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Les musulmans et le sucre présidentiel : l'aumône qui déshonore
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- Titre
- Les musulmans et le sucre présidentiel : l'aumône qui déshonore
- Editeur
- La Voie
- Date
- 7 mars 1994
- Page(s)
- 1
- 3
- nombre de pages
- 2
- Langue
- Français
- Contributeur
- Frédérick Madore
- Identifiant
- iwac-article-0007614
- contenu
-
Depuis quelques jours, une affaire de sucre défraie la chronique. Plus qu'un don ponctuel, c'est toute la problématique de cette aumône rituelle qui est en cause. Et cela doit faire réfléchir la communauté musulmane entière.
Il aura fallu que Hamed Bakayoko, journaliste, originaire de Séguéla, soit arrêté, jeté en prison à l'issue du procès qu'on sait ; pour que les dons de sucre à la communauté musulmane ivoirienne dans son ensemble prennent un tout autre caractère, défraient la chronique. Si le sucre était arrivé, livré, notamment à Séguéla, avant même l'incarcération, pour douze longs mois, du directeur de publication du "Patriote", poursuivi pour délit d'offense au chef de l'Etat, quelle aurait été l'attitude des populations de cette région du pays ? Pour sûr, ce sucre aurait déjà fondu dans les différents mets et pour manifester leur colère suite à l'arrestation de leur fils, les Worodougouka auraient eu recours à autre chose. Mais quoi ? Cependant, le hasard faisant parfois bien les choses, le sucre est arrivé juste après l'expédition de Hamed Bakayoko à la MACA. Le carême ayant débuté depuis belle lurette, soit le 12 février, sans qu'il n'y ait eu ce don présidentiel, le lien a été immédiatement fait, par nombre d'observateurs avertis, entre la lourde peine infligée au journaliste et ce cadeau visant visiblement à amadouer ses parents même si, par stratégie, le don a été étendu à l'ensemble des musulmans ivoiriens, dit-on.
Il est vrai qu'en période de jeûne, chacun a le loisir d'offrir un repas, du sucre, du lait, au frère musulman qui subit l'épreuve de mortification de son corps, pour une meilleure élévation de son esprit. Il est certes vrai aussi que Konan Bédié, président autoproclamé soutenu par la France, n'est pas l'initiateur de cette "générosité". Continuateur du pouvoir de celui qui en est l'inspirateur, il ne fait que suivre les traces de feu Félix Houphouët-Boigny. Cependant, les circonstances dans lesquelles les choses se sont déroulées à Séguéla montrent bien qu'il s'agit de cadeau très intéressé avec moult arrière-pensées.
En effet, il nous est revenu que pour livrer le sucre et le lait à Séguéla, Henri Konan Bédié a fait faire appel à de vieux chevaux dont il souhaite sans doute le retour, tel Ange François Barry-Battesty. Les populations qui avaient déjà vomi cet homme n'ont pas été dupes, et l'auraient, du reste, hué, puis ont exigé et obtenu qu'il ne prenne pas part au partage. Si ce n'était qu'un cadeau désintéressé, pourquoi choisir des hommes précis qui allaient opérer la distribution avec, à la clé, des propos laudatifs pour le "généreux" donateur ?
Comme partout ailleurs, les préfets et sous-préfets ont été étroitement associés au partage de cette manne "bédiéenne". Alors questions : s'agit-il d'un présent de l'Etat ivoirien à la communauté musulmane ? Dans ce cas, pourquoi ne pas l'exprimer ainsi clairement et honnêtement et dire combien coûte aux caisses du pays ce cadeau manifestement hors budget et préciser à la charge de qui est le transport de ce sucre et du lait ?
S'il s'agit, a contrario, d'un don strictement privé, pourquoi alors, si ce n'est par souci de perpétuer une pratique faite d'inculture dommageable pour le pays, associer à la distribution de ces présents des serviteurs de l'Etat que sont les administrateurs civils, le donateur fût-il Konan Bédié, et faire ainsi la propagande d'un seul individu avec l'appareil de l'Etat ?
On le voit, sous le prétexte d'être assistée pendant son difficile jeûne, la communauté musulmane est complice involontaire et inconsciente de sa vassalisation, de son infantilisation et de sa prise en otage par un pouvoir qui n'a pas pour premier souci son émancipation réelle. Il suffit, pour s'en convaincre, de remarquer que n'eût été l'intervention de M. Laurent Gbagbo pour réclamer des droits minimaux pour les musulmans, notamment l'ouverture d'une ambassade ivoirienne régulière en Arabie Saoudite, à ce jour, les pèlerinages à la Mecque auraient continué d'être de véritables calvaires. Dans la foulée, les musulmans ont eu droit à des fêtes impliquant, selon le cas, les jours fériés. Alors que pendant longtemps, Houphouët-Boigny faisait distribuer le sucre et le lait du carême… L'essentiel était occulté au profit du subsidiaire.
C'est le même jeu que continue le pouvoir actuel. A preuve, depuis quelque temps, les tenants actuels du pouvoir font la promotion, à travers des shows télévisés, d'un individu, El Hadj Diaby Koweit, Gambien d'origine, ex-gourou de "Tchoko Tchoco". Cet homme au passé douteux qui a la réputation d'être sans scrupule brasse du vent et des fortes sommes provenant on ne sait d'où, au grand dam des vrais musulmans qui n'ont, face à cette situation intolérable, que leur résignation comme seul réconfort.
Les musulmans de Côte d'Ivoire, il faut le dire, n'ont pas besoin d'aumône, ni d'assistance particulière pendant le jeûne. Comme d'autres populations de ce pays, ils sont confrontés à la baisse de leurs pouvoirs d'achat, au tarissement de leurs sources de revenus (café, cacao, coton ou transport). Tout comme leurs autres compatriotes, ils subissent le chômage, leurs enfants aussi… A eux comme aux autres Ivoiriens, ce qu'il faut, ce n'est pas le sucre qui arrive pendant le carême. C'est un proverbe chinois qui dit : "apprends à quelqu'un à pêcher au lieu de lui donner chaque fois du poisson parce que tu ne seras pas toujours là". Ce dont les musulmans ont besoin, ce sont les moyens de se prendre en charge entièrement et d'avoir de quoi vivre décemment. Ce qu'il leur faut, c'est une politique d'ensemble saine qui leur permette d'éviter de tomber dans le piège grotesque des dons de sucre trop intéressés qui font d'eux les admirateurs, malgré eux, d'individus qui ne visent à travers eux que leur seul ventre et qui sont bien heureux de les voir dans une situation d'éternels mendiants ou d'assistés perpétuels. L'aumône pour mieux avilir, déshonorer, ça suffit !
Freedom Neruda
CAMPAGNE À BOUAKÉ
Diaby Moustapha Koweit prêche dans le désert à Bouaké
M. Diaby Moustapha Koweit a séjourné à Bouaké, le 26 février dernier. Voulant demander aux musulmans de donner leur soutien à Konan Bédié, il s'est adressé à une assemblée presque absente.
Accompagné de nombreuses personnes, dont des journalistes occupant des suites au Ran-hôtel, M. Diaby Moustapha Koweit a séjourné, le 26 février dernier, à Bouaké. Afin de s'adresser aux musulmans de la ville, à la grande mosquée de Sokoura. Mais, tout comme à Séguéla, ce fut un long feu.
Annoncé pour 9 h, M. Diaby Moustapha Koweit ne se rendra à la grande mosquée qu'à 11 h. On attendait, avant de le faire venir, que le nombre de fidèles présents soit un peu plus important.
A 11 h, on attend toujours que les frères musulmans atteignent un nombre plus honorable pour commencer la cérémonie.
M. Womblégnon, le sous-préfet, et deux secrétaires généraux de sections du PDCI font patienter le président du Conseil supérieur islamique.
Finalement, les fidèles se faisant trop attendre, on décide de tout remettre et de prendre un nouveau rendez-vous pour le début de l'après-midi.
A 15h donc, fatigués d'attendre si longtemps, on se résigne à commencer, même si la mosquée est vide aux trois-quarts. "Les gens ne sont pas informés. Le Conseil supérieur des imams ne comprend pas le CIS de Diaby Koweit" se plaindra, plus tard, le secrétaire général de section du PDCI, un des rares fidèles présents sur les lieux.
"On a dit qu'il vient pour organiser une séance de prière à la mémoire du président Houphouët-Boigny. Et, Houphouët n'étant plus de ce monde, il veut également demander aux musulmans de soutenir Henri Konan Bédié. Houphouët n'était pas un fidèle musulman. Nous pouvons, tout au plus, présenter nos condoléances à sa famille. C'est tout. Quant au soutien à Konan Bédié, cela ne nous concerne pas", dira, pour tenter de justifier la défection massive, un autre musulman que nous avons approché.
Notons, cependant, que les personnes présentes dans la mosquée ont mis un point d'honneur à dire et à faire correctement ce qu'il fallait. Ainsi, il a été demandé, entre autres, à M. Diaby Moustapha Koweit de l'aide pour la finition et la ventilation de la mosquée.
Répondant à ses "frères", celui-ci fera des promesses et remettra aux uns et aux autres dix bœufs et une importante somme de 2.500.000 F. Avec la ferme promesse de revenir pour tenter de faire fléchir tous ceux qui lui résistent encore.
Au total, M. Diaby Moustapha Koweit sera parti de Bouaké bien déçu. "Les frères" de la capitale du Centre n'ont pas répondu à son appel.
De notre correspondant permanent
Paul D. Tayoro
Fait partie de Les musulmans et le sucre présidentiel : l'aumône qui déshonore