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Pour prévenir tout risque d'éclatement social : les imams appellent à un réexamen du code électoral
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- Titre
- Pour prévenir tout risque d'éclatement social : les imams appellent à un réexamen du code électoral
- Editeur
- La Voie
- Date
- 9 août 1995
- nombre de pages
- 2
- Sujet
- Idriss Koudouss Koné
- Mawlid
- Ivoirité
- Élection présidentielle ivoirienne de 1995
- Front populaire ivoirien
- Conseil National Islamique
- Conseil Supérieur des Imams, des Mosquées et des Affaires islamiques
- Aboubacar Fofana
- Langue
- Français
- Contributeur
- Frédérick Madore
- Identifiant
- iwac-article-0007529
- contenu
-
A l'occasion de la célébration de l'anniversaire de la naissance du prophète Mahomet, le Conseil supérieur des imans et le Conseil national islamique ont adressé un message à la nation Ivoirienne. Dans celui-ci, ils invitent clairement les gouvernants à "réexaminer les aspects contestés du code électoral".
Que les croyants se consultent entre eux à propos de leurs affaires
(Coran S 42; V. 38)
Mawild, fête anniversaire de la naissance du prophète Mohammad (SAW) est un jour important pour l'Islam et pour les musulmans. Cette occasion est particulièrement opportune pour nous, Conseil supérieur des Imams et Conseil national islamique, d'adresser notre fraternelle salutation à tous les Ivoiriens, quelles que soient leur confession religieuse et leur obédience politique. C'est aussi l'occasion pour prier, non seulement pour la Paix et la Prospérité dans notre pays, mais également pour notre continent et pour le monde. Si l'on devait résumer le sens de cette fête, les mots de Paix, Justice, Équité seraient les plus appropriés.
La paix, du point de vue de l'Islam est un concept global qui signifie beaucoup plus que «l'absence de conflits». Elle est une attitude dynamique qui traduit la volonté active de prévenir les incompréhensions, de les dénouer si, par malheur, elles venaient à s'installer. La Paix, hélas n'est pas une grâce immanente qui tombe sans effort des hommes. Elle est une quête permanente de tous. Jusqu'aujourd'hui, la Côte d'Ivoire a su préserver l'essentiel, éviter les fractures irréversibles. Cela a permis à notre pays de franchir des étapes vers un bonheur relatif, de réduire la part d'incertitudes qui, ailleurs, ont déstabilisé des nations pourtant fortes en apparence.
La tâche primordiale qui incombe donc à chacun de nous est de réunir les conditions requises pour minimiser les conflits, voire les supprimer lorsque les intérêts antagonistes les font germer. Il n'y a pas de fatalité dans l'avènement des désastres. L'Islam, religion non fataliste, enseigne que deux voies nous sont offertes: L'une mène vers la paix, l'autre vers l'affrontement. Le moyen le plus sûr pour échapper aux pièges de la désagrégation est la concertation, en vue de réaliser un consensus minimum.
Dans cette perspective, la responsabilité de l'Etat et des gouvernants est essentielle. Mais elle n'annule pas celle de toute la sphère politique, pour sauvegarder la Nation. Le COSIM et le CNI n'ont pas vocation à prendre parti. Mais, ils ont l'obligation d'appeler l'attention de tous sur la nécessité de se parler, de rappeler à chacun son devoir moral, d'éviter à la Nation les tourments qui naissent toujours des actes d'exclusion, de l'instauration de fait d'une citoyenneté inégale. A ce propos, le COSIM et le CNI réaffirment ce principe évident: tous les Ivoiriens ont les mêmes droits et les mêmes devoirs. Attentifs à tout ce qui touche l'équilibre de la Nation, le COSIM et le CNI suivent avec beaucoup d'intérêt, mais à leur façon, les débats actuels qui engagent l'avenir du pays. Aujourd'hui, ils perçoivent l'inquiétude d'une importante frange de la population depuis le vote et la promulgation de la loi portant code électoral. Le moins qu'on puisse dire et qui exprime la réalité, c'est que cette loi, en quelque mois, a divisé une Nation qui se construisait patiemment. Le tissu social est mis à mal dans ses proportions inquiétantes. Cette frange, qui se sent exclue, a besoin d'être rassurée quant à la promesse de construire et pérenniser, ensemble cette «Patrie de la vraie Fraternité», de garder ses chances et son espérance intactes.
Le COSIM et le CNI interpellent les acteurs de la vie politique et leur disent: il n'y a pas de politique qui vaille en dehors des réalités. La sagesse et le pragmatisme invitent à rechercher le consensus et donc réexaminer, dès que possible, les aspects contestés du code électoral.
Le COSIM et le CNI pensent que la justice n'est certainement pas la satisfaction de tous les désirs; mais elle est encore moins la marginalisation volontaire ou non, de ceux qu'on croit (à tort), sans moyens et sans capacité de réaction.
L'Islam enseigne d'autre part qu'un Etat, s'il peut prospérer, même dans l'infidélité, il ne le peut dans l'injustice. La notion de justice transcende par conséquent tout. Elle est la seule digue contre la violence et les incompréhensions. Et pour le pays, la justice et déquité sont les seuls remèdes pour libérer les énergies positives, éviter la dévitalisation du tissu social. La justice est le moyen de maintenir l'élan vers un développement auquel chaque citoyen s'associe avec responsabilité.
Pour avoir intégré les visions de paix, d'hospitalité et de solidarité, notre pays a su devenir, malgré les aléas, un important carrefour de civilisations. Il recèle en lui les moyens de le demeurer. Pour peu que s'affirme la volonté de prendre en compte les aspirations capitales quand celles-ci valorisent l'intérêt général.
Du point de vue du COSIM et du CNI, aucune querelle susceptible d'opposer les enfants de ce pays n'est irréductible. Qu'il s'agisse de l'Ecole, du Code électoral, de l'égalité des chances etc, la patience et d'humilité, qui sont les bases du dialogue, peuvent engendrer des résultats spectaculaires. A-t-on suffisamment usé de la concertation en vue d'aplanir les différends? A notre humble avis, pas assez. Est-il trop tard pour le faire ? Nous pensons qu'il est encore possible de renouer le dialogue.
Les temps qui approchent sont porteurs de risques si les bonnes volontés, prises dans une logique partisane, renoncent à jouer leur rôle de conciliation, laissant ainsi le champ libre aux thèses extrémistes. Le Coran nous met en garde : «Craignez une épreuve qui n'atteindra pas spécialement ceux d'entre vous qui sont injustes, sachez que Dieu est terrible dans son châtiment» (S.8 V.25)
Déjà, certaines composantes de la Nation sont mises à l'index par les spécialistes de la surchauffe verbale, les experts en tension sociale dont nul ne peut dire s'ils sont mandatés pour parler et/ou écrire.
Que chaque croyant s'en remette à Dieu, mais avant de la faire que tous les croyants fassent ce qui dépend d'eux, en faveur de la Paix pour que se dégage la voie lumineuse vers notre destin commun.
«Dieu ne change rien à l'état d'un peuple sans que ce peuple n'entreprenne de transformer ce qui est en son for intérieur» (Coran S. 13. V. 11).
Le COSIM et le CNI invitent tous nos compatriotes à la réflexion. Ils savent qu'en dépit de divergences réelles, nul ne mesurera son soutien, nul n'économisera son énergie et son temps pour préserver la Côte d'Ivoire. Ils invitent enfin les croyants à la prière et à la méditation, pour que notre pays continue de mériter la grâce et la prodigalité divines.
Assalam Aleikum
Pour le COSIM
Le porte-parole: El Hadj Aboubacar Fofana
Pour le CNI
Le président El Hadj Koné Idriss Koudouss
Fait partie de Pour prévenir tout risque d'éclatement social : les imams appellent à un réexamen du code électoral