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On n'est jamais grand en emprisonnant
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- Titre
- On n'est jamais grand en emprisonnant
- Créateur
- Souleymane T. Senn
- Editeur
- La Voie
- Date
- 22 décembre 1995
- Page(s)
- 6
- nombre de pages
- 1
- Langue
- Français
- Contributeur
- Frédérick Madore
- Identifiant
- iwac-article-0007639
- contenu
-
On n'est jamais grand en emprisonnant
Le président de la République, Henri Konan Bédié, a décidé de reprendre la chasse aux journalistes de la presse d'opposition. Depuis hier, Abou Drahamane Sangaré, notre directeur de publication, et Koré Emmanuel, notre collègue, sont écroués à la MACA (Maison d'arrêt et de correction d'Abidjan). Ils sont poursuivis pour délit d'offense au chef de l'Etat, le président Bédié. Avec eux, on compte le responsable de la restructuration du quotidien "Le Républicain ivoirien" et le rédacteur en chef dudit quotidien. Ce sont respectivement Ali Kéita et Ladji Sidibé. Les deux derniers auraient, dans un article que ni l'un ni l'autre ont écrit, diffamé M. Diaby Moustapha alias Koweit, l'accusant d'avoir distribué, au cours de sa campagne électorale pour les législatives, de faux billets de banque.
Si, pour les deux premiers, le pouvoir peut se donner de faux arguments de poursuite, il n'en va pas de même pour les seconds. La loi portant régime juridique de la presse, comme nous le soulignions hier dans nos colonnes, est claire. Et dans le cas d'espèce, seul l'auteur de l'article et le directeur de publication sont responsables devant la loi. Le premier étant le complice du second. Ni Ali Kéita ni Ladji Sidibé sont les auteurs de l'article incriminé. Ils ne sont non plus directeur de publication du "Républicain ivoirien". Sur la base de quelle loi alors seront-ils jugés pour ne pas dire condamnés ? Il s'agira, ici, de la sorcellerie juridique, comme c'est souvent le cas dans les procès commandités par le pouvoir contre la presse d'opposition.
Concernant le cas Sangaré et Koré Emmanuel, malgré le vernis juridique dont on veut le couvrir, il n'est pas non moins cocasse, et n'honore pas le président de la République, qui, depuis son intrusion frauduleuse, une nuit de décembre 93, dans le quotidien des Ivoiriens, ne cesse de montrer une frilosité maladive face aux articles de presse le brocardant. Combien de procès pour offense à sa personne ont été intentés depuis qu'il a hérité d'Houphouet-Boigny et maintenant qu'il s'est octroyé une fausse légitimité ? Les statistiques n'arrivent plus à se retrouver. Décidément, le président Bédié ne fait pas honneur à la fonction qu'il exerce. Pour peu qu'il se sente égratigné qu'il mène une guérilla inutilement déshonorante contre le ou les journalistes qui a ou ont osé souiller son blanc plumage. Actionne de la machine de la répression. Avec une redoutable célérité.
Un chef d'Etat incapable de s'élever, de prendre de la hauteur par rapport aux articles de presse, telle est l'image qu'offre Bédié avec ses incessants procès contre les journalistes d'opposition. Y aura-t-il quelqu'un dans les rangs du PDCI pour lui dire qu'on n'est jamais grand en emprisonnant pour un oui ou pour un non, mais plutôt qu'on se couvre tout simplement de ridicule en s'inscrivant tout le temps dans cette trajectoire? C'est vrai que le ridicule ne tue pas. Mais tout de même!
Souleymane T. Senn