compréhension et de patience, il ne se serait rien passé". Malheureusement, a continué le ministre, "ils (les musulmans) ont fait du zèle en prenant les agents en otage sous prétexte qu'ils voulaient que les chefs hiérarchiques viennent constater l'irrégularité de leur contrôle".
Pour le reste, selon le rapport, les policiers ont nié, soutenus par l'Imam adjoint de la mosquée de Banco II et un groupe de fidèles, d'avoir jeté des gaz lacrymogènes à l'intérieur ou aux abords de la mosquée. Thèse que contredit un autre groupe de musulmans qui a soutenu avoir vu les policiers accomplir le forfait.
Finalement, dans la conclusion tirée par le ministre Ouassénan Koné, on retiendra que :
- selon certains fidèles dont l'Imam adjoint et les policiers, il n'y a eu ni grenades lacrymogènes lancées à l'intérieur de la mosquée, ni de brutalité contre les fidèles musulmans.
- un fidèle, Koné Kalifa, soutient que M. Amadou Diakité (un des blessés) a ramassé une grenade et l'a rejetée dans le véhicule de service de la police, ce qu'Amadou Diakité attribue à un autre fidèle.
Par ailleurs, le procès verbal soutenant que "la prière s'est poursuivie normalement après ces événements". M. Ouassénan Koné a dit qu'il n'a pas le sentiment que les agents de la police aient jeté des grenades à l'intérieur de la mosquée et qu'ils y aient exercé des violences sur les fidèles. Mais alors, comment peut-on expliquer les blessures faites à la vieille Madjata Barro, au vieux Traoré Soumana (bras gauche fracturé) dont on ne retrouve du reste, pas de trace dans le rapport ? "Vous savez, a dit le ministre, lorsque les forces de l'ordre interviennent, ce n'est pas toujours qu'elles touchent aux citoyens blessés". En un mot, le ministre a soutenu que les musulmans se sont blessés eux-mêmes en cherchant à se sauver dans la panique et que les photos publiées par "la voie", étaient de vieilles photos de montage.
César Etou
DEMAIN, LES PROBLÈMES DE SÉCURITÉ
D'une commission à l'autre
Depuis le retour au multipartisme, la Côte d'Ivoire est à sa deuxième commission d'enquête.
La première a travaillé sous le règne de Feu le président Houphouët-Boigny et ses membres, son résultat et ses suggestions ont été tournés en bourrique dans les événements du 17 au 18 mai 91 à Yopougon.
M. Laurent Gbagbo et plusieurs démocrates indignés ont échappé à l'assassinat le 18 février 1992 pour avoir réclamé justice. Parce qu'auparavant, le ministre Bombet avait soutenu qu'il s'est agi d'une banale opération de maintien d'ordre.
La seconde commission, la "commission Ouassénan", vient d'enquêter sur les événements Abobo-Banco II. Malgré sa riche composition, le ministre Ouassénan a préféré lire le rapport de cette commission et tirer les conclusions qu'ils souhaitaient : "Les policiers ont été provoqués par les musulmans qui se sont blessés seuls dans la panique" "la Voie", a publié des photos montées de toutes pièces" Sans le vouloir, Ouassénan Koné rejoint Auguste Miremont en mai 1991, avant les résultats de la première commission d'enquête déjà évoquée : "Les étudiants se sont blessés seuls à Yopougon en sautant qui, du rez-de-chaussée (1), qui du premier étage", dans la panique provoquée par la "banale opération de maintien d'ordre" de Constant Bombet.
Que dire ? En attendant la réaction des musulmans, les premiers concernés dans cette affaire, surtout ceux de la mosquée Banco II, on peut affirmer que les commissions d'enquête ont le même sort en Côte d'Ivoire. Elles amusent la galerie et distraient ceux dont on a abusé. Car en affirmant que selon ses recherches, "la Voie", a publié de "fausses photos" le samedi 11 juin, le ministre Ouassénan s'est fait prendre en flagrant délit de mensonge et les journalistes ont compris le rôle de sa commission d'enquête.
C.E