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L'Islam chez nous d'hier à aujourd'hui : un spécialiste en parle
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- Titre
- L'Islam chez nous d'hier à aujourd'hui : un spécialiste en parle
- Créateur
- Sanon K. Rigobert
- Editeur
- L'Observateur Paalga
- Date
- 23 mars 1993
- Résumé
-
L'an 609 de notre ère, l'ange Gabriel apparaissait pour la première fois à Mahomed, le prophète de la religion musulmane. Depuis et pendant 23 ans le Coran lui fut régulièrement révélé. Chaque année à l'approche du Ramadan, les musulmans célèbrent la NUIT DU DESTIN connue populairement chez nous sous le vocable de nuit des galettes.
En cette nuit, en rappel de la révélation coranique et du jeûne, les musulmans procèdent à la prière et à l'aumône (la Zakat). Samedi dernier, cette nuit fut une nuit faste pour les enfants de la rue. Elle le fut également pour les garibous des diverses écoles coraniques.
L'Islam est une des religions révélée pratique au Burkina.
Dans l'Empire mossi, c'est le Moro-Naba Dulgu qui introduisit officiellement l'Islam dans la cour royale des Mossé. C'est une religion à propos de laquelle nombre d'histonographes et d'ethnographes s'accordent pour insister sur son progrès rapide en Afrique, comparativement aux autres religions. Certains mêmes ont pu dire que la colonisation de l'Afrique, si les Européens avaient pris du retard, se serait faite par l'Islam.
Au Burkina Faso, les musulmans avoisinent les 40% de la population. Comme l'Islam s'est-il implanté au Burkina? Quelles sont les confréries en présence? Le jeûne a-t-il une incidence socio-économique? A ces questions et bien d'autres, Kouanda Assimi répond.
Il est maître assistant à la Faculté des lettres et sciences humaines de l'université de Ouagadougou, historien islamologue, membre du Comité scientifique de “l'Islam et société au sud du Sahara” et auteur de plusieurs écrits sur l'Islam. - Sujet
- Assimi Kouanda
- Communauté Musulmane du Burkina Faso
- Mouvement Sunnite du Burkina Faso
- Secte
- Nuit du Destin
- Langue
- Français
- Contributeur
- Frédérick Madore
- Identifiant
- iwac-article-0002680
- contenu
-
L'an 609 de notre ère, l'ange Gabriel apparaissait pour la première fois à Mahomed, le prophète de la religion musulmane. Depuis et pendant 23 ans le Coran lui fut régulièrement révélé. Chaque année à l'approche du Ramadan, les musulmans célèbrent la NUIT DU DESTIN connue populairement chez nous sous le vocable de nuit des galettes.
En cette nuit, en rappel de la révélation coranique et du jeûne, les musulmans procèdent à la prière et à l'aumône (la Zakat). Samedi dernier, cette nuit fut une nuit faste pour les enfants de la rue. Elle le fut également pour les garibous des diverses écoles coraniques.
L'Islam est une des religions révélée pratique au Burkina.
Dans l'Empire mossi, c'est le Moro-Naba Dulgu qui introduisit officiellement l'Islam dans la cour royale des Mossé. C'est une religion à propos de laquelle nombre d'histonographes et d'ethnographes s'accordent pour insister sur son progrès rapide en Afrique, comparativement aux autres religions. Certains mêmes ont pu dire que la colonisation de l'Afrique, si les Européens avaient pris du retard, se serait faite par l'Islam.
Au Burkina Faso, les musulmans avoisinent les 40% de la population. Comme l'Islam s'est-il implanté au Burkina? Quelles sont les confréries en présence? Le jeûne a-t-il une incidence socio-économique? A ces questions et bien d'autres, Kouanda Assimi répond.
Il est maître assistant à la Faculté des lettres et sciences humaines de l'université de Ouagadougou, historien islamologue, membre du Comité scientifique de “l'Islam et société au sud du Sahara” et auteur de plusieurs écrits sur l'Islam.
Interview par Sanon K. Rigobert.
Monsieur Kouanda, l'Islam est une des religions révélées du Burkina. A quand remontent les origines de cette religion dans notre pays, et comment s'est faite son implantation?
La question de l'origine de l'Islam au Burkina a été étudiée par un certain nombre de chercheurs, et la plupart s'accordent pour dire que l'Islam s'est implanté au Burkina actuel entre le XVe et le XVIe siècle. Les zones de contact ont été essentiellement le Nord et l'Ouest du pays. Au Nord avec l'expansion des grands Empires ainsi que celle du réseau commercial. Généralement, on admet qu'à l'époque de l'Empire songhaï, il y a eu des mouvements de populations islamisées, colporteurs, marabouts... Cela s'explique par le contexte politique qui prévalait à l'époque dans la boucle du Niger et aussi le glissement des routes caravanières vers la Côte en contact avec les Européens.
Au niveau du Burkina, les premières populations touchées sont celles que l'on désigne sous l'appellation de Dioula, Marka islamisés ou Dating, Yarsés, qui seraient le modèle des Dioula dans le pays mossi. Enfin, nous avons les Peulh et les Haoussa. Voilà essentiellement les peuples introducteurs de l'Islam au Burkina.
Ces populations se sont islamisées soit par le fait du commerce, des voyages, et par la suite on a assisté à un déplacement de missionnaires, c'est-à-dire des marabouts pour consolider les conversions.
Dans le contexte du XVe, XVIe siècle, on peut dire qu'il y a eu une sorte d'échange de services entre les populations anciennement installées telles que les Mossé, les Bobo... une sorte de compromis dans lequel ceux qui introduisaient l'Islam apportaient en même temps les produits de commerce.
Ainsi il y a eu une réceptivité bienveillante de la part des populations autochtones. C'est ce que nous appelons un compromis historique. Les marabouts censés détenir des pouvoirs magico-religieux ont offert leurs services à des rois et des chefs de lignages. Il existe bien de récits qui établissent des conversions de rois suite à des miracles produits par des prières de marabouts.
Ainsi, l'Islam a été toléré comme pratique religieuse jusqu'à un moment donné, car il y a eu rupture de compromis.
Justement, cette rupture nous fait penser à des foyers de résistance pour dire que l'implantation ne s'est pas faite sans heurts. Alors, y a-t-il eu résistances et lesquelles précisément?
Effectivement, il y a eu des résistances et elles sont d'ordre culturel. On évoque par exemple pour ce qui concerne les Mossé, l'échec du jihad de l'Askia Mahomed. On évoque aussi des incursions de Soni Ali Ber, et même qu'il y aurait eu des agressions des populations mossi sur Tombouctou, Oualata, agressions qui seraient une forme de résistance à l'Islam. Il faut dire que ces questions sont encore en débat au niveau des hitoriens, mais dans l'ensemble, il a existé des résistances culturelles sous diverses formes.
La première a consisté à accepter le musulman en lui interdisant de se mêler à tout désordre. De façon plus ouverte, il y a eu des alliances au sommet avec des marabouts sans pour autant autoriser les populations à se convertir à l'Islam. Ce sont là quelques types de résistances auxquelles s'ajoute le refus systématique de certaines populations à l'implantation de cette religion. Il apparaît ici une nuance, car il n'est pas tout à fait prouvé que ce n'est pas la religion musulmane qui était refusée mais plutôt la domination politique des musulmans.
Ce fut le cas par exemple du refus des Mossé face à la tentative de conversion de l'Askia, mais qui en retour acceptaient . les commerçants caravaniers en leur donnant l'autorisation de traverser le royaume, et même dans certains cas, en assurant la sécurité de leurs personnes et de leurs biens. Je pense que la présentation qui fait du Burkina un bouclier contre la pénétration de l'Islam mérite d'être corrigée. La profondeur du fait musulman ne fait pas de doute, tout au moins à partir du XVe siècle.
Pour donc nous résumer, disons qu'à partir du XVIIIe siècle, le compromis est rompu du fait du poids réel des musulmans qui maîtrisent le commerce et aussi du fait des migrations. Il faut ajouter que dans le contexte sous-régional, c'est le jihad sous sa forme de lutte armée qui a contribué à cette rupture. Si bien que dans certaines localités du Burkina, il s'est développé une lutte armée entre certains musulmans et les populations locales. Et malgré tout, les conversions ont continué et le boum réel s'est opéré à la période coloniale.
Il apparaît aujourd'hui un foisonnement de sectes religieuses tant du côté du christianisme que de l'islam. En parlant de ces petites communautés, combien de "mosquées”y a-t-il au Burkina?
Vous dites sectes... Ce n'est peut-être pas le mot qui convient. Les islamologues utilisent des termes plus ou moins variés. Au niveau du Burkina, à la lecture des sources et à la lumière des enquêtes, les premiers musulmans appartiennent à la confrérie de la Quadriya. La confrérie veut dire la voie, le chemin mystique pour atteindre Dieu, le soufisme.
Au plan donc historique, les premiers leaders ont été des Quadri comme d'ailleurs un peu partout en Afrique de l'Ouest. Ainsi on a eu le foyer de Darsalamy au XVIIIe siècle fondé par les Dioula. En pays moaga, il y a le foyer de Rakaye. On peut encore citer le foyer de Ouahabou. La Quadriya est donc la plus ancienne des confréries au Burkina. Dans le monde arabe, elle est apparue au Xlle siècle.
Une autre confrérie du XVIIIe siècle, c'est la Tidjania. El Hadj Omar en est le propagandiste connu en Afrique de l'Ouest. Les Tidjanes sont donc venus supplanter les Quadri au niveau du Burkina sans pour autant les faire disparaître, un phénomène du reste valable pour toute l'Afrique de l'Ouest. Traditionnellement, ce sont ces confréries qui ont existé au Burkina. Plus tard au XXe siècle, une autre confrérie est apparue. On la qualifie de dissidente, il s'agit de la Tidjania onze grains. On les appelle encore des Hamalistes qu'on retrouve à Ramatoulaye dans le Yatenga et à Hamdalaye dans la ville de Ouagadougou. Les autres Tidjanes sont appelés douze grains.
La distinction est faite en rapport avec la récitation de la perle (chapelet), de la perfection, le Zikr. On signale donc la présence des Hamalistes à Ouahigouya dans les années 1930 et au niveau de Djibo avec Abdoulaye Doukouré plus tard fondateur de Hamdalaye entre 1920 et 1930.
En dehors de ces confréries, il y a les écoles juridiques qui se rattachent au droit par opposition à la confrérie qui, elle, s'attache à la mystique, la philosophie musulmane. Ainsi on peut appartenir à la Tidjania et avoir son école juridique à part.
Au Burkina on rencontre la plupart des écoles rattachées au Sunisme avec une prédominance de l'école juridique Malékite. Il existe des adeptes du Hamalisme et probablement du Hanafisme. Le Malékisme est la plus vieille école à avoir pénétré le Burkina. L'école hamaliste elle, s'est renforcée à partir de la période coloniale.
Indépendamment de ces écoles, il y a les tendances. Il faut éviter ici de faire la confusion quand on parle de confréries et de tendances. Je parle de tendances parce que la divergence repose plus sur le fait politique que dogmatique. Ainsi on rencontre au Burkina trois grandes tendances. Ce sont: le Sunnisme, le Chiisme et le Kharidjisme. Cette dernière dont on signale seulement l'existence est elle-même en déperdition au niveau du monde musulman en général.
Confrérie, tendance, on arrive à faire facilement la confusion en se laissant piéger par un vocabulaire judéo-chrétien étranger à la civilisation musulmane.
C'est vrai, il y aussi le comportement des musulmans eux-mêmes qui ont fait de ces nuances des clivages fondamentaux. Cela est peut-être dû à l'ignorance, mais surtout au mode de transmission du savoir islamique qui dans notre pays, se fait essentiellement de façon orale. Ainsi, il serait intéressant par exemple d'étudier la diffusion de l'islam à travers le magnétophone. Une forme de propagation par l'oralité qui a ses insuffisances. La réalité est que le magnétophone possède un pouvoir insoupçonné.
Parlons de l'Islam dans la cour royale. Le Moro Naba possède sa mosquée; est-ce à dire que l'Islam est devenu entre temps une religion de l'Etat-mossi?
L'introduction de l'Islam dans la cour royale date du règne de Naba Dulau (1796-1825). Depuis cette date, les Moro Naba sont devenus officiellement musulmans sans que l'Islam ne devienne la religion de l'Etat-moaga. Parmi les dignitaires de la cour, il y a un imam royal. Remarquez que depuis le règne du Naba Dulgu, tous les Naba ont toujours porté un prénom musulman. Pour ne parler que de l'histoire, il y a le célèbre Naba Koutou. Les symboles extérieurs de l'Islam sont donc la mosquée et aussi la place réservée à l'imam pendant par exemple la cérémonie du vendredi.
La Communauté musulmane ne semble pas avoir la cohésion qui a prévalu à sa création. Vous en tant que spécialiste de l'Islam, comment cette Communauté se présente-t-elle aujourd'hui?
La Communauté musulmane du Burkina est une Organisation qui a regroupé à sa création en 1962 l'ensemble des musulmans du Burkina dans un même cadre. Elle est formée essentiellement par des Sunnites et on y retrouve pratiquement toutes les écoles juridiques.
Par la suite, sont intervenues des crises en son sein, ce qui occasionna la naissance du Mouvement sunnite du Burkina en 1972. Ce Mouvement regroupe ceux qu'on appelle à tort et abusivement les Wahabia. Ils appartiennent à l'école Hambalite dont le dernier réformateur est Abdoul Wahab au XVIIIe siècle. Dans les mêmes circonstances, l'Association islamique de la Tidjania a été créée. Il reste qu'au niveau de la Communauté musulmane, on a toutes les écoles avec une dominance Malékite. Récemment, il s'est créé d'autres associations sans gêner les premières et qui ont pour principal objectif la défense et la propagation de l'Islam.
Parlons également du jeûne avec tout ce qu'il peut avoir comme impact sur l'économie. Quelle commentaire faites-vous de l'incidence socio-économique du Ramadan?
Quand je regarde les habitudes de la population islamisée, on a la certitude que pendant le jeûne, il y a un changement. Ce changement n'a certainement pas pour fondement la religion. C'est peut-être un snobisme social, sinon comment se priver de nourriture toute la journée et le soir avoir des plats supérieurs à la consommation habituelle? Je ne suis pas théologien, mais je ne crois pas que c'est dans l'esprit de la religion. Parce que si le jeûne apparaît comme une pénitence, il n'est pas nécessaire de faire une opération de rattrapage le soir. Et cela Implique une incidence économique certaine.
Il y a un impact sur la consommation du sucre par exemple; des légumes, de la glace... Le mois de carême apparaît comme une mois où les affaires marchent pour certains produits du commerce. On discute également sur la productivité de ceux qui observent le jeûne. On se demande si le carême ne fait pas baisser la productivité? C'est une question que les gens se posent. Je crois que tout dépend du système d'organisation du travail.
Visiblement chez nous, la grande majorité des musulmans se retrouvent dans le secteur du commerce, et si effectivement il y a un impact au sens négatif, il est très moindre. Ceux qui jeûnent accomplissent un effort de purification, et je crois qu'il font tous les efforts pour parvenir à cet idéal.
Fait partie de L'Islam chez nous d'hier à aujourd'hui : un spécialiste en parle